2. Les progrès de la motorisation

La motorisation a enregistré des progrès beaucoup plus conséquents que les architectures.

L'amélioration de la motorisation a été l'élément principal (pour les trois cinquièmes environ) de la progression de l'efficacité énergétique des avions de ligne.

Rappelons que les consommations spécifiques des moteurs d'avion (en kg de passagers/km/siège) ont été divisées par 2,5 en cinquante ans.

Mais toute amélioration éventuelle se heurte aux mêmes interrogations que les architectures : peut-on continuer l'amélioration graduelle qui est déjà planifiée jusqu'en 2020 ou doit-on dès maintenant envisager des ruptures innovantes ?

Dans cette approche, quelles sont, aujourd'hui, les perspectives d'amélioration du rendement des moteurs ?

a) Les turboréacteurs

Dans un turboréacteur moderne, la transformation de l'énergie chimique (le carburant) en énergie propulsive s'opère en deux temps.

Durant le premier, un cycle moteur transforme l'énergie thermique dégagée par la combustion du carburant en énergie mécanique. Cette transformation n'affecte qu'une partie du débit d'air absorbé par le moteur, il s'agit du flux « primaire » fortement comprimé et chauffé.

La poussée du moteur est elle essentiellement créée par l'intermédiaire du flux d'air le plus important, il s'agit du flux « secondaire » qui est comprimé, en utilisant l'énergie mécanique extraite du flux primaire. Le rapport entre le flux secondaire et le flux primaire, appelé taux de dilution, est un des facteurs clefs de la performance de ces moteurs.

Cette ligne de partage trace les deux voies permettant d'améliorer les performances et réduire la consommation des moteurs.

L'amélioration de la qualité du circuit primaire

L'amélioration de la qualité du cycle primaire se traduit par l'augmentation des rendements thermodynamiques, l'augmentation des températures, des pressions et des rendements de transformation. Ces progrès, lents mais continus, suivent ceux des sciences des matériaux et de la mécanique des fluides.

Un premier axe de développement passe par l'amélioration des matériaux, en termes de poids, pour les parties chaudes de la chambre de combustion.

Une seconde voie de recherche porte sur l'amélioration des composants du cycle de combustion ; elle passe par une meilleure compréhension de l'aérodynamique de combustion afin d'élever la température et d'améliorer ce cycle de combustion. En effet, à l'heure actuelle, une partie du carburant s'échappe de la chambre de combustion sans avoir été brûlé.

Toutefois, la dimension réduite du coeur du moteur pourra imposer de recourir pour cette compression supplémentaire à des solutions nouvelles basées, par exemple, sur une combustion à volume constant ou sur un fonctionnement de la chambre de combustion de type « pulse detonation engine » (chambres multiples avec compression par onde de détonation).

Au total, des gains incrémentaux de 10 à 15 % pourraient être obtenus à l'aide de ces solutions.

Les améliorations du circuit secondaire

• les moteurs à hélice contrarotatives ou « open rotor »

L'accroissement de l'efficacité propulsive a été largement explorée jusqu'ici - et s'est, notamment, traduite par l'augmentation de la taille des moteurs qui atteint une limite (à architecture inchangée).

La suppression de la nacelle et des carters constituant le flux secondaire est une manière radicale de repousser très loin cet optimum, mais au prix d'une augmentation du bruit.

L'« open rotor » qui ressemble à un moteur à hélice est, en fait, un turboréacteur de très grande dimension :

Cette avancée technologique pose, cependant, de sérieux problèmes du fait de la suppression de la nacelle de protection du moteur :

- des problèmes d'aérodynamisme qui font qu'une partie des gains attendus sont altérés par la perte d'aérodynamisme,

- des problèmes de sûreté (que se passe-t-il si une des pales se brise et va heurter l'avion ?),

- des problèmes de fiabilité opérationnelle en configuration réelle de vol et durant toute la durée de vie de l'avion,

- et, des problèmes de bruits internes et externes à l'avion.

Un démonstrateur au sol d'« open rotor » devrait être mis en place en 2015 et des essais en vol pourraient être envisagés à compter de 2018.

• Les voies classiques d'une amélioration des modes de propulsion

Si les moteurs à hélices contrarotatives marquent une rupture technologique nette, d'autres voies d'amélioration de l'efficacité propulsive sont envisagées par les motoristes.

Celles-ci s'efforcent d'établir une balance entre l'augmentation du taux de dilution (et donc de l'efficacité de la propulsion) et le volume du moteur ;

Ce sont des motorisations qui limitent certains des inconvénients des « open rotors ».

Ces moteurs à très fort taux de dilution reposent sur des technologies qui permettent d'en limiter le volume.

C'est le cas des moteurs à réducteurs ou GTF (gear-turbo-fan), qui sont à haut taux de dilution mais équipés d'un réducteur de vitesse entre la turbine et le fan qui améliore l'efficacité de la propulsion. Cette solution autorise la turbine à tourner à un régime plus élevé et à être plus petite - d'où une réduction du volume du moteur.

• La feuille de route

Telle qu'envisagée par un motoriste spécialiste des motorisations « court-moyen courrier », la feuille de route des progrès de la motorisation marque bien la différence entre les motorisations (comme les LEAP 1 et 2 qui seront notamment destinés à équiper les A320 neo) dont le taux de maturation est avancé ou très avancé et celles des solutions qui exigent des ruptures technologiques (« UBHR carénés » et « open rotor ») et dont la mise au point ne sera pas effective avant 2030.

Cela revient également à dire que les gains potentiels des progrès de la propulsion seraient de l'ordre de 15 à 20 % d'ici 2020 (par rapport à 2012), mais qu'il faudra attendre 2030 (ou plus) pour obtenir des gains de l'ordre de 30 à 40 %.

De plus, les améliorations escomptées exigeront de façon croissante une intégration des recherches entre les motoristes et les avionneurs. Ce qui renvoie à une autre question : les motoristes qui travaillent pour des avionneurs concurrents (par exemple SNECMA et General Electric, qui équipent les avions de Boeing et d'Airbus), pourront-ils équilibrer leurs efforts de recherche entre ces deux principaux clients ?

b) Les turbopropulseurs

Dans les turbopropulseurs, la combustion des gaz est transformée en force de rotation et renvoyée vers une hélice.

Le rendement de ce système est plus élevé que celui des turboréacteurs mais :

- il plafonne rapidement dès que l'on atteint des vitesses de l'ordre de 550 km/h du fait de la diminution du rendement aérodynamique des hélices ;

- et, la puissance fournie ne permet pas d'appliquer ce système à des avions de ligne de plus de 100 passagers.

Dans la mesure où il n'est pas exclu que la hausse des prix du carburant puisse être plus élevée qu'escomptée d'ici 20 à 30 ans, il semble important de continuer à travailler sur le développement de cette solution technologique qui représente une alternative.

Un premier projet d'amélioration est envisagé par la SNECMA (à un horizon de certification en 2018) avec le double objectif de diminuer de 10 % la consommation et d'améliorer les coûts.

Mais la bonne fin de ce projet exige l'acquisition de technologies spécifiques (générateur de gaz monocorps, turbine de puissance rapide, réducteur, dégivrage électrique des hélices).

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