B. DES AVANCÉES DU PROCESSUS POLITIQUE SONT PERCEPTIBLES

Au Mali, le processus électoral est en bonne voie pour reprendre son cours interrompu en 2012.

1. Une situation favorable pour l'organisation des élections présidentielles
a) Le décalage de calendrier, inévitable, est limité et consensuel

Les décisions prises par les autorités maliennes et en particulier le ministre Moussa Cinko COULIBALY, que vos rapporteurs avaient rencontré à Bamako, se sont avérées judicieuses ; le décalage du calendrier des élections présidentielles et son découplage d'avec celui des élections législatives, que vos rapporteurs avaient prévus, restent limités et sont consensuels.

L'Assemblée malienne a procédé aux réformes nécessaires du cadre législatif, en adoptant le 20 mai le projet de loi modifiant la loi électorale pour tenir compte des modifications induites par l'introduction de la biométrie ainsi que de la présence de réfugiés maliens dans les pays voisins.

Les autorités maliennes ont choisi de constituer le fichier électoral à partir du fichier RAVEC (recensement à vocation d'état civil) de 2010, qui comportait des empreintes digitales et permettait donc de mieux sécuriser, informatiquement, grâce à ce marqueur biométrique, les listes électorales. Certes, certaines personnes titulaires du droit de vote ne figurent pas sur ce registre (en particulier les nouveaux majeurs qui ont eu 18 ans après le recensement de 2010, soit environ 300 000 personnes). Toutefois, sa fiabilité est globalement jugée suffisante.

En outre, c'est la société Morpho-Safran, qui avait constitué le fichier RAVEC, qui a remporté le marché d'édition des cartes électorales (parution au Conseil des ministres du 15 mai du décret d'attribution 18 ( * ) du marché de fabrication des cartes d'identification nationale NINA à la société française Safran-Morpho). La distribution des cartes électorales a commencé le 10 juin.

b) Des obstacles demeurent mais ne sont pas infranchissables
(1) La saison des pluies et le ramadan n'empêcheront pas le vote

Deux obstacles peuvent gêner le déroulement des élections présidentielles, mais ils ne semblent pas infranchissables.

Ces dernières devraient en effet se dérouler non seulement pendant le ramadan, mais aussi pendant la saison des pluies, qui rendra les voies de communication difficilement praticables dans le sud du pays.

Toutefois ces obstacles ne semblent pas dirimants. D'ailleurs le Mali a déjà voté, par le passé, pendant la saison des pluies . Cela a été le cas des trois dernières législatives, sans incidence particulière sur le déroulement du scrutin ni sur le taux de participation.

Tableau n° 2 : Élections au Mali depuis 1992

ELECTIONS AU MALI DEPUIS 1992
(en grisé élections se déroulant pendant la saison des pluies)

Année

Date

Nature

Participation

1992

23-févr

Législatives

21,30%

8-mars

12-avr

Présidentielle

23,60%

26-avr

20,90%

1997

13-avr

Législatives 19 ( * )

33,50%

11-mai

Présidentielle

28,40%

20-juil

Législatives

21,60%

3-août

2002

28-avr

Présidentielle

38,30%

12-mai

30,00%

14-juil

Législatives

23,00%

28-juil

2007

29-avr

Présidentielle

36,20%

1er-juil

Législatives

33,90%

22-juil

Source : ministère des affaires étrangères

Suggestion au Représentant spécial de l'ONU pour le Mali : l'ONU doit contribuer à la sécurisation du scrutin, comme le permet le mandat robuste de la MINUSMA. Le contingent de la MINUSMA à Kidal doit être renforcé. En complément, les forces françaises pourraient servir de garantes au maintien de bonnes conditions de sécurité pour le vote dans certains endroits.

(2) Les déplacés et les réfugiés pourront voter

Les réfugiés et déplacés maliens représentent plus de 400 000 personnes. Ils devraient également avoir la possibilité de voter.

• Pour les déplacés sur le sol malien, les autorités maliennes ont prévu une possibilité de vote en dehors des bureaux de vote où sont inscrits les électeurs ;

• En ce qui concerne les réfugiés :

Selon les chiffres du Haut-Commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR) de janvier 2013, 175 000 réfugiés maliens sont présents dans les pays frontaliers du Mali, principalement la Mauritanie (70 000) , le Niger (50 000) , le Burkina Faso (40 000) et l'Algérie (1 500) .

Pour permettre au HCR d'organiser concrètement, en liaison avec le gouvernement malien et le pays d'accueil, le vote de ces réfugiés, l'accord officiel des pays d'accueil était nécessaire.

Les États voisins auraient pu avoir des réticences , notamment par crainte que l'exercice d'activités « politiques » sur leurs territoires ne pose des problèmes en termes de sécurité. D'ailleurs, la plupart du temps, lorsque c'est possible, les bureaux de vote seront installés en dehors des camps, afin d'éviter une polarisation politique au sein des camps eux-mêmes. Les éventuelles réunions politiques se tiennent à l'extérieur des camps.

Toutefois, aussi bien le Niger que la Mauritanie et le Burkina-Faso ont rapidement donné leur accord, certains États proposant même (Niger) un appui financier et matériel à la future opération. En Algérie, les contacts sont en cours à l'heure où ce rapport est mis sous presse (il y aurait de l'ordre de 1 000 à 1 500 réfugiés maliens 20 ( * ) dans ce pays). Pour accompagner le processus électoral, le PNUD apportera un soutien financier au vote des réfugiés.

(3) La question du financement est partiellement résolue

Mi-juin, la question du financement des élections n'était que partiellement résolue. Les crédits recueillis étaient majoritairement européens (l'Union européenne contribuant pour 22 millions de dollars, et le PNUD pour 1,5 million de dollars), pour l'établissement du fichier électoral, l'impression des documents électoraux, le transport, la logistique, la sécurisation, l'assistance technique.

D'après le rapport du Secrétariat général de l'ONU, il manquait toutefois encore environ 40 millions de dollars pour le financement des élections .

Depuis, la question du financement des élections s'est partiellement réglée. Le PNUD s'était donné pour objectif de réunir 78 millions de dollars dans le fonds panier constitué à cet effet, le gouvernement malien devant apporter de son côté 50 millions de dollars.

Au 26 juin, les contributions versées s'élevaient à 46 millions de dollars (dont 22 millions en provenance de l'Union européenne). Un premier décaissement de 12 millions de dollars est déjà utilisé par le PNUD pour l'accompagnement du processus électoral (formation des 125 000 agents électoraux qui seront présents dans les 25 000 bureaux de vote). Les deux tranches suivantes (22 millions puis 12 millions) seront versées dans les prochaines semaines.

c) L'engagement de la communauté internationale pour le bon déroulement de l'élection présidentielle

Tant l'Union européenne que les Nations unies apportent leur soutien au déroulement de l'élection présidentielle. 2 M€ ont été mobilisés sur l'Instrument de stabilité de court terme de l'Union européenne en appui au processus électoral afin de mener une campagne de sensibilisation et d'information de la population. La mise en oeuvre sera assurée par une ONG spécialisée. Par ailleurs, un appui à la mise à jour de l'enregistrement des électeurs est mis en oeuvre par le PNUD.

15 M€ du Fonds Européen pour le Développement (FED) permettront de soutenir l'organisation des élections . Annoncée par la Haute-Représentante - Vice-présidente Catherine Ashton lors du Conseil Affaires étrangères du 22 avril, une mission d'observation électorale sera financée par l'instrument Européen pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH) et mise en oeuvre par le Service européen d'action extérieure ( 40 observateurs de long terme et 20 de court terme ). L'équipe projet de la mission s'est déployée à partir du 18 juin.

d) Le redéploiement partiel des forces de sécurité à Gao et Tombouctou devrait permettre un vote dans de bonnes conditions

Le redéploiement partiel des forces de sécurité intérieures maliennes dans le Nord se poursuit, ce qui est important dans la perspective des échéances électorales.

La police nationale disposerait désormais à Tombouctou d'environ 75 agents : une cinquantaine au chef-lieu de région, 25 au commissariat de Diré (chef-lieu de cercle). À Gao la police compterait 80 agents, les commissariats de Ménaka et Ansongo (créations) demeurent pour l'instant sans effectif. La garde nationale est présente dans le Nord (au sein des forces armées maliennes). La gendarmerie de Tombouctou compterait environ 125 gendarmes à Tombouctou et 75 à Ménaka.

e) L'Accord préliminaire du 18 juin a prévu les modalités du vote à Kidal

L'accord signé à Ouagadougou le 18 juin prévoit expressément la possibilité d'organiser l'élection présidentielle sur tout le territoire et en particulier dans la région de Kidal .

À cet effet, un cessez le feu est proclamé et un cantonnement des groupes armés est prévu (comme une première étape en vue d'un désarmement ultérieur). Une Commission technique mixte de sécurité est mise en place pour l'observation du cessez-le-feu, la définition de ce cantonnement des groupes armés ainsi que le « redéploiement effectif des forces de défense et de sécurité du Mali » (article 7 de l'Accord).

Placée sous la responsabilité du chef de la MINUSMA, cette Commission mixte, aidée sur le terrain par des équipes mixtes de vérification et de surveillance du cessez-le-feu, doit déterminer les arrangements sécuritaires à Kidal pour permettre le bon déroulement du vote.

C'est elle qui a supervisé la remontée progressive, dans les derniers jours de juin, d'éléments maliens vers Kidal (gendarmerie, administration civile, puis un petit détachement avancé des forces armées maliennes, avec du matériel médical, puis une ou deux compagnies de soldats maliens...).

2. Un vrai doute en ce qui concerne le taux de participation électorale

Depuis le début des années 1990, il y a eu au Mali quatre élections présidentielles et cinq élections législatives. Les taux de participation ont été à chaque fois assez faibles, oscillant entre 20 et 40 %. À Bamako, le phénomène atteint une ampleur plus grande encore avec, par exemple, une participation aux élections législatives de 2007 de moins de 15 % au premier tour et moins de 10 % au second.

Naturellement on ne peut qu'espérer que la très profonde crise que vient de traverser le pays, la plus grave depuis l'indépendance, suscite un élan et joue en faveur de la participation en masse des électeurs.

Graphique n° 3 : taux de participation (en %) aux dernières élections au Mali

Législatives

Présidentielles

3. Un effort à poursuivre jusqu'aux élections législatives

Un découplage a dû être opéré entre les élections présidentielles et législatives, dans la mesure où il n'aurait pas été possible d'organiser ces dernières dans de bonnes conditions, en raison, entre autres, du nombre de déplacés encore important et des conditions climatiques liées à la saison des pluies, qui entravent la capacité à circuler pour rejoindre sa circonscription, deux éléments qui s'appliquaient plus à l'élection législative qu'à l'élection présidentielle.

Vos rapporteurs en prennent acte ; ils l'avaient anticipé et même en quelque sorte suggéré, dès avril, lors d'un entretien avec le ministre en charge de l'organisation des élections, le Colonel Moussa Cinko COULIBALY.

Pour autant, l'élection présidentielle n'est pas l'aboutissement du processus électoral. Les élections législatives doivent se tenir le plus tôt possible. Le mandat des députés est arrivé à son terme et il doit être renouvelé.

Suggestion : Compte tenu des délais d'organisation nécessaires pour tenir le scrutin dans de bonnes conditions, les élections législatives pourraient avoir lieu à l'automne . En tout état de cause, elles doivent avoir lieu avant la fin de l'année 2013.


* 18 Contesté par un concurrent, ce marché a finalement été validé par la Cour suprême

* 19 Annulées par la Cour constitutionnelle

* 20 Source : OCHA

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