N° 737

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 juillet 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les réseaux d' aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) ,

Par MM. Thierry FOUCAUD et Claude HAUT,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Mesdames, Messieurs,

La réussite éducative de tous les élèves figure au coeur des ambitions de l'éducation nationale et nécessite une action dès le plus jeune âge. A cette fin, les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) ont été créés en 1990. Ils ont permis l'intervention de professeurs spécialisés et de psychologues scolaires, en renfort des équipes enseignantes.

Toutefois, entre 2008 et 2012, les 77 000 suppressions de postes dans l'éducation nationale n'ont pas épargné les RASED : quelque 5 000 postes de RASED ont disparu, au détriment de la qualité de l'enseignement pour les enfants qui en avaient pourtant le plus besoin. Les arguments d'organisation semblent avoir essentiellement été mis au service d'une politique de réduction des effectifs, alors que les RASED constituent un outil apprécié et reconnu dans le champ des politiques de l'éducation nationale.

Lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2012, vos rapporteurs spéciaux avaient déjà souligné la priorité à accorder aux RASED, en observant que la mobilisation à travers la France avait alors permis de maintenir une partie des postes menacés.

En décidant de commencer à rétablir les moyens du service public de l'éducation dès la rentrée scolaire 2012, le Gouvernement a choisi une autre voie que celle du remplacement de seulement « un fonctionnaire sur deux » partant en retraite. Le rétablissement de postes dans les RASED figure explicitement parmi les objectifs de création de 55 000 postes, sur la durée de la législature, prévue par le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, adopté sans modification par le Sénat le 25 juin 2013.

Au regard du rôle joué par les RASED pour aider les élèves en difficulté, vos rapporteurs spéciaux ont souhaité établir un état des lieux du dispositif, en rappelant tout d'abord ses objectifs et ses modalités de mise en oeuvre. Après une présentation de l'évolution des moyens humains des RASED, ils ont proposé des orientations pour aménager le dispositif actuel au regard d'une meilleure réussite éducative des élèves. Ils entendent ainsi contribuer à la réflexion qui devrait s'engager, dès cet automne, sur la base des travaux en cours du groupe de travail intercatégoriel mis en place par la direction générale de l'enseignement scolaire et l'inspection générale de l'éducation nationale.

A cet égard, ils ont utilisé les réponses au questionnaire qu'ils avaient adressé au ministère de l'éducation nationale. Ils regrettent que les évaluations des corps d'inspection et de la Cour des comptes ne leur aient pas été transmises. Les données statistiques ont été très détaillées et ont fourni des informations précieuses sur l'évolution et la répartition des RASED.

Vos rapporteurs spéciaux ont complété leur information par des données recueillies sur le terrain, ainsi que lors des auditions conduites par l'un de vos co-rapporteurs spéciaux dans le cadre de l'examen pour avis, au nom de la commission des finances, du projet de loi d'orientation et de refondation pour l'école de la République.

RECOMMANDATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPECIAUX

Recommandation n° 1 : élargir l'accès aux fonctions de psychologue scolaire aux étudiants en psychologie titulaires d'un master, sous condition du suivi d'une formation sur le système éducatif ou de l'admission à un concours spécifique de psychologue de l'éducation nationale.

Recommandation n° 2 : clarifier le régime des aides personnalisées et des aides spécialisées, en soulignant leur complémentarité et en rappelant que les intervenants des RASED n'ont pas à apporter d'aides personnalisées.

Recommandation n° 3 : consolider le régime juridique des RASED dans un décret ou un arrêté qui précise les attributions des intervenants des RASED.

Recommandation n° 4 : renseigner chaque année le nombre de demandes présentées au titre des RASED, ainsi que les effectifs d'élèves suivis par les maîtres E, les maîtres G et les psychologues scolaires.

Recommandation n° 5 : préciser dans les documents budgétaires annexés aux projets de loi de finances la nature des frais de fonctionnement relatifs aux RASED.

Recommandation n° 6 : rembourser intégralement les frais de déplacement des intervenants des RASED et diminuer les délais de remboursement.

Recommandation n° 7 : sur la durée de la législature, rétablir les postes de RASED supprimés entre 2008 et 2012, en complémentarité avec le dispositif « plus de maîtres que de classes ».

Recommandation n° 8 : regrouper l'aide personnalisée et les travaux en équipes pédagogiques dans un volume hebdomadaire de trois heures dédié à la concertation et à l'aide personnalisée.

Recommandation n° 9 : présenter la place et le rôle des RASED dans le guide des parents distribué dans les écoles lors de la rentrée scolaire.

Recommandation n° 10 : faire évoluer les objectifs et les missions des RASED pour les constituer en pôles spécialisés dans la prévention et la réussite à l'école, travaillant en réseau avec les parents et les autres dispositifs sociaux et médico-sociaux.

Recommandation n° 11 : évaluer la sédentarisation des maîtres suite à la réforme de 2009, au regard du nombre d'élèves aidés et de l'efficacité d'un dispositif resserré sur certaines écoles, en examinant l'hypothèse d'une sédentarisation dans les zones d'éducation prioritaire.

Recommandation n° 12 : dans les textes ministériels, réaffirmer que le champ d'intervention des RASED doit couvrir l'ensemble des classes de maternelle et du primaire.

I. LES RÉSEAUX SPÉCIALISÉS : UN OUTIL ÉPROUVÉ POUR AIDER LES ÉLÈVES EN DIFFICULTÉ

A. PLUS DE VINGT ANS D'AIDES SPÉCIALISÉES AUX ÉLÈVES EN DIFFICULTÉ

1. La création des RASED en 1990 : remédier aux limites des groupes d'aide psychopédagogique et des classes d'adaptation

Le besoin d' une aide dédiée aux élèves en difficulté des écoles maternelles et primaires a été identifié de longue date : dès les années 1970 ont été mis en place, d'une part, les groupes d'aide psychopédagogique (GAPP) et, d'autre part, les classes d'adaptation, pour répondre aux questions de psychomotricité.

Chacun de ces deux dispositifs prévoyait la présence d'un psychologue et de deux rééducateurs auprès de groupes de 1 000 élèves, à partir du constat que, dès l'école maternelle, certains élèves rencontraient des difficultés à répondre aux consignes et à s'adapter à la vie collective, créant des handicaps pour leur avenir scolaire.

Jouant un rôle préventif contre l'échec scolaire, les GAPP et les classes d'adaptation ont été critiqués pour leur cadre rigide et une efficacité jugée insuffisante pour améliorer les résultats scolaires.

La création des RASED par la circulaire n° 90-082 du 9 avril 1990 a visé à répondre à ces limites : le nouveau dispositif a été conçu comme plus souple, afin d'apporter des réponses adaptées au cas par cas, limitées dans le temps, selon les besoins identifiés dans les écoles. Il a aussi eu comme objectif d'intervenir aux différents cycles de l'école primaire, alors que les actions des GAPP intervenaient trop fortement sur le seul cycle 3 (avant l'entrée au collège).

2. Trois catégories d'intervenants dans les réseaux d'aides spécialisées

Les RASED réunissent des psychologues scolaires et des professeurs des écoles spécialisés , qui interviennent auprès des élèves de la maternelle au CM2 pour renforcer les équipes pédagogiques des écoles.

Ayant lieu pendant les heures de classe, les aides spécialisées doivent apporter des réponses adaptées aux élèves rencontrant des situations de grande difficulté ou qui pourraient apparaître au regard des fragilités particulières qu'ils présentent.

Les aides spécialisées recouvrent trois formes d'intervention , apportées chacune par des intervenants ayant des compétences spécifiques : les aides spécialisées à dominante pédagogique, les aides spécialisées à dominante éducative et le suivi psychologique.

Les aides spécialisées à dominante pédagogique concernent les élèves qui ont des difficultés pour comprendre et apprendre alors qu'ils en ont les capacités. Elles ont pour objectifs la maîtrise des méthodes et techniques de travail, la stabilisation des acquis et leur appropriation, ainsi que la prise de conscience des facteurs de réussite.

Elles sont assurées par les enseignants spécialisés titulaires du certificat d'aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap (CAPA-SH), ayant suivi l'option E (dominante pédagogique), communément appelés « maîtres E ».

Les aides spécialisées à dominante rééducative concernent les élèves qui ont des difficultés à s'adapter aux exigences scolaires. Elles ont pour objectifs le développement de l'envie d'apprendre et l'adaptation des comportements en milieu scolaire.

Elles sont assurées par les enseignants spécialisés titulaires du CAPA-SH option G (dominante rééducative), appelés « maîtres G ».

La formation préparatoire au CAPA-SH s'adresse à des enseignants titulaires du premier degré. Elle est effectuée en cours d'année sur poste spécialisé.

L'aide spécialisée peut également prendre la forme d'un suivi psychologique . Le psychologue scolaire réalise un bilan approfondi de la situation de l'enfant, en concertation avec les parents, et suit son évolution. Il peut proposer des entretiens aux enseignants et aux parents pour chercher des solutions adaptées au sein de l'école ou à l'extérieur.

Les psychologues scolaires du premier degré sont recrutés :

- parmi les professeurs des écoles et les instituteurs ayant obtenu, à l'issue d'une formation, le diplôme d'Etat de psychologie scolaire (DEPS) ;

- depuis 2009, parmi les professeurs des écoles et les instituteurs n'ayant pas suivi le cycle de formation menant au DEPS mais qui disposent d'un diplôme universitaire leur permettant de faire usage du titre de psychologue.

Si l'action des psychologues scolaires est unanimement reconnue et appréciée, la double condition de diplôme (en psychologie et comme professeur des écoles) réduit la base de recrutement. L'Association française des psychologues de l'éducation nationale (AFPEN) propose ainsi de permettre un recrutement parmi les diplômés d'un master de psychologie ayant suivi une formation de six mois à un an sur le système éducatif ou dans le cadre d'un concours dédié de psychologue de l'éducation nationale. La mise en place des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), en rétablissant une formation initiale pour les professeurs des écoles, offre le cadre approprié à une formation spécifique aux diplômés en psychologie qui interviendraient ensuite dans le domaine de l'éducation nationale. Cet élargissement du nombre de candidats au métier de psychologue scolaire assurerait un vivier suffisant d'intervenants à ce titre dans les RASED.

Recommandation n° 1 : élargir l'accès aux fonctions de psychologue scolaire aux étudiants en psychologie titulaires d'un master, sous condition du suivi d'une formation sur le système éducatif ou de l'admission à un concours spécifique de psychologue de l'éducation nationale.

3. Un régime indemnitaire spécifique à préserver

Les grilles indiciaires des enseignants spécialisés du premier degré intervenant dans le cadre des RASED, qu'ils soient détenteurs du CAPA-SH option E et G ou psychologues scolaires détenteurs du DEPS, est celle du corps auquel ils appartiennent - instituteurs ou professeurs des écoles.

En outre, ils perçoivent :

- s'ils sont professeurs des écoles, l'indemnité de fonctions particulières instituée par le décret n° 91-236 du 28 février 1991 portant attribution d'une indemnité de fonctions particulières à certains professeurs des écoles, soit 834,12 euros par an ;

- s'ils sont instituteurs, la bonification indiciaire de 15 points prévue par les articles 2 et 4 du décret n° 83-50 du 26 janvier 1983 fixant le régime de rémunération applicable aux instituteurs et professeurs des écoles nommés sur certains emplois ou exerçant certaines fonctions, soit 833 euros par an.

Ces primes tiennent compte des sujétions particulières qui s'attachent aux fonctions des enseignants spécialisés intervenant dans le cadre des RASED, ainsi que des conditions de diplôme spécifiques qui leur sont demandées. Elles constituent par ailleurs un facteur d'attractivité. A ces différents titres, elles doivent donc être préservées.

4. Des dispositifs insuffisamment évalués et pilotés, en voie de déclin ?

L'inspecteur de la circonscription évalue l'action du réseau après avoir procédé, avec ses membres, à l'examen critique de son fonctionnement et de ses résultats. Il mène les inspections individuelles nécessaires à l'évaluation de ces différents personnels. Il fait appel, autant que nécessaire, à l'inspecteur de l'éducation nationale responsable du secteur de l'adaptation scolaire et de la scolarisation des élèves handicapés (IEN-ASH).

L' évaluation des RASED a tôt fait l'objet d'une attention particulière de l'inspection générale de l'éducation nationale qui, à l'issue de travaux conduits en 1996 et 1997 , observait qu'ils avaient permis, par rapport aux anciennes classes d'adaptation, une diminution des taux de redoublement. Toutefois, les RASED apparaissaient peu impliqués dans la vie des écoles et intervenaient de manière trop ponctuelle. Par ailleurs, une évaluation qualitative de l'action des RASED restait à mettre en place. Une autre source d'inquiétude concernait les interventions des maîtres G, qui tendaient à privilégier une approche trop psychologique se situant parfois aux limites de la psychothérapie, alors que de telles interventions relèvent du domaine médical et non plus scolaire.

L'absence ensuite d'évaluation pendant une longue période - de 1997 à 2008 - a été révélatrice d'un désengagement vis-à-vis des RASED , absents des textes institutionnels à partir de 2002 . Cet effacement a été perçu comme un signe de déclin par les RASED, les parents et les maîtres.

Dans ce contexte, les réformes de 2008 et 2009 auraient pu remédier à certaines des lacunes observées, en termes d'organisation et de pilotage. Si elles ont apporté des clarifications utiles, elles ont aussi été un facteur de déstabilisation.

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