CHAPITRE I : LA RECHERCHE POUR LE DÉVELOPPEMENT, UN ATOUT MAL CONNU QUE LA FRANCE POURRAIT MIEUX VALORISER

De l'avis unanime des personnes que votre mission a auditionnées, la recherche pour le développement représente pour la France un atout, qui la distingue des autres pays donateurs d'aide publique au développement, mais qu'elle n'exploite pas nécessairement de manière optimale.

I. LA RECHERCHE FINALISÉE POUR LE DÉVELOPPEMENT : UN ATOUT POUR LA FRANCE, UN ENJEU D'INFLUENCE

Notre pays consent un effort quantitatif important en faveur de la recherche pour le développement, mais la mise en oeuvre des partenariats de recherche avec le Sud présente des ambiguïtés, entre recherche, développement et soft power .

A. L'EFFORT FRANÇAIS EN MATIÈRE DE RECHERCHE POUR LE DÉVELOPPEMENT : UN ATOUT POUR NOTRE PAYS

La France dispose d'une gamme complète d'acteurs et d'outils qui sont dédiés ou qui concourent à la recherche pour le développement. Elle y consacre un effort budgétaire soutenu, au service de sa diplomatie scientifique.

1. Une gamme complète d'acteurs et d'outils

Notre pays dispose de nombreux opérateurs qui participent à l'action extérieure de la France en matière de recherche pour le développement ; le simple aperçu de l'ensemble révèle cette spécificité française : entre les opérateurs dédiés aux politiques de développement et ceux qui n'interviennent que ponctuellement dans les pays pauvres, notre pays utilise, depuis déjà longtemps, une gamme complète d'outils de recherche finalisée au service du développement.

a) Deux opérateurs et une agence dédiés : l'IRD (dont l'AIRD) et le CIRAD

Deux grands opérateurs se distinguent d'emblée par leur caractère dédié : l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).

(1) L'IRD (dont l'AIRD)

Héritier de l'Office de la recherche scientifique et technique outre-mer (Orstom) 6 ( * ) , l'Institut de recherche pour le développement (IRD) a le statut d'établissement public à caractère scientifique et technique (EPCST), placé sous la double tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, et du ministère des affaires étrangères . Son périmètre a été modifié en 2010 avec la création, en son sein, de l'Agence interétablissements de recherche pour le développement (AIRD), qui a reçu mission de mobiliser les établissements de recherche et d'enseignement supérieur sur les questions de développement, de veiller à la cohérence des diverses actions de développement, et d'ouvrir le « réseau IRD » à l'ensemble de ces établissements.

Le budget de l'IRD s'établit autour de 230 millions d'euros (dont 88 % proviennent de subventions) et il compte 2 176 agents dont 842 chercheurs et 997 ingénieurs et techniciens, parmi lesquels 1014 (43 %) sont expatriés pour des missions longues de deux à quatre ans à l'étranger (dont la moitié en Afrique et autour du bassin méditerranéen).

La comparaison des trois contrats d'objectifs signés avec l'État depuis bientôt dix ans atteste un véritable tournant dans la méthode d'action de l'Institut . En effet, là où le contrat 2006-2009 énonçait des priorités scientifiques thématiques assez classiques 7 ( * ) , le contrat 2011-2015 est un véritable plaidoyer pour « le développement d'une recherche partenariale avec les Suds » et un guide pratique pour que l'Institut, « opérateur de recherche finalisée, réponde aux enjeux globaux du Sud » 8 ( * ) .

Fruit d'un travail préparatoire important 9 ( * ) , ce contrat critique la méthode suivie depuis des décennies par l'Institut, pour en proposer un changement important. Dans la partie diagnostic, les cosignataires estiment que les projets de l'IRD n'ont pas assez impliqué les partenaires du Sud et que le leadership en revient au Nord, même quand une codirection est affichée et, « d'une manière générale, [que] l'Institut ne s'appuie pas suffisamment sur les partenaires du Sud, qui restent peu représentés dans ses instances statutaires ».

Dès lors, le nouveau contrat d'objectifs énonce que l'IRD s'efforcera :

- de « co-construire des programmes de recherche fondés sur la demande des Suds » (le contrat précise quatre indicateurs de résultats, dont la participation financière des partenaires des Suds);

- de « rééquilibrer les pratiques de partenariat et de renforcement des capacités des Suds » (l'indicateur est ici la part de scientifiques du Sud nommés dans les instances d'évaluation de l'IRD);

- de « restituer les résultats des recherches aux parties prenantes et [d']alimenter le dialogue science-société » (pas d'indicateur associé);

- de « copublier les résultats des recherches en visant l'excellence et [de] les valoriser ensemble » (cinq indicateurs);

- enfin, « [d']élaborer et mettre en oeuvre une charte du partenariat » (l'indicateur en étant le nombre de signataires de la charte).

L'approche thématique n'a pas disparu, puisqu'en tant qu'organisme de recherche finalisée, l'IRD maintient des priorités scientifiques organisées par ses trois départements scientifiques (Santé, Sociétés, Environnement et Ressources). Mais ces priorités thématiques sont d'emblée inscrites dans un contexte globalisé et leur mise en oeuvre passe par de nouveaux outils qui s'inscrivent très bien dans « la doctrine » de la RpD.

Parmi ces outils, on distinguera en particulier :

- des unités mixtes internationales (UMI) et des laboratoires mixtes internationaux (LMI), ainsi que des programmes pilotes régionaux (PPR). Au nombre de 24 (dont dix ont été ouverts en 2012), dont sept en Afrique subsaharienne, les LMI sont installés dans les locaux des partenaires, ils sont copilotés et ils ont vocation à durer, tant qu'ils restent pertinents. Sont mis en avant, en particulier, le LMI « Patrimoines et territoires de l'eau », fondé au Sénégal en collaboration avec des universités sénégalaises et mauritaniennes, un LMI au Gabon sur les zoonoses et un LMI sur les maladies infectieuses au Cameroun et en République démocratique du Congo. Structures de coordination et d'animation paritaires Nord-Sud, les PPR visent à mobiliser et à organiser le travail de chercheurs sur les priorités stratégiques identifiées dans le contrat d'objectifs 2011-2015. Ils sont intégrés, visant à impliquer les partenaires depuis le montage du programme (et des projets), jusqu'à la diffusion de leurs résultats. En 2012, cinq nouveaux PPR ont été labellisés 10 ( * ) ;

- l'AIRD elle-même , qui doit veiller à ce que les programmes de recherche pour le développement procèdent par des partenariats « au Sud, avec le Sud et pour le Sud », selon la formule largement reprise dans la communication de l'IRD. L'Agence est censée, à travers son Conseil d'orientation (COrA), instance paritaire Nord-Sud, « dégager et faire entendre les attentes et les besoins des `Suds' en matière de recherche, de formation et d'innovation au service du développement » - en les explicitant dans un document annuel. Elle doit capitaliser les apports de la recherche pour le développement, apporter sa contribution à la définition de la stratégie nationale de recherche et « faire émerger des programmes labellisés Sud » (notamment à travers les « comités Sud » des Alliances thématiques, auxquelles elle participe, voir infra, mais également en servant de lien avec les institutions européennes). Elle est censée, enfin, coordonner les programmes régionaux pluridisciplinaires et internationaux, en particulier les dispositifs partenariaux ;

- le soutien, par des bourses , à des chercheurs pris individuellement, à des équipes ou à des institutions. A noter en particulier le Programme d'excellence pour l'enseignement et la recherche au Sud (PEERS), qui finance des programmes de recherche et de formation, ou encore les chaires croisées, accordées à un duo de chercheurs (Nord/Sud) ;

- enfin, parmi les outils « herméneutiques », les expertises collégiales , qui visent à faire le point sur des questions de développement et aider les politiques publiques nationales à définir les priorités 11 ( * ) .

Cette inflexion stratégique de l'IRD s'est faite parallèlement à des efforts importants pour une recherche « d'excellence » . En quelques années, l'Institut a considérablement renforcé son intégration dans le monde académique français : alors qu'en 2006, un tiers des unités de recherche de l'Institut étaient mixtes (UMR) avec une ou des universités, 95 % l'étaient devenues en 2012. Cette « umérisation » s'est accompagnée d'une meilleure évaluation (90 % des UMR sont classées A ou A+ par l'AERES) et d'un renforcement des publications : entre 2006 et 2011, les publications des laboratoires de l'IRD ont augmenté de moitié, dont 58 % figurent dans des revues à facteur d'impact élevé et 11 % dans des revues d'excellence 12 ( * ) . Votre mission observe néanmoins que, parmi ces publications des chercheurs de l'IRD, les co-publications avec des chercheurs des pays du Sud ne représentent que 49%.

(2) Le Cirad

Héritier de neuf instituts de recherche agricole tropicale créés dans les années 1940 pour moderniser l'agriculture dans l'Empire français, le Cirad est un organisme de recherche finalisée dans les domaines de l'agriculture, l'alimentation et les territoires ruraux des pays tropicaux et subtropicaux ; il produit et transmet de nouvelles connaissances pour accompagner le développement agricole et contribue au débat sur de grands enjeux relevant de son domaine - sécurité alimentaire, développement rural, réduction des inégalités, connaissance et gestion de la biodiversité, adaptation au changement climatique. Établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), il emploie 1770 salariés, dont 856 cadres scientifiques et son budget s'établit autour de 207 millions d'euros (provenant pour les deux-tiers du budget civil de recherche et de développement technologique, le BCRD 13 ( * ) , et pour un tiers de ressources contractuelles).

Par contraste avec l'IRD, le Cirad est focalisé sur un domaine précis, la production des grandes espèces liées à l'agriculture des zones tropicales et sub-tropicales : banane, canne à sucre, coton, riz, sorgho, cacao, café, hévéa, palmier à huile, productions animales, essences forestières de ces zones. Cependant, il a lui aussi opéré un « tournant stratégique » à partir de 2007 , qui s'est traduit par la définition de six grands axes de recherche et d'une méthode d'intervention renouvelée, visant à assurer la cohérence des productions du Centre et à favoriser l'intégration des recherches. Sa « vision stratégique 2012-2022 » 14 ( * ) énonce clairement « une conviction : une société ne saurait se développer sur le long terme sans produire elle-même les connaissances dont elle a besoin pour imaginer et construire son avenir », ce qui a pour conséquence que « seul le renforcement de la culture scientifique dans les pays les plus démunis permettra de réduire la fracture entre pays et cheminer vers un développement durable à l'échelle planétaire ». Dès lors, pour « faire de la recherche un outil de développement », « le Cirad propose aux institutions des pays du Sud et de l'outre-mer français de travailler à la construction d'un système mondial de recherche agronomique partagé et distribué ».

Le mode d'action des quelque 36 unités de recherche du Cirad recourt largement à l'aller-retour entre la France et la cinquantaine de pays du « Sud » dans lesquels le Cirad intervient. Ainsi, le centre de Montpellier fournit-il aux chercheurs, agriculteurs et responsables du Sud des méthodes scientifiques (analyse des génomes, amélioration des plantes), des techniques (culture in vitro , biologie moléculaire, analyses minérales), des outils d'analyse (bases de données, statistiques), des prestations plus complètes (identification de maladies tropicales, sélection variétale) ou encore de l'expertise (conception et évaluation de projets, appui aux politiques de recherche agronomique nationales et internationales). Le même centre reçoit également, pour des programmes de formation, quelque 800 chercheurs et techniciens par an.

De manière plus spécifique encore, le Cirad met en place un outil pour intervenir dans les pays les moins avancés : le dispositif en partenariat.

LES DISPOSITIFS EN PARTENARIAT SELON LE CIRAD

Dans sa réponse au questionnaire de votre Mission, le Cirad a largement souligné l'intérêt de cet outil récent qui coïncide avec la recherche pour le développement :

Un objectif : contribuer au développement des pays du sud par une recherche de qualité :


• Produire des connaissances scientifiques utilisables pour répondre à des enjeux de développement.


• Renforcer les compétences scientifiques des partenaires par la formation et l'enseignement supérieur.


• Promouvoir la souveraineté des communautés scientifiques concernées au sein de la recherche agronomique mondiale.

Un principe : le « faire ensemble » :


• Identifier les enjeux de développement propres à une région donnée.


• Les traduire en questions de recherche élaborées conjointement.


• Partager des moyens de production scientifique avec l'ensemble des acteurs concernés.


• Constituer un portefeuille dynamique de projets de recherche.


• Valoriser les résultats sous forme de publications et d'expertises et favoriser leur usage pour le développement.

Une gouvernance paritaire :

- Un pilotage collégial par l'ensemble des partenaires.

- En principe, trois instances de gouvernance : un comité de pilotage, instance décisionnelle et d'orientation où siègent les directions des institutions membres ; un comité scientifique, formé de personnalités internes et externes ; une cellule de coordination qui gère les activités au quotidien.

- Des présidences tournantes selon des modalités inscrites dans les accords

- Une évaluation externe, commanditée par le comité de pilotage, tous les 4-5 ans, qui fournit l'occasion d'actualiser ou définir une feuille de route stratégique.

- Une mise à disposition équilibrée des ressources humaines, matérielles et financières par les institutions membres.

Des formes institutionnelles adaptables aux contextes :

- Des pôles à vocation nationale ou régionale dans les pays du Sud.

- Des pôles dans l'outre-mer français, à rayonnement régional ;

- Des réseaux thématiques transnationaux.

- La communauté scientifique montpelliéraine et ses collectifs thématiques de recherche nombreux, de renommée internationale, en appui à l'ensemble.

Des moyens à la hauteur du caractère prioritaire de l'outil nouveau :

- des mesures incitatives spécifiques : équipement, financement de thèses ou de post docs, de missions et d'échanges, organisation de séminaires, etc. (10 M€ de mesures incitatives,)

- la mobilisation d'équipes importantes : à l'étranger, 200 chercheurs et 200 équivalents temps plein de missions, 150 chercheurs dans l'outre-mer français.

- de la formation et des échanges universitaires : 3 000 heures d'enseignement dans les universités du Sud.

Enfin, d'une façon tout à fait comparable à l'IRD, le Cirad met en avant sa capacité de concilier partenariat avec « les Suds » et excellence de la recherche . Son document stratégique concilie clairement l'objectif de « contribuer à l'évolution des questionnements sur le développement » et celui « d'y répondre par une production de connaissances scientifiques et techniques adaptée et de haut niveau . » Et le Centre se félicite d'associer étroitement les chercheurs « des Suds » à cette recherche d'excellence : les partenaires cosignent plus de la moitié des publications engageant un chercheur du Cirad.

b) Des acteurs et des outils non dédiés, qui sont mobilisés pour le développement des pays du « Sud »

L'action extérieure de la France en matière de recherche pour le développement recouvre également de nombreuses interventions d'établissements de recherche, qui coopèrent seuls ou en consortium avec des partenaires du « Sud », aussi bien que d'autres acteurs publics - au premier chef les collectivités territoriales - et des organisations issues de la société civile. Votre mission ne saurait décrire chacune de ces interventions, ni tous les outils qu'elles mobilisent : les auditions qu'elle a conduites dessinent cependant quelques lignes de force dans ce paysage, en particulier des points de rencontre en matière de méthode et d'attentes vis-à-vis des pouvoirs publics.

(1) Des établissements de recherche et une agence de programmation et de moyens

Les grands établissements de recherche français, sauf exception, entretiennent tous des relations avec les pays du « Sud », parmi d'autres pays du monde. Un constat d'ensemble est apparu à votre mission : sauf lorsqu'ils entretiennent des plateformes techniques dans les pays les moins avancés, comme l'Institut Pasteur, ces établissements de recherche n'ont pas développé d'outils de partenariat spécifiques avec les pays les moins avancés, en particulier sur le volet « renforcement des capacités » : leur mode d'intervention passe davantage par des missions de courte ou moyenne durée, sur des terrains de recherche qui varient au gré des projets - ce qui n'interdit pas une présence régionale continue, avec une représentation permanente à l'échelle d'un continent ou d'un sous-continent. Ce faisant, les établissements de recherche comptent sur l'IRD et sur le Cirad lorsqu'ils interviennent dans des pays où ces deux instituts dédiés sont présents - ils comptent sur eux, parmi les autres outils de la coopération scientifique française, pour leur faciliter l'accès aux terrains beaucoup plus que pour un partage ou une co-définition des objets ou des méthodes de recherche.

L'Institut Pasteur - fondation privée reconnue d'utilité publique - fait exception dans cet ensemble, du fait de son implantation physique à l'étranger, continue depuis la création de l'Institut. Le Réseau international des Instituts Pasteur compte 32 établissements , où sont expatriés 66 chercheurs, dont 24 experts techniques internationaux (financés par le ministère des affaires étrangères). Le domaine d'action des Instituts Pasteur est bien ciblé : la réponse aux maladies infectieuses, en particulier les pandémies, les maladies liées à la pauvreté et les principales causes de maladies maternelles et infantiles. Le réseau international des Instituts Pasteur définit des orientations stratégiques, en concertation avec les autorités de santé des pays du « Sud », et en interaction avec les projets portés par chaque Institut. L'articulation avec les autorités nationales est présentée comme étroite et l'Institut contribue au renforcement institutionnel de l'administration sanitaire du pays (constitution de données sanitaires, etc.) aussi bien que de la communauté scientifique (formation au sein de l'Institut, bourses).

L'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) a elle aussi un objet spécialisé et un impératif de présence à l'étranger, où elle a défini, depuis longtemps, des modalités de partenariat étroit avec les autorités administratives et sanitaires, aussi bien qu'avec les chercheurs. L'Agence concentre ses moyens humains et financiers dans huit « pays sites » 15 ( * ) , où les équipements et les projets de l'Agence sont placés sous la responsabilité conjointe d'un coordonnateur « Nord » et d'un coordonnateur « Sud », qui définissent ensemble les priorités de recherche. Dans les appels d'offres qu'elle lance sur des projets de recherche ou pour des allocations de recherche, l'ANRS pose comme condition que les projets dans les pays du Sud doivent inclure au moins une équipe française et une équipe relevant du ou des pays où se déroule la recherche. Une fois réalisés, les projets sont évalués par un comité scientifique indépendant de l'ANRS, composé d'une quinzaine de chercheurs et cliniciens français et étrangers, du Nord et du Sud (des associations de patients du Sud et du Nord en sont également membres actifs).

Dès 2002, l'ANRS a défini une charte des règles d'éthique et de bonnes pratiques, auxquelles elle s'engage dans les pays du Sud. Y figure en particulier le partenariat tout au long du projet, de sa définition à la restitution des résultats, en passant par la collaboration avec les programmes de santé publique des pays participants.

Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'Inserm, l'Inra, le Museum d'histoire naturelle, aussi bien que les Universités , développent des coopérations avec des organismes de recherche du monde entier, dont il est particulièrement difficile d'apprécier le contenu effectif.

S'agissant des universités, votre mission se fait l'écho de ce que trop souvent, les accords de coopération interuniversitaire ne seraient que des « coquilles vides ». Cependant, d'anciennes et profondes relations de travail existent entre certaines universités du Nord et du Sud (voir infra pour des exemples au Tchad), qui participent très concrètement au renforcement mutuel des compétences et qui nourrissent des flux d'échanges d'étudiants et de chercheurs du Nord et du Sud. Et d'une manière plus générale, les choses paraissent évoluer rapidement : augmentation du nombre de laboratoires internationaux « co-portés » par des universités du Nord et du Sud, définition de programmes communs, mise en oeuvre de stratégies communes - les universités se projettent davantage à l'international 16 ( * ) .

Ces acteurs sont très généralement associés dans la plupart des projets de relevant de la recherche pour le développement. Dans le cadre d'un programme de lutte contre l'encéphalite en Asie du Sud-Est, par exemple, un laboratoire au Cambodge fait l'objet d'un projet commun entre l'Institut Pasteur, l'INSERM, l'IRD, le Cirad et la Fondation Mérieux.

(2) La contribution d'autres acteurs

Votre mission voudrait citer ici à titre de mémoire et sans pouvoir les analyser, la myriade d'initiatives et de soutiens ponctuels qui existent dans le domaine de la recherche pour le développement des pays du Sud - soutiens apportés par les collectivités territoriales au premier chef, mais aussi par des ONG et des fondations publiques ou privées.

Lors de ses auditions, elle a relevé en particulier :

- l'importance de la coopération décentralisée, qui va bien au-delà des montants investis . Selon les informations transmises par le ministère des affaires étrangères à votre rapporteure, 29 collectivités territoriales françaises sont engagées dans des projets de coopération scientifique 17 ( * ) avec 61 collectivités locales partenaires dans 28 pays (pas nécessairement du Sud) : si l'on rapporte ces données à l'ensemble des 12 800 projets de coopération décentralisée, il apparaît que moins de 1 % des coopérations décentralisées concernent la coopération scientifique et technique. Pourtant, lorsque des collectivités territoriales s'associent et que leurs représentants partagent leurs expériences et leurs projets, lorsque cette coopération se maintient dans le temps, les conséquences en sont nombreuses et imprévisibles, car ce sont bien des communautés humaines qui se rencontrent et qui se parlent, condition première d'un partenariat au sens plein du terme . Comme en a témoigné un très bon connaisseur de la coopération décentralisée en Afrique, « la coopération décentralisée donne des résultats concrets, elle s'inscrit dans la durée, elle se soucie du développement institutionnel des collectivités locales de part et d'autre, et elle a aussi une dimension culturelle où, par essence, les partenaires sont à égalité. » 18 ( * )

- le rôle décisif des associations, à l'exemple de Sidaction , devenue incontournable pour la recherche en partenariat sur le VIH et les hépatites ; en plus du soutien qu'elle apporte à la formation des jeunes chercheurs venant parfois du Sud, l'association finance des recherches par deux dispositifs complémentaires : une aide aux équipes (fonctionnement, équipement, personnel technique) et des bourses à de jeunes chercheurs 19 ( * ) ; cependant, le partenariat au Sud porte sur l'épidémiologie, la recherche clinique et les questions relevant des sciences sociales - la recherche fondamentale étant, elle, plutôt réalisée au Nord. Votre mission a également recueilli le témoignage d'une ONG dédiée à la diffusion des innovations : le groupe de recherches et d'échanges technologiques (GRET) ; comme utilisateur des résultats des recherches, cette ONG questionne les chercheurs et vise à rendre les innovations les plus utilisables par les populations ; elle fait elle-même travailler des chercheurs pour améliorer la portée des innovations et accueille dans ses équipes des étudiants, qui y trouvent un tremplin pour la poursuite de leur parcours universitaire 20 ( * ) ;

- la coopération d'entreprises privées , à l'exemple de la Fondation Total avec l'Institut Pasteur et avec l'ANRS pour renforcer les capacités de prévention, de diagnostic et de traitement des pathologies infectieuses et du VIH en particulier. Cette fondation a installé en 2010 une Chaire Françoise Barré-Sinoussi, dotée d'un comité de pilotage commun (Fondation Total, Institut Pasteur, ANRS) et elle s'est engagée à verser 1,8 million d'euros annuels pendant cinq ans pour l'équipement et le fonctionnement du nouveau laboratoire de Françoise Barré-Sinoussi ; une telle organisation facilite l'action contre des infections ciblées, ainsi qu'un renforcement ponctuel de capacités, via l'accueil d'étudiants et de chercheurs du Sud sur la plateforme de l'Institut pasteur 21 ( * ) ;

(3) Des outils non dédiés, mais mobilisables pour « les Suds »

La présentation de l'action extérieure de la France en matière de recherche pour le développement doit également faire sa place à des outils qui ne sont pas dédiés aux pays les moins avancés, mais qui sont mobilisables aux fins de recherche pour le développement - en particulier les bourses et les programmes de mobilité étudiante « Hubert Curien ».

La France a une longue tradition d' accueil des étudiants étrangers , en particulier des pays du « Sud » : parmi les 290 000 étudiants étrangers accueillis cette année dans notre pays ( 12,6 % du nombre total d'étudiants), chiffre qui a doublé depuis 2005, plus de la moitié sont originaires des pays du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne 22 ( * ) . Globalement, la part des étudiants étrangers progresse depuis la licence jusqu'au doctorat, 38 % des doctorants étant étrangers, et plus d'un tiers d'entre eux sont issus d'Afrique ; enfin, 41 % des thèses soutenues en France le sont par des étrangers .

S'agissant des bourses accordées par le Gouvernement français , le tableau suivant, constitué par votre mission à partir des données fournies mar le ministère des affaires étrangères, montre leur évolution et leur répartition géographique entre 2007 et 2012 :

2007

2012

Bourses d'études du Gouvernement Français
2007-2012

Ensemble des bourses d'études

Bourses de doctorat

Bourses de doctorats/ ensemble des bourses d'études

Bourses de doctorats par zone géographique/ total bourses de doctorats

Ensemble des bourses d'études

Bourses de doctorat

Bourses de doctorats/ ensemble des bourses d'études

Bourses de doctorats par zone géographique/ total bourses de doctorats

Europe

4 672

600

13 %

17 %

1 889

347

18 %

15,8 %

Amérique

2 598

300

12 %

8,8 %

1 068

159

15 %

7,2 %

Afrique

(dont Afrique

subsaharienne)

8 842

(6 198)

862

(587)

10 %

(9 %)

24,4 %

17,3 %

3 322

(2 028)

563

(325)

17 %

(16 %)

25,7 %

(14,8 %)

Asie-Océanie

6 220

725

12 %

21,3 %

2 107

563

27 %

25,7 %

Proche et Moyen orient

5 559

909

16 %

26,7 %

1 231

560

45 %

25,7 %

Total

27 891

3 396

12 %

100 %

9 617

2 192

23 %

100 %

Source : CNOUS et Campus France

Ces chiffres montrent qu'en cinq ans , le nombre de bourses du gouvernement français a chuté des deux tiers, et celui des bourses de doctorat a baissé d'un tiers ; cette diminution importante s'accompagne d'une relative stabilité géographique, avec cependant une plus forte hausse des bourses doctorales à l'ensemble Asie-Océanie.

Les Partenariats Hubert Curien (PHC) , quant à eux, sont des programmes bilatéraux de soutien à la mobilité des chercheurs entre des laboratoires de recherche ; géré par le ministère des Affaires étrangères en liaison avec celui de l'Enseignement supérieur et de la recherche 23 ( * ) , ce programme est partenarial : appels à propositions bilatéraux, double évaluation des propositions (qui doivent être déposées dans les deux pays), sélection des projets par un comité mixte qui se réunit alternativement en France et à l'étranger - et financement conjoint des deux parties, le plus souvent à parité. Actuellement, les 67 PHC ou programmes assimilés représentent chaque année plus de 2 000 projets (dont 1 000 avec l'Europe) et 80 % des projets conduisent à la publication d'un ou plusieurs articles dans une revue référencée. Cependant, les PHC ne concernent à ce jour aucun PMA.

2. Un effort budgétaire soutenu

L'essentiel des crédits consacrés à la recherche pour le développement est concentré sur les programmes budgétaire 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 187 « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources » du ministère de la recherche. Ces crédits vont aux opérateurs de recherche (IRD, CIRAD, CNRS, ANRS, INSERM...).

Le montant des dépenses effectuées par ces organismes de recherche français oeuvrant en faveur du développement est comptabilisé dans l'aide publique au développement et s'élève à 360 millions d'euros en 2012 avec la répartition suivante :

(en millions d'euros)

Programme Source

APD 2009

APD 2010

APD 2011

APD 2012

Montants opérateurs de Recherche

IRD

P 187

198

201

216

223

CIRAD

P 187

127

131

129

128

ANRS

P 172

10

15

7

4

CNRS

P 172

0

0

8

INSERM

P 172

0

6

5

5

Autres instituts

P 187- CEMAGREF
P 172 INSERM
Autres dont
P 189 et P 192

1

1

0

0

Total instituts de recherche

336

355

365

360

Source : Direction générale du Trésor.

Ne sont recensées que les dépenses éligibles à l'APD aux termes de la définition de l'OCDE : les apports de ressources qui sont fournis aux pays en voie de développement qui émanent d'organismes publics, y compris les États et les collectivités locales, ou d'organismes agissant pour le compte d'organismes publics, sachant que chaque opération doit en outre avoir pour but essentiel de favoriser le développement économique et l'amélioration du niveau de vie de ces pays. La liste des pays en développement est définie par l'OCDE sur la base du revenu par habitant inférieur à 12 275 dollars par an.

L'évolution de ces crédits montre une relative stabilité avec une légère augmentation au profit de l'IRD.

360 millions constituent un budget non négligeable si on le compare aux subventions des programmes 209 et 110 de la mission « aide au développement », consacrées aux 17 pays pauvres prioritaires, qui s'élevaient à 200 millions en 2010, en diminution de presque 30 % depuis 2006.

Pays pauvres prioritaires

2006

2007

2008

2009

2010

Subventions (en millions d'euros)

271

246

243

205

199

Source : MAEE

Alors que de nombreux observateurs considèrent que 200 à 500 millions d'euros sont nécessaires pour rétablir les marges de manoeuvre de la politique de coopération bilatérale et répondre aux nouveaux besoins liés aux évolutions en Méditerranée et au Sahel, la France continue à consacrer un budget important à cette recherche pour le développement .

Ces 360 millions ne représentent cependant qu'un peu moins de 4 % de l'aide au développement française et presque 12 % si on y ajoute les frais d'écolage qui correspondent à la prise en charge des étudiants issus des pays en développement.

Total instituts de recherche

(en millions d'euros)

336

355

365

360

APD totale

9 048

9 751

9 345

9 358

%APD

3,71%

3,64%

3,90%

3,85%

Montants Ecolage

P 150 et P 231

665

697

694

714

%APD

7,35%

7,15%

7,42%

7,63%

Total MESR

1 001

1 051

1 058

1 074

APD totale

9 048

9 751

9 345

9 358

%APD

11,07%

10,78%

11,33%

11,48%

Source : Direction générale du Trésor.

Le rattachement des crédits de la recherche pour le développement aux crédits de la recherche et non à ceux de la mission aide au développement est significatif . Il explique en partie la prééminence des problématiques de recherche sur celle de son application au développement.

Comme le souligne le rapport d'évaluation de l'Institut de recherche pour le développement par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur : « S'il est vrai que les travaux que mène l'IRD ont davantage vocation à déboucher sur une recherche finalisée qui justifie son rattachement au programme 187, en revanche ce positionnement est problématique à plusieurs égards . »

D'une part, ce programme est défini en référence à la stratégie nationale de recherche et d'innovation, centrée sur la France et l'Europe, alors que l'IRD produit une recherche destinée au Sud. D'autre part, les problématiques du programme 187 ne couvrent pas tous ses champs scientifiques. L'IRD est un institut dédié à la recherche pour le développement, notion qui n'apparaît pas dans l'annexe budgétaire qui définit le programme 187 auquel émarge l'institut.

De surcroît, l'APD relève d'une mission spécifique à laquelle l'IRD n'émarge pas. C'est dans la description de cette mission qu'apparaît la notion de « recherche au service du développement », en particulier dans le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ». C'est l'action « Politiques et stratégies sectorielles bilatérales dans les pays de la ZSP et les PMA » de ce programme qui mentionne cette notion. C'est de ce programme 209 que relèvent les fonds de solidarité prioritaire (FSP), soit 5 à 6 millions d'euros, que le Ministère des affaires étrangères a pu utiliser, au cours de ces dernières années, pour financer une trentaine de programmes de recherche dans presque 60 pays. Ces projets ciblent des besoins prioritaires répondant aux grands défis de la recherche pour le développement. Ils ont aussi participé au renforcement des équipes et institutions de recherche scientifique du Sud et permis la mise en place de réseaux de recherche. On peut citer, à titre d'exemple, le FSP mobilisateur PARRAF (Programme d'Appui à la Recherche en Réseau en Afrique).

Il est vrai que le rattachement de l'IRD au programme 209 soulèverait la question de son intervention dans les régions (ROM), départements (DOM) et collectivités d'outre-mer (COM) puisqu'ils ne sont ni des pays de la Zone de Solidarité Prioritaire ni des Pays les Moins Avancés.

Votre mission rappelle néanmoins que la politique de recherche en faveur du développement s'inscrit dans le cadre de l'effort conséquent de la France en faveur de l'aide au développement qui s'élève à 10 milliards d'euros , déclarée à l'OCDE pour un effort relatif de 0,46 % en 2011 . La France a été en 2011 le troisième bailleur mondial en volume d'APD nette déclarée, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni . En rapportant cette aide au revenu national brut, la France apparaît comme le 10 ème contributeur en termes d'effort relatif par rapport au revenu national du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE.

APD de la France par type d'activité
(données 2000-2010 et prévisions pour 2011-2013)

En millions d'euros ; source : DG Trésor 2011 et base de données du CAD

Le Parlement vote surtout, à travers la mission « Aide publique au développement », les crédits des deux principaux programmes concourant à la politique française d'aide publique au développement : le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » et le programme 110 « Aide économique et financière au développement ». De ce fait, les problématiques de recherche pour le développement sont rarement débattues dans le cadre du débat budgétaire relatif à l'APD.

La mission « Aide publique au développement » ne recouvre cependant que 35 % de l'effort d'aide publique au développement consenti par la France.

Les 65 % de l'APD qui ne figurent pas dans la mission « Aide au développement » sont répartis dans 10 missions et 23 programmes, dont précisément les programmes budgétaires 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 187 « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources » du ministère de la recherche auxquels émargent les organismes de recherche pour le développement.

Ces crédits sont néanmoins recensés dans un document de politique transversale (DPT) communiqué au Parlement dans le cadre du débat budgétaire dont est issu le tableau ci-dessous.

Exécution 2011

LFI 2012

PLF 2013

Numéro et intitulé du programme ou de l'action

Crédits de paiement

Part APD

Crédits de paiement

Part APD

Crédits de paiement

Part APD

105

Action de la France en Europe et dans le monde

1 822 092 860

140 864 890

1 783 346 731

146 612 000

1 865 746 111

152 488 380

110

Aide économique et financière au développement

1 182 645 663

903 615 645

1 191 903 953

885 809 863

1 161 898 434

867 125 512

114

Appels en garantie de l'État (crédits évaluatifs)

598 642 430

28 115 109

189 400 000

3 000 000

207 900 000

2 800 000

124

Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

1 504 884 555

6 878 830

1 481 361 626

6 802 639

1 560 123 184

6 326 454

142

Enseignement supérieur et recherche agricoles

297 928 851

5 017 000

307 042 801

5 050 000

308 793 759

5 050 000

143

Enseignement technique agricole

1 285 576 624

5 220 000

1 303 098 934

5 250 000

1 324 768 743

5 250 000

144

Environnement et prospective de la politique de défense

1 782 981 053

18 695 633

1 788 993 378

18 810 000

1 909 190 508

24 550 000

150

Formations supérieures et recherche universitaire

12 365 962 943

684 737 006

12 511 247 419

757 047 672

12 760 347 649

770 903 482

152

Gendarmerie nationale

7 720 641 542

45 892 769

7 852 945 241

51 766 167

7 940 991 443

52 248 022

154

Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires

1 909 764 932

336 773

2 170 408 692

300 000

1 795 109 419

300 000

155

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

747 928 905

338 676

742 058 088

338 676

782 657 593

338 676

163

Jeunesse et vie associative

213 371 215

300 000

229 970 979

300 000

230 522 000

300 000

172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

5 033 314 886

20 063 861

5 121 883 472

20 063 861

5 166 763 289

20 063 861

178

Préparation et emploi des forces

23 395 921 033

5 244 235

22 204 404 848

4 740 000

22 432 968 395

3 950 000

181

Prévention des risques

285 785 859

225 000

306 086 394

200 000

284 983 187

200 000

185

Diplomatie culturelle et d'influence

736 377 944

245 809 890

751 690 529

243 957 000

747 605 428

242 037 755

187

Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

1 237 308 892

344 589 872

1 250 149 388

344 589 872

1 281 772 133

344 589 872

190

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables

1 444 433 885

22 697

1 352 341 869

33 250

1 380 488 070

42 718

209

Solidarité à l'égard des pays en développement

2 087 003 380

2 023 316 207

2 106 352 293

1 891 323 000

1 963 706 031

1 962 203 000

219

Sport

234 897 759

499 378

255 438 709

481 378

232 240 359

481 378

231

Vie étudiante

2 176 922 547

8 764 968

2 168 623 845

9 539 031

2 324 936 625

9 539 031

301

Développement solidaire et migrations

27 681 073

27 681 072

25 000 000

25 000 000

0

0

303

Immigration et asile

646 332 095

392 300 069

560 153 404

408 142 029

604 710 000

385 702 944

731

Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État

716 194 737

54 322 548

1 000 000 000

56 175 458

9 140 491 000

56 671 668

851

Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure

287 990 502

287 990 502

390 000 000

390 000 000

447 000 000

447 000 000

852

Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

216 831 708

216 831 708

986 640 000

986 640 000

250 210 000

250 210 000

853

Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

162 400 000

162 400 000

318 000 000

318 000 000

330 000 000

364 000 000

192

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

209 760

209 760

209 760

Source : Document de politique transversale, 2013.

En dehors des programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 187 « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources » du ministère de la recherche, il est difficile de retrouver précisément la part consacrée à la recherche pour le développement, notamment dans les ministères techniques comme l'agriculture et la santé et même au sein du ministère des affaires étrangères qui participe à cet effort notamment à travers les assistants techniques qui peuvent être mis à disposition d'instituts de recherche à l'étranger tels que les Instituts Pasteur.

L'effort budgétaire de la France en matière de recherche pour le développement est donc soutenu, mais la complexité et la dispersion des lignes budgétaires de la coopération ne permettent pas de le mettre en valeur.

Comme l'a souligné M. Guillaume Grosso, directeur de One France, lors de son audition par votre rapporteure, cette présentation budgétaire complexe soulève trois difficultés : elle crée un amalgame entre coopération technique et recherche , elle brouille toute vue d'ensemble et l'élaboration d'une stratégie efficace , enfin elle ne renseigne pas sur ce qui relève réellement des actions ayant un impact sur le développement du Sud .

Votre mission estime que le Document de Politique Transversale pourrait opportunément recenser en son sein précisément l'ensemble de ces crédits qui concourent à cette politique de recherche pour le développement.

Elle souligne en outre qu'en complément du budget de l'Etat, la recherche partenariale mobilise d'autres ressources publiques : d'une part, les collectivités territoriales françaises y contribuent, à travers les coopérations décentralisées menées en ce domaine ; d'autre part, les pays du Sud y consacrent des moyens, tant financiers que matériels. Enfin, des fonds privés participent au financement de la recherche pour le développement , via des ONG, des fondations...

3. Une pièce maîtresse de la diplomatie scientifique

Dans le sillage du Général de Gaulle, la politique de coopération a incontestablement représenté pour la France un moyen de préserver son influence au Sud, et particulièrement en Afrique. Dans son livre Politique I , paru en 1977, François Mitterrand écrit : " Le premier devoir de la France, c'est de tout faire pour que les liens ne soient pas coupés, de tout faire pour que nos frères africains restent unis à notre destin... La France reste celle qui conduit, celle dont on a besoin, celle à laquelle on se rattache. II ne pourra y avoir d'histoire authentique de I`Afrique si Ia France en est absente ." 24 ( * ) Cette vision a encore prévalu pendant plusieurs décennies : « Il n'y a pas de hiatus dans la politique africaine de la France avant mai 1981 et après. Si la méthode a changé, l'objectif est resté. II consiste à préserver le rôle et les intérêts de la France en Afrique . » 25 ( * )

Héritiers de cette histoire en toile de fond, les acteurs, outils et financements qui font vivre la recherche pour le développement participent de notre diplomatie scientifique, notion qui a pris de l'importance ces dernières années, au gré de la compétition internationale entre producteurs de recherche : la recherche est partie intégrante de la puissance « douce » ou soft power de notre pays, de son influence dans le monde . Aujourd'hui, le ministère des affaires étrangères considère explicitement « la science comme vecteur d'influence de la politique étrangère de la France », dans son récent rapport sur la diplomatie scientifique de la France 26 ( * ) . Dans ce contexte, la recherche en partenariat avec les pays du Sud est d'autant plus importante à établir aujourd'hui, qu'elle confortera nos liens avec « les émergents de demain ».

a) La France concurrencée de manière croissante, y compris dans les Etats ayant des liens historiques avec elle

Si l'exploration et la connaissance (devenue scientifique) du monde ont toujours eu partie liée aux politiques de puissance, l'importance prise par le marché mondial et le rôle qu'y ont pris les firmes multinationales 27 ( * ) ont profondément changé la donne : la science continue certes de se déployer par-dessus les frontières, dans « la communauté de chercheurs », mais elle devient aussi, de plus en plus, un objet de compétition entre États et entre grandes firmes transnationales , qui s'en saisissent comme facteur d'influence - et de possession du monde. La science est par destination un bien public mondial, mais elle est aussi, en pratique, une composante du soft power des nations, décisive parce que, comme d'autres biens et productions culturels, elle a prise sur les sociétés et sur leur capacité à se transformer.

Dans ce contexte, les politiques publiques de recherche ont renforcé leur « projection » hors des frontières étatiques et se livrent à une sévère concurrence dans le monde, qui est explicitement une lutte d'influence . 28 ( * )

À l'échelle mondiale, la R&D mobilise toujours plus d'investissements, en particulier internationaux, et l'arrivée des « émergents » bouleverse l'ordre établi de longue date par les Occidentaux qui détenaient l'essentiel des ressources de R&D dans le monde. Le phénomène est suffisamment connu : depuis une décennie, la Chine, l'Inde, la Corée du Sud, le Brésil, l'Afrique du Sud et encore bien d'autres « émergents » ont développé des systèmes très performants de formation et ont, comme le Japon et les « dragons » dans les années 1960-80, largement rattrapé le niveau international et pris la première place sur certaines spécialités - la trajectoire de la Corée du Sud est édifiante sur ce point, et continuera d'être ascendante, sachant que ce pays consacre aujourd'hui deux fois plus de sa richesse à la R&D que les pays européens 29 ( * ) . Autres nouveaux investisseurs internationaux qui projettent leur puissance, les pétromonarchies, qui diversifient leurs sources de croissance et investissent massivement dans des régions avec lesquelles elles ont des liens historiques - par exemple les Émirats Arabes Unis en Afrique du Nord.

Dès lors, les échanges mondiaux de formation et de production de connaissances débordent largement la relation asymétrique « Nord/Sud » : ils s'inscrivent dans un cadre incluant des relations « Sud-Sud » très diversifiées.

C'est dans ce cadre renouvelé qu'a été développé - dans les pays du Nord - le concept de « diplomatie scientifique » , défini comme l'utilisation de la coopération scientifique pour établir des liens et renforcer les relations entre les sociétés, y compris dans des régions où les relations officielles sont faibles, voire proscrites. « Pendant la guerre, les affaires continuent » : l'influence est devenue si nécessaire dans la compétition entre nations, que la coopération scientifique doit continuer même dans des régions où les relations sont faibles, voire conflictuelles. Aux États-Unis, cette ligne d'action s'est traduite en particulier par la nomination d'envoyés scientifiques chargés de renouer les fils du dialogue avec les élites dans le monde musulman (Moyen-Orient, Afrique, Asie du Sud-est) et de leur offrir des perspectives de coopération concrètes.

Dans cette vaste recomposition des forces, la France perd nécessairement des positions - comme tous les pays présents de longue date dans cette compétition longtemps fermée. Les chercheurs interrogés par votre rapporteure ont confirmé et précisé une impression d'ensemble : l'influence intellectuelle de notre pays recule , pour des motifs intellectuels - identifiés aux grands thèmes des années 1950-1960, nous aurions perdu notre capacité à être au coeur des questions contemporaines et donc notre rayonnement intellectuel - mais également parce que le monde devient toujours plus anglo-saxon, à la faveur de l'usage hégémonique de l'anglais, ce qui se traduit par la quasi disparition des livres en français dans les citations de chercheurs 30 ( * ) . Autre facteur, matériel : l'État peine - c'est un euphémisme - à maintenir ses moyens budgétaires à la recherche, en particulier dans ses « zones d'influence » que sont les pays où l'on parle le français.

Votre mission, par son déplacement au Tchad, a été particulièrement sensibilisée à la concurrence nouvelle exercée par les « émergents », en particulier par la Chine 31 ( * ) et la Turquie, en Afrique centrale . D'après les informations qu'elle a recueillies, ces pays investissent encore essentiellement dans la production économique et très marginalement dans la formation et le renforcement des capacités. Cette concurrence en matière de développement indique très clairement les avantages que notre pays pourrait tirer d'un investissement fort dans la RpD et pas seulement dans les actions de développement plus classiques.

b) L'utilité de la RpD pour les liens à long terme avec « les émergents de demain », en particulier francophones

Parce qu'elle suppose des relations durables d'égal à égal, la RpD constitue un cadre d'échange et un facteur d'influence bien plus importants qu'une simple coopération scientifique qui se limiterait à un échange de services. Et la France a d'autant plus intérêt à y investir, que nombre de pays les plus directement concernés par la RpD sont francophones et qu'ils sont appelés à devenir « des émergents de demain » .

L'Afrique devrait en effet compter environ 1,8 milliard d'habitants en 2050 et dès aujourd'hui, « elle s'éveille » : quel que soit notre aveuglement - d'ancienne puissance coloniale ? -, nous sommes entrés dans « le temps de l'Afrique » 32 ( * ) et notre meilleure chance de participer à son développement, d'y maintenir notre influence, passe par un investissement important dans ce qui fait notre avantage comparatif en Afrique francophone : la recherche en partenariat et le renforcement des capacités de recherche.


* 6 Institué par le décret n°98-995 du 5 novembre 1998, l'IRD succède à l'Orstom, qui avait lui-même succédé (en 1954) à l'Office de la recherche scientifique outre-mer lequel avait (en 1944) remplacé l'Office de la recherche scientifique coloniale (Orsom), créé en 1943.

* 7 Six priorités : politiques publiques de lutte contre la pauvreté et pour le développement ; migrations internationales et développement ; maladies infectieuses émergentes ; eau et accès à l'eau ; changements climatiques et aléas naturels ; ressources naturelles et gestion des écosystèmes.

* 8 Voir « L'IRD demain. Contrat d'objectifs Etat-IRD 2011-2015 », signé le 16 avril...2012.

* 9 A la suite d'une « commande » du CICID de 2005 pour redéfinir sa stratégie au Sud et d'un audit externe en 2006, l'IRD a produit plusieurs documents stratégiques importants dont le contrat d'objectifs 2011-2015 est l'héritier : un « Plan d'action relatif à la politique scientifique de l'IRD » (octobre 2006), un schéma stratégique 2010-2015, devenu Plan stratégique « L'IRD demain », qui a donné son nom au contrat d'objectifs.

* 10 Les dynamiques environnementales, les ressources et les sociétés en Amazonie (Amaz) ; les patrimoines, les ressources et la gouvernance en Afrique orientale, australe et dans l'Océan indien (Parego) ; les politiques publiques, les sociétés et la mondialisation en Afrique subsaharienne (Polmaf) ; les risques, les vulnérabilités et leurs impacts dans les Andes (Rivia) ; enfin, les sols, eaux et zones côtières et sociétés face aux risques en Asie du Sud et du Sud-Est (Seltar).

* 11 Le contrat d'objectifs cite l'énergie en Nouvelle-Calédonie, la biodiversité et le développement productif de l'Amazonie bolivienne, ou encore la bioénergie au Gabon. Pour un exemple précis, voir infra, l'expertise collégiale en cours sur l'avenir du Lac Tchad (chapitre II).

* 12 Selon les catégories du Web of Science, qui font autorité en la matière, chiffres 2011.

* 13 Le budget civil de recherche et de développement (BCRD) regroupe les contributions au financement de la recherche civile des différents ministères concernés et il est géré par le ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur.

* 14 « Vision stratégique 2012-2022. Faire de la recherche un véritable outil de développement », Cirad, 2011.

* 15 En Afrique : Egypte, Côte d'Ivoire, Sénégal, Burkina Faso, Cameroun ; en Asie du Sud-Est : Vietnam et Cambodge ; en Amérique latine : Brésil.

* 16 Voir audition de M. Jean-Paul Finance, président de la conférence des présidents d'université (4 juin 2013). M. Finance, cependant, constate que son organisation n'est pas équipée pour mesurer la portée de cette « projection à l'international » et souligne la forte dimension « personnelle » des initiatives.

* 17 Ainsi, la ville de Belfort et celle de Boumerdès en Algérie organisent depuis 2006 des formations conjointes entre leurs universités et des participations communes à des congrès de recherche. Le conseil général de l'Hérault est engagé depuis quinze ans dans des échanges scientifiques avec la quatrième région du Chili pour développer des savoirs-faire communs dans le domaine de l'agronomie des zones arides. Le conseil général de Lorraine finance des mobilités et des projets de recherche (depuis 2002) partagés par les universités de Metz et de Fès au Maroc, l'une sur les Marocains migrant vers la France, l'autre sur la mise en oeuvre d'un système d'informations sur les potentialités en eau du fleuve Sebou. Le conseil général des Alpes-Maritimes, avec le soutien du MAEE, coopère depuis 2007 avec l'Ethiopie pour y développer des formations et des recherches sur le patrimoine préhistorique du pays. Le conseil général d'Indre et Loire partage avec Hanoï (Vietnam) un projet de création d'un Institut de recherche en formation en électroradiologie et en télémédecine.

* 18 Audition de M. Jean-Pierre Elong M'Bassi, Secrétaire général de Cités et gouvernements locaux unis d'Afrique (CGLU), 23 juillet 2013.

* 19 Audition de Mme Paola de Carli, directrice des programmes scientifiques et médicaux de Sidaction, 2 juillet 2013. Sidaction mobilise 3 millions d'euros annuels pour la recherche, dont 10% environ vont dans les pays du Sud. A partir de 2013, son appel d'offres annuel s'ouvre à des demandes directes d'équipes originaires de pays du Sud.

* 20 Audition de Mme Bénédicte Hermelin, directrice du GRET, 10 juillet 2013.

* 21 Audition de Mme Catherine Ferrant, directrice de la Fondation Total, 10 juillet 2013.

* 22 Audition de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, 26 juin 2013.

* 23 La gestion en est confiée à Campus France.

* 24 In Politique I , Paris, Fayard, 1977, p.84 sq.

* 25 Cité par P. Favier, M. Martin- Roland, dans La décennie Mitterrand 1. Les ruptures , Paris, Seuil, 1990, p. 339.

* 26 Une diplomatie scientifique pour la France , Ministère des affaires étrangères, janvier 2013.

* 27 En tant que productrices de biens, mais également de plus en plus organisatrices et régulatrices du marché, aux côtés mais aussi contre les États et leurs organisations interétatiques.

* 28 Témoin de cette prise de conscience, le récent rapport du Ministère des Affaires étrangères « Une diplomatie scientifique pour la France » (février 2013).

* 29 Entre 2002 et 2008, la part de la Chine dans les publications scientifiques mondiales a doublé, passant de 5,2% à 10,6% (la Chine est désormais au troisième rang mondial pour les dépenses de recherche, derrière les Etats Unis et le Japon). Dans le même temps, celles de la France passait de 6,4% à 5,8%.

* 30 M. Michel Wieviorka l'a confirmé à votre rapporteure lors de son audition le 17 septembre 2013.

* 31 Voir en particulier : Serge Michel et Michel Beuret, La Chinafrique : Pékin à la conquête du continent noir , Grasset, 2008.

* 32 Jean-Michel Sévérino et Olivier Ray, Le Temps de l'Afrique , Odile Jacob, 2010.

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