II. UN CONTENTIEUX LIMITÉ QUI A PERMIS DE PRÉCISER LES MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

Six ans après l'adoption de la loi, les juridictions de l'ordre judiciaire comme de l'ordre administratif n'ont pas vu apparaitre de contentieux de masse lié à la mise en oeuvre de la loi du 21 août 2007. Au contraire, les arrêts rendus au visa de cette loi sont jusqu'à présent peu nombreux. Ils ont néanmoins assuré son respect aussi bien par les entreprises de transport que par les organisations syndicales et les salariés.

Auditionné par vos rapporteurs, M. Pierre Bailly, conseiller doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation, a indiqué que seuls quatre arrêts de la Cour se réfèrent expressément à cette loi. Cela s'explique notamment par le fait que la Cour, juridiction suprême de l'ordre judiciaire, ne connait que d'affaires déjà jugées en première instance puis en appel. Un délai de plusieurs années s'écoule donc entre le cas d'espèce et le jugement que celle-ci peut être amenée à rendre, non sur le fond mais pour assurer le respect du droit. Les domaines qui ont été abordés devant elle sont les suivants :

- le mode de calcul des retenues sur salaire à la RATP (chambre sociale, 13 janvier 2010, n° 08-44.513) ;

- toujours à la RATP, la capacité d'un syndicat représentatif catégoriel de signer un avenant assurant l'application de la loi du 21 août 2007 et intéressant l'ensemble du personnel (chambre sociale, 31 mai 2011, n° 10-14.391) ;

- la distinction entre la responsabilité contractuelle de la SNCF et celle de l'AOT en cas de perturbations du trafic liées à une grève (première chambre civile, 26 septembre 2012, n° 11-21.284) ;

- la participation fautive d'un salarié à une grève alors qu'il avait été informé de l'irrégularité du préavis et donc de son caractère illégal (chambre sociale, 30 janvier 2013, n° 13-23.791).

Second degré de juridiction de l'ordre judiciaire, la cour d'appel est, contrairement à la Cour de cassation, juge du fond, notamment en matière sociale. Au sein de la cour d'appel de Paris, la chambre 6-2 est compétente en matière de conflits collectifs du travail. Selon les informations communiquées en juillet 2013 à vos rapporteurs par sa présidente, Mme Irène Lebé, cette chambre a rendu trois arrêts concernant la loi du 21 août 2007 :

- dans le premier, du 28 janvier 2010, elle a estimé que le régime des retenues sur salaire en vigueur à la RATP était moins favorable que celui prévu par cette loi et devait donc être écarté ;

- dans le second, du 27 mai 2010, elle a jugé, sur un cas d'espèce survenu à la SNCF, qu'un préavis de grève n'est pas illicite ou irrecevable s'il contient des motifs qui n'ont pas fait l'objet d'une DCI, dès lors qu'il repose également sur des revendications ayant donné lieu à une concertation préalable ;

- dans le troisième, du 15 mars 2012, elle a infirmé un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 18 novembre 2011 qui avait reconnu la SNCF coupable d'entrave au droit de grève pour avoir refusé l'ouverture d'une DCI, considérant que dans ce cas de figure l'organisation syndicale est en droit de déposer un préavis puisque, « sous couvert de la procédure statutaire préalable de la DCI, la SNCF ne saurait faire obstacle à l'exercice du droit de grève ».

Contrairement aux relations individuelles et collectives de travail des agents de la SNCF et de la RATP, les questions relatives à l'organisation du service public relèvent de la compétence de l'ordre administratif.

Dans ce cadre, le Conseil d'Etat a rendu sept décisions sur l'application de la loi du 21 août 2007 par la RATP. Saisi à chaque fois par le syndicat Sud-RATP, aussi bien en référé qu'au fond, il a ainsi eu l'occasion de suspendre 38 ( * ) l'application des sanctions prévues par le premier plan de prévisibilité établi par la RATP puis d'annuler 39 ( * ) sa disposition selon laquelle un salarié ne pouvait rejoindre la grève qu'au début du mouvement. Il a toutefois rejeté 40 ( * ) le recours du syndicat contre les modalités de transmission de la déclaration d'intention de participer à une grève et a reconnu 41 ( * ) à la RATP, au nom des nécessités du fonctionnement du service public, le droit d'imposer à ses agents de rejoindre une grève à l'une de leurs prises de service.


* 38 Conseil d'État, juge des référés, 11 février 2008, n° 312330, cf. supra .

* 39 Conseil d'État, 19 mai 2008, n° 312329, cf. supra .

* 40 Conseil d'État, 9 décembre 2009, n° 324432.

* 41 Conseil d'État, 11 juin 2010, n° 333262, cf. supra .

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