DEUXIÈME PARTIE - LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE EST PRESQUE INEXISTANTE

I. LES MODALITÉS DU RECOUVREMENT DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN MATIÈRE DE VENTE EN LIGNE

La douane est aussi chargée de lutter contre la fraude de nature fiscale : à la différence par exemple des contrefaçons ou des stupéfiants, les marchandises ne sont pas interdites, mais la fraude porte sur leur taxation .

Administration fiscale, la douane a en effet pour mission de percevoir les droits de douane à l'importation, la TVA à l'importation en provenance de pays extérieurs à l'Union européenne 60 ( * ) , les droits d'accise et autres contributions indirectes sur le modèle de la TVA (cf. supra ).

Il existe toutefois des franchises :

- en matière de droits de douane sous le seuil de 150 euros : tous les envois d'une valeur inférieure en sont exemptés.

- en matière de TVA sous le seuil de 22 euros : tous les « envois de valeur négligeable » (EVN) d'une valeur inférieure en sont exemptés.

Pour autant, les marchandises issues de la vente par correspondance (et donc de la vente en ligne) ne bénéficient pas - en théorie - de la franchise en matière de TVA .

La perception des droits et taxes a lieu immédiatement à l'occasion du dédouanement , selon la procédure de droit commun - déclaration, liquidation, paiement. La marchandise est le « gage » des droits et taxes à l'importation, ce qui signifie que la marchandise n'est dédouanée qu'une fois la taxe payée.

En pratique, les droits à l'importation dans l'UE sont acquittés par l'expressiste, qui les facture ensuite au destinataire de la marchandise , le cas échéant augmentés des frais liés à la procédure de déclaration. Les modalités particulières varient en fonction de la procédure choisie par le commissionnaire en douane. En matière de fret postal , aux termes de la Convention postale universelle, c'est en revanche l'expéditeur qui est responsable de la marchandise jusqu'à la livraison finale, et donc en théorie tenu au paiement des taxes.

II. LE RECOUVREMENT DES DROIT ET TAXES N'EST PAS ASSURÉ

Il résulte des travaux de vos rapporteurs spéciaux que très peu de redressements ont lieu en matière de fret express, et quasiment pas en matière de fret postal , c'est-à-dire pour les deux vecteurs privilégiés des ventes en ligne. Loin de suggérer une parfaite conformité des vendeurs et des acheteurs avec leurs obligations fiscales, cela indique plutôt une faiblesse de l'action de la DGDDI en la matière .

Quant à l'action menée sur les sites de vente en ligne , notamment par les services d'enquête de la DGDDI et Cyberdouane, elle n'a, à ce jour, débouché sur aucun redressement en matière fiscale et en matière douanière. L'absence d'instrument juridique à l'égard les sites hébergés à l'étranger fait ici ressentir tous ses effets.

A. LA DGDDI OPÈRE ASSEZ PEU DE REDRESSEMENTS FISCAUX

En 2012, la direction générale des douanes et des droits indirects a recouvré au total 68 milliards d'euros de droits et taxes , essentiellement les droits des douanes et la TVA, auxquels s'ajoutent plusieurs autres droits indirects. Ils sont en hausse de près de 2 milliards d'euros (+ 2,7 %) par rapport à 2011 (66 milliards de droits et taxes recouvrés) 61 ( * ) .

La TVA à l'importation extra-communautaire , principal enjeu en matière de vente en ligne, représente 11 milliards d'euros en 2012 , soit 16 % des recettes fiscales recouvrées par la DGDDI. Les droits à l'importation n'en représentent que 3 % (soit 2 milliards d'euros).

Pour la même année 2012, les droits et taxes redressés ont représenté 294 millions d'euros (+ 11 % par rapport à 2011), et les pénalités recouvrées 40 millions d'euros (- 15 % par rapport à 2011), pour un total de 73 000 constatations en matière de droits de douanes et de droits indirects.

Enjeux fiscaux de la fraude douanière - bilan 2009-2012

2009

2010

2011

2012

Évolution 2011/2012

Nombre de constatations

90 030

84 832

82 626

73 263

- 11 %

Droits et taxes redressés

272 M€

296 M€

265 M€

294 M€

+ 11 %

Pénalités recouvrées

48,8 M€

47,8 M€

45,9 M€

38,9 M€

- 15 %

Source : Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes (2012)

A elle seule, la TVA représente 54,8 % des redressements effectués , soit 161,2 millions d'euros :

Évolution des fraudes et redressements constatés

(en millions d'euros)

2011

2012

Évolution 2011/2012

Droits de douane

29

27,9

- 4 %

TVA

161

161,2

0 %

TGAP

13

11

- 16 %

TICPE

17

27,8

+ 64 %

Contributions indirectes

32

39

+ 22 %

Autres

12

27,3

+ 128 %

TOTAL

265

294,2

+ 11 %

Source : Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes (2012)

Le taux de recouvrement effectif des droits et taxes redressés s'est élevé à 58 % en 2012, contre 45 % en 2011 62 ( * ) .

D'une manière générale, il apparaît que les montants redressés sont relativement modestes par rapport aux montants collectés (294 millions d'euros sur 68 milliards d'euros), ce qui s'explique par la spécificité des missions de la douane . Il convient toutefois de saluer la hausse des redressements (+ 11 %) dans un contexte de baisse des constatations (- 11 %).

A titre de comparaison , la DGFiP a redressé 18,1 milliards d'euros en 2012, pour 535 milliards d'euros de recettes collectées (dont 314 milliards d'euros pour l'Etat) 63 ( * ) . Cette comparaison doit néanmoins être prise avec de grandes précautions, dans la mesure où il ne s'agit ni des mêmes impôts, ni des mêmes activités, ni des mêmes risques.


* 60 Contrairement à la TVA intracommunautaire, la TVA à l'importation est due par l'acheteur de la marchandise. L'entreprise exportatrice n'est pas redevable, sauf dans le cas (rare) où elle réalise des opérations assujetties à la TVA en France - auquel cas elle est tenue de s'immatriculer auprès de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux (DRESG) afin de pouvoir reverser la TVA collectée au Trésor public, ou le cas échant déduire la TVA payée en France (cf. infra).

* 61 Source : rapport annuel (2012) du Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes. La hausse observée (passage de 66,15 milliards d'euros en 2011 à 67,95 milliards d'euros en 2012) est légèrement supérieure à la tendance de long terme, notamment en raison de la perception de la contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks de produits pétroliers.

* 62 Source : DGDDI, rapport annuel de performance 2012.

* 63 Source : DGFiP, rapport d'activité 2012.

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