6. Le premier partenaire militaire de l'Afrique

Sur le plan militaire, l'opération SERVAL est venue rappeler avec force à l'opinion publique française et internationale que la France disposait d'une présence sans équivalent en Afrique.

« Vous étiez la seule nation occidentale à être capable d'intervenir sur le terrain malien comme vous l'avez fait » nous a dit M. Michael Battle, ambassadeur des États Unis auprès de l'Union africaine, « non seulement vous avez des bases qui vous permettent d'intervenir en premier sans délai à la demande d'assistance d'un pays ami, mais vous avez des soldats aguerris à la réalité africaine. »

Dans la décennie précédente, les deux guerres d'Irak et le conflit afghan avaient conduit à considérer, sous l'influence intellectuelle de la guerre contre le terrorisme de l'administration Bush, que l'effort de défense français devait se positionner sur un « arc de crise » allant du Golfe de Guinée jusqu'à l'Afghanistan.

Le conflit malien est venu rappeler que les intérêts français étaient d'abord en Afrique, là où sont nos ressortissants, là où est notre histoire, là où sont nos intérêts. Il a permis à chacun de prendre conscience que l'Afrique est le continent où la France joue encore un rôle militaire majeur qui lui vaut la réputation de «gendarme du continent ».

Si la France s'interroge depuis 15 ans sur le sens de sa relation avec les pays africains et sur ses modalités, elle y maintient une présence sans équivalent parmi les pays occidentaux avec plus de la moitié de ses forces militaires hors hexagone et un coût budgétaire qui avoisine le milliard d'euros annuel.

Cet investissement a pour contrepartie une influence politique sans équivalent. Comme nous l'ont dit la plupart de nos interlocuteurs rencontrés sur le continent : « Les Africains savent maintenant, s'ils en doutaient, que lorsqu'il y a des problèmes, la France ne se défausse pas et sait venir à leur secours »

Pour le Général Didier Castres, sous-chef d'état-major « opérations » au ministère de la défense, « l'Afrique est probablement la seule zone dans laquelle nous pouvons peser sur une crise dans ses différents volets (politique, militaire, développement, gouvernance), mais également susciter un effet d'entraînement diplomatique et militaire sur des partenaires européens. Des exemples récents en témoignent, de la RCI au Mali en passant par la RCA et le Tchad. Tous nos alliés nous reconnaissent comme étant parmi les seuls à comprendre et à connaître l'Afrique ».

Une présence permanente depuis les indépendances

Cette présence armée a un passé et un passif.

L'armée française a endossé bien des uniformes, jouant tour à tour les rôles d'explorateur, de colonisateur, de pacificateur, de bâtisseur et de gendarme pour le meilleur et pour le pire. Elle a ses héros, de Gallieni à Lyautey, son corps d'élite avec les Troupes de marine, ses moments de gloire et ses drames.

Les indépendances sont loin d'avoir mis fin à ce rôle de gendarme de l'Afrique qu'on assigne volontiers à la France.

Au lendemain de la décolonisation, la France a en effet signé une vingtaine d'accords de défense et de coopération avec ses anciennes colonies africaines. En vertu de ces accords, ou afin de venir en aide à ses ressortissants, l'armée française est intervenue à près de quarante reprises sur le sol africain en l'espace d'un demi-siècle. Certaines opérations françaises n'ont duré que quelques jours, d'autres ont donné lieu à des déploiements de plusieurs décennies.

Comme le disait avec ironie un général de l'armée ivoirienne : « beaucoup de nos concitoyens n'ont jamais vu un soldat blanc qui ne soit français ».

Une trentaine d'interventions militaires françaises en Afrique depuis 1960

1961 : Opération «Bouledogue» (transformée en opération «Charrue longue») pour le maintien de la base militaire navale de Bizerte en Tunisie.

1964 : Rétablissement du président Léon M'ba dans ses fonctions après le putsch d'une partie de l'armée au Gabon.

1968-1972 : Opérations «Limousin» et «Bison» contre la rébellion du Tibesti au Tchad. L'armée française enregistre des pertes importantes. 39 tués dans les rangs français durant l'opération «Limousin» ainsi qu'une centaine de blessés.

1977 : Opération «Verveine» en soutien au maréchal Mobutu contre la rébellion du Shaba.

1977 : Opération «Lamentin» de l'armée de l'air contre le Front Polisario en Mauritanie, dans le secteur du train minéralier Zouérat-Nouadhibou».

19 mai 1978 : Opération «Léopard» ou «Bonite». Les paras du 2 e REP sautent sur Kolwezi au Zaïre et délivrent les 3 000 civils de Kolwezi, en quelques heures, des rebelles katangais du FLNC (Front de libération national du Congo) qui faisaient régner la terreur dans la ville minière.

Opération «Tacaud» au Tchad pour contrer l'avancée du Frolinat (Front national de libération du Tchad) de Goukouni Oueddei (Weddeye).

1979-1981 : Opération «Barracuda» en Centrafrique qui destitue l'empereur/président Bokassa et replace David Dacko au pouvoir.

1983 : Opération «Manta» au Tchad : 4 000 soldats français mobilisés en soutien au président Hissène Habré face aux rebelles de Goukouni Oueddei.

Février 1985 : les Jaguar bombardent la base aérienne libyenne de Ouadi-Doum.

1986 : 150 parachutistes français débarquent en renfort au Togo suite à une tentative de coup d'État contre le président Gnassingbé Eyadéma.

1989 : Opération «Oside» aux Comores après l'assassinat du président Ahmed Abdallah et la prise de contrôle du pays par les mercenaires de Bob Denard.

1990-1993 : Mission «Noroit» au Rwanda pour protéger le régime du président Juvénal Habyarimana contre une attaque des rebelles du Front patriotique rwandais.

1992-1993 : Opération «Oryx» en Somalie. L'opération sera placée ensuite sous le commandement américain de la mission «Restore Hope».

1993 : Opération «Bajoyer» au Zaïre. Évacuation des ressortissants français. Kinshasa connaît des émeutes initiées par les militaires.

1993 : Opération «Chimère et Volcan», formation de l'armée rwandaise.

1994 : Opération «Amaryllis». Evacuation des ressortissants européens alors que le président Habyarimana vient d'être assassiné et que débute le génocide.

1995 : Opération «Azalée» aux Comores. Bob Denard et ses mercenaires ont renversé le président Saïd Mohamed Djohar. L'armée française neutralise Bob Denard, le ramène en France où il est emprisonné.

1996-2007 : Opération «Aramis» au Cameroun, soutien de l'armée camerounaise en lutte contre le Nigeria pour le contrôle de la presqu'île pétrolière de Bakassi.

1997 : Opération «Pélican» au Congo-Brazzaville pour évacuer les ressortissants étrangers durant la guerre civile.

1998 : Opération «Malachite», évacuation des ressortissants français de Kinshasa.

2002 : Début de l'opération «Licorne», force de maintien de la paix, en Côte d'Ivoire suite à une rébellion qui menace le pouvoir du président Laurent Gbagbo. Cette intervention précède les accords de Marcoussis entre les forces politiques ivoiriennes, en janvier 2003.

2003 : Opération européenne «Artemis» dans l'est de la RDC.

2004 : Destruction des aéronefs de l'armée ivoirienne après le bombardement de Bouaké dans lequel 9 soldats de la force Licorne vont trouver la mort et 35 autres sont blessés. Evacuation des ressortissants français.

2006 : Soutien à l'armée tchadienne face aux rebelles (dispositif Épervier). L'aviation française effectue un tir de semonce devant une colonne rebelle à 250 km de Ndjamena.

2008 : Protection de l'aéroport de Ndjamena et évacuation des ressortissants français au Tchad.

2008 : opération européenne Eufor Tchad-RCA, dissoute en 2009

2008 : Soutien logistique à l'armée djiboutienne à la frontière érythréenne.

2008 : Début de l'opération européenne de lutte contre la piraterie «Atalante» dans le golfe d'Aden.

2011 : en Libye les avions français sont les premiers à bombarder les forces de Mouammar Kadhafi en mars, après le vote de l'Organisation des Nations unies qui autorise l'intervention en Libye pour protéger les civils pris au piège dans une rébellion contre Kadhafi. L'OTAN a pris le commandement de la mission globale le 31 mars, qui a permis aux rebelles libyens de vaincre les forces du gouvernement et de prendre le pouvoir.

2011 : Côte-d'Ivoire, les forces françaises font pencher la balance aux côtés des forces de l'ONU lors de la guerre civile qui a éclaté après le refus de Laurent Gbagbo de démissionner et d'accepter la victoire électorale d'Alassane Ouattara comme président.

Certaines de ces interventions ont été fortement contestées dans leurs objectifs, leurs modalités ou leurs conséquences.

Des opérations relevaient assurément de la protection de nos concitoyens, d'autres se sont soldées par des coups de forces soit pour défendre les pouvoirs en place, soit pour en changer les titulaires. La France a longtemps fait l'histoire, fait et défait des chefs d'État, pour le bonheur et parfois pour le malheur des populations. Cette histoire écrite en collaboration par des historiens français et africains devra progressivement en donner une vision objective, sa part de lumière et d'ombre.

Cette présence militaire a un passé et un passif

Quoi qu'il en soit, ce passé explique à la fois la connaissance remarquable des militaires français des théâtres africains et la dimension et le retentissement politique de toute intervention militaire française sur le continent qui lui est le plus proche.

Une des singularités de la France est non seulement la fréquence de ses interventions, mais également la permanence de sa présence physique sur le sol africain.

Cette présence distingue la France des autres pays qui eurent ou ont encore une politique militaire en Afrique sans pour autant y déployer des troupes.

L'autre grand colonisateur européen du continent, le Royaume-Uni, après une intervention militaire en Tanzanie, en 1961, en appui du président Nyerere, n'est pas intervenu sur le continent pendant près de quarante ans. Sa coopération militaire se limita à des actions ponctuelles de formation dispensées par les BMATTs (British Military Advisory and Training Teams).

Les Soviétiques n'eurent jamais de forces permanentes en Afrique et, lorsqu'ils y sont intervenus, ont préféré souvent le faire par le biais d'intermédiaires tels que les Cubains en Angola. Quant aux Américains, qui comme les Soviétiques, ne s'installèrent jamais durablement en Afrique durant la Guerre froide, ils ont, on l'a vu, créé un commandement régional pour l'Afrique, Africom qui dispose d'un certain nombre de bases, mais ils peinent à lui trouver un point de chute à tel point que son état-major se trouve en Allemagne !

Aujourd'hui, ce dispositif militaire français est organisé autour de 4 pôles qui interagissent :

- des accords de défense ou de coopération (8 accords de défense et 16 accords de coopération),

- un réseau des attachés de défense ,

- un dispositif de formation et de coopération dans ses deux dimensions, coopération opérationnelle et coopération structurelle, qui permet de former chaque année de l'ordre de 50 000 hommes,

- des bases de départ, d'accueil ou d'entraînement en cas de crise : notamment les forces prépositionnées au Gabon, à Djibouti, au Sénégal avec environ 5 000 hommes, Opérations extérieures au Tchad, en Côte d'Ivoire, en RCA, et au Mali avec environ 5 700 hommes.

L'armée française en Afrique en 2013 : 10 000 hommes, 8 bases ou points d'appui, 52 attachés de défense, 24 accords de défense ou de coopération pour un coût de plus d'un milliard d'euros par an

Ce maillage africain permet à la France d'avoir - autant que faire se peut - des moyens de renseignement, d'anticipation, de prévention, de protection et d'intervention sur l'ensemble du continent africain.

La politique de sécurité et de défense vis-à-vis de l'Afrique a connu une période charnière dans les années 90.

En effet, avant 1990, l'Afrique a été le champ clos des affrontements Est-Ouest. La France bénéficiait alors d'une grande marge de manoeuvre de la part de ses alliés pour contrer les initiatives soviétiques sur le continent.

La fin de cette période, l'horreur du génocide au Rwanda en 1994, qui a mis en évidence les risques d'instrumentalisation d'un engagement strictement bilatéral, la professionnalisation des armées françaises, un nouveau Livre blanc, ont marqué la décennie 1990-2000.

De cette prise de recul est né le tournant multilatéral de la politique de sécurité de la France en Afrique. Sortir des engagements unilatéraux signifiait dès lors repenser les objectifs et les modalités de notre présence militaire en l'arrimant au projet d'une architecture de sécurité africaine.

C'est en 1998 que, pour la première fois, sont définies de nouvelles orientations de notre coopération militaire en Afrique qui renouvellent la doctrine en s'appuyant sur cinq grands principes :

- le refus de l'unilatéralisme .

- des interventions militaires bilatérales en lien avec la sécurité des ressortissants français ,

- une présence permanente mais réduite ,

- une multilatéralisation des opérations avec les forces africaines, l'Europe et l'ONU,

- l'appui aux forces africaines de sécurité avec le programme de Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix (RECAMP) et le développement de la régionalisation qui s'appuie sur les écoles nationales à vocation régionale (ENVR).

Au-delà des alternances politiques et des interventions militaires sur le terrain, ces principes restent encore très largement d'actualité même si dans leurs modalités ils connaissent des adaptations au grès des crises.

Ces principes tirent une double leçon des trente années d'intervention.

La première est que le refus systématique d'intervenir n'est pas tenable. Les intérêts de la France en Afrique ne sont pas négligeables au point qu'elle puisse rester l'arme au pied lorsque des troubles y éclatent. Les forces de sécurité africaines ne sont pas encore assez aguerries face aux nouveaux types de menaces et aux conséquences humanitaires de crises peu soutenables par les opinions publiques. Du fait de ses moyens, la France a de facto une responsabilité dont elle peut difficilement se défausser compte tenu de sa volonté d'exercer des responsabilités internationales et de son statut de membre permanent du conseil de sécurité.

La seconde est que les modalités de son intervention doivent changer. La France doit marquer la fin du tête-à-tête avec ses anciennes colonies dont elle ne veut ni ne peut plus assumer le coût politique et financier. La crise des finances publiques françaises lui impose à terme de partager le coût de sa contribution à la sécurité du continent. Le drame rwandais a montré les risques politiques d'une présence uniquement bilatérale que l'ancienne puissance coloniale ne supporte plus de porter seule.

Ce parti pris a lui-même deux conséquences.

La première est d'encourager l'africanisation des solutions. La présence militaire française en Afrique doit servir en priorité à aider l'Afrique à bâtir son propre dispositif de sécurité collective. C'est le slogan « des solutions africaines à des problèmes africains » Du principe à la réalité, il y a cependant un long processus politique et militaire qui est loin d'avoir abouti. Mais la France entend faire une priorité du soutien aux efforts des États africains pour résoudre eux-mêmes les conflits armés notamment par le biais de ses organisations régionales. Pour ce faire, elle a engagé dès les années 90 un programme de renforcement des capacités africaines avec des moyens, il est vrai, de plus en plus limités.

La seconde, en attendant que les organisations régionales soient capables d'apporter des réponses efficientes, parallèlement à l'africanisation, c'est que la France n'entend plus intervenir que dans un cadre multilatéral avec l'onction juridique de l'ONU ou des organisations panafricaines et avec, sur le terrain, la collaboration plus ou moins significative d'autres armées, européennes ou africaines.

En multilatéralisant ses interventions, la France entend s'entourer d'une légitimité plus solide. L'exigence préalable d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, cohérente avec le rôle central que la diplomatie française entend faire jouer à l'instance onusienne, doit désamorcer l'accusation d'arbitraire qui pourrait être adressée à une opération décidée sans mandat international.

Dans ce contexte, l'ONU comme l'Union Africaine constitue une source de légitimité indispensable. Une des conséquences de cette stratégie est un intense travail diplomatique à New-York pour rallier nos partenaires à nos positions.

Comme nous l'a fait observer M. Gérard Araud, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès des Nations unies, « L'Afrique représente 70% de l'activité du Conseil de sécurité des Nations unies, signe des crises qu'elle traverse. Dans la mesure où les résolutions sont présentées par les États-membres, cela amène la France à être à l'origine de 60% des textes, concernant par exemple le Mali, la Côte d'Ivoire, la RDC ou la RCA. ».

Cette volonté d'obtenir une légitimité multilatérale est cependant régulièrement confrontée à la tentation de s'en affranchir pour maintenir notre autonomie d'action, par exemple en n'acceptant pas de placer nos troupes en Côte d'Ivoire sous commandement africain ou onusien.

Les opérations menées au Tchad ou en RDC conduisent parfois à s'interroger sur le décalage qui demeure entre les nouvelles tendances vers l'européanisation de la gestion des crises et la réalité des pratiques d'intervention qui restent encore très « bilatérales » du fait des réticences de nos alliés et, au premier chef, des Allemands, à s'impliquer davantage sur le continent.

Quoi qu'il en soit, ces nouvelles orientations trouvent notamment leur traduction dans la renégociation des accords de défense.

Les accords bilatéraux de défense signés, au lendemain des indépendances, entre la France, le Cameroun, la République Centrafricaine, les Comores, la Côte d'Ivoire, Djibouti, le Gabon, le Koweït, le Sénégal et le Togo garantissaient l'intervention de la France en cas d'agression extérieure.

Ces accords ont été redéfinis entre 2008 et 2012 afin de s'adapter aux demandes des parties et à la situation sur le terrain. Les clauses de confidentialité et d'automaticité ont notamment été supprimées. Certains d'entre eux contenaient des clauses secrètes prévoyant l''intervention des forces armées françaises en vue du maintien de l'ordre intérieur.

L'exposé des motifs des projets d'accord instituant un partenariat de défense entre la France et divers pays africains montre que l'objectif principal de la coopération est désormais, à côté de la fonction traditionnelle de formation des cadres des armées nationales, d'aider l'Afrique à mettre sur pied son propre système de sécurité collective.

De plus, ces accords comportent une dimension multilatérale prévoyant l'association au partenariat de défense d'autres pays africains ou européens, ainsi que les institutions de l'Union européenne et de l'Union africaine et les ensembles sous régionaux de cette dernière.

Les systèmes de sécurité collective de l'ONU et de l'Union africaine sont pris en compte ainsi que le partenariat stratégique Afrique-Union européenne défini à Lisbonne en 2007. Enfin, la référence au respect de la souveraineté, de l'indépendance, de l'intégrité territoriale des partenaires, vient manifester la volonté de non-ingérence dans les affaires intérieures des États concernés.

De nouveaux accords de défense en cours de ratification.

Trois accords renégociés sont d'ores et déjà entrés en vigueur avec le Togo, le Cameroun et la République centrafricaine, tandis que les cinq autres sont encore en attente de ratification parlementaire. Ils concernent respectivement notre partenariat avec : les Comores, Djibouti, le Sénégal, le Gabon et la République de Côte d'Ivoire.

Ces accords de défense sont complétés par 16 accords de coopération militaire.

Ces accords ainsi que des opérations extérieures (OPEX) qui, à l'origine temporaires, se sont installées dans la durée, ont permis à la France de bénéficier de plusieurs points d'appui militaires sur le continent, notamment à Djibouti, en Côte d'Ivoire, au Sénégal, au Gabon, en République centrafricaine, au Tchad avec l'opération Epervier et plus récemment et de façon temporaire au Mali.

Au total, sur les 10 000 hommes en poste en Afrique, 5 050 militaires français sont pré-positionnés dans le cadre d'accords bilatéraux et près de 5 300 hommes sont mobilisés au titre des OPEX.

Des équipements militaires viennent compléter ces effectifs. Ces hommes disposent en temps normal des capacités suivantes : 11 chasseurs, 7 avions de transport tactique, 14 hélicoptères de manoeuvre, 4 hélicoptères légers, 4 chalands de transport de matériel et 3 bataillons interarmes.

Émargeant sur des lignes budgétaires différentes, les forces prépositionnées et les OPEX ont dans la réalité peu de différences opérationnelles.

S'ajoutent à cela des forces sous mandat international, notamment dans le cadre des opérations contre la piraterie au large de la Somalie et du Golfe de Guinée, et les forces de souveraineté présentes dans l'océan Indien, à la Réunion et à Mayotte.

L'Afrique c'est 50 % des effectifs et 70% des crédits militaires liés à une présence ou à des opérations hors du territoire national

Sur le plan budgétaire, le coût annuel des forces prépositionnées est en 2013 de l'ordre de 400 millions d'euros, celui des OPEX en Afrique de l'ordre de 900 millions (65 millions en Côte d'Ivoire, 107 au Tchad, 26 millions pour l'océan Indien, 22 en Centrafrique, 700 millions pour le Mali) sur un budget d'OPEX variant, suivant les années, entre 800 millions et un milliard d'euros (comme ce fut le cas en 2011 et comme cela sera vraisemblablement le cas en 2013 compte tenu de Serval, dont le coût annuel devrait s'élever à 700 millions d'euros).

L'Afrique représente en 2013 ainsi environ 70% du budget militaire finançant une présence ou des opérations hors du territoire national et 50 % des effectifs hors du territoire national.

État des forces françaises en Afrique en 2013

En Afrique, notre dispositif militaire, de 10 000 hommes environ sans la Réunion et Mayotte, combine en effet aujourd'hui :

- des forces de présence permanente (3 000 environ) qui ont deux statuts distincts : les Forces françaises au Gabon, environ 900 militaires à Libreville, dont 450 permanents, et les Forces françaises stationnées à Djibouti, contingent français numériquement le plus important en Afrique, avec 1 900 militaires, dont 1 400 permanents, qui sont les deux bases prépositionnées prévues par le Livre blanc de 2008 ; et les Éléments français au Sénégal , à Dakar, autour d'un « pôle opérationnel de coopération à vocation régional » de 350 militaires, dont environ 260 permanents ;- et des opérations extérieures (OPEX), résultant d'opérations « temporaires », pour un total de 6 000 hommes environ (4 200 pour le Mali et la zone sahélienne, 1 000 au Tchad (Épervier) et 1 000 autres entre la Côte d'Ivoire (Licorne et Onuci), la République Centre Africaine 240 hommes (BOALI), et les dispositifs de lutte contre la piraterie Atalante et Corymbe, 225 hommes dans le Golfe de Guinée (Bâtiment CORYMBE), 383 hommes dans le Golfe d'Aden (ATALANTA).

- des forces de souveraineté (La Réunion-Mayotte : les forces armées en zone sud de l'océan Indien (FAZSOI) représentent environ 1 900 militaires des trois armées ;

Il faut y ajouter les Forces françaises aux Émirats Arabes Unis, sur la péninsule arabe (700 hommes environ), dans le cadre d'un accord intergouvernemental avec ce pays créant une implantation militaire française permanente.

D'un point de vue opérationnel , les bases permanentes françaises en Afrique offrent :

- des points d'appui du soutien français à l'architecture africaine de paix et de sécurité,

- des capacités prépositionnées à proximité des zones d'intérêt et des forces projetées en complément depuis la métropole,

- des facilités logistiques comme à Djibouti pour l'opération Atalanta qui donnent souplesse et réactivité aux forces françaises et qui contribuent à l'autonomie stratégique de notre pays,

- des bases d'entraînement pour les forces françaises.

Des forces aguerries et acclimatées, immédiatement déployables, à proximité des foyers de crise

Comme l'a montré l'opération SERVAL au Mali, ces points d'appui donnent à la France :

- une position unique et enviée en Afrique, qui lui confère une influence et une crédibilité incontestable sur nos partenaires dans nos relations diplomatiques, que ce soit avec les organisations africaines régionales ou continentales, mais également avec nos partenaires bilatéraux, (États-Unis, Canada, Royaume-Uni) et au sein des organisations internationales.

- une liberté d'action politique avec des forces aguerries et acclimatées, immédiatement déployables, à proximité des foyers de crise.

D'un point de vue géographique, le dispositif français comprend une présence sur la façade atlantique du continent africain, une sur sa façade orientale, deux points d'appui dans le golfe Arabo-Persique et un dans l'océan Indien.

Ainsi sur la côte ouest, la France dispose des bases d'Abidjan, de Dakar, et de Libreville.

Sur la côte est, Mayotte et la Réunion regroupent des forces souveraines et assurent ainsi notre présence au sud-est du continent tandis que la base de Djibouti couvre le nord-est du continent et la base des Émirats, le Golfe Persique et la corne de l'Afrique.

Un dispositif qui se veut équilibré entre la façade atlantique du continent africain, sa façade orientale et l'océan Indien.

On voit alors se dessiner en creux la carte des intérêts français en Afrique : les trois bases postées sur la côte occidentale encadrent à la fois la zone où se concentre la majorité de nos expatriés (l'Afrique francophone) et le Golfe de Guinée, haut lieu de piraterie maritime, par lequel transite la majorité de nos approvisionnements en hydrocarbures et minerais africains.

De la même façon, les troupes postées à Djibouti, aux Émirats arabes unis et à la Réunion sont autant de moyens de contrôle des routes maritimes et pétrolières qui longent l'Est de l'Afrique en provenance des pays du Golfe et de l'Asie.

Ce dispositif est complété par un volet de coopération structurelle assurée par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD), organe dépendant du ministère des Affaires étrangères, chargée de garantir la stabilité des pays partenaires tout en soutenant l'extension de l'influence française dans le monde.

70% de notre coopération militaire est destiné à l'Afrique.

Là encore, l'essentiel de l'activité de la France est en Afrique. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2012, 69% de nos crédits de coopération militaire structurelle, qui avoisinent les 90 millions d'euros, sont consacrés à l'Afrique subsaharienne, contre 14% à la zone Afrique du Nord - Moyen-Orient et seulement 9% à l'Asie.

La répartition des crédits alloués par le fonds de solidarité prioritaire (FSP) consacré à la sécurité est encore plus frappante : 87% étaient destinés à l'Afrique subsaharienne pour cette même année.

La coopération structurelle française inscrit son action en Afrique dans la lutte contre les grands enjeux de sécurité, l'aide à la lutte contre le terrorisme, la piraterie, le crime organisé.

Elle apporte des conseils de haut niveau aux ministres et aux chefs d'état-major des armées, une expertise et un audit, des formations, un enseignement du français, un accompagnement des contrats en équipements, un soutien logistique et parfois une aide directe.

Enfin, la direction de la coopération de sécurité et de défense prend aussi une part importante dans l'application des réformes du système de sécurité africain en collaboration avec la Direction générale de la mondialisation (DGM) notamment dans les contextes de post crise où les questions de désarmement sont stratégiques pour stabiliser le retour à la Paix.

Les écoles nationales à vocation régionale : un dispositif unique

En 2012, la Direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des affaires étrangères a financé la formation de 1 000 stagiaires en France, 2 500 stagiaires dans l'une des Ecoles nationales à vocation régionale (ENVR) implantées en Afrique, 11 000 stagiaires en langue française. Au total, 65 000 personnes ont ainsi bénéficié en 2012 de l'action de coopération de la DCSD.

Parallèlement, 17 000 soldats ont été formés en 2012 dans le cadre la coopération opérationnelle dans les pays africains.

La coopération militaire française privilégie autant que possible une approche régionale en Afrique via des écoles et des centres de formation.

La plupart de ces structures sont des écoles nationales à vocation régionale (ENVR), fruit d'une collaboration étroite entre militaires français et africains.

Les ENVR s'ancrent dans un souci de rayonnement régional du pays hôte. On en compte 17 -et sans doute 20 dans les prochaines années- sur le continent africain proposant 60 formations différentes et recevant 2 500 stagiaires par an. 45 coopérants français sont en poste au sein de ces écoles.

Il s'agit à la fois de former les futurs cadres des armées africaines afin de permettre aux États du continent d'être capables d'assurer leur propre sécurité, et de pérenniser le rayonnement de l'influence française.

De fait, ces centres de formation sont l'un des principaux vecteurs de l'apprentissage du français et ne cessent de se développer sur le sous-continent. Ainsi en 2012 une nouvelle école nationale à vocation régionale -l'Institut supérieur d'études de protection civile de Ouagadougou- a été ouverte au Burkina Faso, tandis que l'École internationale des forces de sécurité a poursuivi sa montée en puissance au Cameroun. Une école de ce type va prochainement ouvrir en Tunisie autour du thème de la protection civile, à la suite de celle du Burkina Faso. Une nouvelle structure ouvrira en Côte d'Ivoire avec un cursus de formation des officiers.

Enfin, notre coopération militaire en Afrique s'inscrit de plus en plus dans un cadre international. En effet, la France entend défendre sur le continent des intérêts sécuritaires et géopolitiques qui sont aussi ceux de l'Union européenne.

Ainsi, le concept RECAMP (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix) créé en 1996-1997 à l'initiative de la France constitue une véritable percée conceptuelle. Il s'agit d'un programme comprenant des cycles de formation et d'entrainement à tous les niveaux (stratégique, tactique et opérationnel) dont la pertinence a été reconnue par nos interlocuteurs africains et qui se poursuit malgré une diminution sensible des moyens budgétaires disponibles pour l'impulser.

Ce projet est clairement à l'origine du cycle EURORECAMP AMANI AFRICA qui a repris au niveau européen le concept en le recentrant sur les aspects stratégiques avec un succès plus mitigé.

L'implication croissante de l'Union européenne et de la France dans la formation militaire en Afrique tend à soutenir la mise en place par l'Union africaine (UA) du projet d'architecture africaine de paix et de sécurité (AAPS) et du projet de forces africaines en attente.

Des bases militaires qui ont vocation à soutenir les brigades régionales de l'Union africaine.

La présence militaire française en Afrique est aujourd'hui sans doute un des aspects les plus visibles de notre présence sur ce continent et constitue une spécificité française. C'est une présence qui présente une forte charge symbolique et des implications politiques majeures. C'est un élément structurant de notre influence, une contribution importante à la sécurité du continent en même temps qu'une responsabilité lourde tant sur le plan politique qu'humain et financier.

50 ans après les indépendances, cette présence est naturellement amenée à évoluer dans sa forme et ses modalités. Mais l'intervention au Mali a montré son utilité et lui a redonné une légitimité.

La vocation des forces armées françaises en Afrique n'est cependant pas de continuer à se substituer aux forces africaines. Un des enjeux de la décennie est sans doute d'assurer une transition compatible avec le maintien d'une sécurité vitale au développement d'un continent plus que jamais soumis à des forces déstabilisatrices.

Le prochain Sommet de l'Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique avec l'ensemble des chefs d'État africains doit être l'occasion de réfléchir aux moyens de renforcer l'utilité de cette présence pour la constitution de forces de sécurité régionale africaines.

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