2. Une image entre attirance et répulsion

Cette ambivalence nourrit celle des Africains eux-mêmes à l'égard de la France qui oscillent entre attirance et répulsion. A la politique du « ni-ni » correspond l'accusation d'ingérence ou d'inaction suivant la posture adoptée avec à la clef un dilemme dont le Gouvernement Français ne semblait plus pouvoir sortir : intervenir en étant taxée d'ingérence ou laisser faire, signe d'indifférence voire d'acceptation et de participation, au pire comme au Rwanda.

La difficulté à dégager une ligne de conduite claire a contribué à brouiller notre image.

Moins négative qu'on pourrait le croire en Afrique anglophone où notre compétence africaine en matière d'aide au développement et notre défense de l'Afrique dans les enceintes internationales sont reconnues, l'image de la France dans nos anciennes colonies oscille, selon l'expression de M. Richard Banégas, professeur au CERI-Sciences Po, « entre attirance, sentiment d'abandon et répulsion, au gré du soutien politique ou des interventions militaires. »

La présence militaire est reconnue, sauf exception, comme positive, sous quelque forme qu'elle soit déclinée (aéroterrestre ou navale), pourvu qu'elle ne vienne pas en appui à des régimes peu recommandables et qu'elle soit limitée dans la durée.

Chez les francophones, une impression d'être délaissés, voire de ne pas être payés en retour par une France en repli (immigration, visas, réduction de l'aide, traitement des anciens combattants), domine, avec pour corollaire le risque réel que les jeunes générations se détournent de la France pour rejoindre de nouveaux partenaires.

Une étude du Quai d'Orsay en 2007 sur l'image de la France en Afrique indiquait : « Un fossé s'est ainsi creusé entre Français et Africains. Les premiers voient les seconds comme "des gens pauvres parce que corrompus, à qui la France doit dire ce qu'ils doivent faire". En miroir, domine en Afrique la vision d'"une France frileuse, doutant de ses intérêts, méfiante à l'égard de la jeunesse africaine" » .

On souhaiterait de manière générale que les Français fassent mieux justice aux progrès accomplis par l'Afrique (règlement des conflits, élections, croissance économique). De ce point de vue un certain dépit africain se nourrit du rejet d'une France « donneuse de leçons » dont les performances économiques, l'art de vivre jugée excessivement individualiste et peu solidaire, le comportement de certains de ses membres, notamment dans le cadre de l'affaire de L'Arche de Zoé, n'apparaissent pas si exemplaires.

En matière de coopération, nombre de responsables africains se disent fatigués de recevoir des leçons de morale, de bonne gouvernance et de gestion « mêlant arrogance et charité », de tous les contributeurs à l'exception des Chinois. Ils ne se retrouvent plus dans des modèles politiques et de développement où la pensée unique règne et souhaiteraient que l'on réponde enfin à leurs demandes « d'égal à égal ». Cette critique ne s'applique pas seulement à la France mais à l'ensemble des institutions financières internationales, aussi bien à l'ONU qu'à l'aide européenne ou bilatérale, corsetées de « conditionnalités », qui varient trop rapidement au gré des modes.

D'un point de vue sécuritaire, l'exemple du Mali ou de la Centrafrique laisse penser que, si la France ne détient plus la solution, elle est encore perçue comme un recours avec le risque de rentrer dans un engrenage d'interventions répondant à des appels récurrents ressuscitant l'image flatteuse de « gendarme de l'Afrique ».

Le risque existe que l'image de la France ne se réduise à son versant militaire et martial. Quoi de plus significatif que cette phrase du Président sénégalais Macky SALL où se mêlent à la fois une demande et un refus : « Le moment est venu que les États-Unis soient à nos côtés, comme la France l'est, pour que l'Afrique se donne les moyens de réagir de façon autonome quand le besoin s'en fait sentir (...). Il n`est pas acceptable que nous appelions des soldats européens pour venir régler des problèmes sur notre territoire »

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