2. L'Union européenne, premier bailleur de fonds de l'Afrique

S'il y a un domaine où l'Europe s'est en revanche pleinement investie, c'est l'aide au développement. La construction de l'Europe a été élaborée au moment de la décolonisation. Elle s'est d'emblée caractérisée par une politique originale d'aide au développement.

Pour les fondateurs de l'Europe, la solidarité avec le Sud était au coeur de l'identité européenne. Les principes initiaux étaient ceux des 4 P (partenariat, parité politique, participation, préférences commerciales).

Il s'agissait prioritairement de mettre en place un droit du développement prenant en compte les asymétries, des mécanismes stabilisateurs et compensateurs des instabilités des marchés.

Si cette spécificité s'est cependant estompée avec le temps, le multilatéralisme commercial, la mondialisation et l'élargissement de l'Europe, l'aide au développement reste cependant l'un des principaux engagements extérieurs de l'Europe. Cette aide se tourne naturellement en premier lieu vers la plus proche voisin du continent européen qu'est l'Afrique.

L'Europe investit à hauteur de 5 milliards d'euros par an, principalement dans les domaines de la coopération au développement et de l'humanitaire. L'Afrique est ainsi le premier bénéficiaire de l'aide communautaire. Le continent noir a reçu 43% de l'APD nette européenne en 2010 et près de 77% des crédits alloués par le fonds européen pour le développement (FED) la même année. L'Union européenne est enfin le premier bailleur de fonds de l'Union africaine dont elle assure 60% de son budget annuel.

Grâce à ces financements, la Commission européenne s'est affirmée comme un acteur multilatéral majeur de la coopération au développement en Afrique et dans le monde. Sur la base de son seul programme de dons, qui s'est chiffré à 12,7 milliards de dollars US en 2010, l'Union Européenne se classe au 2 e rang des bailleurs de fonds dans le monde.

Les prêts consentis par l'Union Européenne aux pays partenaires et ses prises de participations au capital d'entreprises de ces pays ont totalisé 8,3 milliards USD en termes bruts, ce qui constitue une contribution majeure au développement.

Ce soutien financier de l'Union au développement de l'Afrique a été réaffirmé lors de l'approbation du plan de coopération au développement 2014-2020 pour les pays ACP qui prévoit une aide de 31,5 milliards de dollars en direction de ces pays, au premier rang desquels on retrouve les pays d'Afrique subsaharienne. L'objectif de consacrer 0,7% du PNB de l'Union européenne à l'aide au développement en 2015 a ainsi été maintenu en dépit des difficultés économiques que connaissent les pays européens.

La hauteur des montants engagés par l'Union européenne en fait un interlocuteur de taille par rapport à la France, en particulier en matière de financement sous forme de subventions.

Du côté français, parce que les gouvernements successifs, depuis dix ans, ont été convaincus de l'opportunité et de la valeur ajoutée d'une action européenne en matière de développement, la France a fait le choix d'inscrire sa politique d'aide au développement dans un cadre européen et a toujours oeuvré pour l'affirmation de cette compétence de l'Union.

Ainsi, le quart de son aide publique au développement transite par le canal européen et la Commission européenne met aujourd'hui en oeuvre près de la moitié de ses dons programmables.

Les dernières années ont connu une forte augmentation des contributions de la France à l'Union européenne en volume : progression de 30% entre 2006 (1 544 millions d'euros) et 2010 (2 009 millions d'euros).

Ainsi, les instruments européens sont les premiers bénéficiaires de l'aide française transitant par des canaux multilatéraux, devant les fonds verticaux comme le Fonds Sida ou les banques de développement comme la Banque mondiale. L'aide européenne représente pour la France entre 14 et 23% de l'APD totale sur la période 1998-2010

Les contributions de la France aux instruments européens sur la période 2006-2010 (en millions d'euros )

Source : OECD.Stat

Ce choix est lourd de conséquences. En déléguant une partie significative de sa coopération à l'Union, la France fait le pari de l'avenir, mais se lie à des partenaires européens qui n'ont ni le même tropisme pour l'Afrique subsaharienne, ni la même expérience de la coopération.

Ce choix suppose une participation permanente de la France à la construction et à la mise en oeuvre de la politique de développement de l'Union Européenne, tant par le biais du FED que par le biais du budget général.

En raison de son poids financier, mais aussi de l'élaboration récente par elle d'une stratégie européenne, la France a pesé auprès de la Commission dans la définition de la nouvelle stratégie européenne de développement.

Cette nouvelle stratégie reprend en effet certaines propositions françaises, telles que notamment une priorité forte pour l'Afrique subsaharienne, la notion des partenariats différenciés, le recours aux solutions de mixage entre prêts et dons.

Ce travail de conviction et d'influence reste une priorité.

Comme le souligne le Bilan évaluatif de la politique française de coopération au développement entre 1998 et 2010 : « la France se trouve encore relativement isolée dans son intérêt pour les pays africains francophones qui intéressent moins la plupart des bailleurs européens, davantage investis dans les pays anglophones (c'est notamment le cas des pays nordiques, ainsi que des nouveaux pays bailleurs de l'Europe de l'Est). Par conséquent, le choix des pays bénéficiaires pilotes pour de nombreuses initiatives innovantes de la Commission européenne se porte souvent sur les pays anglophones, comme par exemple le choix des 12 pays pilotes retenus pour la programmation européenne conjointe. ».

On constate ainsi que les 17 pays pauvres prioritaires de la coopération française (Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Tchad, Togo) n'ont bénéficié que de 30% des décaissements du FED en 2010, soit 13% de l'aide au développement totale de l'Union.

On observe, par ailleurs, sur le terrain que, malgré les initiatives en faveur d'une meilleure coordination et de programmation conjointe, les représentations de l'Union agissent encore très largement comme un bailleur de fonds additionnel qui est d'une certaine manière étranger aux États qui pourtant les financent.

De ce point de vue, nos pays partenaires africains ont bien du mal à comprendre que l'action financée par l'Union européenne est en partie imputable à la France.

Au-delà du problème de visibilité, les acteurs sur le terrain soulignent la lourdeur des procédures communautaires et le manque de réactivité d'une coopération communautaire engagée dans des programmations de long terme souvent dénoncées comme trop rigides.

De fait, en choisissant de faire passer un quart de son aide par l'Europe, la coopération française a perdu en réactivité, même si elle a gagné en volume.

Réorienter l'action de l'Europe vers l'Afrique et oeuvrer pour que la politique européenne de développement devienne un instrument de coordination et de complémentarité entre l'ensemble des politiques de coopération des États membres constituent encore deux défis majeurs.

Pour cela, deux pistes semblent devoir être approfondies : définir une stratégie française pour promouvoir l'Afrique au sein des instances européennes, approfondir encore les initiatives en cours en faveur des stratégies communes et une répartition du travail en fonction des avantages comparatifs de chacun entre la Commission européenne et les agences des différents États membres.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page