II. LA MODULATION DES ÉCO-CONTRIBUTIONS EN FONCTION DE CRITÈRES ENVIRONNEMENTAUX : UN BILAN MITIGÉ SELON LES FILIÈRES, QUI PLAIDE POUR UN RENFORCEMENT DE L'INCITATION À L'ÉCO-CONCEPTION

A. LA MODULATION DES ÉCO-CONTRIBUTIONS, UN ENGAGEMENT DU GRENELLE, QUI SE MET EN PLACE PROGRESSIVEMENT DANS LES FILIÈRES

1. La modulation des contributions doit permettre d'internaliser les coûts, de créer un signal-prix, et de favoriser la prévention

Ainsi que l'indique le manuel de l'OCDE pour le développement de la REP, un objectif de ces filières est d'inciter à la prise en compte des impacts environnementaux par les metteurs sur le marché, dès le stade de conception de leurs produits.

Dans cette optique, la modulation des éco-contributions a été un objectif du Grenelle. L'engagement n° 248 préconise « d'engager un travail sur la modulation des contributions dans les dispositifs existants pour accroître la prévention - y compris des emballages » . La finalité est clairement de responsabiliser les producteurs de biens afin d'encourager la mise sur le marché de produits plus respectueux de l'environnement. La modulation de la contribution est alors déterminée en fonction de critères tenant à l'écoconception du produit par rapport à sa fin de vie.

Plus que le consommateur, c'est bien le producteur qui va être sensible à ce signal-prix. L'éco-contribution pèse en effet sur le prix de vente in fine , mais aussi et surtout sur la marge du producteur dans la négociation commerciale. Un malus subi du fait d'une conception peu respectueuse de l'environnement pèse donc d'autant plus sur la marge du producteur. L'incitation doit être suffisamment bien calibrée pour faire réagir le fabricant et l'orienter vers une amélioration de la conception de son produit de manière à maintenir sa marge.

La logique qui préside à la modulation des éco-contributions est celle de l'internalisation des coûts. Il s'agit de faire correspondre aussi fidèlement que possible la contribution versée par le producteur à la réalité du coût économique et environnemental total de traitement de son produit.

En pratique, s'il est assez simple d'évaluer les coûts économiques liés à la gestion d'un flux de déchets, il est bien plus délicat d'estimer le coût environnemental de la fin de vie d'un bien.

Les modulations des contributions en fonction de critères environnementaux liés à l'écoconception sont un phénomène relativement récent dans les filières REP. La définition des critères de modulation est une des principales difficultés rencontrées.

2. La définition des critères de modulation

La définition des critères de modulation des éco-contributions, essentiels pour avoir un effet incitatif en matière d'écoconception, se heurte à des difficultés tant techniques que structurelles.


•Des difficultés d'ordre technique

Très souvent, le critère du poids du déchet est retenu. Il est en effet représentatif de la charge de traitement, et simple à évaluer et à mettre en place.

Les éco-contributions peuvent être modulées en fonction de critères plus fins tenant à la recyclabilité des produits et donc à leur facilité de traitement en fin de vie. Les barèmes retenus peuvent ainsi distinguer entre différents types de produits, selon leurs coûts de traitement respectifs. Un malus peut également pénaliser le manque d'accessibilité à certains éléments du produit, ou encore l'utilisation de matériaux perturbant le recyclage.

Ainsi que le relève le recueil des interventions au colloque de l'ADEME du 22 octobre 2008 sur le thème « Moduler l'éco-contribution pour favoriser la prévention », l'évolution des barèmes nécessite un approfondissement de connaissances. La prise en compte de l'impact de la fin de vie dans la modulation de l'éco-contribution ne peut s'envisager sans un minimum d'études et de travaux de normalisation, ne serait-ce que compte tenu de la grande variété de produits concernés par les REP.

Prendre plus largement en compte les impacts des produits sur l'environnement tout au long de leur cycle de vie doit être étudié. Ce n'est pas la pratique aujourd'hui. Les éco-organismes sont cependant compétents pour prendre en compte ce qui touche à la fin de vie des produits, mais aussi à la prévention des déchets. Les efforts réalisés par les entreprises pour une durabilité plus grande des produits pourraient donc être pris en compte par les éco-organismes dans le cadre de bonus.


•Des difficultés d'ordre structurel

Une première difficulté structurelle tient à la gouvernance au sein des éco-organismes .

Les REP reposent sur le principe de délégation d'une mission d'intérêt général, autrefois exercée par la commune, à des acteurs privés. Les critères de modulation des éco-contributions sont donc discutés et définis par les producteurs entre eux. Dans les filières où il n'existe qu'un seul éco-organisme, cette définition de critères peut présenter un risque d'entente sur une partie du prix des produits. Un avis du Conseil de la concurrence du 14 décembre 1999 à propos de la filière piles et accumulateurs a précisé que la fixation de règles de tarification communes pouvait être envisagée, par dérogation aux règles de la concurrence, si elle résulte d'obligations réglementaires, si elle vise le progrès économique, notamment l'amélioration de l'environnement, si elle ne vise pas à évincer des acteurs du marché et, enfin, si les montants peuvent être librement intégrés par chaque acteur dans le prix de leur produit. La modulation des éco-contributions en fonction de critères d'écoconception rentre dans ce cadre, mais demande cependant une certaine vigilance pour le respect des règles de la concurrence.

Deuxième limite structurelle, la modulation des éco-contributions implique nécessairement, sur un marché donné, que certains producteurs se voient avantagés quand d'autres sont pénalisés. Le consensus sera donc difficile à obtenir pour la définition des modulations au sein de l'éco-organisme. Le risque de statu quo , ou de la définition d'objectifs peu ambitieux, est donc très fort . Cette situation plaide pour une implication plus importante de la puissance publique au moment de la définition des critères.

Enfin, une dernière difficulté tient à la structure des marchés dans une économie mondialisée. La modulation de l'éco-contribution peut voir son effet incitatif fortement limité du fait de l'ouverture des marchés. N'étant que franco-française, elle n'aura un impact que sur une part de marché réduite. Les fabricants localisés dans des pays lointains ne subissent pas l'effet signal-prix, sauf à agir par la fiscalité sur les produits entrants. L'éco-contribution sur leurs produits est payée par les importateurs. Cette difficulté est particulièrement prégnante dans la filière de l'électronique. Cela pose in fine la question des exigences sociales et environnementales de l'Europe, et de sa capacité à les faire respecter à l'intérieur de ses frontières et à l'entrée des produits sur son marché.

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