COMPTE-RENDU DE LA RÉUNION DU COMITÉ SCIENTIFIQUE DE L'ÉTUDE DU 13 NOVEMBRE 2013

Présents :

- M. Bernard Tardieu, président de la commission Énergie et Changement climatique, Académie des technologies

- M. Pierre Toulhoat, directeur scientifique, INERIS

- Mme Catherine Truffert, directrice de la recherche, BRGM

Excusés :

- M. François-Marie Bréon, chercheur au CEA, Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE)

- M. Sébastien Candel, président du Comité de prospective en énergie, Académie des sciences

- M. Jacques Percebois, professeur en sciences économiques, directeur du Centre de recherche en économie et droit de l'énergie (CREDEN), Université de Montpellier-1

Après que les rapporteurs eurent présenté les conclusions de leur travail, les membres du comité scientifique ont formulé les remarques suivantes.

M. Pierre Toulhoat

On ne peut qu'approuver votre proposition de mettre en oeuvre pleinement la loi de 2011. Cette loi était très claire.

M. Jean-Claude Lenoir

Le Conseil constitutionnel en a validé la portée.

M. Pierre Toulhoat

Le recours à l'expertise scientifique, par la mise en oeuvre d'un programme de recherche, est un point essentiel. Il faudrait étendre vos propositions à la question de la gouvernance de la recherche : qui décide des programmes ? Qui les finance ? Il est nécessaire de tenir compte du contexte budgétaire restrictif qui affecte l'ensemble de nos organismes de recherche. L'INERIS subit, par exemple, une baisse de 17 % du montant de son programme de recherche en 2014 par rapport à 2013.

À propos du gaz de houille, un rapport récent du BRGM et de l'INERIS 98 ( * ) recense les principaux points sensibles, nécessitant soit une réglementation spécifique soit des travaux de recherche complémentaires.

Un premier sujet de préoccupation concerne le risque accidentel, en lien avec la gestion des systèmes à haute pression et l'hypothèse d'une migration non maîtrisée de gaz dans les ouvrages.

La qualité des eaux issues de l'exploitation du gaz de houille constitue un deuxième sujet de préoccupation. Il faut caractériser d'éventuels contaminants issus des charbons, susceptibles de remonter à la surface avec l'eau extraite.

M. Christian Bataille

Il semblerait, qu'en France, la fracturation hydraulique ne soit pas nécessaire à l'exploitation du gaz de houille. Qu'en pensez-vous ?

M. Pierre Toulhoat

Il faut attendre les résultats des essais en cours. Il existe des zones naturellement fracturées, de perméabilité accrue. Il faut en vérifier l'existence et l'étendue. Il conviendrait aussi de tester la présence de certains composés organiques dans l'eau extraite des puits.

Un troisième sujet de préoccupation, s'agissant du gaz de houille, est relatif à l'usage des sols.

Par ailleurs, vous proposez de faire réaliser par le BRGM et l'IFPEN des synthèses portant sur le gaz de houille. Je vous suggère de tenir compte des travaux existants, notamment du rapport précédemment mentionné. L'aspect « ressources » reste toutefois à approfondir.

L'INERIS et l'IFPEN ont par ailleurs rendu des études sur les méthodes alternatives à la fracturation hydraulique, fondées notamment sur une analyse de ce qui se fait à l'étranger.

Sur les échanges avec l'étranger dans le domaine scientifique, nos instituts s'en préoccupent d'ores et déjà.

Il faudrait résorber l'asymétrie de connaissances entre pouvoirs publics et entreprises.

M. Bernard Tardieu

L'application de la loi de 2011 devrait permettre une analyse des enjeux industriels. Vous évoquez la nécessité de renouer un dialogue pérenne avec l'industrie, mais la plupart des équipements sur les forages sont aujourd'hui importés.

M. Christian Bataille

Vous voulez dire que nos industriels nationaux devraient être étroitement associés à des opérations d'exploration ?

M. Bernard Tardieu

Les entreprises ont de l'argent, mais pas de visibilité. Il n'est pas nécessaire d'alourdir les finances publiques pour mener des travaux d'exploration. Il suffirait de donner de la visibilité aux entreprises pour qu'elles souhaitent investir.

Sur la dimension européenne, j'attire votre attention sur le fait que la Pologne et le Royaume-Uni sont réticents à la mise en place d'une réglementation à l'échelle de l'Europe. Si elle est trop restrictive, cette réglementation pourrait aboutir à rendre l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels non commerciale.

J'approuve votre idée d'un contrat social avec la population. C'est l'idée d'un risque choisi plutôt que subi. Vous évoquez la mise en place de « commissions locales d'information » (CLI), comme dans le domaine nucléaire.

M. Christian Bataille

Les CLI ont le mérite de permettre une bonne circulation de l'information. Or, plus l'information circule, moins les opposants ont prise. Elles permettent d'associer élus, associations, syndicats, pour faire en sorte que l'opposition ne soit pas monopolisée par une petite poignée d'individus.

M. Bernard Tardieu

Il ne me paraît toutefois pas judicieux de laisser penser que le risque associé à l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels serait comparable au risque nucléaire. Les dangers de l'exploitation non conventionnelle sont en fait très surévalués. L'idée de trouver des mécanismes de concertation est bonne, mais le parallélisme avec les CLI n'est peut-être pas nécessaire.

Enfin, s'agissant du lien avec la transition énergétique, les Verts américains sont favorables au gaz car ils savent que l'éolien ou le stockage hydraulique d'énergie (STEP 99 ( * ) ) ont leurs limites. Le gaz est complémentaire de l'énergie éolienne.

Mme Catherine Truffert

La connaissance géologique est fondée, au plan national, sur un Référentiel géologique de la France, qui rassemble les travaux effectués par différents organismes depuis plusieurs décennies. Ce programme est financé par l'État, par les collectivités locales et, dans certains cas, par les industriels. L'existant n'est donc pas négligeable.

Les industriels seraient prêts à financer l'acquisition de connaissances supplémentaires : il ne faudrait pas laisser croire que le financement de la recherche doit provenir exclusivement de l'État. Dire que les organismes publics doivent poursuivre des travaux de recherche sur les hydrocarbures non conventionnels n'est toutefois pas inutile.

Nos connaissances sur les ressources ne nous permettent pas de déterminer à quelles conditions cette ressource peut être prélevée. En Pologne, les estimations ont été révisées de 90 % à la baisse. La ressource est présente, mais dans un contexte qui ne permet pas de l'extraire facilement. Sans utiliser la fracturation hydraulique, on ne sait pas évaluer la réserve récupérable. En France, on ne pourrait pas procéder à de telles évaluations sans aménager la loi, exclusivement dans un objectif de recherche et développement.

Nous ne pouvons pas non plus savoir si les roches contiennent des radionucléides mobiles sans procéder à de telles expérimentations.

M. Pierre Toulhoat

Vous évoquez la réforme du code minier pour ce qui est de l'intéressement des collectivités et de la population. Il faudrait peut-être aussi insister sur le fait que cette réforme doit amener davantage de concertation, les anciennes procédures étant obsolètes.

M. Jean-Claude Lenoir

Le Sénat a créé un groupe de travail sur la réforme en cours du code minier. Nous l'évoquons mais évidemment cela n'est pas l'objet principal du rapport de l'OPECST.

Mme Catherine Truffert

Les dispositions du code minier ont créé des mécanismes de royalties très faibles en faveur des collectivités locales, à une époque où il fallait attirer les investisseurs sur le territoire. Le contexte a changé : d'une part, les mécanismes de royalties sont inadaptés ; d'autre part, le non-conventionnel est incontestablement plus impactant pour le voisinage que le conventionnel.


* 98 « Synthèse sur les gaz de houille : exploitation, risques et impacts environnementaux », INERIS, BRGM (octobre 2013)

* 99 Stations de transfert d'énergie par pompage.

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