N° 211

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 décembre 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la perspective européenne de la Serbie ,

Par M. Simon SUTOUR, Mlle Sophie JOISSAINS et M. Michel BILLOUT,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Simon Sutour, président ; MM.  Alain Bertrand, Michel Billout, Jean Bizet, Mme Bernadette Bourzai, M. Jean-Paul Emorine, Mme Fabienne Keller, M. Philippe Leroy, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Georges Patient, Roland Ries, vice-présidents ; MM. Christophe Béchu, André Gattolin, Richard Yung, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Dominique Bailly, Pierre Bernard-Reymond, Éric Bocquet, Mme Françoise Boog, Yannick Botrel, Gérard César, Mme Karine Claireaux, MM. Robert del Picchia, Michel Delebarre, Yann Gaillard, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Jean-François Humbert, Mme Sophie Joissains, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Jacques Lozach, Mme Colette Mélot, MM. Aymeri de Montesquiou, Bernard Piras, Alain Richard, Mme Catherine Tasca.

Le Conseil européen des 27 et 28 juin 2013 a décidé d'ouvrir les négociations d'adhésion à l'Union européenne avec la Serbie, qui dispose du statut de candidat depuis mars 2012. Les conclusions du Conseil ne précisent pas pour autant la date à laquelle seront ouvertes ces négociations. À l'initiative de la commission des affaires européennes, le Sénat a adopté le 16 octobre 2013 une résolution européenne adressée au gouvernement français lui demandant d'agir auprès de ses homologues afin que la conférence intergouvernementale destinée à ouvrir ces négociations d'adhésion se tienne le plus rapidement possible.

La commission des affaires européennes estime en effet que tout nouveau retard pourrait gripper une dynamique européenne tangible au sein du pays, marquée notamment par l'accord historique signé par le gouvernement serbe avec son homologue kosovar le 19 avril 2013 à Bruxelles, sous l'égide de l'Union européenne et l'entrée en vigueur, le 1 er septembre 2013, de l'Accord de stabilisation et d'association (ASA) avec l'Union européenne. Il existe un consensus en Serbie en faveur de l'adhésion à l'Union européenne et des réformes qu'elle implique. Il appartient aux États membres de l'encourager, tant elle permet de tourner définitivement la page des conflits sanglants qui ont déchiré la région.

C'est dans ce contexte qu'une délégation de la commission des affaires européennes, présidée par M. Simon Sutour (Gard - SOC) et composée de Mlle Sophie Joissains (Bouches-du-Rhône - UMP) et Michel Billout (Seine-et-Marne - CRC), s'est rendue à Belgrade du 4 au 6 novembre derniers. Le présent rapport tire les enseignements des entretiens réalisés sur place et détaille les priorités des négociations à venir entre l'Union européenne et la Serbie.


La Serbie en quelques chiffres

Superficie : 77 474 km²

Population : 7,121 millions d'habitants

PIB (2012) : 33,17 milliards d'euros

PIB par habitant (2012) : 4 280 €

Taux de croissance (2012) : - 1,3 %

Taux de croissance (estimation 2013) : + 1,8 %

Solde budgétaire (2012) : - 6,7 % du PIB

Taux d'endettement (2013) : 65,1 % du PIB

Taux de chômage : 25 %

Principaux clients : Allemagne, Italie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro

Principaux fournisseurs : Russie, Allemagne, Italie, Chine

I. LE LONG CHEMIN VERS L'ADHÉSION

A. DES SANCTIONS À L'ACCORD DE STABILISATION ET D'ASSOCIATION

Le rapprochement entre l'Union européenne et la Serbie a longtemps été tributaire du contexte régional. Les relations entre Bruxelles et Belgrade se sont limitées, jusqu'au départ de Slobodan Milosevic en octobre 2000, à la mise en oeuvre par l'Union européenne de mécanismes d'embargo contre la Yougoslavie, impliquée dans la guerre en Bosnie-Herzégovine (1992-1995) puis dans les répressions violentes au Kosovo (1998-1999). Le pays, auquel est alors relié le Monténégro, est néanmoins intégré à l'Approche régionale lancée en 1997 par l'Union, destinée à stabiliser les pays des Balkans en vue d'une adhésion à terme. Un régime d'aide financière conditionné à la mise en oeuvre de réformes politiques est ainsi mis en place.

La Serbie peut, à partir d'octobre 2000, s'inscrire pleinement dans la dynamique lancée par l'Union à destination de la région suite au Conseil européen de Feira des 19 et 20 juin 2000, les pays des Balkans obtenant le statut officieux de « candidats potentiels ». Le Conseil européen de Thessalonique rappellera, le 21 juin 2003, le soutien de l'Union européenne « à la perspective européenne qui s'offre aux pays des Balkans occidentaux ».

Reste que cette intégration est rapidement ralentie par les questions ayant trait à la coopération de la Serbie au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et au règlement du conflit gelé au Kosovo. De fait, si Belgrade participe dès l'origine au processus de stabilisation et d'association (PSA) qui succède à l'Approche régionale en 2000, l'ouverture effective des négociations en vue de la conclusion d'un accord de stabilisation et d'association (ASA), aboutissement logique du PSA, n'interviendra qu'en octobre 2005, soit cinq ans après la Croatie et la Macédoine, trois ans après l'Albanie, et deux ans après le Monténégro. L'Union européenne a privilégié pour ce dernier pays un traitement différencié au sein de l'Union de Serbie-et-Monténégro, créée en 2003 sous son égide, anticipant ainsi l'accession du Monténégro à l'indépendance en juin 2006.

L'absence de collaboration effective avec le TPIY a longtemps constitué la raison majeure du ralentissement observé dans le rapprochement avec l'Union européenne. L'ouverture des négociations en vue de la conclusion d'un ASA en 2005 n'intervient qu'à la suite du transfert de plusieurs personnalités poursuivies, dont l'ancien chef d'état-major de l'armée yougoslave, Momèilo Periiæ. L'Union européenne a entre-temps fait de cette coopération avec la justice internationale un des éléments clés pour évaluer l'opportunité d'ouvrir des négociations en exigeant l'adoption d'un cadre légal approprié en vue de l'arrestation des fugitifs, visant nommément Ratko Mladiæ et Radovan Karadúiæ, poursuivis en raison de leur participation au conflit en Bosnie-Herzégovine.

L'article 4 de l'Accord de stabilisation et d'association signé en 2008 avec Belgrade prévoit ainsi expressément une pleine coopération avec le TPIY. L'ASA instaure également une zone de libre-échange avec l'Union européenne dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur. Il définit également des objectifs politiques et économiques communs et encourage la coopération régionale. Dans le cadre de l'adhésion, il doit servir de fondement à la mise en oeuvre du processus d'adhésion et prépare ainsi à la convergence de la législation avec l'acquis communautaire en vue de garantir la libre circulation des travailleurs, la liberté d'établissement, et la libre-prestation de services sur le territoire serbe.

L'absence de résultats tangibles avec le TPIY va cependant conduire à différer la ratification de l'ASA et l'examen de la candidature à l'adhésion déposée par Belgrade le 22 décembre 2009. Il faudra attendre l'arrestation de Radovan Karadzic en juin 2010 pour voir le processus de ratification lancé par le Conseil. Les réserves exprimées par un certain nombre d'États, à l'instar de la Belgique et des Pays-Bas, n'ont été officiellement levées qu'après le transfert à La Haye de Ratko Mladiæ et de Goran Hadúiæ en 2011. De fait, l'Accord de stabilisation et d'association n'est entré en vigueur que le 1 er septembre 2013. La Serbie avait, entre temps, obtenu le statut de candidat en mars 2012, 15 ans après son intégration à l'Approche régionale. La Croatie n'aura, quant à elle, attendu que 7 ans, la Macédoine 8 ans.

Les crédits accordés à la Serbie par l'Union européenne

Les crédits accordés par l'Union européenne à la Serbie s'élèvent en 2013 à 197 millions d'euros, compte tenu des programmes régionaux auxquels elle participe. 179 millions d'euros visent directement le renforcement des capacités institutionnelles du pays (172 millions d'euros en 2012) et plus particulièrement le soutien à la transposition dans le droit national de la législation européenne.

146 millions d'euros sont directement gérés par Belgrade et répondent à une approche sectorielle :

- 21 % des crédits visent la reprise de l'acquis communautaire en matière d'environnement et d'énergie ;

- 18 % des crédits financent des actions de soutien au développement du secteur privé, via notamment des subventions à la création d'infrastructures au sein de 34 municipalités du Sud et du Sud-Ouest de la Serbie ;

- 16 % des crédits sont affectés au soutien à l'intégration européenne et à la mise en oeuvre du dialogue Pristina-Belgrade ;

- 13 % des crédits sont attribués à des actions de jumelage en faveur de la formation des magistrats, de la lutte contre la corruption et la criminalité organisée et en faveur de l'alignement des politiques d'asile ;

- 13 % des crédits concernent le développement social et plus particulièrement la formation professionnelle, le financement d'infrastructures sociales et l'accès aux soins (notamment pour les Roms) ;

- 9 % des crédits ciblent le secteur des transports, qu'il s'agisse de la reprise de l'acquis ou le développement de la navigation fluviale sur le Danube ;

- 6 % des crédits servent à la réforme de l'administration publique, avec pour priorité le contrôle des finances publiques, la modernisation des structures fiscales et la mise en place d'une nouvelle règlementation en matière de marchés publics ;

- 2 % des crédits participent à la mise en place d'un système de contrôle des maladies animales.

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