CONCLUSION

L'arrivée au pouvoir en Serbie d'une coalition nationaliste en mai 2012 aurait pu signifier la fin d'un processus de rapprochement avec l'Union européenne, déjà chaotique par le passé. Elle s'est à l'inverse traduite par un engagement européen clair, incarné notamment par l'accord de Bruxelles avec les autorités du Kosovo. Ce volontarisme se décline également dans d'autres domaines, qu'il s'agisse des réformes lancées en matière judiciaire, de la stratégie mise en oeuvre en faveur de la lutte contre la corruption ou des minorités nationales, ou du changement de modèle économique. Il rencontre l'adhésion d'une opinion publique qui semble encline à accepter les sacrifices induits par la modernisation accélérée du pays. Un consensus politique s'est fait jour pour espérer une adhésion à l'horizon 2020.

Cette perspective ne peut être crédible qu'à condition que le gouvernement mette désormais réellement en oeuvre les plans d'action présentés et dépasse les effets d'annonce. La tâche est immense dans un contexte économique difficile, marqué par une activité morose et une dégradation de la situation financière de l'État. Belgrade doit suivre les recommandations contenues dans le rapport de progrès présenté le 16 octobre 2013, dont la tonalité demeure relativement positive.

À ces efforts doivent répondre de réels encouragements de la part des États membres de l'Union européenne. Il s'agit d'engager une véritable dialectique de la confiance avec la Serbie. Sans mésestimer ce qui reste à accomplir, il convient de ne pas relativiser les avancées assumées par le gouvernement serbe, parfois à rebours de sa tradition politique. Il n'est pas pertinent par exemple de rechercher au travers de la définition du cadre des négociations d'adhésion à régler la question du Kosovo. Il est à ce titre indispensable de dépasser le prisme déformant hérité des guerres des années quatre-vingt-dix. La Serbie ne peut être assimilée au régime de Milosevic. Des changements considérables se sont produits. Il est indispensable de les saluer et surtout de les appuyer. Toute action inverse conduirait à retarder une nouvelle fois le rapprochement légitime entre ce pays et l'Union européenne et contribuer à l'étiolement du sentiment européen en Serbie. L'Europe en général et les Balkans occidentaux, en particulier, n'auraient rien à gagner à un tel recul.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le 3 décembre 2013 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. Simon Sutour, le débat suivant s'est engagé :

M. Michel Billout :

J'ai été frappé qu'aucune force politique ne soit opposée à l'adhésion. On ne voit pas de différence entre majorité et opposition. La position prise par le Sénat a été appréciée. La Serbie reste un grand pays des Balkans, zone qui reste encore à stabiliser comme le montre l'ampleur de la mission de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine. Je m'étonne de voir que l'Allemagne semble plus favorable à l'adhésion du Monténégro qu'à celle de la Serbie.

M. Roland Ries :

La Serbie est un pays foncièrement européen : c'est l'Histoire qui explique qu'elle ne soit pas aujourd'hui membre de l'Union. Il faut prendre la juste mesure des obstacles à l'adhésion. Sur le Kosovo, des progrès ont été faits, et la volonté de trouver un compromis est indéniable même si la situation n'est pas mûre pour une reconnaissance. Le problème n'est pas insoluble, car la volonté d'adhérer à l'Union sera la plus forte. Sur la situation économique, il faut admettre qu'il y a beaucoup à faire pour obtenir un redémarrage. C'est une raison pour ouvrir les négociations le plus tôt possible, de façon à encourager les investissements en donnant une perspective. Les négociations aideront aussi à progresser en matière de justice et d'affaires intérieures.

Le poids de l'Histoire reste fort. La première Guerre mondiale est née dans les Balkans, et à la fin de l'ère Tito, on a vu ressurgir des antagonismes nationaux qui avaient été en quelque sorte gelés. L'adhésion à l'Union est la chance de sortir de ces antagonismes. Notre rôle doit être de la faciliter.

M. Simon Sutour :

Les élections municipales se sont bien passées au Kosovo dans la partie située au sud de l'Ibar, mais plutôt mal dans la zone serbe située dans la partie nord du Kosovo, bien que la Serbie ait tout fait pour faciliter les opérations. La situation reste fragile. Ce serait une erreur de freiner l'engagement des négociations, alors qu'il faut au contraire créer un climat de confiance.

M. Roland Ries :

La Serbie a incité à participer aux élections municipales, alors qu'auparavant elle prônait le boycott. Cela montre que des évolutions et des compromis pragmatiques sont possibles.

M. Bernard Piras :

Je souscris à cette idée et je crois que la France peut jouer un rôle très positif. Les Serbes conservent un attachement pour notre pays.

M. Éric Bocquet :

L'évolution a-t-elle un effet d'entraînement sur l'ensemble de la zone ?

M. Simon Sutour :

Il y a une dynamique européenne. Quand nous avions rencontré le président croate, il avait soutenu la perspective d'adhésion de la Serbie. Cependant, il faut distinguer entre d'un côté la Slovénie, la Croatie, la Serbie, qui sont des États solidement constitués, et les autres États de la région, plus fragiles.

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