I. III. LA POSITION DOMINANTE ABUSIVE ET LE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS

A. LE RÉGIME JURIDIQUE

1. Les critères de la position dominante abusive

Le régime est fixé à l'article 102 du TFUE.

Article 102 du TFUE

Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à:

a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables,

b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs,

c) appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,

d) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats.

Il convient de rappeler que dans ce domaine, il n'y a pas d'« exception agricole » et que l'article 102 s'applique à l'agriculture comme à tout autre secteur.

L'abus de position dominante est une pratique unilatérale : elle ne suppose pas la réunion de plusieurs opérateurs économiques qui agissent de façon coordonnée. Les articles 102 TFUE et L. 420-2 du Code de commerce sanctionnent non pas la position dominante, mais l'utilisation abusive que la ou les entreprises qui la détiennent peuvent en faire.

La définition a été donnée par les arrêts de la Cour de justice de 1978, United Brands, et de 1979, Hoffmann-La Roche, comme étant « le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et finalement des consommateurs » . Les « Orientations » de la Commission publiées en 2009 38 ( * ) précisent la position dominante à l'aide du « pouvoir de marché », c'est-à-dire de la capacité pour une entreprise d'augmenter ses prix, pendant une longue période, sans subir de pressions concurrentielles suffisantes. Les parts de marché ne sont pas suffisantes en elles-mêmes pour déterminer la position dominante, seule une détention de moins de 40 % des parts de marché est susceptible d'écarter la qualification. Il faut également examiner la structure du marché et les barrières à l'entrée du marché.

Les abus de position dominante prennent principalement deux formes :

- l'éviction d'un concurrent : les abus d'éviction, considérés comme les plus graves, sont des pratiques visant à évincer un concurrent du marché en cause. L'éviction du marché peut se réaliser par des accords exclusifs, des techniques de fidélisation qui dressent des « barrières à l'entrée du marché » et écartent les concurrents. Les ventes liées, comme le refus de fournitures, sont également des abus d'éviction, car elles contribuent à empêcher l'entrée de nouveaux concurrents sur ce marché connexe ;

- la pratique de prix dits « prédateurs » entre également dans cette catégorie d'abus. Elle consiste pour une entreprise à pratiquer des prix bas sur une courte période, renonçant ainsi à ses bénéfices ou supportant des pertes de façon délibérée dans le but d'évincer les concurrents qui sont, par définition, incapables de réagir à des prix aussi bas.

2. La problématique du marché pertinent

La définition du marché pertinent concerne les deux grands volets du droit de la concurrence - les ententes et les abus de position dominante, mais dans des proportions inégales. La définition du marché pertinent, relativement accessoire dans le cadre des ententes 39 ( * ) , est déterminante dans l'appréciation des abus de position dominante et des concentrations.

a) La méthode de délimitation du marché pertinent

Cette notion est tellement cruciale qu'elle a été, pour la première fois, définie précisément dans le futur règlement OCM unique.

Article 143 bis du nouveau règlement OCM unique

La définition du marché en cause permet d'identifier et de définir le périmètre à l'intérieur duquel s'exerce la concurrence entre entreprises et s'articule autour de deux dimensions cumulatives :

a) le marché de produits en cause: aux fins du pressent chapitre, on entend par "marché de produits" le marché comprenant tous les produits considérés comme interchangeables ou substituables par le consommateur en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auxquels ils sont destinés ;

b) le marché géographique en cause: aux fins du présent chapitre, on entend par "marché géographique" le marché comprenant le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre des biens en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines, notamment parce que les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable.

Le marché pertinent est composé de deux éléments : le marché de produits et le marché géographique. On cherche à définir un ensemble concurrentiel le plus homogène possible. Pour déterminer quel est le produit en cause, les Autorités chargées du contrôle se fondent sur un critère de substituabilité : le consommateur est-il susceptible de se tourner vers un produit de substitution en cas d'augmentation durable du prix du produit ? L'analyse est très fine : le marché des pommes, par exemple, distingue les pommes de table ou pommes à couteau et les pommes à usage industriel (compotes). Dans le secteur de la viande, l'Autorité de la concurrence a considéré qu'il existait autant de marchés distincts que d'espèces d'animaux abattus ; elle a distingué le marché des porcs et des truies, qui correspond plutôt aux porcs de réforme.

Un marché géographique comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre des biens ou des services en cause, qui peut être distingué de zones géographiques voisines ayant des conditions de concurrence différentes.

L'appréhension de marché pertinent est rendue difficile par la combinaison d'une analyse du produit et du marché géographique. Dans le secteur agricole et alimentaire, il existe des spécificités fortes, des habitudes de consommation nationales qui empêchent de définir des règles claires. Ces difficultés sont régulièrement évoquées, comme ce fut le cas lors de l'audition de M. Bruno Lasserre dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi sur la consommation.

Extrait du compte rendu de l'audition de M. Bruno Lasserre par la commission des affaires économiques du Sénat en date du 3 juillet 2013

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Pouvez-vous nous préciser comment vous définissez les marchés pertinents dans la mise en oeuvre du droit de la concurrence ? Cette définition semble différente selon les pays, ce qui peut pénaliser les producteurs français, par exemple dans le cas des marchés du lait et dans celui des endives. La délimitation d'un marché pertinent autour du seul roquefort entraîne une segmentation du marché des fromages en France.

M. Bruno Lasserre . - La définition du marché pertinent est le préliminaire de tout notre travail. Elle se fonde sur deux critères : les produits et le périmètre géographique. Il s'agit d'une simple photographie, que nous réalisons avec le plus d'objectivité possible, de la substituabilité entre les produits sur le marché, vue depuis le consommateur comme depuis le producteur. Dans le cas de l'alimentation, il existe des goûts nationaux, ce qui peut conduire à une restriction des échanges. S'agissant du lait, nous avons soutenu les mesures du « paquet lait ». Enfin, le marché des endives a fait l'objet d'une entente : les producteurs se disaient concurrents alors qu'ils se rencontraient en secret pour coordonner leurs prix. Ceux qui s'étaient regroupés ouvertement dans une association de producteurs titulaire d'une marque n'ont pas été sanctionnés.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - En déclarant que les goûts sont nationaux, vous risquez de définir un marché trop étroit et de fragiliser les capacités des producteurs.

M. Bruno Lasserre . - Notre position est pourtant plus modérée que celle de la commission européenne : alors que celle-ci veut reconnaître une association de producteur seulement si elle n'a pas de position dominante, nous estimons que c'est l'abus de position dominante qui doit être condamnée et pas la position dominante elle-même. S'agissant des marchés pertinents, nous nous contentons de constater la situation existante ; lorsque le prix du roquefort augmente, par exemple, l'amateur ne se reporte pas sur un autre produit.

b) Le marché pertinent - Marché national ou marché européen ?

L'une des difficultés de la délimitation sera de considérer le périmètre du marché pertinent, local, national ou européen.

L'appréhension du marché pertinent est un travail extrêmement complexe. Des lignes directrices ne suffisent pas vraiment à harmoniser les pratiques. Même si le droit est européen, le contexte économique et historique est national. Les appréciations changent selon les pays, selon les années, et selon les objets (le périmètre n'est pas nécessairement le même selon que l'on est dans le cadre du contrôle des ententes ou dans celui du contrôle des concentrations).

Chaque cas est un cas particulier c'est d'ailleurs la base même de l'approche du marché pertinent. Et chaque pays a son lot de contradictions. Chacun sait par exemple que le Royaume-Uni est le pays du libre-échange, le champion de la concurrence. Le marché est ouvert... Mais les Anglais ne consomment que du lait anglais. Ainsi, une analyse de concentration dans ce secteur au Royaume-Uni relèverait du marché national. « Dans l'affaire Arla/Milk link au Royaume Uni, la fusion a renforcé leurs positions sur le marché national. Nous allons imposer de revendre » explique la DG concurrence. Si la concentration avait eu lieu dans les pays nordiques, le marché aurait été beaucoup plus large parce que les consommateurs sont prêts à acheter des produits d'autres pays. En France, « les consommateurs sont moins nationalistes qu'ils le prétendent » , commente la DG Concurrence.

Autre cas de figure : le marché pertinent peut être, spontanément, de façon naturelle, le marché européen. C'est le cas, par exemple, aux Pays Bas comme le commente l'Autorité de la concurrence du pays. « Comme toutes les autorités de la concurrence, nous regardons le marché : si les ventes sont en Europe, le marché pertinent est européen, si elles sont dans le pays seulement, le marché pertinent est national. Mais nous sommes un petit pays, nous avons une tradition de commerce et les entreprises traversent facilement les frontières ».

A l'inverse, certains sujets n'intéressent que quelques pays. Le ministère de l'agriculture français s'était ainsi interrogé sur la pratique du contrôle de la position dominante, un des critères préalables à la reconnaissance des organisations de producteurs. Il y eut une enquête pour savoir comment le critère était appliqué en Europe. « Pour beaucoup d'États membres, c'était une question qu'ils n'avaient jamais eue. C'était un sujet très français » commente le ministère chargé de l'agriculture. Le critère a d'ailleurs été abandonné dans la réforme de la PAC. On pourra d'ailleurs relever que la réponse apportée par le président de l'Autorité de la concurrence à la question de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann comparant la modération de l'Autorité française à la sévérité de la Commission qui contrôle la position dominante, est assez discutable dans la mesure où ce contrôle des OP relève en pratique des Autorités nationales et qu'il était, en fait, partout pratiquement abandonné ...

À l'inverse, certains sujets, que l'on pourrait spontanément qualifier de nationaux, ont été considérés comme européens par l'Autorité de la concurrence.

L'affaire des recommandations - nationales - du prix du lait illustre cette « remontée », ce « recadrage » d'une disposition nationale dans un cadre européen.

L'avis 09-A-48 de l'Autorité de la concurrence du 2 octobre 2009, relatif au fonctionnement du secteur laitier, a établi que la pratique de recommandations de prix effectuée par le CNIEL affectait le commerce entre États membres de façon sensible, selon un raisonnement basé sur les marchés connexes. Même si la recommandation des prix se faisait au niveau national et à destination d'acteurs nationaux, l'Autorité a tenu compte de l'importance de la part française de la production de lait dans l'Union européenne (17 %). Elle a estimé, en conséquence, que même si le lait à l'état brut ne faisait pas l'objet de beaucoup d'échanges entre États membres, il en allait différemment des marchés situés en aval, à savoir les marchés du fromage ou de la poudre de lait. L'Autorité en a déduit que l'interdépendance du marché français avec ceux des autres États membres était bien réelle, et qu'il y avait par conséquent « affectation sensible du commerce entre États membres » du fait de la pratique des recommandations de prix du lait.

On déduit du raisonnement de l'Autorité de la concurrence l'existence de trois situations distinctes pour déterminer l'affectation du commerce entre États membres à l'aide d'un raisonnement basé sur le marché pertinent :

- dans le cas d'une pratique d'entente réalisée au niveau régional seulement, il est possible qu'il n'y ait pas d'affectation sensible du commerce entre États membres. Une analyse approfondie de la région concernée sera nécessaire afin de déterminer si le droit de l'Union européenne s'applique ;

- si l'accord est réalisé au niveau régional, mais qu'il n'est que la poursuite d'une pratique nationale, il y a alors affectation sensible du commerce entre États membres. Dans l'arrêt Wouters du 19 février 2002, la Cour de justice de l'Union européenne a admis qu'une entente s'étendant à l'ensemble du territoire d'un État membre a pour effet, par sa nature même, de consolider les cloisonnements nationaux, provoquant ainsi une entrave aux échanges économiques entre États membres, contraire à l'esprit des traités européens ;

- enfin, dans le cas où une pratique régionale affecte les régions frontalières, ou qu'elle affecte les marchés connexes ayant un effet sur le commerce entre États membres, une analyse des seuils prévue par la communication de la Commission sur les accords d'importance mineure sera alors nécessaire pour déterminer si le droit de l'Union européenne s'applique.

3. Le contrôle des concentrations
a) Le régime juridique

Le contrôle des concentrations est le quatrième volet 40 ( * ) du droit européen de la concurrence. Il n'est cependant pas défini par le traité, mais par un règlement, en l'espèce le règlement CE n° 139/2004 du 30 janvier 2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises. Ce règlement rappelle que les concentrations « doivent être appréciées de manière positive pour autant qu'elles correspondent aux exigences d'une concurrence dynamique et qu'elles soient de nature à augmenter la compétitivité de l'industrie européenne, à améliorer les conditions de la croissance et à relever le niveau de vie dans la Communauté » .

Le régime rappelle aussi le partage des compétences entre la Commission européenne et les Autorités nationales de concurrence en fonction des chiffres d'affaires des entreprises concernées par la concentration 41 ( * ) .

Dans le domaine agricole, même s'il existe des sociétés agroalimentaires « de dimension communautaire » au sens du règlement précité, la plupart des concentrations relèvent du droit national. Le contrôle des concentrations s'inscrit dans le cadre légal défini par les articles L430-1 à L430-10 du Code du commerce et par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME).

Devant les difficultés d'interprétation des règles sur les concentrations, l'Autorité de la concurrence a publié, en 2013, de nouvelles lignes directrices, une sorte de guide à vocation pédagogique à destination des entreprises 42 ( * ) .

Rappelons qu'il n'y a pas d'« exception agricole » dans l'application du droit de la concurrence aux concentrations et au contrôle des abus de position dominante (l'« exception agricole » ne s'applique qu'aux ententes).

Même si l'agriculture suit le régime de droit commun, les lignes directrices consacrent toutefois de longs développements aux coopératives agricoles « dotées d'un régime particulier (...) situées à mi-chemin entre les deux formes polaires que sont les marchés et les organisations » et dont les « spécificités justifient sur certains points une analyse spécifique du droit de la concurrence » 43 ( * ) .

b) La procédure

Les opérations de concentration suivront par conséquent les procédures normales appliquées aux entreprises. Le régime est la notification et le contrôle préalable par l'Autorité de la concurrence compétente en fonction des seuils de chiffres d'affaires. L'autorisation peut être subordonnée à des engagements de la part de l'entreprise.

Les concentrations sont soumises à l'Autorité de la concurrence si le chiffre d'affaires total en France réalisé par les entreprises parties à la concentration est supérieur à 150 M€/50 M€ (les seuils sont différents pour le commerce de détail). Les opérations sont alors notifiées auprès de l'Autorité de la concurrence, avant leur réalisation.

Le contrôle de l'Autorité de la concurrence suit plusieurs phases :

- la notification, précédée d'une pré-notification « qui permet à l'entreprise d'échanger avec le service des concentrations de l'Autorité de la concurrence et d'échanger sur les questions que soulève l'opération » . Viennent ensuite les phases d'instruction proprement dites ;

- une phase 1 au terme de laquelle l'Autorité se prononce sur l'opération en la subordonnant éventuellement à des engagements lorsque l'opération est susceptible d'avoir des effets concurrentiels ;

- la phase 2 concerne les examens approfondis. Au terme de cette procédure, l'Autorité peut autoriser l'opération en la subordonnant à la réalisation d'engagements ou d'injonctions imposées aux parties, ou l'interdire ;

- Une fois la décision de l'Autorité rendue, le ministre peut évoquer l'affaire et statuer sur l'opération en cause pour des motifs d'intérêt général autres que le maintien de la concurrence.

Cette fonction de contrôle est illustrée dans une décision de 2011, liée à la prise de contrôle de la coopérative Elle-et-Vire par le groupe Agrial.

La décision Agrial (Décision n° 11-DCC-150 du 10 octobre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la coopérative Elle-et-Vire par le groupe coopératif Agrial) :

En 2009, la société coopérative Agrial avait acheté l'activité cidricole d'Elle-et-Vire. Il s'agissait alors d'une initiative d'Elle-et Vire dans une stratégie de recentrage. Cette acquisition n'entrait pas dans le champ d'application du droit de la concurrence (pour des raisons de seuil). En 2011, la société Agrial engage cette fois une opération de fusion/concentration en procédant à la reprise du reste des activités d'Elle-et-Vire. Agrial soumet alors son projet à l'examen de l'Autorité de la concurrence qui examine les deux actions au titre du respect du droit de la concurrence en matière de contrôle des concentrations.

L'Autorité de la concurrence a considéré que cette concentration était susceptible de restreindre la concurrence sur deux points :

- d'une part, le risque de verrouillage du marché de la distribution des produits d'agrofourniture auprès des producteurs laitiers. La grande majorité des producteurs de lait passaient par Elle-et-Vire pour la collecte de leur lait, suite à la concentration, ils n'auront pas d'autre choix que de rejoindre la coopérative Agrial pour assurer leurs débouchés. Or, la coopérative Agrial pourrait conditionner la collecte de lait à une obligation préalable, pour les exploitants agricoles, d'acheter leurs semences, engrais, produits phytosanitaires et aliments pour bétail auprès de son réseau de distribution ;

- d'autre part, le renforcement de la position dominante sur le marché du cidre. Agrial a déjà une part de marché très importante sur le marché du cidre en France, l'acquisition des cidreries d'Elle-et-Vire constitue donc un risque de renforcer la position dominante du groupe sur ce marché.

L'Autorité de la concurrence a autorisé cette opération sous réserve du respect des engagements de la société Agrial. Agrial s'est engagée à modifier ses statuts et à laisser aux exploitants agricoles la possibilité de s'approvisionner, pour l'alimentation de leurs animaux et autres produits d'agrofourniture, auprès des distributeurs de leur choix. S'agissant du risque d'abus de position dominante sur le marché du cidre, Agrial s'est engagée à revendre les deux cidreries acquises en 2009 situées sur les communes de Condé-sur-Vire (50) et Cahagnes (14) avec l'ensemble des actifs et des contrats nécessaires au fonctionnement de celles-ci.

Le paradoxe de cette affaire est que l'Autorité de la concurrence a sanctionné une opération sur une branche - l'activité cidricole - qui n'intéressait personne et que l'opérateur s'est trouvé en position dominante sans le vouloir vraiment. Sans compter que céder une très modeste filiale cidricole alors que sept grandes - méga - enseignes (Carrefour, Leclerc, Intermarché...) se partagent l'essentiel du marché de la consommation... Mais ces enseignes se font concurrence et, comme on peut le lire dans le rapport sur la concurrence de 2012, « (la Commission) n'a relevé aucun problème particulier de concurrence dans le secteur de la distribution» . Même si le droit de la concurrence est rigoureusement appliqué dans les deux cas, les entreprises restent convaincues qu'il y a deux poids deux mesures...


* 38 Orientations pour l'application de l'article 142 du traité aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes - 24 février 2009.

* 39 La définition du marché pertinent dans le cadre des ententes n'entre souvent en compte que pour apprécier s'il existe des effets anticoncurrentiels. Dès lors qu'une entente présente un objet anticoncurrentiel, la délimitation du marché pertinent n'est pas réellement utile puisque l'illicéité de l'entente est inhérente à l'accord.

* 40 Le troisième volet - dans l'ordre du traité- concerne les aides d'État. C'est un tout autre sujet qui est souvent traité de façon distincte des autres volets - entente/plus de position dominante/concentration - comme c'est le cas du présent rapport.

* 41 La méthode d'évaluation est complexe. Ces seuils sont déterminés en couplant le nombre d'entreprises impliquées, le chiffre d'affaires mondial, le chiffre d'affaires total dans chaque État membre, le chiffre d'affaires par entreprise dans chaque État membre... Une opération de « dimension communautaire » (avec par exemple un chiffre d'affaires mondial de 5 milliards d'euros) relève du contrôle de la Commission.

* 42 Autorité de la concurrence - Lignes directrices relatives au contrôle des concentrations - 10 juillet 2013. Cette nouvelle version révise les premières lignes directrices adoptées en décembre 2009.

* 43 Voir détails dans Lignes directrices relatives aux concentrations - point D. 661 à 679.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page