III. DES SOLUTIONS DE PROCÉDURE : DÉCENTRALISATION, MODERNISATION, MONÉTISATION

Perturber l'équilibre de la loi Littoral au-delà du strict nécessaire n'est pas souhaitable. Plutôt que de modifier les notions de fond qui structurent l'urbanisation du littoral depuis près de trois décennies, vos rapporteurs préconisent d'intervenir sur les procédures qui conditionnent leur mise en oeuvre concrète.

Quatre leviers ont été identifiés : la décentralisation de l'interprétation de la loi, la modération de son impact contentieux, une meilleure prise en compte des risques littoraux et la régulation du volume et du prix du foncier en bord de mer.

A. CONFIER L'INTERPRÉTATION DE LA LOI LITTORAL AUX ÉLUS LOCAUX

La planification spatiale est au coeur du droit du littoral . Les principes directeurs forgés depuis le début des années 1970 doivent être mis en oeuvre dans des documents de planification élaborés soit par les collectivités soit par l'État. A l'heure actuelle, il manque toujours l'instrument permettant d'atteindre réellement les objectifs équilibrés de la loi Littoral.

Alors que de plus en plus de documents de planification prennent en compte les bassins de vie, la loi Littoral continue de s'appliquer au niveau communal . Cette échelle est certes suffisante pour la gestion du bord de mer, mais elle ne permet pas de définir une véritable politique d'aménagement pour organiser le report du surpoids démographique vers l'arrière-pays ou gérer les paysages et milieux naturels.

La loi Littoral est une loi géographique : elle doit être traitée à un niveau approprié. L'outil idéal repose sur un équilibre subtil : d'un côté, son périmètre doit être suffisamment étendu pour que la gestion de l'urbanisme corresponde aux besoins de l'écosystème littoral ; de l'autre, sa gouvernance ne doit pas être trop complexe, au risque de rendre le dispositif inopérant.

Trois décennies de tâtonnement ont conduit à élaborer une série d'instruments, chacun ayant ses avantages et ses partisans . Aucun d'entre eux n'est toutefois réellement satisfaisant, comme en témoigne leur succès mitigé. La tendance actuelle consiste à miser sur l'efficacité du SCoT intégrateur, dont le maillage territorial est en voie d'achèvement.

Vos rapporteurs prennent acte de cette stratégie, qui permettra sans doute de résoudre un certain nombre de difficultés. Cependant, ni l'échelle ni la portée juridique des SCoT n'offrent la possibilité d'une réelle déclinaison locale des principes de la loi Littoral. Ce n'est pourtant qu'à cette condition qu'il pourra être mis fin aux problèmes d'interprétation d'une loi rédigée dans la perspective de sa territorialisation.

Ainsi, vos rapporteurs préconisent de créer un instrument optionnel s'inspirant des prescriptions régionales initialement prévues : les chartes régionales d'aménagement du littoral auraient vocation à permettre une application véritablement décentralisée de la loi du 3 janvier 1986 , sous le contrôle du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML).

1. Le voeu pieux du législateur en 1986 : les prescriptions régionales

La loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État (loi Defferre) a prévu la possibilité de décliner l'application des lois d'aménagement et d'urbanisme dans des prescriptions nationales ou des prescriptions particulières à certaines parties du territoire. La première version de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme prévoit ainsi que les régions intéressées puissent être à l'initiative de telles prescriptions, qui s'imposent aux autres documents d'urbanisme dans un rapport de compatibilité 16 ( * ) .

En 1986, le législateur a entendu faire usage de cette possibilité pour préciser les conditions d'application des dispositions de la loi Littoral ; il l'a inscrit à l'article L. 146-1 selon lequel « les prescriptions particulières prévues à l'article L. 111-1-1 peuvent préciser les conditions d'application du présent chapitre. Ces prescriptions sont établies par décret en Conseil d'État après avis ou sur proposition des conseils régionaux intéressés et après avis des départements et des communes ou groupements de communes concernés . »

Le législateur a ainsi confirmé que l'échelle pertinente pour interpréter les concepts généraux de la loi Littoral est l'échelle régionale . Cette dimension permet à la fois de prendre en compte les spécificités propres à chaque territoire, tout en conservant la vision d'ensemble nécessaire à l'aménagement stratégique du littoral.

En pratique, cette possibilité n'a jamais été exploitée. Aucune initiative n'a été prise en ce sens, ni par les régions, ni par l'État. À l'époque, les régions viennent à peine d'être créées comme collectivités territoriales , et les services de l'État eux-mêmes ne sont pas organisés au niveau régional. Le dispositif avait donc peu de chances de fonctionner.


* 16 La compatibilité se distingue de la conformité, en ce que la seconde implique un rapport de stricte identité, alors que la première se satisfait d'une non-contrariété.

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