C. UN NÉCESSAIRE APPROFONDISSEMENT DE LA RÉGULATION DU SECTEUR

1. Une gouvernance peu adaptée à la réalité du sport business
a) Un centre de gravité qui se déplace des fédérations vers les ligues

En matière de sport professionnel, le pouvoir réglementaire est entièrement délégué par l'État , qui n'exerce aucun contrôle a priori ou a posteriori sur l'opportunité ou le contenu des décisions prises.

L'article L. 131-16 du code du sport confie ainsi aux fédérations sportives délégataires le pouvoir d'édicter, sous le contrôle du Conseil d'État, les règles relatives aux conditions juridiques, administratives et financières auxquelles doivent répondre les associations et sociétés sportives pour être admises à participer aux compétitions qu'elles organisent.

En théorie, les normes sportives sont donc fixées par les fédérations et les ligues n'ont que peu de marges de manoeuvres : elles doivent se contenter d' émettre des recommandations générales . L'avis du Conseil d'État 60 ( * ) est clair sur ce point : la sécurité relève du domaine régalien de l'État, la règle du jeu des fédérations, la capacité d'accueil du stade des collectivités, aucune recommandation d'ordre commercial ou télévisuel n'entrant dans les obligations.

En pratique, il s'agit d'exercer une régulation sur un marché, plutôt que d'organiser simplement des compétitions sportives . Dans cette configuration, la régulation privée prend le pas sur la régulation publique , ce que déplorait Jacques Thouroude, président de l'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES), devant votre mission : « O n a laissé faire. Les ligues se sont créées un statut et ont créé une jurisprudence (...) Aucun contrôle n'existe pour les ligues professionnelles. Elles peuvent édicter un certain nombre de règlements. On dit qu'elles dépendent des fédérations, mais il n'y a aucun équilibre. Il serait important de soumettre les ligues à un contrôle. Il faut que chacun garde son indépendance ». Une mise au point que réclamait également notre collègue Alain Néri lors des travaux de votre mission : « Il faudra bien, un jour ou l'autre, clarifier les relations. Ce sont de plus en plus les ligues qui commandent, alors que ce sont les fédérations qui ont des délégations de service public (DSP). Or, ce sont ces dernières qui sont chargées de l'organisation du sport en France, en liaison avec le ministère ! »

La conséquence directe de ce phénomène est l'inflation des normes commerciales qui sont imposées aux clubs professionnels, et dont les collectivités finissent in fine par supporter la charge.

b) Une régulation sous influence

Les ligues reflètent les intérêts parfois divergents, des acteurs du sport business, au premier chef, les clubs les plus puissants , comme l'ont souligné, au cours de leur audition, les inspecteurs de la mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel et des solidarités avec le sport amateur. Ainsi, Bertrand Jarrige confirmait que « les réunions du conseil d'administration de la Ligue du football professionnel sont toutes précédées par une réunion de l'union des clubs professionnels qui arrête toutes les décisions à prendre ». Également membre de la commission Glavany, Rémi Duchêne ajoutait : « nous avions pu observer le fonctionnement des clubs et de la Ligue de football, semblable à ce que décrivait Bertrand Jarrige : ces acteurs ont sorti de leur chapeau des propositions négociées ailleurs. J'ajouterai en mon nom personnel que cette défiance très forte est non seulement déplaisante, mais surtout qu'elle démontre chez des personnes investies de missions de service public qu'elles ont largement perdu de vue cette contrainte... »

Notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe faisait également remarquer lors de nos travaux que l'inflation normative coïncide parfois avec les intérêts des industriels : « J'ai parfois le sentiment que les équipementiers ne sont pas toujours désintéressés, qu'il s'agisse d'affichage ou de paniers de basketball ! Il faudrait peut-être les mettre à contribution. Il est vrai que c'est difficile, car ceux-ci deviennent également sponsors du club et de la Fédération ! »

Enfin, les diffuseurs audiovisuels exercent également un contrôle indirect sur l'activité sportive . Avec le passage à la haute définition, leurs exigences se sont renforcées en matière d'éclairage, de remplissage du stade ou encore d'aspect de la pelouse. Si un terrain n'est pas suffisamment éclairé, le match ne pourra pas être retransmis à la télévision. La sanction n'est pas sportive mais médiatique et, par conséquent, financière. Il aura par exemple fallu que la ligue de basketball intervienne directement pour imposer à Canal+ la retransmission d'un match à Nanterre, le diffuseur se plaignant du mur jouxtant un côté du terrain. Ainsi, pour Jacques Thouroude, auditionné par votre mission, « dans les sports de stade, c'est la télévision qui gouverne et fixe les horaires de retransmission, de matchs, non les ligues » ; une accusation dont se défendent les intéressés, arguant que de nombreux critères, comme le nombre de ralentis ou de loops , sont directement imposés par les ligues au moment de la cession des droits.

« Tout le monde se renvoie la balle » confirmait Bertrand Jarrige à votre mission, évoquant l'obsolescence, l'opacité et la porosité de la gouvernance actuelle .

2. Un encadrement de la masse salariale insuffisant pour contenir les dérives financières des clubs
a) Des résultats déficitaires qui perdurent

La situation financière des clubs professionnels demeure globalement fragile et limite considérablement leurs marges de manoeuvre pour exploiter à leur profit la dynamique vertueuse entre performance économique et résultats sportifs.

Une grande majorité de clubs peine en effet à équilibrer ses comptes . La mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel et des solidarités avec le sport amateur relève ainsi que le football « affiche le plus important chiffre d'affaires (1,35 milliard d'euros pour les deux divisions professionnelles) mais aussi la perte la plus élevée : le résultat net cumulé des clubs de L1 et L2 sur la saison 2011/2012 est négatif pour la quatrième année consécutive, les pertes passant de 65 millions d'euros à 108 millions d'euros, sans atteindre cependant le déficit record de 2009/2010 (-130 millions d'euros) ». Ces difficultés sont loin d'être ponctuelles : neuf clubs de Ligue 1 et seize clubs de Ligue 2 affichent un résultat déficitaire .

En conséquence, votre mission constate qu' une intervention de l'actionnaire est souvent nécessaire pour redresser la situation financière, par exemple dans le cadre d'une augmentation de capital. Une relation de dépendance à l'actionnaire principal se développe alors dangereusement : le club sous perfusion a de fortes chances de disparaître si l'actionnaire cesse ses injections à fonds perdus, comme le rappelle les récents déboires du Mans FC.

La situation est similaire en rugby , bien que les montants soient d'une ampleur moindre. Le chiffre d'affaires pour la saison 2011-2012 avoisine les 350 millions d'euros (+7 % sur un an), mais le déficit cumulé (Top 14 et Pro D2) continue de s'aggraver pour atteindre 18,2 millions d'euros (+14 % sur un an). Les actionnaires sont également largement sollicités à travers de nombreux abandons de créance en compte courant.

Assez logiquement, les sports de salle sont plus proches de l'équilibre , voire légèrement excédentaires. Leur chiffre d'affaires étant nettement plus faible, le poids des subventions publiques leur permet d'équilibrer leurs comptes. Les collectivités jouent ainsi le même rôle que l'actionnaire privé dans le cadre du sport business , à ceci près que leur implication est potentiellement moins volatile.

b) Un contrôle de gestion salutaire mais perfectible

La situation financière des clubs professionnels français est certes peu reluisante, mais ils n'ont rien à envier à leurs homologues européens, dont le taux d'endettement et les déficits sont parfois bien plus élevés, notamment pour les grands clubs de football espagnols ou italiens. La France se distingue par un contrôle de gestion plus abouti que la plupart de ses voisins , même s'il reste perfectible.

L'article L. 132-2 du code du sport impose aux fédérations qui ont constitué une ligue professionnelle de créer un organisme, doté d'un pouvoir d'appréciation indépendant, pour assurer le contrôle administratif, juridique et financier des associations et sociétés sportives participant aux compétitions qu'elles organisent. En pratique, les sept fédérations qui ont créé une ligue avec personnalité morale (football, rugby, basketball, handball, volley-ball, cyclisme et athlétisme) ont mis en place une direction nationale ou une commission nationale du contrôle de gestion (DNCG ou CNCG).

Leur mission principale est d'assurer l' équité économique des championnats , afin d'éviter que la compétition puisse être faussée par les clubs qui engageraient des charges trop élevées sans justifier des ressources nécessaires à leur financement. Les DNCG veillent également à la soutenabilité du modèle économique et sportif des clubs, exerçant souvent une mission explicite de conseil.

Leurs pouvoirs sont relativement étendus, puisqu'elles peuvent infliger des amendes et des sanctions qui peuvent aller jusqu'à la suspension ou la radiation des dirigeants ou la rétrogradation d'une division. Certaines homologuent directement les contrats des joueurs.

La mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel et des solidarités avec le sport amateur a cependant pointé un certain nombre de dysfonctionnements . L'intensité de leur activité est très variable selon les ligues. Surtout, elles n'ont pas empêché la persistance voire l'aggravation des déficits des clubs professionnels et la fragilisation de leur modèle économique sous la pression de la masse salariale. Leur indépendance est également qualifiée de « fragile » , car ne reposant que « sur l'éthique individuelle des experts et des dirigeants des organisations sportives » : il existe « un risque élevé de conflits d'intérêts dans des organisations où le pouvoir de décision, tant en matière de règles que de mise en oeuvre des contrôles, appartient à ceux qui doivent observer ces règles et sont soumis à ces contrôles . »

c) Une montée en puissance des règles de fair-play financier

Encadrer les budgets ne suffit plus à assurer la stabilité du modèle économique du sport business . Des mécanismes de contrôle se mettent progressivement en place pour éviter que l'augmentation continue des rémunérations des sportifs, sous la pression de la concurrence européenne, n'aggrave la situation financière des clubs. Il s'agit de remettre les « prix » des joueurs en phase avec la réalité . Au cours de son audition, Étienne Tête, conseiller de la région Rhône-Alpes et conseiller municipal de Lyon, a dressé un diagnostic sans appel de la situation : certains clubs « sont très riches, mais leur argent, au lieu de mettre de l'huile dans les rouages, met de l'huile sur le feu et entraîne un emballement du prix des joueurs. Par conséquent, nous recommandons un plafond global limitant le nombre de joueurs et la masse salariale par club. »

Ainsi, la DNCG rattachée à la ligue de football professionnel (LFP) prend les mesures nécessaires pour faire appliquer les règles de fair-play financier : le poids de la masse salariale dans le budget des clubs est limité en valeur relative et un mécanisme de sanctions est prévu pour les clubs qui ne présenteraient pas un budget équilibré, allant jusqu'à la mise sous tutelle, la limitation ou l'interdiction du recrutement, voire l'exclusion des compétitions.

La direction nationale d'aide et de contrôle de gestion (DNACG) de la ligue nationale de rugby (LNR) a quant à elle instauré une règle encore plus stricte de salary cap depuis la saison 2010-2011. Inspiré des mécanismes mis en place par les ligues professionnelles américaines, ce système plafonne en valeur absolue la masse salariale des clubs du Top 14, à hauteur de 10 millions d'euros pour les saisons 2013-2014 à 2015-2016. L'objectif visé est la préservation de l'équité de la compétition dans le contexte d'une forte pression salariale sur le Top 14.

Pour éviter que les déséquilibres compétitifs ne s'accentuent démesurément, l'UEFA s'efforce de réguler le secteur en imposant un fair-play financier au niveau européen. Cette règle, désormais assortie d'une stricte procédure de contrôle , empêche les clubs de dépenser plus qu'ils ne gagnent. Elle est certes efficace pour lutter contre l'endettement et consolider l'assise financière des clubs, mais freine à peine l'inflation des salaires et des montants des transferts.

Pour cette raison, plusieurs propositions sont actuellement étudiées au niveau européen, qu'il s'agisse de plafonner le montant des indemnités de transfert à 70 % du salaire d'un joueur ou d' instaurer une redevance sur les transferts au-delà d'un certain montant. Cette dernière possibilité présenterait l'avantage de pouvoir financer un mécanisme de redistribution au bénéfice des clubs les moins fortunés. Cette réflexion est d'autant plus nécessaire que la pratique des transferts se développe rapidement dans d'autres sports , comme le rugby, le basketball, le handball ou le cyclisme, bien qu'elle reste d'une ampleur moindre.

3. Un aléa sportif peu rassurant pour les investisseurs

La « glorieuse incertitude du sport » chère au baron Pierre de Coubertin est au coeur d'un paradoxe : elle contribue à la magie du spectacle sportif, et par conséquent à sa valeur commerciale, tout en alimentant les réticences des investisseurs privés.

a) L'aléa sportif génère structurellement de l'aléa économique

Comme toute entreprise, les clubs sportifs ont besoin de visibilité pour pérenniser leurs investissements . Or l'aléa sportif amplifie l'aléa économique, tant pour le club qui accède à la division supérieure en fin de saison, que pour celui qui est rétrogradé.

Damien Rajot, directeur opérationnel de Vinci Stadium, constatait lors de son audition une difficulté pour les clubs à s'engager dans le financement d'une infrastructure, qui nécessite d'établir une trajectoire de recettes à long terme : « Les clubs de foot ne sont pas propriétaires, parce que le modèle économique l'interdit. L'aléa sportif, que l'on pourrait pondérer, ne rassure pas les investisseurs (...) Le passage de ligue 1 en ligue 2 est très délicat. Les recettes diminuent plus vite que les charges. C'est ce qui est à l'origine des difficultés du Mans. Nous essayons de mener une réflexion sur l'aléa sportif, mais ces stades sont conçus pour dégager des revenus en ligue 1 ».

Mais la relégation n'est pas la seule difficulté à laquelle peuvent être confrontés les clubs. L'accession à une division supérieure constitue également un défi sur le plan financier : le club concerné peut être contraint d'investir dans de nouveaux équipements alors que son succès n'est potentiellement qu'éphémère. Bertrand Jarrige, inspecteur général de la jeunesse et des sports et co-auteur du rapport de la mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel et des solidarités avec le sport amateur, résumait ainsi devant votre mission : « Il semble que la pire chose qui puisse arriver à un club soit d'être relégué, et la deuxième pire chose, d'être promu ! En dépit de l'exemple éclatant de Montpellier, le taux de survie des clubs promus est faible au-delà de deux ou trois saisons. »

b) Le choix de conserver des ligues ouvertes au nom des valeurs sportives

La plupart des ligues américaines ont résolu le problème en faisant le choix radical d'une ligue fermée , supprimant ainsi toute possibilité de relégation, ou « semi-fermée » dans laquelle ce sont de mauvais résultats accumulés pendant plusieurs saisons qui aboutissent à une exclusion. Ce système n'a cependant pas la faveur des pays européens , même si quelques ligues s'en rapprochent. C'est notamment le cas de l' Euroligue de basketball (ULEB Euroligue), qui fonctionne depuis 2009 selon un principe semi-fermé : 16 clubs sur 24 se voient attribuer une « licence A » sur la base d'un certain nombre de critères (trois licences maximum par pays, absence de relégation en deuxième division au niveau national, quatre participations à l'Euroligue minimum depuis sa création en 2000, salle à forte capacité et revenus audiovisuels conséquents) qui les prémunit d'une relégation éventuelle ; une « licence A » est remise en jeu chaque saison pour permettre un turn over contrôlé.

Le système américain des ligues professionnelles fermées

Le système des ligues professionnelles fermées repose sur les grands principes suivants :

- l'acquisition par les propriétaires des équipes d'un droit à participer aux activités de la ligue (franchise), sur la base d'un cahier des charges, tout lien avec le sport non professionnel, les fédérations ou les divisions inférieures étant exclu ;

- une organisation régulée, avec un encadrement strict de la compétition économique entre clubs : partage des revenus à parts égales entre équipes, plafonnement des salaires ( salary cap ), parfois accompagné d'un salaire minimum ( salary floor ), prélèvement au-delà d'un certain seuil de masse salariale ( luxury tax ) dont le produit revient aux clubs n'atteignant pas ce seuil, négociation centralisée des droits TV ;

- une organisation négociée, avec des conventions collectives signées pour quatre à dix ans entre les représentants des propriétaires et les syndicats de joueurs ;

- une régulation des mouvements de joueurs , avec le mécanisme dit de la draft , selon lequel les jeunes joueurs formés par le système universitaire, une fois éligibles pour intégrer la ligue, s'inscrivent sur une liste au sein de laquelle les clubs choisissent leurs recrutements, les clubs les moins bien classés ayant accès au premier choix, afin de préserver l'équilibre des compétitions ;

- des clubs géographiquement mobiles , les franchises étant attribuées à des propriétaires et non des villes, ce qui crée un marché des équipes professionnelles et met les villes en concurrence entre elles.

Source : rapport d'information n° 1215 (Assemblée nationale - 2012-2013) sur le fair-play financier européen et son application au modèle économique des clubs de football professionnel français

Globalement, le sport professionnel européen, a fortiori français, reste structuré par le système d'accession/relégation . Jean-Pascal Gayant, économiste du sport et professeur à l'université du Maine, résumait ainsi ce biais culturel lors de son audition : « Le spectateur français est très attaché au principe de méritocratie sportive attachée à un territoire, selon lequel les clubs "naissent libres et égaux en droit", et où de petites villes accèdent au plus haut niveau, comme Boulazac pour le basketball, et Guingamp pour le football ».

La conciliation de l'idéal sportif qu'incarne le choix majoritaire de conserver des ligues ouvertes avec les impératifs économiques de l'industrie du sport professionnel soulève alors deux enjeux majeurs : la définition de mécanismes d'accompagnement et le maintien d'une certaine équité dans la compétition . Pour Jean-Pascal Gayant, auditionné par votre mission, « ces questions sont au coeur des choix opérés par les ligues européennes, où l'Espagne et la France représentent deux extrêmes : Barcelone et Madrid dominent outrageusement en Espagne, alors que le championnat de France a sacré six clubs en six ans. Avec une répartition ciblée des droits télévisuels et par l'absence de mécanisme de restauration de l'équilibre compétitif, la ligue peut favoriser l'émergence de titans qui accaparent les titres ou favoriser l'équité par des plafonds salariaux et une répartition des revenus de retransmission, billetterie ou merchandising . »

c) Les leviers permettant d'orienter le modèle économique et sportif en ligue ouverte

Votre mission considère que le législateur n'a pas à imposer un modèle-type de compétition sportive : la spécificité de chaque sport doit être prise en compte, ce travail ne pouvant relever que des ligues professionnelles. Jean-Pascal Gayant soulignait ainsi lors de son audition qu'il « relève de la responsabilité de la ligue de positionner le curseur et d'ouvrir avec les clubs et les collectivités un débat sur le modèle choisi ». Les ligues disposent en effet de plusieurs leviers pour garantir à la fois la stabilité du modèle économique des clubs et l'équité de la compétition sportive. Il appartient aux pouvoirs publics de veiller à ce que cette régulation interne soit effectivement mise en oeuvre .

(1) Modifier l'architecture de la compétition

La diminution du nombre de relégations réduit mécaniquement l'aléa sportif : depuis la saison 2008-2009, seuls deux clubs de la Bundesliga sont automatiquement relégués en 2 e division (contre trois auparavant) tandis qu'un match de barrage aller/retour oppose le seizième de la 1 re division (sur dix-huit clubs) au troisième de la 2 e .

L' augmentation du nombre de clubs au sein d'une division dilue la probabilité d'une relégation et accroît les revenus collectifs de la ligue (les recettes perçues augmentent car on joue davantage de matchs) : cette solution peut parfois poser problème, notamment au rugby (le passage du Top 14 à 16 clubs a fait l'objet de réflexions), dans la mesure où les matchs doivent être suffisamment espacés pour permettre la récupération des joueurs.

L' introduction de wild cards permet d'inviter en première division des clubs émergents, sur la base d'autres critères (équipements, organisation, capacité à mobiliser des partenaires privés dans une zone de chalandise intéressante) que les résultats sportifs : la ligue de basketball expérimente actuellement ce système, une commission indépendante examinant les dossiers de huit clubs candidats pour en inviter deux en Pro A (aucun club n'a été retenu l'année dernière) ; les wild cards peuvent également être utilisées sous forme de « droit à l'erreur » ponctuel pour les clubs de première division ayant réalisé un investissement important mais dont les résultats sportifs ne sont pas à la hauteur.

(2) Utiliser des incitations économiques

Une modification de la clé de répartition des droits audiovisuels , avec éventuellement un fléchage vers un fonds d'accompagnement aux accessions/relégations , permet d'ajuster l'aléa sportif et l'équité de la compétition : avec un rapport de 1,55 entre le premier et le dernier de la Premier League , la répartition des droits TV au Royaume-Uni est l'une des plus égalitaire en Europe (le ratio est de 1 à 2 en France, 1 à 7 en Allemagne et 1 à 15 en Espagne où la gestion des droits n'est pas centralisée) et favorise le maintien de l'aléa sportif 61 ( * ) .

Le plafonnement des salaires en valeur absolue a pour objectif de contenir l'inflation salariale qui perturbe l'équité de la compétition. Cette solution, uniquement retenue par la ligue nationale de rugby (LNR) à un niveau peu ambitieux (le plafond est égal à la masse salariale du premier club), ne fait pas l'unanimité, notamment en raison des possibilités de contournement du dispositif : « il faudrait l'étendre aux frais d'exploitation pour éviter les détournements » confirmait devant votre mission Richard Olivier, président de la DNCG pour la ligue de football professionnel (LFP).

Enfin, la mise en place d'une licence club incite les clubs sportifs professionnels à diversifier leurs sources de revenus et à investir dans leurs équipements sportifs : attribuée sur des critères économiques et non sportifs, elle permet par exemple aux clubs de football professionnels qui en sont titulaires d'être éligibles à la répartition d'une fraction des droits TV (10 % en Ligue 1 et 20 % en Ligue 2). La ligue nationale de basketball (LNB) a mis en place une politique similaire de labellisation des clubs à partir de la saison 2013-2014, sur la base de quatre séries de critères (gouvernance, recettes commerciales, gestion de l'équipement, encadrement sportif et médical) assortie d'une enveloppe financière. Ces mécanismes de régulation interne, facultatifs et redistributifs, visent à engager un cercle vertueux pour stabiliser le modèle économique des clubs.


* 60 Assemblée générale du Conseil d'État, avis n° 369.474 du 20 novembre 2003.

* 61 Au cours de la période récente, la domination traditionnelle du « Big Four » (Arsenal, Chelsea, Liverpool et Manchester United) a ainsi été contestée par Tottenham et Manchester City.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page