B. LES PROPOSITIONS DE VOTRE MISSION POUR ÉMANCIPER LE SPORT PROFESSIONNEL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Si l'on devait résumer l'esprit des propositions de votre mission en reprenant une métaphore sportive, il conviendrait sans doute de faire référence à la notion de « transfert » . Pour faire émerger le nouveau modèle que votre mission appelle de ses voeux, il est, en effet, temps de transférer un certain nombre de compétences, de moyens et de responsabilités pour dessiner le nouveau modèle économique et social du sport professionnel .

Cinq transferts apparaissent ainsi urgents à conduire ou à parachever :

• le « transfert » des dépenses de fonctionnement vers celles d'investissement afin de permettre aux clubs de devenir propriétaires de leurs stades et de pouvoir valoriser au mieux leurs actifs ;

• le « transfert » de la compétence de régulation et de celle du contrôle de gestion des ligues et des fédérations à une véritable autorité administrative indépendante qui pourrait intégrer les moyens de l'ARJEL et des DNCG ;

• le « transfert » des subventions et des achats de prestations des collectivités territoriales vers les fondations et les fonds de dotation des clubs afin de garantir que les contreparties respecteront l'intérêt général ;

• le « transfert » aux clubs professionnels de la responsabilité de conduire des actions sociales et éducatives permettant de renforcer le lien social et d'utiliser le levier du football pour aider les jeunes en difficulté ;

• le « transfert » de la compétence générale en matière d'accompagnement du sport professionnel aux agglomérations et aux métropoles.

1. Transférer les subventions de fonctionnement des collectivités territoriales vers l'investissement afin de permettre aux clubs de devenir propriétaires de leurs stades
a) Poser le principe de la fin des subventions des collectivités territoriales pour les sports professionnels arrivés à maturité

Les clubs professionnels sont aujourd'hui au milieu du gué dans la transition, qui les amène à quitter le giron du financement public local pour voler de leurs propres ailes grâce au soutien d'investisseurs privés. Mais il fait peu de doute que le rythme de cette transition ne sera pas le même selon les disciplines et que de nombreux clubs pourraient ne jamais être en mesure de devenir complètement autonomes . Du temps sera nécessaire pour trouver les nouveaux équilibres et définir les conditions d'une meilleure solidarité entre clubs.

Dans ces conditions, votre mission propose de fixer à 2020 la fin des subventions publiques locales au sport professionnel avec l'idée, qu'à cette date, la transition vers un nouveau modèle économique du sport professionnel devra être achevée ou, en tous les cas, bien avancée. Il ne s'agit donc pas d'établir une quelconque date couperet, mais bien de prévoir un rendez-vous dans le cadre d'une clause de revoyure afin de mieux distinguer les disciplines et les divisions qui seront arrivées « à maturité » 68 ( * ) et des autres.

À noter que la fin des subventions aux dépenses de fonctionnement des clubs professionnels ne signifie pas l'arrêt des relations de partenariats avec les collectivités territoriales puisque votre mission propose, au contraire, d'accroître les actions menées dans le domaine social au travers des fondations et des fonds de dotation des clubs professionnels. Les financements des collectivités territoriales devront ainsi avoir systématiquement des contreparties en termes de missions d'intérêt général, comme le suggérait la Cour des comptes dans son rapport de 2009, que ce soit au travers d'actions de formation, de lutte contre la violence dans les stades ou de mesures favorisant l'intégration et la professionnalisation. Il importe aujourd'hui de mettre un terme à la situation qui veut que les collectivités territoriales soient appelées pour combler les déficits des clubs en difficulté.

Proposition n° 1
Fixer à 2020 la fin des subventions des collectivités territoriales
aux clubs professionnels de l'ensemble des disciplines arrivées à maturité

b) Supprimer dès 2016 les subventions des collectivités territoriales pour les clubs de Ligue 1 et du Top 14

L'horizon de 2020 pouvant apparaître lointain et de nature à favoriser un comportement attentiste de la part des acteurs, votre mission a jugé nécessaire d'envoyer un signal fort du changement engagé en supprimant, dès la saison 2016-2017, la possibilité de subventionner les clubs de football masculin de la Ligue 1 et les clubs de rugby du Top 14 .

Les subventions des collectivités territoriales que reçoivent les clubs de ces deux disciplines sont devenus très faibles en proportion de leurs budgets et ils disposent de ressources beaucoup plus dynamiques, notamment en matière de droits TV, de recettes de billetterie et de produits dérivés. Il apparaît en conséquence souhaitable de prévoir cette évolution sans délai, par exemple à l'occasion d'un amendement au futur projet de loi de modernisation du sport.

Concernant le choix de la saison 2016-2017, il convient d'observer qu'il s'agit de la première année d'application du nouveau prix des droits de retransmission TV pour la Ligue 1 et la Ligue 2 fixé à l'issue de l'appel d'offres lancé le 6 mars 2014. Le montant de ces droits s'élèvera alors à 748,5 millions d'euros par saison soit une hausse de 23 % par rapport à la saison 2015-2016 . Le montant de recettes supplémentaires qui bénéficiera aux clubs professionnels s'élevant à 141,5 millions d'euros, il devrait pouvoir compenser sans réelle difficulté la suppression des subventions pour les clubs de Ligue 1 de football, qui s'élevait à 18,1 millions d'euros pour la saison 2011-2012, en tenant compte à la fois des subventions et des partenariats. Pour le Top 14 de rugby, le montant des subventions et des partenariats représentait 15,4 millions d'euros lors de la même saison 69 ( * ) .

Proposition n° 2
Supprimer à partir de la saison 2016-2017
les subventions et l'achat de prestations par les collectivités territoriales sans contreparties en termes d'intérêt général
aux clubs de la Ligue 1 de football et du Top 14 de rugby

c) Renforcer la transparence sur les dépenses des collectivités territoriales en faveur du sport professionnel

Même si votre mission est favorable à la suppression à terme des subventions, elle n'en considère pas moins comme indispensable de renforcer, dès aujourd'hui, la transparence sur les financements des collectivités territoriales à destination du sport professionnel. Comme le faisait remarquer Alain Serre, conseiller à la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon lors de son audition : « les collectivités ignorent si elles dépassent les plafonds, 2,3 millions d'euros pour les subventions et 1,6 million pour les prestations de services - dont le texte ne précise d'ailleurs même pas s'ils sont à comprendre en hors taxe ou toutes taxes comprises ».

À cette fin, votre mission propose que la direction générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur établisse chaque année un bilan des relations entre les clubs professionnels et les collectivités territoriales, ainsi que le proposait la Cour des comptes dans son rapport de 2009. Lors de son audition par votre mission, le représentant de la direction générale des collectivités locales (DGCL) avait indiqué qu'il était tout à fait possible de faire remonter les informations relatives aux subventions des collectivités aux clubs afin de pouvoir les agréger et en suivre l'évolution mais que cette demande n'avait jamais été faite jusqu'alors.

Proposition n° 3
Faire la transparence sur les relations financières
entre les collectivités territoriales et le sport professionnel
en chargeant la DGCL d'établir un bilan annuel agrégé

2. Transférer à une autorité administrative indépendante le pouvoir de régulation et la supervision du contrôle de gestion
a) L'édiction des normes et la régulation doivent être exercées par une instance indépendante

Les fédérations sportives exercent un pouvoir réglementaire par délégation du ministre chargé des sports, sous le contrôle du juge administratif. Selon l'article L. 131-16 du code du sport, il leur revient d'édicter les règles propres à leur discipline, les règlements relatifs à l'organisation de toute manifestation ouverte à leurs licenciés, ainsi que les règlements relatifs aux conditions juridiques, administratives et financières auxquelles doivent répondre les associations et sociétés sportives pour être admises à participer aux compétitions qu'elles organisent.

Or, selon le rapport de la mission d'inspection 70 ( * ) de juillet 2013, « contrairement à ce qui se passe dans d'autres cas où le pouvoir règlementaire est délégué à une organisation professionnelle, l'État n'exerce aucun contrôle a priori , ni a posteriori sur l'opportunité ou le contenu de ces règlements » . C'est ainsi que l'on peut se demander si ce pouvoir règlementaire ne devrait pas être mieux encadré pour être plus légitime et plus efficace.

La question apparaît d'autant plus justifiée que cette règlementation s'apparente chaque jour davantage à la régulation d'un marché plutôt qu'à la simple organisation de compétitions sportives . Elle prend une importance d'autant plus grande dans un contexte marqué par une hausse sensible des droits de retransmission télévisée des compétitions sportives et par la nécessité d'assurer la solidarité entre les disciplines et, au sein de chacune d'entre elles, entre les différentes formes de pratiques sportives professionnelles et amatrices. On peut observer par ailleurs que, selon la mission d'inspection précitée, les organes de contrôle de gestion « ne sont pas équipés ni en arsenal juridique, ni en moyens pour arbitrer l'ensemble des questions qui se posent à l'occasion de l'exercice d'une activité professionnelle » . Un tel constat amène donc à se poser la question de confier cette régulation à une autorité indépendante.

Quel périmètre pour une autorité de régulation
du sport professionnel ?

Une autorité de régulation du sport professionnel devrait avoir pour objectif d' assurer l'équilibre global du secteur en portant une attention particulière aux ressources et aux charges des clubs professionnels compte tenu du modèle économique de chaque discipline. Elle devrait également veiller à ce que les ligues professionnelles n'imposent pas à leurs partenaires des normes déraisonnables notamment en matière d'équipements sportifs.

Comme le propose le rapport de la mission d'inspection 71 ( * ) , cette nouvelle autorité pourrait également rassembler des compétences qui sont aujourd'hui exercées par d'autres instances dans une logique de cohérence, de lisibilité et d'efficacité :

- le contrôle de la concurrence et des aides publiques : le manque de transparence sur les subventions attribuées par chaque niveau de collectivités territoriales peut être à l'origine de distorsions et la spécificité du secteur du sport justifie des règles particulières et distinctes du droit commun de la concurrence ;

- la régulation des paris sportifs : exercée par l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), elle participe du modèle économique du sport professionnel ;

- la régulation du secteur audiovisuel : elle est assurée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) mais ce dernier ne traite pas spécifiquement la question des droits de retransmission audiovisuelle ;

Pour les rapporteurs de la mission d'inspection, « l'arbitrage entre ces différentes sources de droit est certes fait par les tribunaux, mais le besoin de sécurité juridique indispensable à la conduite d'une entreprise pourrait justifier qu'une autorité de régulation unique soit chargée d'arbitrer entre ces différentes considérations » . Ils ajoutent que « cet arbitrage devrait être fait par les fédérations sportives, or celles-ci ne sont pas les mieux placées pour exercer la régulation, car leurs membres et les dirigeants dont ils sont issus défendent légitimement des intérêts particuliers antagonistes avec ceux que doit protéger la régulation » .

Votre mission ne peut que partager cette analyse et proposera donc en conséquence la création d'une véritable autorité indépendante dotée de compétences précises, sur le modèle du CSA.

Source : Mission commune d'information sur le sport professionnel
et les collectivités territoriales

La création d'une nouvelle autorité indépendante chargée de réguler le sport professionnel se justifie d'abord par le changement de modèle économique. La « télévision dépendance » des grands championnats pose la question des modalités d'attribution et surtout de répartition des droits TV. La fragilité de la santé financière des clubs professionnels, qui sont nombreux à accuser des déficits du fait d'une masse salariale exponentielle, appelle un renforcement de la supervision financière, tandis que le déficit d'investissement nécessite des incitations très fortes à faire évoluer la structure même des dépenses des clubs.

Or, force est de constater qu'aujourd'hui l'organisation du sport professionnel ne donne pas satisfaction du fait, notamment, de l'ascendant pris par les ligues sur les fédérations qui sont chargées de cette régulation. Dès lors, les ligues, dominées par quelques clubs, imposent trop souvent leurs vues aux diffuseurs et aux autres parties prenantes que sont les collectivités territoriales, au détriment de l'intérêt général qui doit demeurer l'objectif d'une régulation harmonieuse.

Pour les collectivités territoriales, il apparaît essentiel de ne plus subir les normes nationales édictées unilatéralement par les fédérations 72 ( * ) . Comme l'expliquait, en effet, Alain Serre, conseiller à la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon, lors de son audition par votre mission : « Les fédérations ne peuvent imposer des normes commerciales, mais les collectivités, dans les faits, sont incitées à construire des stades qui donnent satisfaction aux fédérations, sous peine d'une répartition des droits TV défavorable au club résident » .

Il pourrait donc être demandé à cette nouvelle autorité, non seulement de veiller à un juste retour des investissements des différents acteurs, mais aussi à ce que les normes définies par les ligues et les fédérations restent supportables par les collectivités. Il en est de même concernant la question des redevances pour les enceintes sportives, dont les critères sont aujourd'hui fixés par la jurisprudence mais dont le niveau reste, en réalité, souvent sous-évalué. À l'avenir, les modalités de calcul pourraient être déterminées par la nouvelle autorité qui serait la mieux à même de trouver un juste équilibre.

C'est pourquoi, il apparaît nécessaire de confier à un collège de personnalités indépendantes des intérêts du secteur et dotées d'une expertise indiscutable la mission d'assurer une régulation efficace tenant compte de l'ensemble des intérêts en présence. Cette autorité aurait pour mission d'édicter les règles applicables et de contrôler leur application afin d'assurer l'équité des compétitions et la pérennité des clubs. Comme le proposait la mission d'inspection de juillet 2013, « cette autorité pourrait intégrer des missions actuellement dévolues à d'autres autorités de régulation qui interviennent dans le domaine du sport, telles que l'ARJEL, voire le CSA », car il ne saurait être envisageable de créer ex nihilo une structure supplémentaire. L'objectif de votre mission est bien de regrouper des moyens existants afin de leur donner plus d'efficacité et non de complexifier encore une organisation du sport professionnel polycentrique.

Les missions d'un nouveau
Conseil supérieur du sport professionnel (CSSP)

Les missions du CSSP que votre mission se propose de créer doivent recouvrir les 3 grandes fonctions de régulation, à savoir l'édiction des règles relatives à l'organisation des compétitions et à leur diffusion audiovisuelle, le contrôle de l'application de ces règles et les sanctions à l'encontre des contrevenants.

Le pouvoir normatif du CSSP pourrait, selon votre mission, recouvrir les champs suivants :

- la détermination des conditions permettant de garantir la pérennité du modèle économique du sport professionnel (ex : nature des compétitions et de l'aléa sportif, fixation d'un salary cap , solidarité entre le sport professionnel et amateur et entre les disciplines, répartition des droits audiovisuels...) ;

- la supervision du contrôle de gestion des clubs professionnels à travers les DNCG ;

- le contrôle des subventions publiques de toutes natures et la détermination des critères de fixation des redevances afin de concilier respect de la concurrence et spécificités du sport professionnel ;

- le suivi des normes imposées par les fédérations et les ligues aux collectivités territoriales afin de s'assurer de leur cohérence et de leur nécessité ;

- l'évaluation de la solidité des plans de financement des nouveaux stades et des nouvelles arénas qui devraient être homologués par le CSSP avant de pouvoir accueillir des compétitions officielles ;

- la régulation des paris sportifs qui relève aujourd'hui de l'ARJEL.

Source : Mission commune d'information sur le sport professionnel
et les collectivités territoriales

L'organisation du nouveau CSSP pourrait s'inspirer de celle du CSA telle que modifiée par la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public qui a prévu un collège de sept membres, dont trois désignés par le président de l'Assemblée nationale et trois par le président du Sénat. Dans chaque assemblée parlementaire, les conseillers seraient désignés après avis conforme de la commission permanente chargée des affaires culturelles à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le président du CSSP pourrait être nommé par le Président de la République.

Proposition n° 4
Créer un « Conseil supérieur du sport professionnel » (CSSP),
autorité indépendante regroupant notamment les DNCG et l'ARJEL, composée de toutes les parties prenantes pour réguler le sport professionnel

Proposition n° 5
Reconnaître au CSSP des compétences sur la création
de nouveaux stades, l'aléa sportif, les « licences clubs »,
les redevances et la répartition des droits audiovisuels

b) Garantir l'indépendance du contrôle de gestion en le rattachant à l'autorité administrative indépendante

Ainsi que votre mission a pu le constater, la situation du sport professionnel demeure paradoxale. En dépit de la hausse des droits TV, la santé financière des clubs professionnels reste fragile et a même tendance à se dégrader pour certaines disciplines. Les ambitions de développement des clubs sont contraintes par les réalités économiques et l'inégal intérêt du public. Les collectivités territoriales continuent donc à être sollicitées plus que de raison lorsqu'un club connaît des difficultés, même si les montants des aides sont à la baisse. La multiplication des « périls » pose ainsi la question du contrôle de gestion, de son organisation comme de son efficacité.

Le contrôle de gestion est exercé en France par les DNCG, qui ont pour mission d'assurer la pérennité des clubs notamment pour garantir l'équité sportive. Chaque DNCG auditionne régulièrement les clubs pour apprécier leur santé financière et demander, le cas échéant, une augmentation des fonds propres. Alors qu'il leur incombe également de contribuer à la régulation économique des championnats, il convient toutefois d'observer que les présidents de clubs s'opposent à ce que les DNCG interviennent pour réguler le nombre des participants à chaque championnat, ce qui illustre la limite de leur rôle. Lors de son audition par votre mission, Richard Olivier, président de la DNCG de la ligue de football professionnel (LFP) s'est félicité qu'aucun club n'ait fait faillite au cours des vingt-cinq ans d'existence de la direction, mais il n'a pas exclu que cela puisse arriver compte tenu du risque que représentent les stades.

Si les DNCG ont assurément permis d'éviter des catastrophes financières, on peut toutefois s'interroger sur leur adéquation à la situation que connaissent les clubs et les ligues compte tenu de l'afflux d'investisseurs nouveaux et l'augmentation des ressources issues des droits TV. À cet égard, le constat réalisé par la mission d'inspection 73 ( * ) de juillet 2013 apparaît particulièrement inquiétant puisque, selon les rapporteurs, Rémi Duchêne, Pierre Lepetit et Bertrand Jarrige 74 ( * ) , « en dépit des efforts de plusieurs DNCG, le contrôle de gestion actuellement mis en oeuvre n'atteint pas ses objectifs qui sont d'assurer l'équité des compétitions et la pérennité des clubs sportifs, en particulier parce que la volonté du législateur de doter les organes de contrôle de gestion d'un pouvoir d'appréciation indépendant n'a pas été traduite dans les règles et les organisations adoptées par les fédérations » 75 ( * ) .

Les inspecteurs rappellent à juste titre que l'article L. 132-2 du code du sport modifié par la loi du 1 er février 2012 prévoit que « les fédérations qui ont constitué une ligue professionnelle créent un organisme, doté d'un pouvoir d'appréciation indépendant , assurant le contrôle administratif, juridique et financier des associations et sociétés sportives participant aux compétitions qu'elles organisent. Cet organisme a pour mission d'assurer la pérennité des associations et sociétés sportives, de favoriser le respect de l'équité sportive et de contribuer à la régulation économique des compétitions » .

Or, selon ces mêmes inspecteurs, si le contrôle de gestion fonctionne bien en France, « l'indépendance des DNCG est fragile car elle ne repose que sur l'éthique individuelle des experts et des dirigeants des organisations sportives » . Plus précisément, ceux-ci mettent en évidence « un risque de conflit d'intérêts élevé » dans des organisations où « le pouvoir de décision, tant en matière de définition des règles que de mise en oeuvre des contrôles, appartient à ceux qui doivent observer ces règles et sont soumis à ces contrôles » . Lors de leur audition par votre mission, les inspecteurs ont indiqué qu'il pouvait arriver que des décisions prises par une DNCG soient réformées par les instances dirigeantes de la fédération comme ce fut le cas pour le club du Mans maintenu en L2 à l'été 2002 contre l'avis de la DNCG. Ce club a finalement été placé en liquidation judiciaire à l'issue de la saison suivante.

Le statut actuel des DNCG est-il, dans ces conditions, compatible avec ce qu'est devenu le sport professionnel ? Ne faudrait-il pas le faire évoluer pour leur permettre de relever les défis de notre époque qui ne ressemble en rien aux années 1990 ? Que penser, enfin, des propositions visant à la supprimer 76 ( * ) dans le football au motif que le fair-play serait suffisant ?

À tout le moins, votre mission souscrit aux recommandations de la mission d'inspection qui appelait de ses voeux une meilleure définition des conditions de nomination et de révocation, de la durée des mandats, des incompatibilités, des règles relatives aux conflits d'intérêts et des modalités d'appel des décisions, ainsi que des moyens qui doivent être dévolus à ces organes. Elle ne peut également que soutenir l'idée de mieux garantir le respect des décisions des DNCG, qui ne doivent pas pouvoir être remises en cause par les fédérations en dehors d'une procédure formalisée d'appel.

Mais, au-delà de ces précautions essentielles, votre mission estime que le moment est sans doute venu de délier véritablement les DNCG des ligues pour les rattacher à l'autorité administrative indépendante dont elle vous a proposé la création . Un tel regroupement de moyens éviterait non seulement de créer une nouvelle institution ex nihilo mais permettrait aussi de consolider une véritable expertise publique en matière de régulation du sport professionnel au sein d'une structure véritablement indépendante.

On relèvera que la proposition de votre mission concernant l'indépendance des DNCG n'est pas sans rappeler la proposition n° 19 du rapport de juillet 2013 de Thierry Braillard, secrétaire d'État aux sports, alors député, qui proposait de doter la direction nationale du contrôle de gestion du statut d'autorité administrative indépendante et de pouvoirs de contrôle renforcés 77 ( * ) .

Proposition n° 6
Garantir l'indépendance et la pérennité du contrôle de gestion
par le rattachement des DNCG et de leurs agents au nouveau CSSP

c) Permettre aux collectivités territoriales de mieux évaluer leurs dépenses en faveur du sport professionnel

Afin de renforcer la transparence au niveau des collectivités territoriales, votre mission estime utile de prévoir qu'elles devront établir, chaque année, un bilan comptable retraçant l'ensemble des aides directes et indirectes versées au sport professionnel ainsi qu'une étude d'impact économique et social. L'objectif de cette étude pourrait être de mesurer précisément le « retour sur investissement » des actions menées par les collectivités territoriales en faveur du sport professionnel .

De tels indicateurs qualitatifs font aujourd'hui défaut pour apprécier dans sa globalité l'intérêt pour une collectivité de soutenir le développement du sport professionnel.

Proposition n° 7
Obliger les collectivités territoriales à établir un bilan annuel comptable retraçant l'ensemble des aides directes et indirectes au sport professionnel et à la réalisation d'une étude d'impact économique et social

3. Substituer aux achats de prestations des collectivités territoriales des partenariats avec les fondations et les fonds de dotation des clubs professionnels

Si votre mission est favorable à la fin des subventions des collectivités territoriales aux clubs professionnels, elle propose de conserver la possibilité, pour une collectivité territoriale, de financer des prestations de service mais de mieux les encadrer en modifiant l'article L. 113-3 du code du sport 78 ( * ) .

Certains achats de prestations peuvent, en effet, être assimilés à des subventions déguisées, à l'image de l'achat d'espaces publicitaires autour des terrains pour faire figurer les logos des collectivités territoriales. D'autres achats, comme ceux de places distribuées sans véritable transparence, ne peuvent être considérés de ce fait comme étant nécessairement conformes à des objectifs d'intérêt général.

Dans ces conditions, il serait souhaitable de substituer aux achats de prestations de véritables partenariats au moyen de concours financiers apportés par les collectivités territoriales dans le cadre de conventions 79 ( * ) signées avec les fondations et les fonds de dotation des clubs professionnels. Ces partenariats porteraient sur des projets d'intérêt général tenant, par exemple, à des projets éducatifs, à des actions d'insertion sociale, à des initiatives culturelles ou encore à des actions de lutte contre la délinquance et les comportements antisociaux. À cet égard, la question du plafonnement mériterait sans doute d'être réexaminée dans le cadre d'un échange avec les différentes parties prenantes.

Proposition n° 8
Transformer les achats de prestations en partenariats
avec les fondations et les fonds de dotations des clubs professionnels

Les fonds de dotation ont été créés par l'article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie afin de recevoir et de gérer, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et d'utiliser les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d'une oeuvre ou d'une mission d'intérêt général ou les redistribuer pour assister une personne morale à but non lucratif dans l'accomplissement de ses oeuvres et de ses missions d'intérêt général.

Les clubs professionnels de football sont de plus en plus nombreux à recourir à cette structure qui présente l'avantage de la simplicité de constitution - une déclaration à la préfecture assortie du dépôt de ses statuts - et de sa souplesse de fonctionnement. L'OL, l'OM, le TFC et Montpellier ont ainsi créé récemment un fonds de dotation qui leur permet de développer des activités à dominante sociale et éducative.

Toutefois, la loi de 2008 a prévu un régime très restrictif concernant les dotations publiques puisque son article 140 prévoit qu' « aucun fonds public, de quelque nature qu'il soit, ne peut être versé à un fonds de dotation » tout en précisant qu' « il peut être dérogé à cette interdiction, à titre exceptionnel, pour une oeuvre ou un programme d'actions déterminé, au regard de son importance ou de sa particularité » , les dérogations étant accordées par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et du budget.

Dans l'esprit de votre mission, le recours aux fonds de dotation doit permettre de mieux s'assurer que les crédits des collectivités territoriales sont bien employés afin de financer des actions d'intérêt général. Il lui semble légitime, dans ces conditions, d'envisager un assouplissement du régime juridique des fonds de dotation afin de permettre cette pratique de manière pérenne.

Pour les clubs, les fonds de dotation et les fondations ne sont pas exclusifs les uns des autres et, si la communication a tendance à être portée par la marque de la fondation, les partenariats sont de plus en plus fréquemment noués dans le cadre du fond de dotation. Il conviendra, de ce fait, de s'interroger sur l'articulation juridique entre ces deux entités afin de sécuriser les clubs professionnels.

Proposition n° 9
Modifier le régime des fonds de dotation afin de permettre
les achats de prestations par les collectivités territoriales
pour conduire des actions d'intérêt général

4. Transférer aux ligues et aux clubs professionnels une responsabilité dans la conduite des actions sociales et éducatives

Le sport professionnel est devenu un catalyseur de l'enthousiasme populaire, il mobilise les passions et porte des valeurs positives comme le dépassement, l'effort, la persévérance. Rien d'étonnant, dans ces conditions, à ce que la dynamique sportive puisse être mobilisée pour conduire des projets sociaux, notamment à destination des publics les plus éloignés des politiques publiques d'insertion. Et le football, compte tenu de sa prééminence, doit bien évidemment montrer l'exemple.

« Using the power of football to positively change lives » 80 ( * ) , cette devise de la Premier League anglaise de football illustre cette volonté d'utiliser le sport pour aider des populations qui connaissent des risques d'exclusion. Au cours des trois dernières années, le programme « Creating Chances » de la ligue a investi 111,6 millions de livres sterling dans les actions locales qui ont bénéficié à 14 millions de personnes. Afin d'accroître cet effort, un fonds a même été créé en septembre 2010, le « Premier League Charitable Fund », qui a vocation à piloter des initiatives tant au niveau national que local. Ce fonds, doté d'un budget annuel de 10 millions de livres sterlings, intervient dans cinq domaines : la cohésion sociale, l'éducation, la santé, la pratique sportive et l'international.

Votre mission considère que la légitimité du football français passe également par le développement de tels programmes « caritatifs » et souhaite inviter la LFP à mieux assumer ses responsabilités sociales en créant, à son tour, un dispositif ambitieux destiné à des programmes sociaux et éducatifs au niveau local. Une telle structure pourrait être dotée de moyens prélevés, par exemple, sur les recettes des droits TV. Les autres ligues professionnelles pourraient également créer de telles structures, en fonction de leurs moyens, afin de consolider leur implication dans le développement de leur territoire et renforcer encore leur identité.

Proposition n° 10
Inviter les ligues à se doter de leur propre fonds de dotation ou fondation pour développer un programme national d'initiatives
et coordonner l'action des clubs

Plusieurs clubs ont déjà pris des initiatives ambitieuses en créant des fondations et/ou des fonds de dotation afin de mieux s'ancrer dans leur territoire et de participer à leur développement. Compte tenu de leurs moyens limités, ces structures ont tendance à s'appuyer sur des partenariats avec des associations qui ont la légitimité et les compétences pour mettre en oeuvre des projets d'intérêt général.

C'est ainsi que l'OL a créé l'OL Fondation 81 ( * ) en 2007 qui aide des associations comme Sport dans la Ville (accompagnement des jeunes des quartiers) ou le Centre Léon Bérard (soutien à la recherche contre le cancer). Les joueurs du club sont associés à ces initiatives et n'hésitent pas à s'impliquer dans des actions de solidarité. Avec la création de son stade des lumières, l'OL prévoit de passer une étape nouvelle en y installant une structure, le CENACLE, chargée d'accompagner les projets associatifs. Lors de la saison 2012-2013, les dotations en numéraires à l'OL Fondation s'élevaient à 172 744 euros et atteignaient même 289 381 euros en tenant compte des apports complémentaires en termes de places de match, produits dérivés de l'OL et des opérations de communication.

L'OM a développé pour sa part le programme « OM Attitude » 82 ( * ) depuis avril 2000, qui bénéficie du statut de fonds de dotation depuis octobre 2010. « OM Attitude » a pour objet de « soutenir et conduire toute mission d'intérêt général visant à porter et/ou soutenir des projets à caractère social, humanitaire, caritatif, culturel et environnemental ». Comme pour l'OL, le projet de l'OM vise moins à utiliser les fonds du club qu'à mobiliser son image médiatique au service des associations, afin de permettre aux supporters (particuliers et entreprises privées) de s'engager, par le don, aux côtés du club.

Le Montpellier Hérault FC a également fait le choix de créer un fonds de dotation financé par les dons de particuliers ou d'entreprises. Ce programme « Espoir orange et rêve bleu » 83 ( * ) propose une visibilité aux entreprises mécènes auprès des publics qui participent aux événements.

On peut enfin mentionner les initiatives du TFC, qui a créé sa fondation en 2010 avec un budget annuel de 150 000 euros, auquel s'ajoute la mise à disposition de 100 000 places pour les matchs du club. Cette fondation a développé un programme ambitieux de formation des animateurs dans 1 000 clubs de sport de la région. Elle mène également un programme « Jeunes citoyens supporters » destiné à lutter contre les comportements antisociaux dans les stades. Afin de pouvoir associer de nouveaux partenaires, le TFC prévoit également la création prochaine d'un fonds de dotation qui lui permettra une plus grande souplesse de gestion.

Si ces initiatives sont les bienvenues, force est de constater qu'elles sont encore minoritaires et ne disposent pas encore de moyens suffisants pour peser véritablement sur le développement local. Par ailleurs, une majorité de clubs n'a pas encore franchi le pas de ces actions citoyennes, ce qui illustre le chemin restant à parcourir pour faire évoluer le rôle et l'image du sport professionnel.

L'ensemble des clubs qui mènent ces actions caritatives en sont satisfaits et mettent en exergue le fait qu'elles permettent d'associer les joueurs et de donner une autre image du football. Or, comme l'indiquait à votre mission le président du comité national olympique et sportif français (CNOSF), Denis Masseglia, on ne peut que regretter que le sport professionnel ne communique pas sur ce qui fait « sa force et sa valeur ».

Dans ces conditions, votre mission estime nécessaire de généraliser la création de fondations ou de fonds de dotation par l'ensemble des clubs de 1 re division des grandes disciplines collectives . Elle estime également qu'il serait légitime de prévoir qu'une fraction des recettes de ces clubs soit consacrée au développement de ces actions citoyennes . Le montant de ce « plancher » pourrait faire l'objet d'un débat avec l'ensemble des parties prenantes.

Proposition n° 11
Prévoir la création de fondations et/ou de fonds de dotation
par l'ensemble des clubs de 1 re division de chaque discipline
dans le cadre de la responsabilité sociale de l'entreprise (RSE)

Proposition n° 12
Convenir que les clubs professionnels de 1 re division de chaque discipline devront obligatoirement consacrer une fraction de leurs revenus
à des actions sociales au travers d'une fondation ou d'un fonds de dotation

5. Transférer progressivement la propriété des enceintes sportives aux clubs professionnels et aux fédérations

Dans la nouvelle économie du sport, un stade ou une aréna constitue d'abord un moyen de production qu'il faut moderniser et adapter en permanence. Il n'y a, en ce sens, pas de raison de les distinguer des autres moyens de production que constituent les usines, les bureaux, les entrepôts ou les multiplexes de cinéma et les parcs d'attraction.

Pourtant, pour les collectivités, les enceintes sportives continuent souvent à être considérées comme des éléments du patrimoine communal qui participent à la définition de l'identité locale. C'est ce constat qui a amené nos collègues Jean-Marc Todeschini et Dominique Bailly à estimer à la fois qu'il ne devait pas y avoir de « modèle unique de propriété ou de gestion des grands équipements sportifs » , mais qu'il était nécessaire de pouvoir « impliquer et intéresser davantage les clubs professionnels dans la possession ou l'exploitation du stade ou de la salle qu'ils utilisent » 84 ( * ) .

Sans mettre en doute cet attachement local aux enceintes sportives, il est apparu à votre mission que la forte dégradation des finances publiques locales devait amener à opérer des choix différents pour l'avenir et que, là encore, il était nécessaire de faire évoluer notre culture pour tenir compte des nouvelles réalités.

a) La nécessité de mettre fin à la propriété publique des infrastructures sportives professionnelles

Comme votre mission a pu le constater, une grande différence entre la France et les autres pays européens tient au fait que les clubs y sont souvent propriétaires de leur stade 85 ( * ) . Par ailleurs, il apparaît que le système français comporte de nombreuses anomalies - mises à disposition à titre gratuit ou presque, absence de convention - qui sont autant de sources de conflits et de contentieux. Dans ces conditions, la collectivité est souvent prise au piège des exigences du club résident.

Comme l'a indiqué Alain Serre, conseiller à la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon lors de son audition : « les clubs sont des sociétés privées, avec lesquels les collectivités ont des relations ambiguës. C'est la raison pour laquelle ils veulent devenir propriétaires des stades : c'est un actif dans leur bilan, et un centre de profit, car les équipements comptent maintenant des restaurants, des cinémas, des garderies ou des piscines... Leur situation est étrange : des sociétés privées, dont les moyens de production appartiennent à une collectivité mais sont mis à leur disposition quasi exclusive. Les relations étaient plus claires quand il s'agissait d'acteurs associatifs. »

Enfin le recours aux PPP apparaît comme un procédé relativement dangereux puisqu'il incite les collectivités à « surdimensionner » leurs investissements et leur fait porter l'essentiel du risque financier tout en réduisant pour la collectivité les perspectives de retour sur investissement, ceci au bénéfice du partenaire .

Si votre mission est convaincue qu'il faut avancer sur la voie de la responsabilisation des clubs professionnels vis-à-vis de la question de la propriété des enceintes, elle n'entend pas proposer de démarche autoritaire et globale qui serait contreproductive . Là encore, elle souhaite fixer un horizon et déterminer un processus évolutif en distinguant les infrastructures existantes des nouveaux projets.

Concernant les infrastructures existantes, votre mission souhaite laisser la liberté aux collectivités territoriales d'en garder ou non la propriété sachant que leur ancienneté et leur inadaptation peut constituer un frein à une éventuelle reprise par un club professionnel.

Proposition n° 13
Permettre aux collectivités qui le souhaitent de conserver la propriété
de leurs infrastructures sportives professionnelles

Elle estime néanmoins nécessaire que les collectivités territoriales qui souhaitent demeurer propriétaires de leurs enceintes dédiées au sport professionnel en délèguent entièrement la gestion au club résident , afin que celui-ci puisse l'intégrer dans sa stratégie économique et développer des programmes de fidélisation et d'amélioration de la qualité de service. Ce mode d'organisation, qui a été retenu pour le stade du Havre pourrait convenir particulièrement aux clubs de 2 e division dont les budgets ne sont pas comparables à ceux de 1 re division.

Proposition n° 14
Inciter les collectivités qui entendent conserver la propriété
de leurs infrastructures sportives professionnelles
à en déléguer la gestion aux clubs résidents

Pour permettre aux clubs de 1 re division de poursuivre leur développement, votre mission propose de modifier le droit en vigueur afin de privilégier, pour les collectivités territoriales, les investissements des clubs dans leurs infrastructures de préférence à un soutien à leurs dépenses de fonctionnement . Une telle dérogation constituerait une démarche vertueuse puisqu'elle viserait à détacher - à terme - les clubs professionnels des collectivités territoriales. Elle permettrait également de rétablir une certaine équité entre les clubs qui ont pu bénéficier d'aides publiques dans la perspective de la préparation de l'Euro 2016 et les autres.

Votre mission propose ainsi de modifier l'article L. 113-1 du code du sport pour prévoir que les collectivités territoriales et leurs groupements pourront apporter des aides aux projets de construction, de rénovation ou de rachat des enceintes sportives dès lors que le club résident en deviendra propriétaire . Ces aides pourraient prendre la forme soit de subventions, soit de cautionnements ou de garanties d'emprunt dans le prolongement de ce que prévoyait la loi n° 2011-617 du 1 er juin 2011 relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016.

Limitées dans le temps, ces aides publiques à l'investissement pourraient toutefois être plafonnées afin de préserver les finances locales et de ne pas constituer une distorsion de concurrence pour les autres clubs.

Proposition n° 15
Modifier l'article L. 113-1 du code du sport pour faciliter
le rachat des stades par les clubs professionnels
et financer la construction de nouvelles enceintes

Une telle dérogation devrait être compatible avec la réglementation européenne telle qu'elle résulte de la décision de la Commission européenne de décembre 2013 sur la légalité des aides publiques pour la construction et la rénovation des stades pour l'Euro 2016.

Les aides d'État à la construction et à la rénovation des stades
et le droit européen

La Commission européenne a autorisé le 18 décembre 2013 les aides françaises à la construction et à la rénovation des stades en prévision de l'Euro 2016 pour un montant estimé à 1 052 millions d'euros. Elle a justifié sa décision par le fait qu'à l'issue de la compétition, les clubs et les citoyens pourront continuer de disposer de ces stades pour y organiser des événements sociaux, sportifs et culturels. La Commission a donc conclu que la mesure renforcerait la promotion du sport et de la culture sans fausser indûment la concurrence au sein du marché intérieur de l'UE. Une aide de ce type peut en effet être jugée compatible avec le marché intérieur si elle contribue à la réalisation d'un objectif commun de l'UE sans fausser indûment la concurrence au sein du marché intérieur .

Les arguments développés par la Commission pour les stades de l'Euro 2016 sont aisément transposables pour les autres stades qui accueillent des clubs qui participent également à la promotion du sport et de la culture. Concernant l'argument de la concurrence, ce sont précisément ces clubs qui pourraient souffrir d'une distorsion de concurrence dans les années à venir puisqu'ils n'ont pas bénéficié de crédits pour la modernisation de leurs enceintes. Une modification du droit en vigueur afin de permettre, pendant une durée limitée et pour des montants plafonnés, d'aider ces clubs à investir dans leurs installations a de bonnes chances d'être compatible avec la législation européenne sur les aides d'État d'autant plus que seraient en parallèle interdites les subventions et autres prestations qui financent les charges « générales ».

Source : Mission commune d'information sur le sport professionnel
et les collectivités territoriales

Concernant les infrastructures à venir, votre mission souhaite systématiser les études d'impact financier avant la construction de nouvelles enceintes sportives. Ces études devront, notamment, prendre en compte des scénarii défavorables de relégation en division inférieure pendant au moins deux saisons comme cela a été fait dans le cas de Lyon à l'occasion de la construction de son nouveau stade.

Proposition n° 16
Systématiser les études d'impact financier
avant la construction de nouvelles enceintes

Mais une évolution décisive devrait aussi consister à limiter le montant des fonds publics alloués à la construction des grandes enceintes sportives dédiées au sport professionnel à 50 % du coût total hors taxes lorsque l'on additionne le coût du stade et celui des infrastructures environnantes (voirie, transports, environnement, etc.) .

Une telle réglementation semble nécessaire pour limiter l'implication financière des collectivités territoriales et donner une impulsion significative à la responsabilisation des clubs professionnels. Cela reviendrait concrètement à interdire, pour l'avenir, un financement public local intégral des nouvelles grandes enceintes réservées prioritairement au sport professionnel . En pratique, cette règle concernerait les équipements, comme les stades et les arénas dédiés aux clubs professionnels.

Proposition n° 17
Limiter le montant des fonds publics alloués à la construction
des nouvelles enceintes sportives réservées
au sport professionnel à 50 % du coût total hors taxes

Comme corollaire du principe précédent, votre mission propose également de proscrire le recours aux PPP par les collectivités territoriales pour financer de nouveaux stades . Ce dispositif, qui permet aux collectivités de rester propriétaires des stades à l'issue d'une période de plusieurs dizaines d'années au cours desquelles elles seront redevables d'un loyer auprès de l'entreprise ayant construit l'équipement, a démontré qu'il était à la fois coûteux et qu'il ne répondait pas au besoin des clubs de pouvoir devenir propriétaires de leur « outil de travail ».

Proposition n° 18
Proscrire le recours aux PPP par les collectivités territoriales
pour financer de nouveaux stades

Plusieurs villes ayant eu recours à des PPP, notamment dans le cadre de la préparation de l'Euro 2016, il apparaît nécessaire de prévoir un mécanisme permettant aux collectivités territoriales de sortir du PPP en faveur du club résident qui pourrait devenir propriétaire de l'équipement au travers d'un crédit-bail .

Une telle solution permettrait à la fois aux collectivités territoriales concernées comme Marseille, Lille et Bordeaux de se désendetter et à leurs clubs de pouvoir intégrer cet actif dans leur bilan et de renforcer ainsi leur solidité financière.

Proposition n° 19
Permettre aux collectivités territoriales engagées dans un PPP
de céder leur enceinte au club résident au moyen d'un crédit-bail

b) Des fédérations qui doivent pouvoir développer leurs infrastructures en assumant leur financement

La problématique des stades qui vaut pour les clubs professionnels est également une réalité pour les fédérations qui ont en charge les équipes nationales ou l'organisation de tournois internationaux à l'image de Roland-Garros. Même si la fédération concernée n'organise que peu d'événements, ces derniers doivent prendre place dans des enceintes de grandes capacités répondant aux standards internationaux.

Or, dans ce domaine également, notre pays connaît un retard significatif qui peut être préjudiciable au développement du sport dans son ensemble mais aussi aux compétitions concernées lorsqu'elles sont en concurrence avec d'autres évènements sportifs.

Votre mission s'est intéressée, en particulier, à deux disciplines, le tennis et le rugby, dont l'une conduit un projet d'extension de son site et l'autre souhaite se doter d'un nouveau « grand stade ».

(1) Préserver l'avenir du tournoi de Roland-Garros

Concernant le tennis, les déplacements de votre mission au siège de la FFT à Roland-Garros puis à Wimbledon ont permis de mesurer les contraintes et les atouts du tournoi parisien.

L'enjeu de la propriété du stade de Roland-Garros

Aujourd'hui, la fédération française de tennis occupe le stade de Roland-Garros au titre d'une Convention d'occupation du domaine public (CODP), renouvelée en avril 2013 par le Conseil de Paris pour la période au-delà de 2015.

Les conditions de cette concession sont les suivantes :

- une durée de 50 ans ;

- une redevance annuelle composée d'une part fixe de 4,5 millions d'euros, à laquelle s'ajoute une part variable de 6 % du chiffre d'affaires (CA) au-delà de 150 millions d'euros ; aujourd'hui, avec un CA autour de 200 millions d'euros, la part variable s'élève à 3 millions d'euros, soit un total part fixe + part variable de 7,5 millions d'euros annuels ;

- les travaux de modernisation du stade sont autofinancés à près de 95 % par la FFT, la Ville de Paris apportant une subvention de 20 millions d'euros sur les 340 millions d'euros du budget prévisionnel ( N.B. : depuis l'origine du stade, tous les travaux successifs ont été intégralement autofinancés).

Compte tenu de ces éléments, la FFT se trouve dans la situation paradoxale d'un locataire qui acquitte un loyer élevé et qui, en plus, finance d'importants travaux qui permettront d'augmenter le loyer. En effet, la modernisation du stade de Roland-Garros doit notamment permettre à la FFT de renforcer son offre auprès de ses partenaires, de ses sponsors et des diffuseurs, donc d'augmenter son chiffre d'affaires.

Par ailleurs, le principe d'une concession limitée dans le temps pose par définition la question de son renouvellement périodique, avec son lot d'incertitudes. Le dernier renouvellement de la concession parisienne en est une bonne illustration, qui a nécessité de longues discussions et l'exploration coûteuse de plusieurs solutions alternatives.

Or, cette incertitude périodique n'est pas en cohérence avec l'événement « patrimonial » qu'est le tournoi de Roland-Garros, inscrit dans la très longue durée et dont on doit ambitionner qu'il traverse le XXI e siècle avec succès.

Source : Mission commune d'information sur le sport professionnel
et les collectivités territoriales

Situé sur la plus petite emprise des tournois du « Grand Chelem », le tournoi de la Porte d'Auteuil est menacé à la fois par l'écart de moyens qui se creuse avec les autres tournois et par le risque qu'un tournoi concurrent en terme de dates se crée, par exemple dans les pays du Golfe. Cette situation justifie pleinement d'encourager le développement d'un évènement qui génère chaque année directement et indirectement 277 millions d'euros de valeur ajoutée et qui réinvestit annuellement 50 millions d'euros dans le tennis français.

Votre mission a pu constater, lors de son déplacement porte d'Auteuil, combien le projet d'extension était à la fois nécessaire et respectueux de l'environnement immédiat et notamment des serres d'Auteuil. Mais ce projet pourrait ne pas être suffisant à moyen terme si l'on considère les projets de développement du tournoi de Wimbledon adopté en 2012 pour les 15 à 20 prochaines années et dont votre mission a pu prendre connaissance lors de son déplacement à Londres 86 ( * ) . Les responsables du tournoi londonien ont ainsi prévu que les montants investis pour ce second plan dépasseraient les 250 millions de livres sterling du premier plan et qu'il serait financé à la fois par le loyer généré par l'usage du stade et un système de debentures 87 ( * ) .

Les projets de développement engagés par le tournoi de Wimbledon mais aussi par les autres grands tournois du « Grand Chelem » apparaissent plus difficiles à engager à Paris par une fédération qui n'est pas propriétaire de son stade. Outre le fait que les investissements réalisés ont pour effet d'augmenter le montant de la redevance versée à la ville, il subsiste une incertitude sur l'issue de la concession qui constitue un aléa préjudiciable à des investissements de long terme. Une telle situation justifierait pleinement que la Ville de Paris cède le stade de Roland-Garros à la FFT afin de lui permettre de rester dans la course et de continuer à se développer. Le recours à la technique du crédit-bail pourrait permettre une transition progressive. Bien entendu, il conviendrait que la Ville de Paris conserve un droit de regard sur la destination du site afin de préserver son affectation à un objet sportif et son insertion au sein d'un environnement particulièrement fragile.

Proposition n° 20
Encourager la Ville de Paris à céder à la fédération française de tennis
le stade de Roland-Garros

(2) Poursuivre la recherche d'un nouveau modèle économique pour le rugby

Concernant le rugby, votre mission s'est rendue au Centre national à Marcoussis afin de prendre connaissance du projet de « grand stade » et de ses modalités de financement. Elle s'est aussi rendue à Twickenham, au siège de la Rugby Union anglaise. Votre mission a pu constater, lors de ces déplacements, l'intérêt pour une fédération de posséder son stade 88 ( * ) : maîtrise du calendrier international, recettes supplémentaires issues de la gestion en propre des loges et des places « Premium », utilisation de l'image de l'équipe nationale pour développer des prestations annexes (location de salons, hôtel à l'intérieur de l'enceinte), organisation d'autres événements sportifs et de spectacles, etc.

Ce faisant, votre mission reconnaît que la situation actuelle qui voit le FFR louer le Stade de France pour accueillir les matchs du XV de France du tournoi des six nations ne lui permet pas de construire un modèle économique pérenne pour le rugby français.

Fort de l'exemple de Twickenham, la FFR envisage ainsi de construire un nouveau « grand stade » à Ris-Orangis au sud de Paris qui doit permettre de changer de modèle économique du rugby et d'assurer son développement. Votre mission a été sensible à l'ambition du projet de la fédération et reconnaît son sérieux comme sa pertinence . Elle reste plus prudente, cependant, quant à son financement à l'aune des résultats rencontrés par la FFR pour son emprunt obligataire « Debenture FFR ».

Chaque titre de cet emprunt, calqué sur le modèle anglais des debentures , permet à son détenteur de bénéficier d'un accès prioritaire à des matchs du XV de France et à la finale du Top 14, pendant 15 ans. En filigrane, ce système constituait un essai pour la FFR, qui envisage de financer une partie de son « grand stade » - probablement à hauteur de 150 millions d'euros - via ce type d'emprunt.

La souscription a été ouverte le 1 er février 2014, au matin de France-Angleterre dans le Tournoi des six nations, et a été close le 21 février. Au final, seuls 35 titres à 10 000 euros sur 499 ont été placés. Ce revers jette une ombre sur le financement du « grand stade », notamment dans la perspective des changements envisagés par votre mission pour 2016. L'arrêt des subventions au fonctionnement des clubs et la réorientation des achats de prestations vers les actions menées par les fondations et les fonds de dotation pourraient, en effet, justifier un redéploiement des droits TV qui ne manquerait pas d'avoir un impact sur le plan de financement de la FFR pour son « grand stade ».

Au final, les interrogations concernant le financement de ce nouveau « grand stade » exprimées par nos collègues Jean-Marc Todeschini et Dominique Bailly dans leur rapport sur le financement public des grandes infrastructures publiques 89 ( * ) ne sauraient être considérées comme complètement levées.

Proposition n° 21
Reconnaître l'intérêt pour le rugby français
du projet de « grand stade » de la fédération française de rugby
sous réserve que celle-ci puisse le financer

c) La nécessité de trouver une solution pérenne pour le Stade de France

La situation du Stade de France demeure singulière puisqu'il constitue l'unique exemple d'un stade propriété de l'État.

Conçu à l'occasion de la Coupe du Monde de football de 1998, il a aussi été prévu pour accueillir des épreuves d'athlétisme dans la perspective d'une candidature aux Jeux olympiques. Il en résulte la présence d'une piste d'athlétisme qui éloigne les spectateurs de la pelouse. Seconde difficulté, sa jauge de 80 000 places rend difficile son utilisation par un club résident qui aurait toutes les peines à le remplir à chaque match.

Or, le « modèle européen » qui s'impose aujourd'hui est celui d'un stade « chaudron » d'environ 60 000 places qui doivent toutes être occupées pour obtenir une ambiance propice à un grand spectacle comme on le voit à l'Allianz Arena de Munich et à l'Emirates Stadium de Londres.

Le Stade de France, de par sa conception même, ne correspond donc pas exactement aux besoins d'un club résident de football. Du fait des problèmes de calendrier, il ne peut non plus satisfaire pleinement la FFR. Dès lors que celle-ci se doterait de son propre « grand stade », il conviendrait alors de s'interroger sur l'avenir du Stade de France, qui ne saurait demeurer durablement dans le giron de l'État.

Dans la mesure où votre mission a exprimé sa préférence pour une responsabilisation des clubs et des fédérations en matière de propriété des enceintes sportives, il conviendrait d'explorer la possibilité, pour la FFF, de devenir propriétaire du Stade de France soit à l'issue de la concession en 2025, ce qui nécessiterait l'ouverture d'une négociation avec l'État, soit avant cette date, ce qui nécessiterait alors de trouver également un accord avec le consortium qui en assure la gestion.

Proposition n° 22
Examiner la possibilité pour la fédération française de football
de devenir propriétaire du Stade de France

d) Favoriser la construction d'une nouvelle enceinte dédiée aux sports de salle en région parisienne

Le déficit d'infrastructures ne concerne pas seulement le football et le rugby, il est même particulièrement frappant en ce qui concerne le basketball, le handball et le volleyball, notamment pour les équipes de France. Ces dernières ne disposent, en effet, d'aucune solution probante. La halle Carpentier dans le 13 e arrondissement ne comprend que 5 000 places et son aménagement n'est pas adapté aux grandes rencontres internationales. Le POPB, quant à lui, est devenu une salle de spectacles à la programmation dépendante des grandes tournées internationales, ce qui le rend peu à même d'accueillir des rencontres sportives internationales. Il manque donc une grande salle d'au moins 10 à 15 000 places pour accueillir les rencontres de ligues européennes en particulier.

Dans une logique de mutualisation, il pourrait être proposé aux trois fédérations de basketball, de handball et de volleyball de prendre l'initiative de construire et d'exploiter un tel équipement, également précieux dans la perspective d'une candidature aux Jeux olympiques. Un tel projet pourrait bénéficier d'aides de la part des collectivités qui composent la Métropole du Grand Paris mais aussi de l'État.

Proposition n° 23
Inciter les fédérations de basketball, de handball et de volleyball
à construire et à exploiter en commun une salle de 10 à 15 000 places
en région parisienne

6. Transférer la compétence générale en matière d'accompagnement du sport professionnel aux métropoles et aux agglomérations

Votre mission considère que les collectivités territoriales doivent redéfinir leur rôle par rapport au sport professionnel et cesser de participer, même involontairement, à l'inflation de la masse salariale des clubs professionnels.

Ce désengagement, que votre mission appelle de ses voeux, est justifié d'abord par les contraintes qui pèsent sur les finances locales, mais également par le fait que les clubs ne respectent pas tous la législation qui impose que les subventions doivent être utilisées pour financer des missions d'intérêt général. Au lieu de cela, la compétence générale favorise les subventions croisées et rend plus compliqué le respect des plafonds prévus par la loi comme le contrôle de l'utilisation de ces fonds publics. Une clarification est donc nécessaire pour désigner une collectivité « partenaire de référence ».

a) Faire des métropoles et des agglomérations les véritables acteurs du sport professionnel

Il existe un lien étroit entre les villes et les clubs professionnels qui aboutit même, la plupart du temps, à identifier chaque club à une cité. C'est ainsi que les grandes villes sont aujourd'hui encore largement impliquées dans le sport professionnel d'autant plus que les installations sportives sont le plus souvent la propriété des communes.

Dans le cadre d'une vaste clarification des compétences des collectivités territoriales qui est à nouveau évoquée, il apparaîtrait, cependant, assez naturel de désigner les grandes agglomérations et les métropoles comme des « partenaires de référence » du sport professionnel , ce qui nécessiterait une évolution culturelle et un transfert de moyens là où les grades villes ont conservé l'essentiel de la compétence.

Il reviendrait ainsi aux intercommunalités d'être l'unique décideur en termes de subventions et d'achats de prestations, mais aussi en matière de construction et de rénovation des enceintes sportives. On peut rappeler, à cet égard, que Lille Métropole a porté le projet du grand stade de Lille, compte tenu du besoin d'expertise pour mener un projet de cette taille. Le niveau métropolitain apparaît également le mieux à même de gérer les zones d'emplacement des équipements et d'assurer leur mutualisation.

b) Préserver le rôle des départements pour soutenir les « événements sportifs »

De nombreux territoires sont dépourvus de métropoles, ce qui ne les empêche pas de conduire des projets ambitieux dans le domaine du sport professionnel ainsi que l'a montré l'audition de notre collègue Bruno Retailleau concernant le cas de la Vendée.

Voilà pourquoi la suppression de la clause de compétence générale en matière de sport professionnel ne doit pas négliger les territoires ruraux, dans lesquels le conseil général pourrait jouer le rôle de « partenaire de référence », non pas pour soutenir les clubs professionnels mais pour accompagner les grands événements sportifs à l'image du Vendée Globe ou du Tour de France .

Proposition n° 24
Désigner la métropole ou l'intercommunalité
comme « partenaire de référence »
pour accompagner les clubs professionnels

c) La nécessité pour les collectivités de faire émerger de grands clubs « omnisports » métropolitains

La raréfaction des moyens des collectivités comme l'accroissement du coût des équipements pose la question de la mutualisation des moyens et de la polyvalence des installations .

Les possibilités de mutualisation sont, en réalité, souvent assez limitées car les installations d'une équipe professionnelle sont trop peu disponibles pour d'autres équipes ou pour le sport amateur. Les problèmes de calendrier des ligues et de programmation des épreuves rendent, par ailleurs, particulièrement difficile le partage d'une même installation par plusieurs clubs 90 ( * ) . C'est pourquoi, une autre piste à explorer concerne le développement des clubs omnisports qui pourrait constituer une solution intéressante pour favoriser la mutualisation des fonctions « back office » (organisation, finance, staff médical, entrainement, marketing, communication, etc.).

La France possède une culture ancienne du club omnisports comme peuvent en témoigner le Stade français et le Racing club de France, mais rares sont aujourd'hui les clubs omnisports à briller dans plusieurs disciplines. Une exception de taille concerne le PSG qui, après s'être développé dans le handball, envisage d'intégrer le club de basketball Paris-Levallois pour se rapprocher des modèles que sont le Bayern de Munich et le FC Barcelona.

Les métropoles et les grandes agglomérations auraient tout intérêt à favoriser les rapprochements nécessaires, y compris en conditionnant leur soutien, afin de permettre aux clubs d'atteindre la « taille critique » pour mener des projets de développement d'envergure . À noter également qu'un club omnisports est souvent installé sur plusieurs sites, ce qui peut permettre d'assurer un développement harmonieux du sport au sein des agglomérations.

Proposition n° 25
Favoriser la constitution de grands clubs « omnisports »
dans les agglomérations et les métropoles

d) Le rôle particulier de la région en matière de formation à conforter

L'action des régions en matière de formation professionnelle constitue une des réussites majeures de la décentralisation. Votre mission n'entend donc pas remettre en cause les aides des régions aux centres de formation des clubs professionnels .

Cependant, dans une logique de clarification, elle propose de reconnaître une compétence exclusive de la région dans ce domaine et, en conséquence, d'interdire aux autres niveaux de collectivités territoriales de soutenir l'effort de formation des clubs professionnels.

Votre mission estime également qu'une réflexion gagnerait à être engagée sur les moyens dont disposent les centres de formation, afin d'examiner l'opportunité de leur permettre de pouvoir collecter une partie de la taxe d'apprentissage. Les clubs professionnels pourraient, quant à eux, se voir autorisés à accéder aux fonds de la professionnalisation pour les sportifs et les entraîneurs pour lesquels ils cotisent.

Proposition n° 26
Affirmer la compétence exclusive de la région
en matière de formation professionnelle
dans le domaine du sport professionnel

e) La nécessité de mieux associer le mouvement sportif aux programmes d'infrastructures

La « montée en gamme » du sport professionnel français demande la mobilisation de tous les acteurs, au premier rang desquels le mouvement sportif et sa principale émanation que constitue le CNOSF.

Dans cette perspective, et compte tenu des évolutions récentes du CNDS qui a été recentré sur le développement du sport amateur, le CNOSF pourrait se voir reconnaître la mission de favoriser l'accès au sport de haut niveau et l'organisation de manifestations sportives que l'article R. 411-2 attribue aujourd'hui au CNDS.

Pour mener à bien cette mission, le CNOSF pourrait se voir affecter l'une et/ou l'autre des ressources suivantes dont dispose le CNDS :

- la contribution sur la cession à un éditeur ou un distributeur de services de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives, dite « taxe Buffet » 91 ( * ) ;

- un prélèvement sur les sommes misées sur les paris sportifs organisés et exploités par la Française des jeux ainsi que sur les paris sportifs en ligne 92 ( * ) .

Proposition n° 27
Confier au Comité national olympique et sportif français (CNOSF)
la mission et les moyens lui permettant de favoriser l'accès
au sport de haut niveau et l'organisation de manifestations sportives

f) Associer pleinement les collectivités territoriales et les citoyens à l'organisation d'une candidature aux Jeux olympiques de 2024

La candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques d'été de 2024 fait l'objet d'un large débat. Parmi les raisons qui plaident en sa faveur, on trouve l'idée qu' une telle candidature favoriserait la construction de nouveaux équipements sportifs , susciterait des vocations de sportifs et permettrait de créer un surcroît de croissance économique. Au chapitre des inconvénients figurent généralement la crainte d'une facture élevée à régler pour les infrastructures et les nuisances attendues en termes de circulation et de mesures sécuritaires.

Les JO de Londres de 2012 ont démontré, à cet égard, que les avantages comme les inconvénients étaient bien réels : la ville a changé au travers de plusieurs opérations d'urbanisme et le dynamisme s'est encore accru mais la facture s'est révélée plus élevée que prévu 93 ( * ) et rares sont les Londoniens à avoir pu assister aux épreuves du fait des défauts d'organisation et du prix élevé des places.

La décision d'organiser des Jeux olympiques constitue d'abord un choix de développement d'un projet territorial en termes de transports, d'équipements sportifs et de structures d'accueil. Elle doit donc s'appuyer sur un large assentiment des populations et de leurs représentants. C'est ce souci d'une candidature partagée qui a amené la ville de Munich à organiser un référendum le 10 novembre 2013 sur l'opportunité d'une candidature aux JO d'hiver de 2022. Le rejet de la consultation et l'absence d'adhésion des populations a sans doute permis à la capitale bavaroise d'éviter une déception plus grande encore lors de l'attribution des JO. A contrario , si le sort des urnes avait été différent, une telle adhésion exprimée démocratiquement aurait pu constituer une grande chance pour la candidature de Munich.

Compte tenu du sort réservé aux précédentes candidatures de Paris et surtout de leur difficulté à mobiliser l'opinion publique quant à leur intérêt pour le développement de la métropole, il pourrait être intéressant de construire une candidature autour de l'adhésion de la population et de ses représentants. Une telle consultation pourrait être organisée sur le périmètre du Grand Paris au second semestre 2015 lors du dépôt de la candidature. Elle devrait permettre aux citoyens de se prononcer non pas sur le principe d'une candidature mais sur le projet, afin de pouvoir apprécier son impact sur le développement urbain.

Proposition n° 28
Préconiser l'organisation d'un référendum
sur le projet de candidature des JO à Paris

Si le soutien populaire doit constituer un préalable à une éventuelle candidature à l'organisation des JO de 2024, il ne saurait bien évidemment constituer une condition suffisante. C'est la cohérence du projet et sa solidité qui pourront être décisives, notamment au regard des infrastructures envisagées et de leur reconversion.

L'expérience des JO de Londres démontre que cette question n'est pas toujours facile à traiter, le comité d'organisation ayant tendance à vouloir préserver ses prérogatives. C'est ainsi que le stade olympique de Londres a été conçu sans véritable plan de reconversion et qu'il a fallu attendre de nombreux mois pour que soit prise la décision de reconfigurer le stade et de l'attribuer au club de football de West Ham.

Pour éviter ce type d'incertitudes, il pourrait être pertinent d' associer au préalable tous les clubs et les fédérations intéressés à la construction d'infrastructures nouvelles, afin de concevoir des enceintes qui pourront être réutilisées au mieux et, à défaut, de prévoir de construire des structures provisoires 94 ( * ) .

Proposition n° 29
Concevoir les nouveaux équipements nécessaires aux JO avec
les clubs professionnels intéressés ou bâtir des installations temporaires

De la même manière que les JO de Londres ont permis d'accompagner l'émergence et le développement du Grand Londres ( Greater London Authority ), l'organisation des JO à Paris pourrait être l'occasion de lancer véritablement la nouvelle Métropole du Grand Paris qui doit devenir réalité au 1 er janvier 2016.

La participation de la métropole à la préparation de la candidature et à l'organisation éventuelle des JO rentre, en effet, dans les compétences qui lui ont été reconnues par la loi du 27 janvier 2014, à savoir la construction, l'aménagement, l'entretien et le fonctionnement d'équipements sportifs d'intérêt métropolitain mais également la participation à la préparation des candidatures aux grands événements internationaux sportifs accueillis sur son territoire.

Une telle « métropolisation » de la candidature de Paris aux JO apparaît, par ailleurs, comme la meilleure façon d'associer tous les espaces de la métropole, de créer une véritable identité commune et de « réunifier » un territoire qui a beaucoup souffert de la désindustrialisation et d'une urbanisation déséquilibrée au cours des trente dernières années.

Proposition n° 30
Associer la nouvelle Métropole du Grand Paris à la construction et
à la rénovation des équipements nécessaires à une candidature aux JO


* 68 Les disciplines arrivées « à maturité » sont celles pour lesquelles la part du financement public sera déjà devenue limitée à l'image du football et du rugby pour lesquels les subventions comptent pour moins de 5 % des revenus des clubs de 1 re division. Dans ce cas, la discipline a pleinement basculé du côté du sport business et ses ressources dépendent principalement des droits TV, de la billetterie et des partenariats.

* 69 Au cours de la saison 2011-2012, la somme des subventions et des prestations des collectivités territoriales en direction des clubs professionnels masculins et féminins, de 1 re et 2 e divisions, de football, de rugby, de basketball, de handball et de volleyball s'élevait à près de 157 millions d'euros.

* 70 Voir le rapport de mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel et des solidarités avec le sport amateur, p. 3 - juillet 2013.

* 71 Voir rapport précité p. 9.

* 72 La question des normes internationales est évidemment d'une autre nature et ne peut être résolue dans le cadre d'une régulation nationale sauf à considérer que l'émergence d'un modèle français de régulation pourrait permettre de renforcer le poids des fédérations françaises dans les instances internationales.

* 73 Voir le rapport de la mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel et des solidarités avec le sport amateur établi conjointement par l'IGA, l'IGF et l'IGJS.

* 74 MM. Rémi Duchêne et Bertrand Jarrige ont été auditionnés par votre mission le 9 avril 2014.

* 75 Rapport de la mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel et des solidarités avec le sport amateur.

* 76 Jean-Michel Aulas, président de l'OL, a proposé dans Le Parisien du 18 avril 2014 de supprimer la DNCG au motif qu' « on ne peut pas avoir des organes de contrôle différents entre la France et l'Europe, avec une direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) française et le fair-play financier en Europe ».

* 77 Rapport d'information de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale sur le fair-play financier européen et son application au modèle économique des clubs de football professionnel français, 3 juillet 2013.

* 78 L'article L. 113-3 du code du sport prévoit que : « les sommes versées par les collectivités territoriales ou leurs groupements aux sociétés sportives en exécution de contrats de prestation de services, ou de toute convention dont l'objet n'entre pas dans le cadre des missions d'intérêt général visées à l'article L. 113-2 , ne peuvent excéder un montant fixé par décret ».

* 79 Dans cet esprit, les collectivités n'achèteraient plus de prestations comme des billets pour les redistribuer mais cofinanceraient les actions des clubs à destination des publics cibles afin de s'assurer de la finalité caritative des financements.

* 80 « Utiliser le pouvoir du football pour améliorer les vies. »

* 81 L'OL Fondation intervient dans 4 domaines principaux : l'insertion par le sport, l'éducation, l'aide aux personnes malades et hospitalisées et le soutien au sport amateur.

* 82 OM Attitude intervient prioritairement dans 4 domaines : éducation / culture, promotion de la mixité et de la solidarité collective, santé et recherche médicale et protection de l'environnement / écocitoyenneté.

* 83 Le programme « Espoir orange et rêve bleu » s'est fixé 6 domaines d'action prioritaires : la jeunesse, le handicap et la santé, l'intégration des femmes, le soutien aux grandes causes, le soutien au sport amateur et l'intégration sociale.

* 84 Grands stades et arénas : pour un financement public les yeux ouverts , Rapport d'information n° 86 (2013-2014), pp. 35 et 36.

* 85 18 des 20 premiers clubs du classement de l'UEFA seraient propriétaires de leur stade selon M. Jean-Michel Aulas, président de l'OL auditionné par votre mission.

* 86 Déplacement à Londres du 18 février 2014.

* 87 Selon ce principe, 2 500 personnes pourraient bénéficier d'une place « Premium » pour cinq ans pour la somme de 25 000 livres sterling, ce qui permettrait de récolter 60 millions de livres sterling pour financer le plan de développement.

* 88 Le stade de Twickenham a permis de générer 150 millions de livres sterling de revenus en 2013 qui ont permis de financer l'équipe d'Angleterre et le rugby amateur. On peut retenir que l'organisation d'un seul match international suffit à rentabiliser les installations compte tenu de leur amortissement.

* 89 Grands stades et arénas : pour un financement public les yeux ouverts , rapport d'information n° 86 (2013-2014).

* 90 Il existe toutefois des exceptions puisque l'Allianz Arena héberge à la fois les matchs du Bayern de Munich et ceux du TSV 1860 Munich tout comme le stade San Siro reçoit ceux de l'Inter de Milan et du Milan AC.

* 91 Cette ressource dont le montant est plafonné s'élevait à 43,4 millions d'euros en 2012.

* 92 Cette ressource qui est également plafonnée s'élevait à 31 millions d'euros en 2012.

* 93 Alors que le budget prévisionnel des JO de Londres s'élevait à 3 milliards de livres sterling, le budget final a été estimé entre 11 et 13 milliards de livres sterling.

* 94 Une telle démarche permettrait de ne pas renouveler l'expérience du Stade de France qui n'a toujours pas trouver sa vocation plus de 15 ans après l'événement pour lequel il a été construit.

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