PARAGRAPHE LIMINAIRE - LE DISPOSITIF PRÉVU POUR LA SUPPRESSION DE LA PROFESSION D'AVOUÉ PRÈS LES COURS D'APPEL

La loi du 25 janvier 2011 recouvrait quatre volets.

• L'intégration de la profession d'avoué à celle d'avocat et ses conséquences

La loi organisait tout d'abord la suppression du monopole de postulation reconnu aux avoués et la fusion des professions d'avoués et d'avocats. Ces derniers voyaient leur compétence étendue à la postulation en appel, ce qui leur permettait d'asseoir entièrement, en appel, comme en première instance, leur monopole de représentation en justice.

Conséquence de l'intégration de la profession d'avoué à celle d'avocat, il convenait de régler la question de l'affiliation des anciens avoués devenus avocat aux caisses de retraites des avocats ou des avoués, et, surtout, de déterminer lesquelles seraient tenues de verser les pensions aux anciens avoués retraités. Le principe retenu a été de conserver cette charge aux caisses qui y étaient tenues jusqu'alors, la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CAVPL) et la caisse d'assurance vieillesse des officiers ministériels, des officiers publics et des compagnies judiciaires (CAVOM). Les avoués qui seraient devenus avocats seraient en revanche affiliés à la caisse nationale des barreaux français (CNBF), cette dernière devant compenser à la CAVOM cet afflux de cotisants, en tenant compte de leur durée prévisible de cotisation et des droits à pension qu'ils se créeront au sein de cette caisse.

• L'indemnisation des avoués et de leurs salariés

Les avoués tenaient de la loi sur les finances du 28 avril 1816 le droit de proposer leur successeur au garde des sceaux. La cession des offices s'organisant à partir de ce droit de présentation, sa suppression, consécutive à la suppression du monopole de postulation, constituaient, pour les avoués qui avaient, à l'époque, acheté un office ou des parts sociales dans un office, une perte patrimoniale nette. L'article 13 de la loi prévoyait donc qu'ils en soient indemnisés au terme d'une procédure identique, comme le Sénat l'avait proposé, à celle applicable devant le juge de l'expropriation. Une commission était chargée de présentée les offres d'indemnisation (article 16). Le versement d'un acompte était prévu ainsi qu'une contribution au remboursement anticipé des emprunts éventuellement contracté pour acheter l'office (article 17).

Le même article 13 prévoyait en outre une indemnisation spécifique pour les avoués qui exerçaient leur activité au sein d'une société dont ils ne détenaient que des parts en industrie. En effet, contrairement à celles en capital, ces parts n'ont aucune valeur patrimoniale et ne pouvaient être évaluées sur la base de la perte du droit de présentation.

À l'initiative du Sénat, l'indemnisation avait été étendue à d'autres chefs de préjudice éventuels : le préjudice de carrière, le préjudice économique et les préjudices accessoires toutes causes confondues. Toutefois, cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel 3 ( * ) .

L'article 14 de la loi prévoyait, quant à lui, le versement d'indemnités de licenciement majorées, pour tous les salariés d'avoués, licenciés en conséquence directe de la loi, entre sa publication et le 31 décembre 2012. Les indemnités s'élevaient à un mois de salaire par année d'ancienneté, dans la limite de trente mois.

• Les aides à la reconversion des avoués et de leurs salariés

L'intégration de la profession d'avoué au sein de celle d'avocat était conçue comme la voie normale de reconversion des membres de cette profession. Il était même prévu que ceux-ci se voient reconnaître de droit une spécialisation en procédure d'appel (article premier).

Toutefois, d'autres opportunités leur étaient offertes : ils pouvaient accéder aux autres professions d'officiers publics ou ministériels 4 ( * ) et être dispensés totalement ou partiellement des stages, de la formation professionnelle ou des titres ou des diplômes requis. Leurs collaborateurs, ayant réussi l'examen d'aptitude à la profession d'avoué, pouvaient quant à eux, soit être dispensés de certaines des conditions d'accès à ces professions, soit exercer celle d'avocat (article 21 et 22).

Les licenciements opérés sur la base de la loi étant réputés posséder le caractère de licenciements économiques, les salariés devaient quant à eux pouvoir bénéficier des dispositifs de reconversion de droit commun applicables en la matière (convention de reclassement personnalisé ou contrat de transition professionnelle). Comme on le verra 5 ( * ) , le Gouvernement, s'était engagé à mobiliser des moyens importants, avec, notamment la création d'une cellule de reclassement ad hoc .

En outre, Mme Michèle Alliot-Marie, alors garde des sceaux, avait pris des engagements de recrutements des salariés des avoués dans des emplois judiciaires.

• Les modalités de financement de la réforme

Un fonds d'indemnisation a été créé par l'article 19 de la loi, chargé de procéder au versement de l'ensemble des indemnisations qui pouvaient être réclamées sur le fondement de ladite loi. Les ressources de ce fonds ont été constituées d'une part par le produit d'avances ou d'emprunt effectués par la caisse des dépôts ou consignation, et, d'autre part, par celui d'une taxe affectée 6 ( * ) , d'un montant de 150 euros, prélevée sur chaque partie à une instance d'appel. Cette taxe ne porte toutefois que sur les procédures pour lesquelles la constitution d'avocat est obligatoire.


* 3 La censure est intervenue pour un double motif : l'indemnisation d'un préjudice de carrière a été jugée sans lien avec la nature des fonctions d'un officier public ministériel. Celle des deux autres chefs de préjudices a été jugée contraire à l'exigence de bon emploi des deniers publics et constitutive d'une rupture d'égalité devant les charges publiques, dans la mesure où ces préjudices n'étaient qu'éventuels, compte tenu de la possibilité d'une poursuite d'activité en tant qu'avocat.

* 4 Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, notaire, commissaire-priseur judiciaire, greffier de tribunal de commerce, huissier de justice, administrateur et mandataire judiciaire.

* 5 Cf. infra , I, A.

* 6 La taxe a été insérée à l'article 1635 bis P par l'article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.

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