B. UNE ORGANISATION QUI RESTE COMPLEXE

Bien que ne sous-estimant pas l'ampleur de la réforme qu'a représenté la mise en place du RSI, vos rapporteurs tiennent à rappeler qu'elle laisse subsister une organisation complexe de la protection sociale des indépendants 7 ( * ) sous l'effet notamment d'une intégration partielle des professions libérales, d'une gestion déléguée du risque maladie et d'une ligne de partage non stabilisée entre l'Urssaf et le RSI.

1. Une intégration très partielle des professions libérales

Si le RSI est né principalement de la fusion des régimes de base de retraite des artisans et des commerçants, les professions libérales relèvent, comme précédemment, de la Caisse nationale des barreaux français pour les avocats ou d'un régime d'assurance vieillesse géré par la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) qui fédère dix caisses professionnelles (médecins, pharmaciens, officiers ministériels...) chargées par délégation de la gestion du régime de base et qui administrent un ou plusieurs régimes de retraite complémentaire et d'invalidité-décès. Au total, la CNAVPL et les 10 sections professionnelles gèrent 27 régimes.

Les affiliés au régime des professions libérales ont fortement crû avec le rattachement des auto-entrepreneurs dont l'activité n'est ni artisanale ni commerciale et dont le nombre est supérieur, au sein de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (Cipav), à celui des professions libérales.

L'assurance-vieillesse des professions libérales représentait en 2013 plus d'un million d'affiliés dont 628 000 professionnels en activité et 280 000 auto-entrepreneurs.

Autre particularité, à la différence des artisans et commerçants, il n'existe pas d'indemnités journalières pour les professions libérales.

Par ailleurs, comme c'était le cas avant la réforme pour l'ensemble des indépendants, le recouvrement des cotisations des professions libérales pour les allocations familiales, la formation professionnelle et la CSG-CRDS continue à être assuré par les Urssaf et les cotisations maladie sont recouvrées par les organismes conventionnés.

Les professions libérales ne relèvent donc du RSI que pour l'affiliation et les prestations du risque maladie, dans le cadre d'une gestion déléguée aux organismes conventionnés.

2. Une gestion déléguée du risque maladie

Depuis sa création, en 1966, l'assurance maladie obligatoire des travailleurs non-salariés fait l'objet d'une gestion déléguée, pour le recouvrement des cotisations et le versement des prestations.

Le RSI a délégué la mission de versement des prestations d'assurance maladie-maternité des artisans-commerçants à un réseau d'organismes conventionnés. Pour les professions libérales, les organismes conventionnés poursuivent leurs missions de versement des prestations mais aussi de recouvrement des cotisations maladie.

Ces organismes, rattachés à la Fédération française des sociétés d'assurances ou la Fédération nationale de la mutualité française, sont choisis par l'affilié auprès d'une liste disponible, entre deux et huit organismes selon les régions, au sein de sa caisse régionale du RSI.

Le RSI est signataire d'une convention d'objectifs avec la Roca (réunion des organismes conventionnés assureurs) qui délègue la gestion des prestations d'assurance maladie obligatoire à un groupement unique, la RAM, qui confie à l'association d'assureurs Apria-RSA la gestion pratique des opérations. Côté mutualiste, une convention est signée avec l'Acromut (association de représentation des organismes conventionnés mutualiste) regroupant 19 mutuelles gérant les prestations d'assurance maladie.

Le nombre des organismes conventionnés est passé de 63 en 2008, dont certains géraient une population de moins de 6 000 personnes, à 20 en 2013. Avec plus de la moitié des assurés, la RAM est le premier organisme conventionné, suivi de deux organismes mutualistes, Radiance et Harmonie Mutuelle, les 17 autres organismes représentant le quart des assurés.

En 2013, la répartition des assurés entre les organismes conventionnés était la suivante :

Figure n° 9 : Répartition des assurés entre les organismes conventionnés

Source : RSI

D'après les usagers entendus par vos rapporteurs, il semble que la qualité du service rendu par les différents organismes conventionnés soit variable sans que les affiliés disposent des informations nécessaires pour faire leur choix, ce qui plaiderait pour un pilotage renforcé de la part de la caisse nationale.

Le service rendu par les organismes conventionnés est rémunéré par des remises pour frais de gestion qui représentaient, en 2013, 208 millions d'euros, soit 26 % des coûts de gestion du RSI. Elles ont diminué de 7,47 % entre 2006 et 2013. Cette évolution tenait compte du fait que la fonction de recouvrement des cotisations, qu'elles assuraient précédemment, a été transférée aux Urssaf mais aussi de la nécessité d'accompagner cette mutation. Pour le principal organisme conventionné, la suppression du recouvrement s'est ainsi traduite par le licenciement de quelque 270 personnes.

Sur la période de la convention d'objectifs et de gestion 2012-2015, les remises de gestion s'inscrivent en baisse de 3,5 %, ce qui devrait accentuer le mouvement de concentration engagé, sans toutefois qu'il s'agisse d'un objectif clairement affiché de la part du délégant.

3. Une organisation encore non stabilisée
a) Une répartition des rôles non assumée

En application de l'article L. 133-6-3 du code de la sécurité sociale, les Urssaf agissent par délégation du RSI, pour son compte et son appellation. D'après les auditions réalisées par vos rapporteurs, cette délégation, ni affichée, ni transparente dans le cadre de l'ISU, n'a pas peu contribué à l'incompréhension des affiliés rencontrant des difficultés, dans la détermination de leur véritable interlocuteur, le RSI étant systématiquement rendu responsable alors que ses caisses de base ne disposaient pas toujours des informations nécessaires au traitement des dossiers.

La réforme a également conduit à une séparation du contentieux pour le recouvrement des cotisations entre les Urssaf et les caisses du RSI, selon que le règlement des cotisations intervient dans un délai inférieur ou égal à 30 jours. Conçue comme une sorte de ligne d'armistice, cette séparation n'a pas de justification opérationnelle. Il a du reste été précisé à vos rapporteurs que cette règle, initialement mise en oeuvre, ne connaissait plus aujourd'hui d'application concrète au sein des caisses, sans que le partage des rôles paraisse clairement défini.

La volonté de ne pas faire apparaître les Urssaf conduit encore à adresser aux cotisants des courriers à en-tête du RSI, avec les coordonnées d'un interlocuteur du RSI pour des dossiers dont les agents du RSI ne sont pas informés et qu'ils ne sont pas en mesure de traiter.

b) Un schéma régional qui maintient une gouvernance « à deux têtes »

Au printemps 2014, l'organisation commune RSI-Urssaf au niveau régional était en cours de déploiement dans cinq régions pilotes selon le schéma ci-après.

Vos rapporteurs saluent le travail de rapprochement opéré entre les deux organismes, qui supposait la réorganisation préalable de certaines Urssaf pour dédier des moyens spécifiques aux travailleurs indépendants, mais s'interrogent sur le maintien d'une gouvernance bicéphale, assurée dans chaque région par un binôme d'agents de direction à temps partiel, relayé par un binôme de cadres à temps plein.

Ils rappellent que les dysfonctionnements constatés lors du démarrage du RSI tenaient pour une part non négligeable à la défiance et à l'absence de volonté de coopérer entre les deux organismes.

Ils craignent que sans hiérarchie ni responsabilité clairement définies, ce scénario ne se reproduise.

Figure n° 10 : Organisation commune ISU


* 7 Les praticiens et auxiliaires médicaux relèvent, quant à eux, du régime général pour la maladie.

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