EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 25 juin 2014, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a entendu une communication de M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la mission « Ecologie, développement et mobilité durables », sur l'Agence des aires marines protégées et la politique de protection du milieu marin.

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » . - Monsieur le Président, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, dans le cadre de ma mission de contrôle en tant que rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », j'ai souhaité m'intéresser à l'Agence des aires marines protégées (AAMP), opérateur qui joue un rôle fondamental dans la politique de protection du milieu marin.

Cet établissement public administratif est une structure récente, née en 2006 dans le cadre de la loi relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels régionaux et aux parcs naturels marins. Sa création répondait à la volonté de pouvoir disposer d'un opérateur de l'État dédié à la protection des milieux marins, dans un contexte de développement des activités maritimes pouvant avoir un impact sur la biodiversité marine. Il s'agissait en quelque sorte de mettre un terme à la vision de la mer comme un « dépotoir », en instaurant un cadre de régulation de l'ensemble des activités marines.

L'enjeu est d'autant plus important que la France détient le deuxième domaine public maritime au monde, derrière les États-Unis, avec onze millions de kilomètres carrés.

Les missions de l'agence sont définies dans son contrat d'objectifs et de performance, qui couvre actuellement la période 2012-2014. L'agence apporte un appui aux politiques publiques pour la constitution et la gestion d'un réseau d'aires marines protégées, au premier rang desquelles les parcs naturels marins, outils qui reposent sur une gouvernance originale associant l'ensemble des parties locales dans le cadre d'un conseil de gestion. On en compte six, le dernier en date étant celui d'Arcachon.

L'agence est rattachée au programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». En 2014, elle dispose d'une subvention pour charges de service public de 22 millions d'euros, qui représente plus des trois quart de ses ressources. Les autres subventions d'exploitation issues de cofinancements, notamment européens, sont toutefois en progression.

En outre, son plafond d'emplois s'élève à 146 équivalents temps plein (ETP). Les effectifs réellement présents sont cependant supérieurs au plafond d'emplois, l'agence disposant également d'emplois hors plafond (contrats aidés, agents mis à disposition, postes financés sur des ressources externes, stagiaires gratifiés notamment).

Le personnel de l'agence se caractérise par une grande diversité de profils et de statuts, avec une proportion relativement importante de contractuels de droit public, essentiellement sur les postes d'ingénierie. En effet, on trouve encore difficilement ce type de compétences au sein de la fonction publique. De façon plus générale, l'agence se heurte à un problème de gestion des compétences au sein des corps.

Je m'arrêterai un instant sur la question des implantations immobilières, qui représente une spécificité de l'AAMP. Son siège se situe à Brest, réparti sur deux sites. L'un abrite le secrétariat général et l'agence en est propriétaire. L'autre accueille le département d'appui aux politiques publiques et fait l'objet d'une location, pour un coût voisin de 100 000 euros par an. C'est pourquoi l'agence a indiqué mettre en oeuvre des solutions pour s'en séparer et réintégrer l'ensemble de ses personnels sur le premier site, à travers son extension. Les travaux doivent être financés par un prélèvement sur son fonds de roulement. Elle a d'ailleurs constitué une réserve de trois à quatre mois de fonctionnement à cet effet.

En outre, pour exercer ses missions, l'organisation de l'agence repose sur une structure intégrée comprenant deux organes déconcentrés : les parcs naturels marins d'un côté, les antennes de l'autre. En ce qui concerne les parcs, l'étendue de l'espace maritime peut nécessiter la mise en place d'un deuxième site en plus du siège afin d'assurer une couverture complète de l'espace couvert par le parc. S'agissant des antennes, elles sont chargées de décliner la mission d'appui aux politiques publiques de l'agence. Elles sont les interlocuteurs privilégiés des services déconcentrés de l'État, des organismes professionnels ou associatifs locaux.

L'agence compte sept antennes à ce titre, aussi bien en métropole qu'en outre-mer. Les équipes des antennes sont logées en majorité au sein des services de l'État et ne disposent généralement que d'un site, sauf cas particulier. L'agence exploite aussi les possibilités de mutualisation : par exemple, l'antenne Antilles est assurée par le parc national de Guadeloupe.

Au total, les dépenses de loyer représentent 61 % des charges de fonctionnement de l'agence.

L'Agence des aires marines protégées doit aujourd'hui faire face à la montée en puissance de ses missions autour de trois chantiers principaux : le déploiement du réseau Natura 2000 en mer, la création et la gestion des parcs naturels marins, et la mise en oeuvre de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » (DCSMM). Cette dernière fixe un objectif très ambitieux et sans équivalent au niveau terrestre, qui consiste à atteindre ou à maintenir un « bon état écologique » du milieu marin au plus tard en 2020. Cette obligation de résultats sera ensuite réappréciée et mise à jour tous les six ans. Elle s'applique aux eaux métropolitaines sous souveraineté ou juridiction française. Elle implique la définition et l'élaboration de nombreux indicateurs et documents opérationnels.

Dans ce contexte, on constate une inadéquation entre des moyens contraints et des objectifs toujours plus nombreux au regard des exigences européennes. Ainsi, l'estimation des moyens nécessaires, dans le périmètre de missions actuel et des objectifs assignés à l'agence dans son contrat d'objectifs 2012-2014, était de 32 millions d'euros et 263 équivalents temps plein (ETP) en 2013, puis 39 millions d'euros et 340 ETP en 2014.

On est donc loin du compte et l'agence ne peut plus satisfaire aux objectifs de son contrat, tout en ayant bénéficié d'un traitement privilégié au regard des autres opérateurs. Le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie lui accorde en effet une attention particulière compte tenu de son rôle fondamental dans la politique de protection du milieu marin. Cette dernière présente des enjeux budgétaires très lourds, estimés à 100 millions d'euros par an à compter de 2015 puis 500 millions d'euros par an à compter de 2020.

En conséquence, l'agence a dû opérer des arbitrages entre ses différentes activités. Elle a privilégié le fonctionnement et la gestion des parcs naturels marins existants au détriment de son activité de collecte de données. Cette situation a également eu pour conséquence de retarder l'ouverture de plusieurs parcs, au risque d'entamer la crédibilité de l'agence auprès des parties concernées. En outre, les travaux d'étude ayant été provisoirement délaissés, cela pose la question de la péremption des études sur lesquelles se fondent les travaux de l'agence. Autrement dit, celle-ci ne pourra pas mettre en sommeil très longtemps cette activité.

Au terme de ce contrôle, je souhaite donc plus particulièrement appeler votre attention sur deux points.

D'une part, la création de l'Agence française de la biodiversité, dans le cadre du projet de loi sur la biodiversité, offre des perspectives intéressantes de mutualisation. L'idée est de regrouper les moyens jusqu'à présent dispersés dans différentes structures pour mutualiser les activités comme la connaissance ou l'information. De plus, la future agence a pour ambition de mieux prendre en compte la gestion de la biodiversité ordinaire et les dynamiques globales telles que celles qui sont liées au cycle de l'eau.

Dans sa configuration actuelle, avant l'examen du projet de loi par le Parlement, la future agence regroupe notamment l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), l'Agence des aires marines protégées (AAMP) et Parcs nationaux de France (PNF). Cela permettra de couvrir tout le champ de la biodiversité terrestre et marine, ce qui est de nature à renforcer la protection des différents milieux. En effet, la plupart des pollutions marines proviennent d'activités terrestres. Le regroupement proposé me paraît donc pertinent, en répondant à une logique de solidarité terre/mer.

D'autre part, je crois qu'il faut envisager une diversification des ressources de la politique de protection du milieu marin. En effet, comme je l'ai dit, les besoins estimés pour la mise en oeuvre de cette politique, notamment au titre de la directive-cadre stratégie sur le milieu marin, sont très importants. Or, les recettes actuellement mobilisables ne sont pas à la hauteur des enjeux. Cela fait donc courir le risque à la France de ne pas être en mesure de respecter ses engagements européens et internationaux dans ce domaine avec, au-delà du préjudice environnemental que cela impliquerait, des conséquences budgétaires en cas de contentieux, comme cela a été le cas par le passé avec la mise en oeuvre de la directive sur les eaux résiduaires urbaines.

L'une des solutions envisageables, bien que peu orthodoxe du point de vue de la commission des finances, serait de pouvoir affecter une ressource dédiée spécifique à la politique de protection du milieu marin. Des réflexions sont en cours sur la valorisation du domaine public maritime et leur aboutissement pourrait constituer une piste intéressante à cet égard. Je vous remercie de votre attention.

M. François Marc, rapporteur général . - La protection du milieu marin est un sujet auquel je suis particulièrement sensible, puisque le département dont je suis élu possède 900 kilomètres de côtes et a également pu disposer du premier parc naturel marin, celui d'Iroise. En outre, comme Gérard Miquel l'a dit, l'Agence des aires marines protégées a son siège à Brest. Il me semble donc que la région brestoise aurait une certaine légitimité à accueillir la future Agence française de la biodiversité, dont il faudra définir une localisation optimale.

Après ces considérations locales, je voudrais remercier Gérard Miquel pour la pertinence de ses interrogations, notamment s'agissant des inquiétudes exprimées en ce qui concerne la création de certains parcs marins, qui n'aboutit pas toujours aussi vite qu'espéré, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint.

En outre, Gérard Miquel a évoqué la question centrale des études. On connaît l'accélération du réchauffement climatique et ses conséquences considérables sur le milieu marin. Je pense donc que retarder l'activité d'études approfondies sur des sujets aussi sensibles pour l'avenir pourrait se révéler dommageable, voire inquiétant. Je partage donc les analyses du rapporteur spécial sur ce point.

Toutefois, des arbitrages devront être opérés, notamment en ce qui concerne les moyens humains - Gérard Miquel a parlé de 340 ETP. On se trouve une nouvelle fois confronté à la problématique de la réduction des moyens, qui affecte l'ensemble des services publics. Je crains donc qu'au-delà des questionnements, nous ne puissions pour le moment que demander à l'Agence des aires marines protégées de faire plus avec moins.

M. Philippe Marini, président . - Comme toutes nos communes !

M. François Marc, rapporteur général . - C'est peut-être possible. Gérard Miquel pourra nous dire quels sont les risques principaux qu'il perçoit s'agissant du manque de moyens, ce dont nous pourrons nous souvenir au cours des débats budgétaires pour soutenir cette cause majeure pour notre avenir.

Mme Michèle André . - Avez-vous ressenti une inquiétude ou, au contraire, une adhésion de la part des personnes que vous avez pu rencontrer au sujet de la création de l'Agence française de la biodiversité ? Celle-ci s'annonce importante, si l'on en croit l'espérance qu'elle suscite et la diversité des missions qui seront les siennes. Le choix de son implantation devra prendre en compte le fait que l'agence traitera de l'ensemble des problématiques de biodiversité.

M. Philippe Marini, président . - Vous avez indiqué que les ressources de l'agence proviennent pour 75 % de subventions publiques, et pour 25 % de subventions d'exploitation issues de cofinancements notamment européens. Vous dites que ceux-ci sont en progression. Pensez-vous qu'il serait possible de diversifier quelque peu les ressources de l'Agence des aires marines protégées ? Au-delà, dans le cadre de l'Agence française de la biodiversité, peut-être pourrait-on nous dire ultérieurement quels seraient les équilibres financiers et comment se partagerait le financement de l'agence fusionnée entre la subvention issue du ministère et le reste des ressources ?

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial . - Comme je l'ai déjà dit au rapporteur général, nous avons été remarquablement reçus à Brest, par une équipe particulièrement dynamique, dans des locaux superbes, sur la rade, par un jour de grand soleil. Nous avons pu voguer sur la mer d'Iroise et voir un peu comment travaillent les agents qui mettent en oeuvre les politiques de l'agence. Nous avons été reçus par son président, notre collègue député Paul Giacobbi, et par son directeur Olivier Laroussinie, tous deux favorables et très impliqués dans la création de l'Agence française de la biodiversité, même s'ils ne sont pas sûrs de retrouver leurs hautes fonctions au sein de la future structure.

Ils pensent en effet que l'on pourra mutualiser les moyens et réaliser des économies pour investir sur d'autres sites. Ils estiment également que le regroupement des structures de protection de la biodiversité terrestre et marine est pertinent, dans la mesure où, et il ne faut pas l'oublier, la pollution marine vient aussi de la terre. Ce sont des personnes particulièrement innovantes et progressistes, attitude que je souhaite saluer. Loin de pleurer sur leur sort, ils vont de l'avant, avec les moyens dont ils disposent ; ils se heurtent cependant à un problème particulier au niveau de la gestion des personnels, en raison d'un manque de souplesse dans les recrutements. En effet, les compétences requises pour la protection du milieu marin sont assez spécifiques et on ne les trouve pas toujours dans les différents corps existants de la fonction publique.

Le risque de contentieux européen existe : si l'on ne met pas les moyens aujourd'hui, on se limitera notamment dans la mise en place de nouveaux parcs naturels marins, ce qui est également dommageable du point de vue environnemental.

Le périmètre actuel de l'Agence française de la biodiversité conduit à regrouper 1 200 personnes et à consolider au sein d'un budget unique les 211 millions d'euros actuellement dédiés aux structures composant l'agence, mais la question des moyens doit plus précisément être arbitrée dans le cadre du programme triennal 2015-2017. En principe, le premier budget de l'agence pourrait être voté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, si la création de l'agence est adoptée d'ici là, mais le texte n'a pas encore été examiné par le Parlement.

Pour ma part, je suis extrêmement favorable à la création de l'Agence française de la biodiversité. Je crois que nous aurons là un bel outil de protection de la nature, dans ses dimensions terrestre et marine.

À l'issue de ce débat, la commission a donné acte de sa communication à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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