B. UNE ORGANISATION INSTITUTIONNELLE ET TERRITORIALE FORTEMENT DÉCENTRALISÉE

Dans le cadre de l'organisation constitutionnelle du pays en « Etat composé », l'ensemble de la protection sociale espagnole se fonde sur une structure institutionnelle et territoriale fortement décentralisée. La Constitution espagnole prévoit en effet que l'Etat détient une compétence exclusive pour définir, par le biais du ministère de l'emploi et de la sécurité sociale, « la législation fondamentale et le régime économique de la sécurité sociale, sans préjudice de la mise en oeuvre de ses services par les communautés autonomes » (article 149.1.17).

Suivant ces principes, le rôle de l'Etat est de fixer les grandes orientations des politiques sociales à travers l'adoption de plans et de schémas pluriannuels dans les différents domaines concernés. Pour assurer sa mission de gestion de la sécurité sociale, il recourt à des organismes de caractère public placés sous sa tutelle et mis en place à partir de la fin des années 1970 :

- la Trésorerie générale de la sécurité sociale (TGSS) 3 ( * ) assure l'enregistrement des entreprises, l'immatriculation des salariés et des travailleurs indépendants ainsi que le recouvrement des cotisations et le paiement des prestations ;

- l' Institut national de la sécurité sociale (INSS) 4 ( * ) a pour mission de gérer l'ensemble des prestations en espèces (sauf pour les marins, les pensions non contributives et les prestations de chômage) : pensions de vieillesse et de réversion, pensions d'invalidité, indemnités de maladie et de maternité, prestations familiales ;

- le Service public pour l'emploi de l'Etat (SEPE) 5 ( * ) assure, outre des missions en matière de formation et de reconversion professionnelle, la gestion et le contrôle des prestations chômage ainsi que la conception des politiques en faveur de l'emploi, en coopération avec les communautés autonomes, par l'intermédiaire des agences pour l'emploi 6 ( * ) ;

- l' Institut national des personnes âgées et des services (IMSERSO) 7 ( * ) gère, aux côtés des communautés autonomes, les pensions servies dans le cadre du système non contributif, des prestations destinées aux personnes âgées et handicapées ainsi que des services sociaux.

Dotées de l'autonomie budgétaire et d'une capacité propre à légiférer, les communautés autonomes élaborent, financent et mettent en oeuvre leurs politiques sociales dans le respect des grandes orientations ainsi fixées au niveau national. Au-delà d'un certain seuil démographique, les communes ont elles aussi une compétence en matière de promotion et d'insertion sociale.

Au total, l'articulation des différents niveaux de compétence varie ainsi selon le champ de l'action sociale considérée :

- relèvent entièrement de l'Etat la prise en charge des prestations chômage, le versement des pensions de retraite et de réversion ainsi que les prestations servies en matière d'incapacité et d'accident du travail ;

- en ce qui concerne la famille, l'Etat fournit à travers l'INSS un certain nombre d'allocations, comme par exemple pour les familles nombreuses, tandis que les communautés autonomes servent des prestations dites « de base » telles que les aides à domicile ou les prestations pour les enfants de moins de trois ans (offre de garde par exemple) ;

- en matière de handicap, l'IMSERSO a délégué aux communautés autonomes la délivrance de prestations sur la base d'un budget alloué à la sécurité sociale par l'Etat ;

- s'agissant de la prise en charge de la dépendance, une loi de décembre 2006 a créé un dispositif national de prise en compte de la perte d'autonomie censé garantir une couverture universelle ainsi que l'égalité d'accès aux droits, dont la mise en oeuvre relève des communautés autonomes ;

- enfin, ces dernières sont responsables, en coordination avec les municipalités, de la lutte contre l'exclusion sociale par la mise en place de revenus minimaux.

Quant au système national de santé (SNS), qui a vu le jour en 1986, sa mise en oeuvre est entièrement assurée par les communautés autonomes depuis la dernière vague de décentralisation intervenue en 2002.

L'Etat, à travers l' Institut national de gestion sanitaire (INGS) 8 ( * ) , a pour mission de garantir l'égalité d'accès aux soins et leur uniformité. Il définit pour ce faire un catalogue de soins 9 ( * ) qui dresse la liste des services de soins gratuits, lesquels incluent en particulier les consultations en médecine générale et spécialisée, une partie des soins dentaires, les services d'urgence, les transports sanitaires ainsi que les soins délivrés dans les hôpitaux publics.

Dans le respect de ces principes d'universalité et de gratuité, les communautés autonomes sont chargées d'organiser l'accès aux soins. L'assuré peut librement choisir son praticien (médecin généraliste, pédiatre ou dentiste) dans la zone où il réside et ne paie pas d'honoraires. Chaque communauté est à cet effet divisée en zones de santé 10 ( * ) qui servent une population dont le nombre varie selon la communauté concernée ; il existe environ 2 800 centres de « soins primaires » publics qui constituent le premier niveau du service de santé publique.

Le personnel du SNS relève d'un statut particulier de la fonction publique régi par la législation nationale mais le recrutement et la rémunération relèvent de chaque communauté autonome dans le respect des principes généraux définis au niveau national. Une coordination a minima est recherchée dans le cadre d'un « conseil interterritorial du SNS » mis en place en 2003 et qui rassemble le ministre chargé de la santé et les conseillers des communautés autonomes en charge de la santé.

L'Etat conserve quant à lui la compétence exclusive de la politique du médicament et des formations sanitaires et sociales.

Au total, le système de protection sociale espagnol constitue un système « mixte » combinant, depuis 1986, de forts éléments de type « beveridgien » avec une conception assurantielle plus ancienne. S'il conserve des particularités du modèle méditerranéen telles que le rôle central de la famille, ce système présente certaines caractéristiques du modèle continental avec un système de sécurité sociale assis sur les cotisations sociales, voire, dans une certaine mesure, du modèle nordique, avec la recherche d'une universalisation du système de santé et la mise en place plus récente de politiques d'égalité entre les sexes.


* 3 Tesorería général de la seguridad social.

* 4 Instituto nacional de la seguridad social.

* 5 Servicio público de empleo estatal.

* 6 Oficinas de empleo .

* 7 Instituto de mayores y servicios sociales.

* 8 Instituto nacional de gestión sanitaria.

* 9 Cartera de servicios comunes del SNS.

* 10 Zonas de salud.

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