LES RÉSERVISTES AU CÔTÉ DES FORCES D'ACTIVE
POUR ASSURER LA SÉCURITÉ NATIONALE

II. LES RÉSERVISTES AU CÔTÉ DES FORCES D'ACTIVE POUR ASSURER LA SÉCURITÉ NATIONALE

Fidèle à la ligne de conduite que votre commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois s'est fixée dès le départ, le présent bilan d'évaluation n'entend pas rouvrir un débat sur l'opportunité des dispositions retenues lors de l'élaboration de la loi du 28 juillet 2011 -d'ailleurs adoptée à l'unanimité par le Sénat- ni même actualiser les travaux très complets déjà effectués par la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, d'abord dans le cadre de la mission d'information de M. Michel Boutant et Mme Joëlle Garriaud-Maylam, puis lors de l'élaboration de cette loi de 2011, sur le rapport de M. Josselin de Rohan.

En revanche, votre rapporteur a souhaité mettre en évidence le soutien très utile que les réservistes -civils et militaires- apportent aux forces d'active en charge de gérer les situations de crise et, ce faisant, leur contribution à la sécurité de la Nation.

A. LA RÉPONSE DES FORCES CIVILES ET MILITAIRES AUX ATTEINTES GRAVES À LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE

En dehors des responsables publics ou des spécialistes des questions de sécurité intérieure, assez peu de gens mesurent l'ampleur et la diversité des dispositifs mis en place par l'État et les collectivités territoriales pour faire face aux situations d'urgence, de crise ou de catastrophe , qu'elles surviennent à un niveau tout à fait localisé (un accident de la route, un incendie, etc...) ou, au contraire, qu'elles revêtent une gravité exceptionnelle (déraillement de chemin de fer, catastrophe aérienne, accident industriel grave, etc...) ou qu'elles frappent sur une étendue beaucoup plus vaste (une ville, un département, voire l'ensemble du territoire national).

Sans qu'il soit nécessaire de présenter l'ensemble de ces dispositifs pour évaluer le bilan d'application de la loi du 28 juillet 2011, votre rapporteur croit néanmoins intéressant d'en rappeler les lignes directrices et de souligner que les forces de réserve, civiles comme militaires, y jouent un rôle important au côté des différentes forces d'active mobilisées pour faire face à la crise.

En pratique, la stratégie de sécurité nationale a été définie en 2008 par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale , avec pour objectif « de parer aux risques et menaces susceptibles de porter atteinte à la vie de la Nation ». Ainsi, à côté des différents types de risques et menaces passibles d'une réponse essentiellement militaire (agression armée, atteinte au territoire de la République, menace graves contre la sécurité des Français à l'étranger, etc...), la politique de sécurité intérieure a pour objet « d'assurer de façon permanente la protection de la population, garantir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et le maintien de la vie normale en cas de crise, et défendre la Nation contre toute menace non militaire ».

1. Les crises majeures, une notion à la fois imprécise et extensive

La loi n'énumère pas toutes les situations entrant dans la catégorie des crises majeures, d'autant qu'en l'absence de critères objectifs, cette notion même de crise « majeure » (opposée à ce que serait une crise « mineure ») reste assez subjective : elle dépend de la perception des acteurs et des victimes de la crise, comme l'a pertinemment fait observer le préfet Michel Papaud, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), lors de son audition par votre rapporteur : « Qu'est-ce qu'une crise majeure ? Est-ce que cela se quantifie en nombre de victimes ou en ampleur des dégâts matériels ? On ne sait pas très bien aujourd'hui les attentes de la population. Des situations considérées comme admissibles jadis pourraient très bien être considérées comme inacceptables aujourd'hui ».

Ainsi, à des risques classiques relativement bien identifiés (catastrophes naturelles, séismes, tempêtes graves, canicules, accidents technologiques et industriels, pandémies, incendies de forêt de grande ampleur, etc...) s'ajoutent de nouvelles menaces comme les actes terroristes, les attaques majeures contre les systèmes d'information et les réseaux de communication, les phénomènes climatiques liés au réchauffement global, etc...

Au-delà de ses paramètres intrinsèques (le nombre de victimes, par exemple), la perception de la gravité de la crise est en outre influencée par de facteurs externes de plus en plus importants, comme l'urbanisation croissante (la densité démographique accroît les effets des accidents), le rôle de plus en plus fondamental des réseaux de communication (leurs éventuels dysfonctionnements venant compliquer la gestion de la crise elle-même), sans oublier la médiatisation d'évènements relativement localisés qui, dans le passé, seraient passés relativement inaperçus mais qui, aujourd'hui, sont présentés comme de véritables catastrophes.

Dans la préparation du présent rapport, votre rapporteur a pris pour hypothèse de travail qu'une crise revêt un caractère majeur au sens de la loi de juillet 2011 dès lors qu'elle impose aux autorités publiques de mobiliser des effectifs et des moyens de grande ampleur dépassant sensiblement la capacité de réponse des collectivités territoriales concernées, nécessitant de remonter à l'échelon supérieur (qui peut être, selon le cas, le préfet de département, le préfet de zone de défense, voire le ministre de l'Intérieur) et s'il y a lieu, de faire appel au concours des forces armées.

2. Le ministre de l'Intérieur, responsable naturel de la sécurité et de la protection civiles

Le Livre blanc de 2008 pose clairement le principe que « Le ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité intérieure, ainsi que de la sécurité et de la protection civiles [...] assurera, au niveau opérationnel, la conduite interministérielle de la crise sur le territoire ». Il précise en outre le rôle -en principe complémentaire et circonscrit- que les Forces armées peuvent jouer dans ce domaine : « Quel que soit le scénario de crise, la première intervention terrestre est toujours conduite par le dispositif de sécurité intérieure et de sécurité civile. Les armées interviennent de manière complémentaire, avec les moyens et les savoir-faire spécifiques dont l'autorité civile responsable de la gestion de crise exprime le besoin. ».

Dans ce cadre, le ministère de l'Intérieur s'est doté d'une cellule interministérielle de crise (CIC) installée dans ses locaux de la place Beauvau ; cette cellule travaille en réseau avec les moyens mis en place par les différents ministères concernés (notamment les ministères en charge des affaires étrangères, de l'industrie, des transports et de l'énergie) et coordonne les manoeuvres sur le terrain avec le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) du ministère de la Défense ( cf. infra ).

Le centre de planification et de conduite des opérations
au coeur de la gestion de crise requérant l'intervention des Forces armées

Le Chef d'état-major des armées, commandant opérationnel des forces et conseiller du Gouvernement, dispose, au sein de l'état-major des armées, d'un centre de planification et de conduite des opérations (CPCO).

Le CPCO est au coeur du processus de gestion des crises, aussi bien en amont (veille stratégique, planification) qu'en en aval (conduite des opérations), en liaison avec la Cellule interministérielle de crise (CIC) du ministère de l'Intérieur pour ce qui concerne la gestion des crises intérieures.

Centre de la chaîne de commandement opérationnelle française, le CPCO regroupe les capacités de planification et de conduite des opérations au niveau stratégique.

Situé Boulevard Saint Germain à Paris, le CPCO compte actuellement quelque 200 officiers, sous-officiers et militaires du rang (hors agents de la direction du Renseignement militaire), ainsi que des officiers de liaison des principaux pays alliés.

En pratique, le CPCO assure deux missions essentielles : la planification et la conduite des opérations extérieures et intérieures. Ces deux missions incluent les opérations et mesures que les armées seraient appelées à mettre en oeuvre en cas de crise majeure au sens de la loi du 28 juillet 2011.

Les travaux conduits par la chaîne planification consistent à anticiper, à établir une synthèse des évaluations de risques de crise et à préparer les options militaires proposées au CEMA.

La conduite des opérations est assurée à partir des travaux élaborés par la chaîne planification. L'organisation du CPCO est conçue pour éviter qu'il y ait une rupture au moment du passage de la planification à la conduite. Lorsqu'une opération est déclenchée, une cellule de crise est créée afin d'en assurer la conduite. Elle est complétée par des cellules d'expertises particulières et par des officiers de liaisons spécifiques (dont les officiers de liaisons étrangers).

Le CEMA garde en toute circonstance le contrôle de ses forces, même si, en pratique, il en délègue le commandement opérationnel (OpCon) à un commandant d'opération. C'est au CEMA qu'il incombe de donner des directives nationales et de définir les règles d'emploi et d'engagement opérationnel.

Sur le terrain, le dispositif de crise est décliné, selon le cas, au niveau du préfet de zone (avec, pour la partie militaire s'il y a lieu, un centre opérationnel de zone, ou COZ) et du préfet de département (avec, là encore, un centre opérationnel de département, ou COD).

1. La contribution des forces armées dans le cadre du contrat opérationnel

La contribution des armées à la sécurité intérieure fait l'objet d'un « contrat opérationnel de protection sur le territoire national » prévoyant « une capacité de déploiement des forces terrestres pouvant si nécessaire monter jusqu'à 10 000 hommes en quelques jours, permettant de contribuer, au bénéfice de l'autorité civile, en priorité à la sécurité des points d'importance vitale, à celles des flux terrestres essentiels pour la vie du pays, ainsi qu'au contrôle de l'accès au territoire ».

Au cas -assez théorique- où cet effectif de 10 000 hommes se révèlerait insuffisant pour faire face à la crise, les hauts responsables militaires entendus par votre rapporteur ont cependant considéré que sous réserve de leurs autres engagements incontournables (en opérations extérieures, notamment), les armées n'hésiteraient jamais à aller bien au-delà de 10 000 hommes si la sécurité nationale l'exigeait.

Placées sous la responsabilité des autorités civiles en charge de la conduite des opérations de sécurité nationale, les forces militaires engagées pour faire face à la crise demeurent toutefois sous commandement opérationnel du Chef d'état-major des armées (CEMA), qui garantit ainsi la cohérence générale d'emploi de l'ensemble des troupes.

Le CEMA exerce ce commandement à travers le CPCO (dans le cadre de la préparation du présent rapport, votre rapporteur a effectué une visite du CPCO et pu s'entretenir avec un des officiers responsables, en présence d'un des officiers détaché comme expert militaire auprès de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées).

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