LA NÉCESSITÉ DE REDRESSER LES FINANCES LOCALES NE DATE PAS DES DERNIÈRES ANNONCES DU GOUVERNEMENT

La baisse de 12,5 milliards de dotations annoncée pour 2014-2017 vient s'ajouter à une dégradation tendancielle des finances locales à l`oeuvre depuis plusieurs années.

A. L'EFFET DE « CISEAU » ENTRE RECETTES ET DEPENSES ÉTAIT D'ORES ET DÉJÀ DIFFICILEMENT SOUTENABLE

1. Une tendance marquée depuis 2011

Comme le fait apparaître le récent rapport de la Cour des comptes sur les finances locales 2 ( * ) , indépendamment des évolutions propres aux différentes catégories de collectivités, chacune d'entre elles connaissait depuis quelques années une progression des recettes moins rapide que celle des dépenses.

Évolution des recettes et des dépenses globales des collectivités territoriales et de leurs groupements

(en Mds€)

2011

2012

2013

2013/2012

Produits réels de fonctionnement

184,98

188,53

191,58

+ 1,6 %

Charges réelles de fonctionnement

152,85

157,98

162,64

+ 2,9 %

Épargne brute

32,12

30,56

28,93

- 5,3 %

Recettes réelles d'investissement (hors emprunts)

19,36

19,53

19,88

+ 2,8 %

Dépenses réelles d'investissement (hors emprunts)

51,70

52,65

55,18

+ 4,8 %

Encours de la dette

127,78

133,04

137,53

+ 3,4 %

Capacité de désendettement
(en années)

4,0

4,2

4,5

Source : Cour des comptes - données Direction générale des finances publiques

Nota : l'annexe I détaille cette évolution pour les différentes catégories de collectivités.

Depuis 2011, les dépenses de fonctionnement ont ainsi cru à un rythme proche de 3% 3 ( * ) , alors que celui des recettes était compris entre 1,5 et 2% 4 ( * ) , aboutissant mécaniquement à une diminution de l'épargne brute 5 ( * ) des collectivités d'environ 5% par an 6 ( * ) . Alors que les dépenses poursuivaient leur évolution tendancielle, celle des recettes a été fortement ralentie par l'effet de la crise sur les bases imposables et par les fortes contraintes pensant sur les dotations de l'État 7 ( * ) .

Parallèlement, la dynamique des investissements locaux a repris après un ralentissement en 2010. Les subventions d'investissement et les charges réelles d'équipement (c'est-à-dire hors emprunt) ont ainsi cru respectivement de 3,9% et de 5,5% entre 2012 et 2013, ce dernier chiffre étant même en croissance de plus de 8% pour le bloc communal 8 ( * ) .

À ceci s'ajoute une progression continue du recours à l'emprunt, l'encours total de la dette des collectivités ayant cru de 3,5% entre 2012 et 2013. Cette hausse est certes légèrement inférieure à la tendance moyenne observée depuis 2002 mais elle aboutit néanmoins à une hausse de 61% de la dette publique locale.

2. Des limites d'ores et déjà perceptibles

Avant même l'annonce par l'État de la réduction de 11 milliards supplémentaires du concours aux collectivités d'ici 2017, la poursuite de la divergence observée entre les dépenses et les recettes locales apparaissait difficile à envisager, pour deux raisons essentielles :

- d'une part, compte tenu des très grandes disparités entre les collectivités, la détérioration de la situation moyenne des collectivités se traduisait par la multiplication accélérée des cas de grandes difficultés financières. Ainsi, en 2013, 10 à 15% des communes de plus de 10 000 habitants et des départements 9 ( * ) affichaient d'ores et déjà un encours de dette représentant plus de 15 années d'épargne brute, c'est-à-dire qu'elles étaient techniquement en situation d'insolvabilité 10 ( * ) ;

- d'autre part, le creusement de l'écart entre le niveau des dépenses et celui des recettes était d'ores et déjà prévisible, conséquence de la décision prise l'an dernier 11 ( * ) de diminuer les dotations aux collectivités de 1,5 milliard en 2014 et de 1,5 milliard d'euros supplémentaires en 2015. Cette prévision est encore aggravée par l'annonce de la baisse supplémentaire de 11 milliards sur la période 2015-2017.

Notre étude montre ainsi que la poursuite « au fil de l'eau » de l'évolution de ces dernières années n'était pas possible.


* 2 Les finances publiques locales, rapport public thématique de la Cour des comptes (octobre 2014) .

* 3 +3,4% entre 2011 et 2012 et +2,9% entre 2012 et 2013. Au cours de cette dernière année, les charges de personnels et les achats de biens et de services qui représentent à elles deux plus de la moitié des dépenses de fonctionnement ont ainsi cru respectivement de 3,1% et de 3%.

* 4 +1,9% entre 2011 et 2012 et +1,6% entre 2012 et 2013.

* 5 L'épargne brute ou capacité d'autofinancement se définit en effet comme la différence entre les recettes et les dépenses réelles de fonctionnement.

* 6 -4,9% entre 2011 et 2012 et -5,3% entre 2012 et 2013.

* 7 Mise en place d'une enveloppe normée des dotations en 2008 et gel d'une grande partie de cette dernière à partir de 2011.

* 8 L'investissement communal et intercommunal affiche une hausse record en 2013 (année préélectorale). Cette année doit dès lors être considérée comme présentant un caractère exceptionnel pour les investissements communaux, ce dont il a été tenu compte dans les projections pour l'avenir (cf. I.B)

* 9 Cf. Annexe II.

* 10 La durée de 15 ans est en effet prise pour référence, dans la mesure où l'on considère qu'il s'agit de la durée de vie moyenne des équipements.

* 11 Pour mémoire, l'article 13 de la loi de programmation des finances publiques pour 2012-2017 prévoyait de réduire l'enveloppe normée de 750 millions d'euros en 2014 et 2015. Le Gouvernement avait annoncé, dès février 2013, un doublement de cet effort, soit 1,5 milliard d'euros par an en 2014 et 2015. Cet effort supplémentaire correspondait alors à la participation demandée aux collectivités locales pour le financement du pacte de compétitivité reposant notamment sur 10 milliards d'euros d'économies budgétaires.

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