B. RENFORCER LA POSSIBILITÉ DE MAINTIEN DES RÉFUGIÉS DANS LES CADA POUR CEUX QUI NE SONT PAS ACCUEILLIS EN CPH

Aujourd'hui, l'article L. 348-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que « les personnes s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire et les personnes ayant fait l'objet d'une décision de rejet définitive peuvent être maintenues dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile à titre exceptionnel et temporaire ».

Sur ce fondement, l'article R. 348-3 du même code précise que « si elle en fait la demande, la personne ayant eu notification d'une décision définitive favorable est maintenue dans le centre jusqu'à ce qu'une solution d'hébergement ou de logement lui soit présentée, dans la limite d'une durée de trois mois à compter de la date de notification . (...) A titre exceptionnel, cette période peut être prolongée, pour une durée maximale de trois mois supplémentaires avec l'accord du préfet ».

Ces dispositions ne sont pas modifiées par le projet de loi de réforme de l'asile, qui les reprend dans un nouvel article L. 744-5 du CESEDA.

Ce dispositif présente deux limites . La première est que la disposition législative ne fait pas de différence entre la situation du débouté et celle du réfugié . Or, le maintien dans le CADA devrait être exceptionnel pour les personnes déboutées, qui sont statistiquement plus nombreuses que les personnes réfugiées et qui ont vocation à quitter le territoire français ; à l'inverse, le maintien dans le CADA pour les personnes réfugiées devrait être non pas exceptionnel mais seulement subsidiaire, dans la mesure où aucune solution de relogement n'a pu être trouvée.

Par ailleurs, la durée de ce maintien est très encadrée par ces dispositions (période de trois mois renouvelable) . Au-delà du fait que cela ne correspond pas à la réalité des durées de maintien de certains réfugiés en CADA, votre rapporteur spécial estime qu'au regard du nombre de places limitées offertes en CPH, des difficultés rencontrées par certains réfugiés pour accéder à un logement, le maintien dans un CADA pendant une période d'un an maximum pourrait permettre aux réfugiés de stabiliser leur situation (documents d'état civil, droits sociaux, regroupement familial, début de la formation linguistique le cas échéant), de manière à assurer la transition vers un logement dans la mesure du possible autonome.

Plusieurs raisons poussent votre rapporteur spécial à formuler cette préconisation.

La première est que le nombre de places en CPH, au regard du contexte budgétaire, n'a pas vocation à augmenter fortement . Au contraire, votre rapporteur spécial a déjà indiqué qu'il était favorable à ce que les CPH, qui doivent accueillir les publics les plus vulnérables ayant besoin d'un accompagnement et d'une sociabilisation importants, soient des centres collectifs ce qui, à court terme, devrait réduire les capacités d'accueil en CPH stricto sensu . En conséquence, orienter l'ensemble des réfugiés, ou même une proportion significative d'entre eux en CPH à leur sortie de CADA est illusoire.

La seconde raison est que, s'agissant des places en CPH diffus du moins, l'hébergement en CADA et en CPH n'est pas fondamentalement différent . La différence ne se fait pas entre les réfugiés hébergés en CADA et ceux hébergés en CPH, mais entre ceux hébergés dans l'une ou l'autre de ces structures, et ceux qui ne le sont pas. C'est le constat qui ressort du rapport précité du HCR : « les inégalités entre les réfugiés hébergés et non hébergés au sein des CADA sont importantes, car les premiers disposent d'un endroit où résider et bénéficient d'un accompagnement dans leurs démarches d'insertion après avoir obtenu le statut de réfugié ». D'ailleurs, la proximité du suivi des réfugiés en CADA et en CPH est illustrée par le fait que, dans certains CPH gérés par Coallia, une même équipe sociale est chargée de l'accompagnement des demandeurs d'asile en CADA et des réfugiés en CPH.

Enfin, la troisième raison est que, pour des personnes dont on peut espérer, en raison de leur profil, qu'elles puissent obtenir dans des délais raisonnables un accès à un logement autonome, le maintien en CADA est préférable à un parcours saccadé, marqué par des relogements provisoires successifs . Le directeur général de l'OFII a ainsi souligné auprès de votre rapporteur spécial qu'« en termes d'intégration, il vaut mieux passer directement des CADA au logement autonome que d'un CADA à un CPH puis au logement autonome ». Dans la seconde option, le réfugié doit en effet reprendre à chaque fois son intégration à zéro, avec une nouvelle équipe d'accompagnant et un nouvel univers de sociabilité.

Les associations sont réticentes à cette solution pour deux raisons principales. D'une part, elles estiment que les modalités d'accompagnement en CADA et en CPH sont différentes et que les réfugiés sont un public spécifique, présentant des besoins spécifiques, qui doivent donc être satisfaits par un suivi spécifique. Votre rapporteur spécial partage ce constat, mais estime que l'harmonisation et la généralisation d'un accompagnement plus resserré des réfugiés, comme il le préconise (voir infra ) permet d'y répondre quelle que soit la solution d'hébergement retenue.

En outre, les associations estiment que le maintien dans le CADA des réfugiés réduit la fluidité des entrées et des sorties en CADA nécessaire au regard du flux de demandes d'asile. Certes, la fluidité des CADA est un objectif essentiel pour répondre à l'accroissement du nombre de demandes. Toutefois, au regard du nombre stable de personnes obtenant le statut de réfugié chaque année, la fluidité des sorties de CADA sera d'abord améliorée par le raccourcissement des délais d'examen des demandes et par les sorties des personnes déboutées du droit d'asile. En outre, faire passer la fluidité des CADA devant l'hébergement des personnes réfugiées revient précisément à faire ce que votre rapporteur spécial dénonce, à savoir gérer l'urgence des demandes d'asile au détriment d'un accueil et d'un accompagnement des réfugiés qui ont vocation à rester sur le territoire français. A cet égard, les CPH sont souvent appréhendés, par la puissance publique comme par les associations, d'abord comme un outil de fluidité des CADA, avant d'être des instruments de promotion de l'intégration et de l'insertion des personnes sous protection.

En conséquence, votre rapporteur spécial propose de modifier l'article L. 348-2 précité afin, d'une part, de différencier la situation des déboutés et des réfugiés et, d'autre part, de prévoir que les réfugiés peuvent se maintenir, à titre subsidiaire, dans un CADA pendant une durée de six mois renouvelable .

Proposition n° 9 : modifier l'article L. 348-2 du CESEDA afin, d'une part, de différencier la situation des déboutés et des réfugiés et, d'autre part, de prévoir que les réfugiés peuvent se maintenir, à titre subsidiaire, dans un CADA pendant une durée de six mois renouvelable.

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