Rapport d'information n° 152 (2014-2015) de M. André GATTOLIN , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 4 décembre 2014

Disponible au format PDF (786 Koctets)


N° 152

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 décembre 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur l' avenir du Groenland ,

Par M. André GATTOLIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, MM. Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Jean-Claude Requier, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, MM Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrere, Gérard César, René Danesi, Nicole Duranton, Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, Claude Haut, Jean-Jacques Hyest, Claude Kern, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Michel Mercier, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard.

INTRODUCTION

Kalaallit Nunaat est le nom inuit du Groenland. Il signifie « Terre des Groenlandais ». Grand comme quatre fois la France, c'est le territoire le moins densément peuplé au monde. Au 1 er janvier 2014, seules 56 282 personnes habitaient sur les 2 166 086 km² d'un territoire recouvert à 81 % par la glace. C'est peu ou prou la population de Montauban ou Saint-Quentin pour un territoire grand comme la moitié de l'Union européenne.

Jusqu'au changement de statut de l'île française de Saint-Barthélémy le 1 er janvier 2012, le Groenland était la seule collectivité à avoir quitté la communauté européenne par référendum en 1982.

Aujourd'hui, il est au coeur des mutations que connaît la région arctique sous l'effet du réchauffement climatique. Ces transformations altèrent considérablement le mode de vie traditionnel des Inuit et menacent un environnement fragile et unique au monde.

Ces mutations permettent aussi d'accéder aux richesses d'un sous-sol que la glace isolait et qui fond de plus en plus vite. Et c'est l'attrait pour ces richesses qui a ramené l'Arctique sur l'atlas des relations internationales et qui plonge le Groenland dans une mondialisation qu'il n'avait fait qu'effleurer jusque-là.

Alors que le Groenland cherche désespérément les moyens économiques et financiers d'assumer son indépendance, l'Union européenne décide de se doter d'une véritable « politique intégrée et cohérente pour la région arctique ».

Dans la continuité du travail engagé par la commission des affaires européennes sur l'ensemble de la zone arctique, il importait de mieux appréhender et comprendre le plus fragile de ses protagonistes. Le présent rapport identifie les atouts et les faiblesses du Groenland, ainsi que les réalités auxquelles il doit faire face. Il s'attache également à montrer en quoi l'Union européenne pourrait être le meilleur soutien au Groenland pour affronter les défis qui sont devant lui.

Données générales

Données politiques : Le Groenland fait partie du Royaume du Danemark, qui est une monarchie constitutionnelle. Depuis 1972, la Reine du Royaume du Danemark est Margrethe II.

Le Parlement du Groenland ( Inatsisartut ) est composé de 31 membres élus au scrutin majoritaire pour une durée de quatre ans. Ses membres nomment ensuite le chef de l'exécutif ( landstyresformand ), le Premier. Le Parlement désigne également les membres du gouvernement.

Superficie : 2 166 086 km 2

Capitale : Nuuk

Monnaie : Couronne Danoise (DKK)

Langues officielles : Groenlandais, Danois

Population : 56 282 habitants (au 1 er janvier 2014)

Démographie :

Croissance démographique : - 0,16 % en 2013

Population : Inuit (88 %), Européens, dont Danois (11 %), autres nationalités (1 %)

Espérance de vie : Femmes : 73,5 ans - Hommes : 68,7 ans

Natalité : 1,98 enfant/femme

Taux d'alphabétisation : 100 %

Religions : protestants luthériens en majorité, catholiques, mormons, témoins de Jehova (pas de statistiques disponibles).

Géographie : avec une superficie de 2 166 086 km² (couverts à 81 % de glace), le Groenland est la plus grande île de l'hémisphère nord. Elle représente quatre fois la taille de la France. La majorité des villes et villages est située sur les lignes côtières (44 087 km), principalement sur la côte ouest.

Organisation administrative : à la suite de la réforme des communes (2009), les villes et villages ont été regroupés en 4 municipalités : Qaasuitsup (nord-ouest), Qeqqata (ouest), Sermersooq (sud-ouest), Kujalleq (sud).

Données économiques 2013 : principaux indicateurs économiques ( Source : Statistics Greenland)

Commerce extérieur :

Importations totales en 2013 : 298,5 M EUR

Exportations totales en 2013 : 348,6 M EUR

Solde commercial (2013) : 50,1 M EUR

Part des principaux secteurs d'activités dans le PIB :

- Secteur primaire : 4 %

- Secteur secondaire : 29 %

- Secteur tertiaire : 67 %

Source : UBIFRANCE

PREMIÈRE PARTIE : LE GROENLAND FACE AU DÉFI DE L'INDÉPENDANCE

I. L'ESPRIT D'INDÉPENDANCE GROENLANDAIS

Cinq cent ans avant la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, les Vikings sont venus au Groenland, rattaché géographiquement au continent américain. En 875, l'Islandais Gunnbjørn, fils de Ulv Krake, découvrait la côte est du Groenland. Ce n'est qu'un siècle plus tard, en 982, que le Groenland a été nommé « pays vert », lorsque Erik le Rouge, Viking banni trois ans d'Islande, a entrepris le voyage jusqu'au pays vu par Gunnbjørn.

Une autre période de l'exploration du Groenland marque le début de la relation moderne entre le Danemark et le Groenland. En 1721, le pasteur Hans Egede, d'origine danoise mais né et établi en Norvège, a emprunté le fjord de Godthaab afin de s'établir dans ce qui allait devenir la capitale du territoire, Nuuk. Aujourd'hui, la célébration du tricentenaire de la fondation de Nuuk en 2021 est vue par certains indépendantistes comme une date propice à l'indépendance du Groenland.

La redécouverte du Groenland en France au XVII e siècle

Le fonds de livres anciens de la Bibliothèque du Sénat recèle un ouvrage publié en 1647 par Isaac La Peyrère et intitulé Relation du Groenland .

Mi-érudit mi-aventurier, dont les écrits et théories connurent des fortunes diverses, Isaac La Peyrère avait été en poste en Scandinavie comme secrétaire d'un diplomate français. Celui-ci y avait été envoyé pour faire office de médiateur afin de trouver une issue à la guerre qui opposait le Danemark et la Suède.

Cette Relation du Groenland est sans doute le plus ancien des livres consacrés à ce pays et édités en français. Il eut d'ailleurs pour effet de « ressusciter » le Groenland au sein des sociétés savantes de l'époque. L'île avait à peu près disparue des annales depuis l'abandon entre la fin du XIV e et le début du XV e siècles des liaisons entre le continent européen et les premières installations scandinaves, qui toutes allaient prendre fin sans laisser de survivants. Le Groenland allait ensuite être « redécouvert » de loin en loin au cours du XVI e siècle. Hans Egede, fondateur de la colonie danoise qui devait perdurer, n'y arrivera lui-même qu'en 1721.

Le livre se présente comme une espèce de somme encyclopédique sur le Groenland. Isaac La Peyrère s'est attaché à réunir l'essentiel des connaissances - plus ou moins affirmées scientifiquement, et souvent franchement fantaisistes - que l'on pouvait alors avoir de cette terre lointaine. Il comprend notamment une carte présentant un Groenland - ou plutôt une partie de la côte groenlandaise - aux contours très largement imaginaires. L'existence même de cette carte et le regain d'intérêt dont le Groenland fait l'objet à l'époque ne sont cependant pas sans rappeler les développements des plus contemporains : parmi les routes théoriques que l'on projetait alors pour joindre plus rapidement l'Asie, dans un contexte de concurrence commerciale féroce entre puissances européennes, figurait déjà un passage par le nord de la planète.

Le livre d'Isaac La Peyrère a fait l'objet en 2014 d'un ouvrage scientifique reprenant l'intégralité du texte original, Le Groenland retrouvé , publié par Mme  Fabienne Queyroux aux éditions Anacharsis.

A. LES GROENLANDAIS EN QUÊTE D'AUTONOMIE VIS-À-VIS DU DANEMARK

1. La vie politique groenlandaise de l'après-guerre à 1979

Avant l'introduction de l'autonomie interne en 1979, la population groenlandaise n'était que peu associée à la gestion du territoire. Des débuts de la colonisation en 1721 au milieu du XIX e siècle, le Groenland était administré par le gouvernement danois sans que les organes groenlandais interviennent. Le changement constitutionnel de 1953 au Danemark a marqué une intégration pleine et entière du Groenland au sein de la communauté du Royaume, mettant fin à la période coloniale et attribuant au Groenland deux représentants au sein du Parlement danois.

Dans la première moitié des années 1970, une réforme communale mise en place au Groenland a conduit au transfert d'un certain nombre de domaines, jusqu'alors gérés par l'État, aux communes groenlandaises. La période a été propice aux critiques quant à la gestion du Groenland depuis Copenhague, d'où une volonté de transferts importants de compétences envers le conseil territorial.

Dans un contexte où l'État commençait à voir sa gestion centralisée contestée, le référendum du 2 octobre 1972 sur l'adhésion aux Communautés européennes s'est révélé être l'élément déclencheur du processus allant mener à l'introduction de l'autonomie interne au Groenland. Malgré une désapprobation de l'entrée du Groenland dans le Marché commun par 70,8 % des votants, le territoire, alors partie intégrante du Royaume ne bénéficiant pas d'un statut d'autonomie, est devenu membre des Communautés européennes le 1 er janvier 1973, la majorité des Danois dans leur ensemble votant en faveur de l'adhésion. Alors que les Îles Féroé, autonomes depuis 1948, avaient pu choisir de rester en dehors des Communautés européennes, le vote des Groenlandais enclenchait un processus visant l'autonomie de l'île.

En 1973, le conseil territorial du Groenland adoptait une demande destinée au Gouvernement danois en vue de la création d'une commission dano-groenlandaise chargée d'étudier les liens du Groenland avec le Danemark. Ce dernier a pour sa part souhaité que soit instituée une commission strictement groenlandaise, afin que les Groenlandais puissent émettre leurs choix et faire part de leur vision quant à l'avenir des relations entre le Groenland et l'État danois. Les conclusions de la commission remises au ministre danois en charge du Groenland en février 1975 délimitaient les domaines de compétence devant être gérés par le Groenland et ceux restant du domaine régalien. L'élection par la population d'un organe politique, duquel serait issu un gouvernement, allait fonder les bases de la vie politique groenlandaise actuelle.

En octobre 1975 fut installée une commission dano-groenlandaise relative à l'autonomie interne, devant notamment statuer sur l'ordre dans lequel les domaines de compétence pourraient être transférés au Groenland ainsi que l'échéance de tels transferts et l'accompagnement financier de l'État danois dans ce cadre.

Le Parlement danois a adopté la loi relative à l'autonomie interne du Groenland en novembre 1978 et un référendum portant sur cette loi s'est tenu au Groenland le 17 janvier 1979. Avec une participation de 63,3 %, les électeurs se sont exprimés à 73,1 % en faveur de l'autonomie interne, qui est entrée en vigueur le 1 er mai 1979.

2. L'autonomie interne (1979-2009) : première étape vers une éventuelle indépendance

« Les années Siumut »

L'analyse politique au Groenland ne procède pas d'une lecture bi-partisane des débats. L'orientation des partis politiques groenlandais s'est longtemps polarisée autour de la formation dominante, Siumut , considérée historiquement comme sociale-démocrate. Les trois chefs de l'exécutif que le Groenland a connus entre 1979 et 2009 sont tous issus du parti Siumut . Chacun caractérise à sa manière trente années de la vie politique groenlandaise, qui peut être analysée à travers la personnalité de ces trois hommes.

Jonathan Motzfeldt (1938-2010), qui a dirigé le Groenland de 1979 à 1991, puis de 1997 à 2002, a été l'un des principaux artisans d'une orientation nordique du Groenland. Pasteur au sein de l'Église d'État, après des études de théologie à Copenhague, Jonathan Motzfeldt est considéré comme le père du Groenland moderne. Sa connaissance du Danemark lui a permis de maintenir une relation apaisée avec le Danemark, bien que déterminé à construire l'avenir du Groenland et à acquérir le respect de ses partenaires danois, avec lesquels il a su négocier les intérêts du Groenland. Père de l'autonomie interne en 1979, aux côtés de Lars-Emil Johansen et Moses Olsen, il a été impliqué dans l'instauration de l'autonomie renforcée, en 2009, en tant que président de la commission dano-groenlandaise chargée d'élaborer le statut d'autonomie renforcée. Son ancrage spirituel a pu expliquer ses relations privilégiées avec la famille royale du Danemark et son orientation résolument en faveur de la coopération nordique, du dialogue avec le Danemark et le continent européen. Co-fondateur du parti Siumut , en faveur du retrait groenlandais du Marché commun, Jonathan Motzfeldt a su rester ouvert sur le monde, montrant un intérêt particulier pour les relations du Groenland avec l'Europe, à une période où le Groenland était en quête de développement économique. En 2000, Jonathan Motzfeldt a accueilli Romano Prodi au Groenland. Ce fut la première fois qu'un président de la Commission européenne se rendait au Groenland. En 2002, le principe de « fenêtre arctique » dans la dimension nordique de l'Union européenne a été introduit durant la présidence danoise du Conseil de l'Union européenne, avec une forte implication de Jonathan Motzfeldt . À l'apogée de sa carrière politique, le débat autour de l'interdiction d'importer les produits dérivés du phoque au sein de l'Union européenne n'a toutefois pas manqué de faire réagir l'ancien chef de l'exécutif groenlandais.

Lars-Emil Johansen , chef de l'exécutif groenlandais entre 1991 et 1997 et autre père de l'autonomie interne, a souhaité dès son arrivée au pouvoir que le Groenland devienne un acteur de la scène internationale. Une représentation du Groenland à Bruxelles a ainsi été établie en 1992. En tant qu'éphémère ministre groenlandais des Finances et des Affaires étrangères en mai 2007, Lars-Emil Johansen a de nouveau montré un intérêt pour les relations extérieures du Groenland, principalement avec les États-Unis. Il s'est montré durant sa carrière politique en faveur d'une diversification des contacts commerciaux du Groenland avec l'étranger, notamment avec l'Amérique du Nord, au travers de l'ALENA, plutôt qu'avec l'Union européenne. Il peut en cela être considéré comme l'un des représentants de la branche nord-américaine du parti Siumut .

Le Président du Parlement, Lars-Emil Johansen a déclaré lors d'une audition accordée à l'auteur de ce rapport : « Pour être une véritable nation, nous devons beaucoup plus considérer le monde entier et non pas seulement le Groenland dans sa relation avec le Danemark et ses voisins nordiques ».

Hans Enoksen , à la tête du gouvernement groenlandais de 2002 à 2009, a incarné la branche nationaliste du parti social-démocrate Siumut . Son ambition peut se résumer en une volonté d'indépendance du Groenland en 2021. Il a quitté Siumut pour créer en 2014 Partii Naleraq , formation à l'orientation nationaliste. Du fait de sa très faible population et du nombre attendu de travailleurs étrangers, la réalisation de grands projets industriels au Groenland pourrait entrainer des difficultés sociales supplémentaires. Un risque exprimé par Hans Enoksen, qui incarne pour certains une image d'« homme du peuple » recherchée par une partie des Groenlandais issus des villages, une frange de la population en partie marginalisée durant l'introduction de l'autonomie interne. Il vient de réussir son pari, puisque son nouveau parti est l'un des vainqueurs du scrutin du 28 novembre 2014 avec 11,6 % des voix.

La « groenlandisation »

Le processus de « groenlandisation » a connu des phases intenses à l'approche d'évolutions institutionnelles entre le Danemark et le Groenland. Ainsi, le parti Atassut dénonçait les changements rapides préconisés par Siumut sur une « groenlandisation » de la société à l'aube de l'autonomie interne dans les années 1977-1979. Une nouvelle étape de ce processus a eu lieu en 2007, sous l'impulsion de Hans Enoksen. L'événement majeur aura été l'annonce d'un regroupement des ministères avec à leur tête des locuteurs groenlandais. L'introduction de ce critère linguistique a permis aux autorités groenlandaises de privilégier des locuteurs groenlandais, les Danois en poste n'ayant pas le niveau demandé en groenlandais. Le regroupement de quatorze entités gouvernementales en sept grands ministères est alors apparu comme un révélateur du manque d'élites au Groenland pour répondre à ce critère linguistique. Les partis danois de droite comme de gauche, voire très à gauche, se sont montrés critiques à l'égard de ce projet, considérant que le déficit important de personnes hautement qualifiées au sein de la population groenlandaise était le vrai enjeu.

3. L'autonomie renforcée à compter de 2009


• Les débuts du Groenland « moderne » (2009-2013)

Après trente années de gouvernements dirigés par Siumut , le Groenland a connu en 2009 deux mutations d'importance : l'introduction de l'autonomie renforcée, perçue comme la dernière étape avant une éventuelle indépendance, et l'arrivée au pouvoir d'une autre formation politique, Inuit Ataqatigiit , située le plus à gauche de l'échiquier politique groenlandais bien que pouvant avoir des approches perçues comme libérales.

Le 25 novembre 2008, 75 % des Groenlandais se sont prononcés pour une autonomie renforcée lors d'un référendum consultatif. Ce nouveau statut est entré en vigueur avec le soutien du Gouvernement danois, le 21 juin 2009, jour de la fête nationale du Groenland. Il prévoit, entre autres, de donner au Groenland le pouvoir sur sa police, ses tribunaux, et ses garde-côtes, de faire du groenlandais, qui est une langue inuit, la langue officielle. Il accorde également aux Groenlandais le droit de contrôle sur leurs propres ressources. Le texte, soumis à la population, proposait, au total, des transferts de compétence dans trente domaines différents.

L'approche de Kuupik Kleist, chef du Gouvernement groenlandais de 2009 à 2013, se voulait pragmatique : envisager dans un premier temps un Groenland autonome économiquement, puis réfléchir à la formalisation de l'indépendance au travers de la constitution d'un État.


• Les crises de confiance des dernières années

Les élections législatives de 2013 ont vu le retour du parti Siumut au pouvoir et l'élection pour la première fois d'une femme, Aleqa Hammond, à la tête d'un gouvernement qui aura finalement duré moins de deux ans. Durant cette période, le Groenland a été marqué par plusieurs crises de confiance.

Tout d'abord au sein de la société groenlandaise, au sujet de la question de l'exploitation de l'uranium : une tolérance zéro avait été instaurée en 1988 avant d'être levée en 2013. Le sujet divise toujours les formations politiques ainsi que la société groenlandaise. Cette crise de confiance au sujet de l'uranium s'est étendue à la relation dano-groenlandaise, où l'approche initiale prônée par le Gouvernement d'Aleqa Hammond, à savoir un Groenland maître de ses ressources, y compris lorsque celles-ci ont un lien avec la politique étrangère et de sécurité du Royaume, a rendu, un temps au moins, les relations entre Nuuk et Copenhague difficiles.

La crise de confiance, cette fois au niveau international, a également été présente lorsque le Groenland a boycotté la réunion ministérielle du Conseil de l'Arctique à Kiruna (Suède) en mai 2013, pour des raisons d'affirmation identitaire : cette démarche, qui n'a pas manqué d'être critiquée au Groenland, au Danemark et à l'international, a isolé le Groenland à une période où la globalisation de l'Arctique n'a jamais été autant perceptible.


• La notion de réconciliation au service de la construction du discours national ?

Au-delà des questions de statut ou de compétences, les relations symboliques entre une ancienne puissance coloniale et une ancienne colonie se trouvent bien souvent au coeur du processus d'affirmation nationale de cette dernière. A fortiori lorsque l'ancienne colonie dépend toujours formellement - quoique différemment - de son ancienne puissance coloniale. Le Groenland ne fait pas exception. De manière objective et factuelle, d'abord, ne serait-ce que parce beaucoup des inégalités sociales sont encore au moins partiellement explicables par ce passé colonial. De manière plus politique, ensuite, puisque, comme on l'a vu, le discours vis-à-vis du Danemark alterne - selon les personnalités politiques, les événements et le lieu d'où l'on s'exprime (on ne parle pas toujours de la même façon à Nuuk et à Copenhague) - entre fermeté plus ou moins grande et marques de compréhension réciproque plus ou moins poussées.

Le précédent Gouvernement avait ainsi décidé la mise en place d'une « commission pour la réconciliation » chargée d'évoquer les tabous subsistant entre Groenland et Danemark, le rôle historique de la colonisation, les leçons à en tirer et les conséquences pratiques en découlant - y compris en terme de réparation. Le tout devait donner lieu à un débat public, annoncé comme aussi inclusif que possible. Il est encore trop tôt pour dire ce qui sortira au final de l'initiative. Toutefois, les objectifs de celle-ci ont pu paraître relativement flous tant aux responsables qu'aux opinions publics groenlandais et danois ; d'autant que le discours de l'ancienne Première Aleqa Hammond sur le sujet, d'abord très ambitieux et volontariste, est ensuite devenu plus imprécis et consensuel.

On soulignera que ce débat sur la réconciliation entre Groenland et Danemark - entre les Inuit et les anciens colons - ainsi que le processus d'affirmation nationale du Groenland se heurtent à une particularité qu'il serait facile d'oublier. « Le Groenland est un pays unique et les Groenlandais sont un peuple unique » affirmait Aleqa Hammond dans ses voeux pour 2014, pour évoquer cette question. Cela est évidemment vrai mais minimise les différences culturelles bien réelles qui existent entre les Groenlandais eux-mêmes, sur leur propre territoire. Car il n'y a pas sur l'île une mais trois cultures autochtones, disposant de leurs propres dialectes voire de leurs propres langues, même si les liens entre chacune de ces trois cultures sont évidents. La langue officielle est ainsi la langue parlée, il est vrai, par l'immense majorité de la population, sur l'essentiel de la côte ouest et au sud du pays : le kalaallisut. La langue traditionnelle de la côte est, que Paul-Émile Victor jugeait aussi éloignée de celle de la côte ouest que l'italien peut l'être du français, est le tunumiit. Enfin c'est l'avanersuarmiutut qui est traditionnellement parlé aux alentours de Thulé. Les deux langues minoritaires ne totalisent certes, ensemble, que quelques centaines à quelques milliers de locuteurs. Reste que l'affirmation du kalaallisut comme langue officielle s'est aussi faite à leurs dépens, et que la représentation et l'intégration de ces minorités dans le processus de construction nationale ne se fait pas sans difficultés.

De la même façon, il arrive que l'utopie poursuivie par le Groenland - devenir à terme le premier État inuit - ait des effets paradoxaux sur sa relation avec les autres peuples Inuit, et au-delà avec les autres peuples arctiques. C'est ainsi que les Inuit du Canada s'opposent pour beaucoup à certains projets de prospection visant à développer, par exemple, l'exploitation de ressources naturelles dans le détroit de Davis... soit l'une des zones où le gouvernement groenlandais espère développer des projets de cette sorte.

4. Les élections du 28 novembre 2014 : l'affirmation d'une fracture générationnelle ?

Les électeurs groenlandais étaient appelés, moins de deux ans après les précédentes élections, à élire une nouvelle assemblée territoriale, dans un contexte de crises politique et économique. Siumut , qui dirigeait l'exécutif groenlandais avant ces élections, sort affaibli du scrutin du 28 novembre 2014, avec un score inférieur de 8,6 % à celui réalisé l'année précédente. De plus, outre une égalité en nombre de sièges au sein de la nouvelle assemblée avec le parti arrivé en deuxième position, Inuit Ataqatigiit - un peu moins de 400 voix seulement séparent les deux formations - le dirigeant de Siumut , Kim Kielsen, n'est arrivé qu'en deuxième position en nombre de voix portées sur son nom, derrière Sara Olsvig, chef de file du parti arrivé second de ces élections, Inuit Ataqatigiit . Siumut reste toutefois à la tête du nouveau Gouvernement de coalition 1 ( * ) .

Demokraatit , formation d'orientation socio-libérale fondée en 2002 sur un refus de la politique menée alors par Siumut , apparaît comme le grand vainqueur de ces élections : arrivé en troisième position, il est le seul parti en progression par rapport au résultat des élections législatives de 2013 et participera au nouveau Gouvernement.

Le fait marquant de ces élections est l'ancrage d'une branche nationaliste dure : après Partii Inuit et un score remarqué de 6,4 % pour son premier scrutin en 2013, c'est Partii Naleraq qui s'affirme dans le paysage politique groenlandais lors de ce scrutin avec un score de 11,6 %, soit près du double, toujours lors d'un premier scrutin. À l'inverse de Partii Inuit , Partii Naleraq est composé de personnalités politiques implantées de longue date et pour un certain nombre d'entre elles anciennement membres de Siumut . C'est le cas notamment du fondateur de Partii Naleraq , Hans Enoksen, ancien chef du gouvernement groenlandais.

Partis politiques

Résultats élections 2013

Résultats élection 2014

Différentiel

Voix

Pourcentages

Voix

Pourcentages

Atassut

2 454

8,1

1 919

6,5

- 1,6

Demokraatit

1 870

6,2

3 468

11,8

+ 5,6

Inuit Ataquatigiit

10 374

34,4

9 776

33,2

- 1,3

Parti Inuit

1 930

6,4

477

1,6

- 4,8

Parti Naleraq

0

0

3 423

11,6

+ 11,6

Siumut

12 910

42,8

10 102

34,3

- 8,6

Autres

9

0

22

0,1

+ 0,0

(Taux de participation : 73 %)

Aussi pour le politologue Damien Degeorges 2 ( * ) , deux enseignements majeurs sont à tirer de ces élections :

- une fracture générationnelle se confirme, entre d'un côté une jeunesse orientée davantage vers une relation pragmatique du Groenland avec le Danemark et qui se retrouve dans les idées d'un parti comme Demokraatit , crée au début des années 2000 et qui avait appelé à voter contre la loi relative à l'autonomie renforcée du Groenland lors du référendum organisé en 2008, et de l'autre une génération plus ancienne, bercée par un idéal nationaliste porté durant des décennies par différents partis, dont Siumut . À cela s'ajoute une fracture générationnelle, entre une jeunesse n'ayant pas connu l'époque du retrait du Groenland des Communautés européennes, et une génération plus âgée au sein de laquelle le sujet reste passionnel. Cela explique en partie l'essor au sein de la jeunesse groenlandaise, sensible notamment aux attraits de l'Union européenne en matière d'éducation, d'une formation comme Demokraatit , ouverte à un avenir de nouveau européen pour le Groenland. L'« élection à blanc » réalisée à l'université du Groenland, durant la campagne électorale pour les élections législatives de 2014, démontre cette tendance : la formation Demokraatit arrive non seulement en tête du vote des étudiants, mais obtient plus de la majorité absolue des étudiants votants, alors que ce même parti n'obtient aucune voix au sein des employés de l'université. Au lycée de Nuuk, lors d'une autre « élection à blanc », malgré un grand nombre de votes blancs, Demokraatit est en deuxième position du vote à la fois total et de celui ne prenant en compte que les électeurs en âge de voter. La formation d'orientation socio-libérale arrive derrière son principal partenaire de la coalition gouvernementale au pouvoir de 2009 à 2013, Inuit Ataqatigiit ;

- la question d'une réadhésion du Groenland à l'Union européenne s'est de nouveau invitée dans le débat politique groenlandais, mais d'une façon plus inattendue. C'est en effet au sein même du parti ayant mené la campagne pour la sortie des Communautés européennes dans les années 1980, Siumut , que le débat a eu lieu. Il est à noter que ce débat a été initié par un ancien ministre de l'Éducation, secteur auquel l'Union européenne contribue de façon très importante de par son soutien financier au Groenland. Cela peut être perçu comme une illustration de l'influence exercée par l'Union européenne sur le Groenland au travers notamment de son accord de partenariat avec l'île arctique.

B. UNE DISTANCE ENTRETENUE AVEC L'UNION EUROPÉENNE

En cohérence avec sa volonté d'émancipation de la tutelle danoise, le Groenland a voulu dès le début conserver une certaine distance vis-à-vis de la construction européenne.

Le 2 octobre 1972 , lorsque le Royaume du Danemark a approuvé par référendum son entrée dans la Communauté économique européenne (CEE), l'analyse du scrutin au Groenland montre déjà une divergence avec le résultat global : plus de 70 % des Groenlandais ont voté contre l'entrée dans la CEE . Et ce résultat est confirmé dix ans plus tard.

En effet, après l'entrée en vigueur de la loi d'autonomie en 1979, un référendum organisé cette fois uniquement au Groenland le 23 février 1982 confirme le vote de 1972 et entérine la sortie de l'Europe pour le territoire . Il convient toutefois de noter que la majorité était plus faible, autour de 53 %, pour une participation au scrutin de 75 % de la population.

Après plusieurs mois de négociations, un traité est signé le 13 mars 1984 et le Groenland sort officiellement de la CEE le 1 er février 1985 . Le traité retire le Groenland des accords sur le charbon et l'acier et sur l'énergie atomique et inscrit par ailleurs le Groenland sur la liste des pays et territoires d'outre-mer. Un protocole est annexé qui définit un certain nombre de dérogations concernant la pêche : la Communauté économique européenne s'engage à importer les produits de la pêche sans droits de douane sous la condition d'un accès des pêcheurs européens aux eaux groenlandaises.

Or, c'est précisément la pêche - secteur essentiel pour l'île - qui est à l'origine de la prise de distance groenlandaise à l'égard de l'Union européenne. Les pêcheurs groenlandais craignaient ne pas pouvoir supporter la concurrence qu'auraient exercée les Européens dans le marché commun de la pêche. L'accord de partenariat leur a permis de négocier l'accès des navires européens à leurs eaux, tout en recevant une aide financière.

À ce jour, le Groenland est, avec l'île française de Saint-Barthélemy, le seul territoire à avoir quitté la construction européenne. Néanmoins, depuis 1992, le Groenland dispose d'une représentation permanente auprès de l'Union européenne.

Comme il sera développé ci-après 3 ( * ) , le soutien financier apporté au Groenland en échange des possibilités de pêche était trop éloigné des possibilités de pêche réelles et masquait en réalité un soutien financier équivalent à ce dont le Groenland aurait pu bénéficier s'il était resté dans les Communautés (puis dans l'Union) européennes aux titres des fonds régionaux.

C'est la raison pour laquelle, à compter de 2007, les relations entre l'Union européenne et le Groenland furent clarifiés. Elles s'appuient désormais sur deux composantes :

- un accord de coopération entre l'Union européenne, d'une part, et le Danemark et le Groenland, d'autre part, visant le développement de ce dernier par le dialogue et le soutien financier à des politiques particulières comme l'éducation des jeunes groenlandais ;

- un accord de partenariat dans le secteur de la pêche, fondé sur les principes de la politique commune de la pêche.

Deux spécificités méritent d'être signalées : l'accord de pêche est le seul conclu par l'Union européenne avec un partenaire qui n'est pas un pays ACP (Pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique) ; le financement de l'accord du partenariat ne dépend pas du Fonds européen de développement, le FED, comme pour les autres pays et territoires d'outre-mer, mais du budget général de l'Union.

Ainsi, comme on le constate, l'Europe s'est montrée particulièrement accommodante avec le Groenland au fil des années afin de maintenir un lien et un soutien financier. Pourtant, l'image de l'Union européenne ne s'est pas améliorée au fil du temps. La construction d'un sentiment national au Groenland s'est en effet non seulement appuyée sur un rejet de l'ancienne puissance coloniale, le Danemark, mais sans que l'Europe constitue un horizon. En ce sens, le phénomène est très différent de l'exemple récent de l'Écosse qui voulait sortir du Royaume-Uni pour devenir un État indépendant de l'Union européenne.

La question de l'abattage des phoques dans les années 80 et le conflit commercial plus récent sur les ventes de produits dérivés ente l'Union européenne, le Canada et la Norvège sont symboliques du sentiment qu'ont les Groenlandais que la culture et le mode de vie des Inuit est mal compris des européens et peu respecté. Ce sentiment était encore très fort lors du déplacement effectué pour la préparation de ce rapport en septembre 2014.

Il n'est d'ailleurs pas anecdotique que l'image de la France soit encore aujourd'hui liée à celle de la campagne menée par Brigitte Bardot dans les années 80 contre l'abattage des bébés phoques. C'est même avec beaucoup de gravité qu'Aleqa Hammond, alors Première du Groenland, déclara à l'auteur de ce rapport : « Nous n'oublierons ni ne pardonnerons jamais Brigitte Bardot » .

Aujourd'hui, pourtant, le Groenland est protégé de l'interdiction votée par le Parlement européen qui ne vise pas la chasse traditionnelle et qui respecte la gestion durable des ressources marines. Mais cette mesure a eu un grand retentissement sur l'ensemble des communautés inuit au Canada et au Groenland, qui se sont senti rejetées dans leur mode de vie traditionnel, tandis que l'interdiction a empêché que ne se développe une économie propre à la région.

L'Union européenne doit aujourd'hui comprendre qu'elle aurait peut-être plutôt dû s'atteler à soutenir la mise en place d'une filière économique transparente et s'appuyant sur la gestion durable de l'espèce, des méthodes d'abattage qui ne soient pas barbares et la protection de l'écosystème.

Cette crispation participe pleinement de l'affirmation de la culture Inuit à la base du sentiment national qui a marqué les dernières années de la vie politique groenlandaise. Elle masque malheureusement les efforts fournis par l'Europe pour soutenir le Groenland, notamment les efforts financiers.

II. UNE TRÈS FORTE DÉPENDANCE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

Les conditions de vie et d'activité extrêmement difficiles au Groenland freinent son développement. Et sans les aides apportées par le Danemark et l'Union européenne, son économie encore trop peu diversifiée ne lui permettrait pas d'assurer le bien-être de sa population.

A. UNE ÉCONOMIE TROP PEU DIVERSIFIÉE ACTUELLEMENT POUR ÊTRE VIABLE

Longtemps, l'économie du Groenland n'a été qu'une économie de subsistance. Les conditions géographiques et climatiques difficiles, l'enclavement de l'île et des villes et villages eux-mêmes n'ont pas permis que se développe une activité autre que la pêche et la chasse qui ont permis aux Inuit de se nourrir et de survivre.

Aujourd'hui, on estime que plus de 90 % des exportations groenlandaises relèvent des produits de la pêche , poissons et crevettes. Si on ajoute à cela les exportations de peaux de phoques, le constat est simple : les revenus du Groenland dépendent exclusivement des ventes de produits de la pêche et de la chasse.

Cette absence de diversification constitue un véritable handicap pour le Groenland. Et ce d'autant que, facteur aggravant, 80 % de ces exportations vont vers un seul pays, le Danemark .

La place de la pêche est telle dans l'économie et dans la culture même du Groenland que, comme le rappelaient les représentants du ministère de la pêche, de la chasse et de l'agriculture, le Gouvernement essaie de soutenir toujours plus la transformation des produits de la pêche afin de maintenir - voire de développer - l'emploi dans ce secteur. Les autres marchandises sont envoyées pour la plupart en Islande, aux Îles Féroé, ou encore en Norvège pour la transformation.

L'industrie occupe une place croissante en raison d'une part de l'industrie agro-alimentaire des produits de la pêche et d'autre part en raison du démarrage de l'industrie minière. Alors que de nombreux permis d'exploration ont été accordés durant les dernières années, certaines mines entrent en exploitation.

Le Groenland tente par ailleurs de développer le tourisme . Il y a un nombre croissant de compagnies de croisières dans ses eaux méridionales et occidentales. Mais cette forme de tourisme ne peut se dérouler que durant la courte saison estivale et il reste encore à un coût très élevé. De plus, les Groenlandais ne sont pas encore assez formés pour accueillir et manager des touristes en masse. De même, l'offre hôtelière est encore trop faible, notamment à Ilulissat. Cette ville est la principale destination touristique du pays et elle ne dispose même pas d'un aéroport international.

Il y a des tentatives pour développer l'agriculture . Le réchauffement climatique a libéré des glaces un certain nombre de terres arables au sud du pays et des tentatives sont faites de culture de pommes de terre, notamment. À titre plus anecdotique, les Groenlandais se seraient essayés à la culture de la fraise. La difficulté principale du territoire reste son très faible taux de précipitations.

En outre, le pays a plutôt bien résisté à la crise économique : si le PIB s'est contracté de 1 % en 2009, il a ensuite augmenté de 2 % en 2010, puis de 3 % en 2011, 2012 et 2013. Ce phénomène s'explique par le fait que le Groenland ne participe pas ou presque pas à l'économie et à la finance mondiale, par le niveau favorable des produits issus de la pêche, ainsi que par l'augmentation des explorations minières et des projets de construction dans la capitale, Nuuk.

Il convient de rappeler qu'entre 1979 et 2009, le Gouvernement groenlandais a conduit des politiques budgétaires et fiscales plutôt conservatrices. Depuis l'autonomie renforcée de 2009, la population a demandé des investissements pour améliorer les systèmes sociaux : un meilleur système de santé et de retraite, la construction et la rénovation d'écoles, etc.

Bien que le PIB par habitant du Groenland reste très en dessous du PIB par habitant du Danemark, il est dans la moyenne européenne. Cette caractéristique en fait le PIB par habitant le plus élevé des pays et territoires d'outre-mer de l'Union européenne .

Cette réalité ne doit pas masquer le fait qu'en dehors des produits de la pêche, le Groenland est totalement dépendant de ses importations. Celles-ci proviennent pour l'essentiel du Danemark en raison des liens particuliers et des facilités d'échange (mêmes pratiques commerciales et même monnaie). Cette double spécialisation rend l'économie du Groenland particulièrement vulnérable. Comme le rappelle Lars-Emil Johansen, « Quand on importe tout d'Europe, on ne peut pas devenir indépendant » .

À cela s'ajoute le fait que la raison essentielle de la stabilité de l'économie groenlandaise est d'abord et avant tout la place prépondérante qu'y occupe le secteur public. Celui-ci est en effet le premier employeur du pays avec plus de 40 % de la population active qui travaille pour le Gouvernement ou pour des agences ou collectivités publiques .

Or, cela n'est rendu possible que par l'assistance financière dont bénéficie le Groenland, tant de la part du Danemark que, dans une moindre mesure, de la part de l'Union européenne.

B. UN TERRITOIRE SOUS ASSISTANCE FINANCIÈRE EUROPÉENNE

Si le Danemark a continué à apporter un soutien financier incontournable au Groenland, alors même que celui-ci montrait de premiers signes d'émancipation, l'Union européenne a, au fil des années, développé plusieurs outils visant à soutenir financièrement le développement du Groenland.

1. La part prépondérante de la subvention danoise dans le budget groenlandais

Le Danemark apporte chaque année plus de 450 millions d'euros (480 millions en 2013) de subventions au Groenland, soit plus de 55 % de ses recettes publiques. Ce faisant, le Danemark contribue à 40 % du PIB groenlandais . Autrement dit, sans cette aide, le Groenland ne pourrait pas équilibrer seul son budget.

Si l'on considère que ces fonds visent en partie à payer les salaires des 40 % de la population active qui travaillent dans le secteur public, on peut parler de véritable perfusion. Et tandis que beaucoup au Groenland imaginent un État indépendant, il est légitime de se demander comment cela pourrait devenir possible ! Ou du moins, pas avant plusieurs décennies...

2. L'aide constante de l'Union européenne

La décision du Groenland de sortir des Communautés européennes avait été motivée par la crainte des Groenlandais de devoir participer à la politique commune de la pêche et de ne pouvoir lutter contre la forte concurrence qu'aurait entrainée l'arrivée des navires européens dans les eaux groenlandaises.

Aussi, entre 1985 et 2006, l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche s'est voulu rassurant pour les Groenlandais, voire particulièrement généreux. En effet, il est apparu que la compensation financière accordée au Groenland en échange des possibilités de pêche offertes dans ses eaux n'était pas toujours en complète équivalence. Cet écart fut notamment dénoncé par la Cour des comptes européenne dans un rapport de 2001 sur les accords de pêche 4 ( * ) .

Il a été reconnu que cet accord de pêche avait en fait pour but d'apporter un soutien financier au Groenland, semblable à ce qu'il aurait pu recevoir au titre des fonds régionaux s'il était resté dans la Communauté européenne, soit en moyenne 42,8 millions d'euros par an . Si le procédé manque de rigueur et de transparence, il a été assumé par les institutions européennes comme étant le moyen unique de soutenir financièrement le Groenland, y compris par la Cour des comptes :

« Outre ce qui précède, il convient de noter que l'accord avec le Groenland a été et reste le seul instrument de financement communautaire qui fournisse une aide au Groenland. Cela suppose qu'il a, du moins implicitement, un champ d'application plus large que d'autres accords de pêche. Cet élément a été reconnu lors de la conclusion des négociations du quatrième protocole par une déclaration unilatérale de la Communauté, dans laquelle celle-ci estime la valeur actuelle des éléments de la compensation financière totale relevant de la pêche à 28 millions d'euros. »

Les choses ne pouvant continuer ainsi, à partir de 2007, l'entrée en vigueur de l'accord de partenariat a visé à apporter ouvertement une aide au développement du Groenland, indépendamment des aides à la pêche. Durant la période 2007-2013 , l'accord de partenariat a permis d'apporter 25 millions d'euros par an au Groenland en soutien à son programme d'éducation. Pour la période 2014-2020 , le montant alloué augmente à plus de 30 millions par an , toujours en soutien au secteur de l'éducation, mais aussi de la formation.

Entre 2007 et 2012, l'accord de pêche signé entre l'Union européenne et le Groenland a permis aux navires européens de pêcher dans les eaux groenlandaises en échange d'une contribution annuelle de 15,8 millions d'euros . L'accord pour la période 2013-2015 a légèrement fait évoluer le dispositif et le montant de l'aide : de 15,8 millions, l'aide est passée à 16,3 millions d'euros par an pour deux pêcheries ; et si le Groenland accorde la possibilité à des navires européens de pêcher d'autres espèces, le montant annuel total peut augmenter jusqu'à un niveau de 17,8 millions d'euros .

Au total, si on additionne les montants, on arrive à 41,3 millions d'euros (avec une possibilité d'augmenter à 42,8 millions) d'aides financières européennes en 2013 et jusqu'à plus de 47 millions d'euros en 2014. Le soutien financier de l'Union européenne est donc constant depuis 30 ans, apportant environ 42 millions d'euros par an au Groenland. En d'autres termes, l'Union européenne a apporté, en moyenne, plus de 740 € à chaque Groenlandais en 2013. En 2014, ce montant augmente à plus de 830 €.

CONCLUSION SUR LA PREMIÈRE PARTIE

Comme le montre le résultat des élections législatives du 28 novembre, le Groenland reste divisé sur l'objectif de l'indépendance et le rythme à suivre pour y parvenir. Si certains la rêvent, d'autres y voient encore une utopie. L'autonomie renforcée juridiquement et politiquement en 2009 n'a pas été suivie d'un renforcement de l'autonomie financière. L'économie groenlandaise reste encore trop peu développée pour permettre cela.

Pourtant, le sentiment national groenlandais et l'affirmation de la culture inuit n'ont cessé de grandir depuis 1953. S'il devenait totalement indépendant, le Groenland deviendrait le premier véritable État inuit, les autres populations étant réparties au Canada et en Alaska.

Aujourd'hui, le Groenland est attentif aux exemples que constituent ses voisins nordiques, la Norvège et l'Islande. La première est un modèle de réussite économique peut-être impossible à dupliquer. L'indépendance de la seconde la fait apparaître comme un précédent à suivre. Pourtant le fait de disposer de sa monnaie, de sa diplomatie et de sa défense est pour elle une difficulté permanente.

En effet, ces attributions sont difficiles à assumer. L'Islande a été beaucoup plus durement frappée par la crise économique et financière de 2009 que le Groenland et peine encore aujourd'hui à s'en remettre. Elle ne le peut qu'au prix de politiques difficiles pour sa population et d'alliances internationales.

Aujourd'hui, le Groenland n'a pas les moyens d'exercer totalement les compétences que l'acte d'Autonomie renforcée lui a attribuées. Comment assumer demain pleinement la gestion de sa monnaie ou de sa défense et avoir les ressources humaines qualifiées pour assurer sa diplomatie ? Comment développer une autosuffisance économique dans ces conditions ?

Outre les débats du moment comme celui sur l'uranium, les élections législatives de 2014 montrent une trame de fond semblant se dessiner au sein de la jeunesse groenlandaise, future élite du territoire, concernant une volonté différente de leurs aînés au sujet de la relation du territoire avec le Danemark, l'Union européenne et le reste du monde.

Bien que la loi d'autonomie renforcée ouvre juridiquement la possibilité d'une totale indépendance du Groenland, et même si celui-ci parvenait à assurer son autonomie économique et financière, il serait néanmoins imprudent d'écarter l'idée qu'il ne devienne jamais un État par la volonté même de son peuple.

DEUXIÈME PARTIE :
LE GROENLAND : UN ACTEUR FRAGILE AU GRAND POTENTIEL DANS UNE RÉGION ARCTIQUE EN PLEINE TRANSFORMATION

Sous l'effet puissant du réchauffement climatique, la zone arctique subit une véritable mutation. Au coeur de cette zone, le Groenland se transforme à vue d'oeil. Et si ces changements peuvent ouvrir pour lui des voies nouvelles pour faciliter son développement, les transformations brutales de l'environnement et leurs conséquences qui précipitent le Groenland dans la mondialisation malmènent une société groenlandaise en quête de repères.

I. LE GROENLAND ET L'ARCTIQUE AUX AVANT-POSTES DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

A. L'ARCTIQUE, PREMIÈRE VICTIME DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE MONDIAL

C'est dans les régions polaires que l'impact du changement climatique est le plus grand . Le réchauffement de l'Arctique est à la fois plus important et plus rapide que le réchauffement qui affecte le reste de la planète. Dans un même ordre d'idées, on rappellera que le trou de la couche d'ozone stratosphérique s'est formé depuis 1985 au-dessus de l'Antarctique.

Le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) estime que dans l'hémisphère nord, la période 1983-2012 a probablement représenté les 30 ans les plus chauds des 1 400 dernières années. Ses travaux montrent également que le réchauffement climatique est au moins deux fois plus rapide en Arctique qu'ailleurs dans le monde . Au cours des quarante dernières années, la température globale a augmenté de 0,5°C ; mais elle a augmenté de plus de 1 C° en Arctique.

Plus inquiétant, on constate que la tendance s'accentue depuis 2002 . C'est à dire que lorsqu'on évoque une hausse des températures de 2°C° sous nos latitudes tempérées, au pôle, le réchauffement serait de 4 à 5 degrés à l'horizon 2050. Les scénarios les plus noirs évoquent même 7°C° pour 2100.

Avec son 1,7 million de km 2 , l'inlandsis groenlandais rassemble près de 10 % des réserves mondiales de glace et donc d'eau douce. Ces glaces sont d'une épaisseur moyenne de 2 000 mètres.

Le Jakobshavn : un glacier au patrimoine mondial de l'humanité

Lors de son déplacement au Groenland, l'auteur de ce rapport a notamment pu se rendre dans la baie de Disko et plus précisément à Ilulissat, au niveau du 69 e parallèle nord (250 km au nord du cercle arctique). Il s'agit à la fois de la troisième ville du pays en nombre d'habitants (environ 4 500 personnes) et de sa première destination touristique, en raison de la proximité immédiate de l'un des plus grands glaciers de la planète appelé le Jakobshavn (du nom donné par les colons danois à la ville) ou Sermeq Kujalleq.

Classé, avec le « fjord glacé » par lequel il débouche directement sur la mer, au patrimoine mondial de l'UNESCO, le Jakobshavn draine à lui seul plus de 6 % de la calotte glaciaire du Groenland. Il est responsable de la formation de 10 % des icebergs du pays (35 milliards de tonnes d'icebergs par an à lui seul), ce qui en est fait le premier « producteur » de l'hémisphère nord. Celui qui a provoqué le naufrage du Titanic s'en serait détaché. Certains de ces icebergs atteignent une hauteur totale de plusieurs centaines de mètres (jusqu'à 900 ou 1 000), et restent ainsi bloqués plusieurs années à la sortie du fjord en raison de l'insuffisante profondeur de celui-ci, jusqu'à ce que la pression due à l'accumulation de glace en amont ne les fasse chavirer et ne les fasse dépasser ce goulet d'étranglement. De tels phénomènes provoquent des mouvements d'eau considérables qui ne sont pas sans danger pour les embarcations qui se trouveraient à proximité ; les accidents mortels dus à des ruptures ou des retournements d'icebergs ont été particulièrement fréquents à travers l'histoire du pays.

Étudié depuis plus de 250 ans, le Jakobshavn aura été particulièrement utile jusqu'à aujourd'hui dans le suivi et la compréhension des changements climatiques, ainsi que dans l'analyse de la détérioration du climat. Année après année, cette dernière est désormais perceptible à vue d'oeil pour les habitants. La vitesse de vêlage du glacier, c'est-à-dire le rythme auquel il s'écoule vers la mer et y forme des icebergs, pouvait être évaluée à 17 mètres par jour à la fin du XIX e siècle - une vitesse jugée alors considérable. La même vitesse était encore relevée en 1985. En 2006, elle était passée à 35 mètres par jour. Selon une étude réalisée en février 2014 et rendue publique peu de temps avant le départ de la mission, elle atteint à l'heure actuelle jusqu'à 47 mètres par jour . Autre manifestation de ces changements brutaux : l'évolution du front du glacier. Celle-ci avait pu se faire à un rythme relativement modéré à travers l'histoire, en avançant ou en reculant sur la mer selon les années. Au cours du XX e siècle, c'est à un très net recul que l'on a assisté ; recul dont l'équivalent a déjà été dépassé... depuis le début des années 2000.

La géométrie et le volume de la glace des calottes y sont régis par l'équilibre entre les quantités de neige tombées et les quantités évacuées. Les observations conduisent à estimer que la calotte groenlandaise est aujourd'hui en déséquilibre. Elle perdrait de sa masse, en raison de la fonte et d'une accélération de l'écoulement des glaciers. Son profil général serait d'ailleurs en train de changer pour devenir plus pentu.

Des études récentes sur le Groenland auraient montré un amoindrissement significatif de la calotte, entre 1992 et 2002, diminution qui paraît encore s'accélérer. Les résultats fournis par l'altimétrie révèlent que le Groenland aurait perdu environ 50 milliards de tonnes par an. La mesure des flux, flux entrant (accumulation de la neige) et flux sortant (ablation et rejets vers l'océan), fournit une estimation plus importante de cette perte de masse, qui atteindrait environ 100 milliards de tonnes par an. La température moyenne d'été à la surface de la calotte de glace a augmenté de 2,4 degrés C° entre 1979 et 2005. La surface maximale du Groenland fondant au moins un jour par an a augmenté de 42 % durant la même période, ce qui représente une surface supplémentaire de fonte en 2005 équivalente à un tiers de la surface de la France. On estime que, au-delà de 20 % de perte, ce mouvement serait irréversible. Le point de non-retour serait atteint avec un réchauffement global de 3°C°. Ce qui est plus que probable au cours ou à la fin du XXI e siècle !

Le glacier d'Ilulissat, classé au patrimoine mondial de l'UNESCO et premier fournisseur d'icebergs de l'hémisphère nord connaît un recul sans précédent depuis le début des années 2000. Ce recul inquiétant a même pu être constaté de visu par les habitants de la région depuis six ans.

Les mutations de l'Arctique ont fait l'objet d'une analyse détaillée durant la session 2013-2014 dans le rapport d'information du Sénat n° 684 présenté devant la commission des affaires européennes : Arctique : préoccupations européennes pour un enjeu global . Ce rapport tirait notamment les conclusions suivantes :

- le réchauffement de l'Arctique modifie profondément le rôle que joue cette région dans le fonctionnement du climat mondial ;

- en se réchauffant, l'Arctique devient lui-même un facteur aggravant du réchauffement (effet d'albédo et acidification de l'océan) ;

- l'accès aux riches ressources minières des sols du grand nord est facilité et rappelle la ruée vers l'or ;

- si l'exploitation du gaz en plein mer existe depuis des années dans les eaux russes et norvégiennes, elle devrait se développer encore plus dans les années qui viennent, à condition d'investissements suffisants ;

- l'exploitation du pétrole en milieu polaire est beaucoup trop dangereuse actuellement car personne ne sait endiguer une marée noire dans cet environnement ;

- la navigation commerciale, la pêche et les revendications territoriales sur le pôle nord devront faire l'objet de solutions juridiques dans les mois et les années qui viennent.

B. LA FONTE DE L'INLANDSIS GROENLANDAIS : DANGER POUR LA PLANÈTE ET OPPORTUNITÉ POUR LE GROENLAND ?

Comme nous alerte le GIEC, « le niveau mondial des mers continuera à s'élever au cours du XXI e siècle » et « il est très probable que cette élévation se produise à un rythme plus rapide que celui observé entre 1971 et 2010, en raison du réchauffement accru de l'océan et de l'augmentation de perte de masse des glaciers et des nappes glaciaires ». Et les experts d'ajouter avec un niveau de confiance élevé : « l'augmentation de la fonte superficielle de la calotte du Groenland dominera l'augmentation des précipitations neigeuses, entraînant une contribution positive au niveau futur des mers » 5 ( * ) .

Or, c'est bien la fonte de la glace d'eau douce qui fait monter le niveau des océans, et non la fonte de la banquise d'eau de mer. Si près de 70 % des réserves d'eau douce sont dans l'Antarctique, la fonte des 10 % que recèle l'inlandsis groenlandais aura un impact certain sur le niveau des mers.

Cela n'est pas sans danger pour la France. Une étude réalisée sur la France métropolitaine montre toutefois que les effets de la montée des eaux semblent devoir être limités sur l'ensemble du littoral d'ici à la fin du siècle : 2 000 hectares seraient concernés par l'érosion et 36 000 hectares par la submersion, soit, au total, 0,07 % de la superficie de la France. Cela concerne principalement les estuaires et les deltas et notamment la Camargue.

En revanche, les territoires d'outre-mer seront plus exposés. Le relief et l'altitude moyenne de Saint-Pierre-et-Miquelon, de la Martinique, de la Guadeloupe, de La Réunion, de Mayotte et de la Nouvelle-Calédonie devrait leur permettre de ne pas être inquiétées. La mangrove et la dispersion des eaux amazoniennes devraient permettre à la Guyane d'être relativement préservée. Tel n'est pas le cas de la Polynésie française et de ses atolls, appelés à disparaître sous la montée des eaux.

Cet exemple sensible amène à préciser un point. L'Arctique est bien la première victime du réchauffement climatique en raison de l'augmentation plus importante des températures qui l'affecte. Mais il n'est pas menacé de disparition par la montée des eaux comme peuvent l'être des îles du Pacifique ou certains littoraux. Pourtant, c'est bien la fonte des glaces d'eau douce qui entraînera l'augmentation du niveau des eaux, ce qui prouve que la fonte de l'inlandsis groenlandais est bien un problème mondial.

Pour le Groenland, le recul de la glace est à la fois une transformation exceptionnelle de son environnement et une opportunité de pouvoir accéder aux ressources que contiennent sol et sous-sol . En effet, en fondant, la glace du Groenland permet certains mois seulement par an de cultiver la terre, d'exploiter des gisements miniers et d'hydrocarbures. Ce qui était impossible devient possible. Du moins, en théorie.

À cela, on peut ajouter le fait que certaines espèces de poissons pourraient migrer dans les eaux groenlandaises comme cela s'est déjà passé dans les eaux islandaises. Toujours en mer, la fonte de la banquise estivale qui pourrait faire de l'Arctique une troisième route maritime commerciale entre est et ouest ferait du Groenland une étape stratégique. Et ce d'autant plus, dans le cas d'une route passant directement par le pôle nord libre des glaces, ce que le GIEC n'exclue pas : « un océan arctique presque sans glace en septembre avant le milieu du siècle est probable ».

Si l'ensemble de ces transformations devenait réalité, le Groenland serait plongé dans la mondialisation encore plus vite et encore plus fortement qu'il ne l'est actuellement. Sera-t-il en mesure de faire face ?

C. LES ATOUTS ET LES FAIBLESSES DU GROENLAND DANS CE CONTEXTE

Ramené au nombre d'habitants, le produit intérieur brut du Groenland est aujourd'hui à peu près similaire à la moyenne européenne - très en-deçà du PIB danois mais au premier rang des Pays et Territoires d'Outre-Mer. L'Indice de Développement Humain y est élevé, le taux moyen d'alphabétisation est de 100 % et l'espérance de vie de 73,5 ans pour les femmes et de 68,7 ans pour les hommes. Le taux de natalité, quant à lui, atteint 1,98 enfant par femme, derrière les Îles Féroé mais devant l'ensemble des pays nordiques européens (Norvège et Islande compris).

Si l'on devait s'arrêter à ces données statistiques économiques et sociales très générales pour caractériser l'état du Groenland, celui-ci ferait ainsi figure de pays relativement riche. La situation n'est cependant pas aussi simple qu'il n'y paraît à première vue. D'abord, en raison du poids relatif du Groenland et de ses 56 000 habitants par rapport aux autres pays arctiques et aux puissances étrangères s'intéressant aux questions polaires. Ensuite par rapport aux faiblesses bien réelles de son économie et de sa société - quand bien même le territoire ne manque évidemment pas d'atouts.

1. Les atouts : de la pêche aux rêves miniers

La pêche constitue - et de très loin - le principal secteur économique de l'île.

L'activité a connu par le passé de très lourdes difficultés, qui ont durement frappé l'économie et l'emploi au Groenland. Elle a connu depuis un regain de force, notamment en raison des dérèglements climatiques actuellement en cours, des modifications des courants océaniques, et donc de l'évolution des stocks halieutiques présents dans les eaux du pays ; à tel point que le solde positif enregistré par le Groenland en matière de commerce extérieur (50,1 millions d'euros en 2013) s'explique presque exclusivement par les produits de la pêche, lesquels représentent près de 90 % du total des exportations. L'Europe, la Russie et l'Asie - notamment le Japon - en sont les principaux destinataires.

Les prises concernent aujourd'hui principalement la crevette, le flétan, la morue et le lump ; mais d'autres pêches encore expérimentales pourraient se développer rapidement, comme dans le cas du maquereau, de plus en plus présent dans les eaux islandaises et à proximité des côtes du Groenland. La moitié des prises part directement à l'export, la seconde est transformée au Groenland même, à terre, afin de garantir un certain nombre d'emplois.

S'il n'existe pas réellement de statistiques relatives au nombre de pêcheurs au Groenland, on sait en effet que le nouveau dynamisme du secteur n'a pas autant profité à la population que cette dernière aurait pu l'espérer, en raison de la modernisation de la flotte (traduite par l'introduction de navires plus importants, plus mécanisés et nécessitant moins d'hommes à la manoeuvre) et de l'installation d'usines de traitement à l'étranger.

On remarquera que ce secteur stratégique, qui constitue également la principale aire de coopération avec l'Union européenne, est géré au niveau gouvernemental par une équipe des plus réduites : seules neuf personnes travaillent sur la question au sein du ministère de la pêche, de la chasse et de l'agriculture.

Les perspectives extractives attisent les convoitises.

Les ressources minérales et les hydrocarbures constituent l'autre grande richesse naturelle du Groenland - richesse non encore utilisée mais dont le réchauffement climatique facilite l'éventuelle exploitation. Surtout la compétence en la matière a été transférée du Danemark au Groenland à l'occasion de l'adoption de l'Autonomie renforcée en 2009.

On trouve dans les eaux et le sous-sol groenlandais du pétrole, du gaz, ainsi que des minéraux et métaux aussi variés que le fer, le plomb, le zinc, le nickel, l'or, le platine ou encore des diamants et des rubis. C'est également au Groenland, dans le sud de l'île, qu'a été découvert ce qui semble être un gisement particulièrement important de terres rares ; l'île en recèlerait même 12 à 25 % des réserves mondiales !

L'uranium est également présent . Sa possible exploitation a même été l'objet de l'une des plus vives controverses des dernières années, lorsque le Gouvernement d'Aleqa Hammond a décidé à l'automne 2013, avec une seule voix de majorité au sein de son Parlement, d'en finir avec la « tolérance zéro » vis-à-vis de ce minerai (laquelle était en place depuis 1988). Une décision qui continue à faire débat aujourd'hui.

Il faut dire que le potentiel d'exploitation des minéraux et des hydrocarbures se trouve depuis plusieurs années au centre de la stratégie de diversification de l'économie des gouvernements successifs, tout particulièrement de l'équipe sortante conduite par Aleqa Hammond. Ainsi le nombre de licences accordées en vue d'opérations de prospection est passé de 19 en 2001 à 75 en 2011 (le rythme a toutefois diminué depuis, comme on le verra plus loin).

De même, une stratégie pour le pétrole et les minéraux pour les années 2014-2018 a été rendue publique en mai dernier . Le document précise des objectifs à court et moyen terme quant à la délivrance de nouvelles licences d'exploration pour les hydrocarbures (tant onshore , par exemple dans la baie de Disco, qu' offshore , par exemple dans la Baie de Baffin et le Détroit de Davis) et pour les minéraux (exploration pour le zinc au nord du 81 e parallèle, uranium, terres rares, fer et cuivre notamment). Il indique les modèles de taxation et de participation envisagés par le Gouvernement, et met en avant les efforts à réaliser en termes de protection de l'environnement et de formation.

D'ici 2018, le gouvernement d'Aleqa Hammond espérait l'ouverture de trois à cinq mines et le lancement de plusieurs forages pétroliers et gaziers ; s'appuyant sur les calculs du cabinet d'audit PwC, il estimait que le secteur minier pourrait engendrer 1 500 créations d'emplois et des revenus de plus de 30 milliards de couronnes danoises (un peu plus de 4 milliards d'euros) sur quinze ans, tandis que l'ouverture de grands champs pétrolifères devaient permettre d'accumuler plus de 435 milliards de couronnes (plus de 58 milliards d'euros) en quarante ans.

Les énergies renouvelables et le tourisme, facteurs de développement encore en devenir ?

Si les soixante personnes oeuvrant au ministère de l'industrie et des ressources minérales travaillent essentiellement sur les questions minières, deux autres secteurs d'activité dépendant du même ministère pourraient à l'avenir connaître un développement soutenu : les énergies renouvelables et le tourisme.

De par sa situation géographique, le Groenland dispose en effet d'un important potentiel hydroélectrique , aujourd'hui relativement peu exploité même si la tendance est à une nette augmentation. L'hydroélectricité représente l'essentiel de la production électrique locale mais n'apparaît qu'en deuxième position en matière de consommation énergétique, loin derrière le gaz et le pétrole.

S'agissant du tourisme , l'ancien ministre de l'industrie et des ressources minérales, Jens-Erik Kirkegaard estime qu'environ 35 000 voyageurs se rendent chaque année au Groenland par la voie aérienne, tandis que 20 000 personnes emprunteraient la voie maritime (étant entendu qu'il n'existe pas à ce jour de liaison maritime régulière pour passagers en provenance de l'étranger : il s'agit de bateaux de tourisme). Selon Statistics Greenland , sur 214 012 nuitées enregistrées en 2013 (chiffre en hausse par rapport à 2011 mais nettement inférieur aux années 2007-2009), 115 724 concernaient des déplacements effectués à l'intérieur du Groenland par les Groenlandais eux-mêmes, et 55 072 par des Danois. Viennent ensuite les visiteurs en provenance des États-Unis (plus de 10 000 nuitées), l'Allemagne (plus de 5 600) et des autres pays nordiques (la Norvège, la Suède et l'Islande représentent à elles trois 6 000 nuitées). Cette même année, 1 763 nuitées ont été le fait de touristes originaires de France.

Il convient de noter que le tourisme souffre encore de prix élevés pour se rendre au Groenland et avoir un séjour sur place - sans oublier l'enclavement du pays et de certaines de ses localités, particulièrement durant les longs mois d'hiver. Le potentiel du secteur n'en paraît pas moins tout à fait intéressant, ne serait-ce qu'en raison du caractère bien souvent unique - ou quasi unique au monde - de ses paysages et des expériences que ceux-ci peuvent offrir. Le pays est d'ailleurs conscient de ce potentiel et tente, notamment via son agence Visit Greenland , d'attirer de nouveaux visiteurs et de développer l'activité tout au long de l'année, en dépit des conditions météorologiques et climatiques bien particulières. L'accent est notamment mis sur les « Cinq grandes activités arctiques » que sont les traîneaux à chiens, les aurores boréales, les paysages de glace et de neige, la culture inuit et sa modernité ainsi que la rencontre avec les baleines, phoques ou ours blancs.

2. Des faiblesses encore considérables

S'il ne fait donc aucun doute que le Groenland dispose de réels atouts en vue du développement et de la diversification de son économie, il n'en est pas moins vrai que le pays souffre de faiblesses parfois considérables - surtout si la perspective d'une indépendance à relativement court terme devait rester un objectif du prochain gouvernement. L'enclavement du pays, déjà évoqué, le manque d'infrastructures ou encore la faiblesse des élites en sont sans doute les exemples les plus frappants.


Kangerlussuaq, seul aéroport « international » d'importance

Le Groenland, on l'a dit, ne bénéficie d'aucune liaison maritime régulière au profit du transport de passagers en provenance ou à destination de l'étranger. Même le transport aérien, principal lien entre les villes groenlandaises, ne comporte qu'une seule ligne internationale d'importance : celle qui relie plusieurs fois par semaine Copenhague à Kangerlussuaq, le principal aéroport de l'île. Kangerlussuaq dispose à ce jour de l'une des deux seules pistes civiles du Groenland aptes à accueillir l'Airbus A 330-200 de la compagnie publique Air Greenland 6 ( * ) , avion disposant de 278 sièges ; il faut dire que Kangerlussuaq était depuis sa fondation en 1941 et jusqu'en 1992 une base militaire américaine 7 ( * ) . Il faut bien avoir à l'esprit que cet aéroport - où il n'existait pas d'installation humaine avant l'arrivée de l'US Air Force - est en réalité particulièrement isolé des zones habitées (la population de l'endroit ne compte que quelques centaines de personnes : essentiellement les employés et leurs familles).

Faute d'un réseau routier, on ne peut quitter Kangerlussuaq pour rejoindre la capitale Nuuk, Ilulissat, ou encore Sisimiut (pour ne mentionner que trois villes de l'ouest du Groenland) que par la voie des airs, principalement à bord de l'un des petits avions et des hélicoptères qui complètent la flotte d'Air Greenland (notamment neuf Dash 7 ou 8 d'une capacité de 37 à 50 sièges). Encore faut-il souligner que plusieurs liaisons aériennes intérieures le sont à titre d'équilibre du territoire, sans tenir compte de la rentabilité économique.

C'est sans doute aussi en raison de l'absence de rentabilité économique qu'il n'existe pour l'heure quasiment aucune liaison internationale outre les vols en provenance et à destination de Copenhague
- à l'exception de quelques vols, parfois saisonniers, vers et depuis l'Islande et le Nunavut au Canada. Cette dernière ligne ayant été mise en place dans le cadre d'une coopération avec le gouvernement local de ce territoire inuit, son maintien dépend en grande partie des subventions allouées.

Ajoutons que les conditions météorologiques et climatiques ne sont évidemment pas sans poser des problèmes récurrents en ce qui concerne la qualité et la régularité des vols.


Des infrastructures limitées

Au total, le territoire groenlandais - dont la superficie représente, rappelons-le, la moitié de l'Europe - ne dispose d' aucune voie ferrée , faute de terrain praticable. Il n'existe pas non plus de réseau routier qui permettrait de lier les villes et villages entre eux. Les infrastructures de transport - mais aussi industrielles ou encore touristiques - se retrouvent ainsi concentrées autour de 16 villes portuaires, de 34 villages comportant de petits ports, ainsi que de 14 aéroports, 7 héliports et 37 hélistops.

Il existe de nombreux projets en discussion ou en cours de réalisation afin d'améliorer ces équipements ou d'en augmenter la capacité : agrandissement du port de Nuuk, notamment en vue du développement de nouvelles pêcheries ou de nouvelles liaisons maritimes (cabotage, fret) ; construction d'un nouvel aéroport dans le sud du pays et agrandissement de celui d'Ilulissat (principale destination touristique) ; construction d'hôtels répondant aux standards internationaux notamment.

Des investissements lourds sont indispensables au développement et à la diversification de l'économie mais ils se heurtent à la fois aux difficultés économiques et sociales actuelles du pays (et au manque de moyens financiers qui les accompagnent), aux difficultés techniques liées aux climats arctiques et subarctiques, par ailleurs en plein bouleversement, ainsi qu'aux intérêts contraires qui peuvent animer tel ou tel secteur d'activité
- l'industrie risquant par exemple de mettre à mal les espaces propices au tourisme ou à la pêche, et la hausse générale des activités s'accompagnant d'un risque environnemental accru, sans même parler de leurs effets sur les changements climatiques au niveau global.


Des élites insuffisantes ?

Dernier élément de faiblesse, enfin, que l'on pourra souligner à ce stade : la difficulté du pays à se doter d'élites suffisamment nombreuses, diversifiées et compétentes pour prendre en charge l'ensemble des défis et des attentes, parfois contradictoires, de la société - entre défense d'une identité culturelle originale et adaptation du pays à la mondialisation.

Il y a plusieurs raisons à cela. Comme on le verra plus loin, l'offre de formation disponible dans le pays est relativement restreinte. Beaucoup de jeunes quittent le Groenland au cours de leurs études ou au début de leur vie professionnelle. Par ailleurs, l'obligation de parler groenlandais pour occuper certains postes restreignent de fait le nombre de candidats danois ou étrangers qui seraient susceptibles d'y postuler.

Parmi les conséquences de ce « déficit » en ressources humaines, on pourra notamment remarquer que les secrétaires d'État, hauts fonctionnaires travaillant au côté des ministres, sont pour certains d'une remarquable longévité. L'élite politique, pour ne citer qu'elle, est de taille particulièrement restreinte : on ne compte par exemple que quatre maires et trente-et-un parlementaires, dont deux siègent également au sein du Parlement danois (on ne s'étonnera pas qu'ils figurent souvent parmi les responsables politiques les plus influents). Si ces chiffres sont à relativiser en raison du petit nombre total de Groenlandais, ils montrent une fragilité supplémentaire qui peut également se traduire de manière plus concrète, avec la défiance que peut ressentir la population vis-à-vis de sa classe dirigeante. Au-delà, c'est l'ensemble de la société groenlandaise qui paraît à certains égards fracturée, les problèmes économiques et sociaux pouvant y prendre des dimensions considérables.

II. LES DIFFICULTÉS D'UNE SOCIÉTÉ FRAGILE CONFRONTÉE À LA MONDIALISATION

A. LE RÊVE DE L'INDÉPENDANCE SOUMIS AU DÉVELOPPEMENT DE L'EXPLOITATION DES RESSOURCES NATURELLES

L'ancienne Première Aleqa Hammond disait espérer voir l'avènement d'un Groenland pleinement souverain de son vivant. Beaucoup d'observateurs ont d'ailleurs attribué à son volontarisme en la matière le succès qui a d'abord été le sien au sein de son parti puis devant les électeurs : elle reste aujourd'hui encore, en effet, la personnalité politique qui aura recueilli le plus de voix sur son propre nom à l'occasion d'un scrutin. La perspective d'une indépendance rapide a ainsi structuré en bonne partie le débat public des dernières années et les orientations générales privilégiées en matière de politiques publiques.

Il faut dire que le parcours peut sembler particulièrement long aux Groenlandais : dès 1931 les autorités de Copenhague de l'époque pouvaient écrire dans une brochure officielle que l'on pouvait d'ores et déjà envisager « le moment où le régime de protection » alors en vigueur - autrement dit la colonisation de l'île - cesserait d'être « indispensable » .

La référence historique semble ici d'autant plus pertinente que le lien entre colonisation puis indépendance d'une part et exploitation des ressources naturelles d'autre part est peut-être plus complexe dans l'histoire et l'actualité groenlandaises qu'ailleurs. Les revendications d'autonomie et de souveraineté qui se sont développées au cours des années 1970, avant de déboucher sur l'Autonomie interne ( Home Rule ) puis l'Autonomie renforcée ( Self Rule ), n'étaient en effet pas sans rapport avec la gestion de ces ressources par Copenhague, ses autorités politiques et ses milieux d'affaires.

L'opposition de la population à l'octroi de permis de forages à proximité de l'île par les autorités danoises et au profit de grandes entreprises a ainsi joué un rôle non négligeable dans l'affirmation de l'identité et de la culture nationales au moment où celles-ci trouvaient de nouveaux canaux d'expression tels que la musique du groupe Sume - le premier groupe de rock groenlandais, chantant en groenlandais, dont la musique fait encore écho aux tensions et aspirations de l'époque. Le débat autour de l'uranium était déjà particulièrement vif, alors que l'on commençait à en prévoir l'exploitation à Kvanefjeld, là même où des projets concernant terres rares et uranium cristallisent aujourd'hui les attentions.

C'est d'ailleurs pour répondre à ces revendications que fut adoptée la politique de tolérance zéro vis-à-vis de l'uranium en 1988, par un conseil dano-groenlandais. En un quart de siècle la méfiance initiale vis-à-vis de l'exploitation de ressources naturelles, en particulier minières, a ainsi évolué en une politique souhaitant la promouvoir ; dans un cas comme dans l'autre ce sont pourtant bel et bien les aspirations à davantage d'autonomie et à l'indépendance, d'abord culturelles et politiques et ensuite plus concrètes et financières, qui président à ce choix . Une évolution rapide qui s'explique par des difficultés économiques et budgétaires conséquentes du pays et la dépendance financière objective dans laquelle il se trouve encore envers le Danemark. On notera que cette évolution s'incarne parfois très concrètement au sein même de la classe politique : l'ex-ministre en charge de l'industrie et des ressources minérales, Jens-Erik Kirkegaard, était encore peu de temps avant d'être nommé un activiste opposé à une trop grande extension de ces activités. Il est d'ailleurs un des ministres ayant démissionné durant la crise qui a provoqué les élections anticipées.

À la fois constant et évolutif, ce lien entre politique de gestion des ressources naturelles et volonté d'indépendance aura eu dans les années récentes au moins deux conséquences.

D'abord, il aura contribué à rendre complexifier davantage les rapports entre Nuuk et Copenhague . Le langage parfois vigoureux employé par Aleqa Hammond et par d'autres responsables politiques vis-à-vis de l'ancienne puissance coloniale, les références appuyées à la culture traditionnelle tendant à distinguer les « vrais » Groenlandais et la volonté de gérer seuls les ressources minérales, y compris les plus sensibles d'entre elles et dont le rôle géopolitique n'est plus à démontrer, a pu heurter au Danemark - mais aussi au Groenland même. Le Danemark a d'ailleurs initialement cherché à limiter le champ d'action du Gouvernement groenlandais, avant d'y renoncer.

Ensuite, parce que l'établissement d'une industrie extractive florissante s'est imposé dans les esprits comme un outil indispensable dans la perspective de l'indépendance du pays, les moindres difficultés de cette industrie sont immédiatement - et logiquement - perçues comme particulièrement dommageables pour les ambitions d'affirmation nationale. Or, le fait est que les progrès opérés par cette industrie ne sont pas aussi grands ni rapides qu'une partie de la classe politique et de la population avait pu l'espérer. Malgré l'explosion constatée dans l'octroi de licences et de permis depuis 2001, l'exploitation des ressources naturelles minérales à proprement parler reste aujourd'hui encore très peu développée : il s'agit en effet d'abord et avant tout de permis d'exploration. Ensuite, ce qui s'annonçait comme une expansion accélérée se retrouve confrontée à la réalité du marché mondial des matières premières - dont les prix sont globalement orientés à la baisse.

Compte tenu des coûts à supporter pour l'industrie extractive dans un pays techniquement difficile du fait de son climat et logistiquement compliqué en raison du déficit à combler en matière d'infrastructures, le Groenland s'avère pour beaucoup et à l'heure actuelle un eldorado plus prometteur que profitable !

D'où un certain nombre de désillusions, par exemple avec les projets portés par une entreprise telle que Cairn Energy (qui a déjà dépensé plus d'un milliard de dollars en forages d'exploration pétrolière sans être encore en mesure de transformer ces recherches en débouchés commerciaux) ou London Mining (junior installée à Londres qui devait développer une importante mine de fer au nord de Nuuk, mais qui se trouve désormais en pleine tourmente suite notamment à la chute du cours du fer ou encore à l'épidémie Ebola). Sans oublier les inquiétudes de certains grands groupes comme Total. L'ancien PDG Christophe de Margerie avait ainsi publiquement reconnu que : « Du pétrole sur le Groenland, ce serait un désastre. Une fuite causerait trop de dommages à l'image de la compagnie » .

Au surplus, les espoirs miniers et pétroliers se heurtent à d'autres difficultés. D'une part, la conscience des dangers du réchauffement climatique global reste très présente, notamment au sein des responsables de l'Inuit Circumpolar Council (ICC) qui dispose d'une branche dans le pays. Les Groenlandais sont très bien placés pour observer de visu les changements environnementaux liés à ce phénomène, comme on a pu l'indiquer plus haut. Même en étant confiants dans leur capacité de résilience, parfois prompts à rappeler les transformations climatiques qui ont déjà pu toucher leur île, ils n'ignorent évidemment pas qu'un développement massif de telles industries aurait un impact direct en termes de pollution et d'aggravation des dérèglements climatiques ; sans compter les éventuels conflits avec d'autres activités économiques déjà évoquées comme le tourisme, la pêche ou même l'agriculture.

Enfin, la publication en janvier dernier d'une étude réalisée par des universitaires danois et groenlandais est venue attiser un peu plus encore les débats sur la question. Selon ses résultats, en effet, l'industrie minière même menée avec la plus grande intensité ne suffirait pas à garantir l'autonomie économique de l'île.

Au final, même si la volonté d'attirer des investisseurs étrangers et de développer l'exploitation des ressources minérales demeure, une certaine prudence semble désormais de mise et avec elle, la mise à distance des questions concernant les relations avec le Danemark, l'avancée vers l'indépendance ne paraissant plus constituer l'alpha et l'oméga du débat public , en tout cas ne pouvant plus se faire aussi rapidement qu'un temps espéré. Les titres des dépêches d'agence parues à l'occasion des élections sont de ce point de vue éclairants. Pour Bloomberg, « l'effondrement du prix du pétrole anéantit les espoirs d'indépendance du Groenland en pleines élections ». Pour l'AFP, c'est « l'économie, plutôt que l'indépendance » qui se retrouve principal enjeu des législatives. Ce point avait déjà été relevé par les sondages pré-électoraux, notamment dans une étude pour la chaine publique danoise KNR, selon laquelle la question ne figurait même pas dans les dix priorités des électeurs. Les principaux responsables publics groenlandais semblent s'être mis à ce diapason, les uns remettant en perspective les possibles retombées de l'industrie minière en les minimisant, les autres comme Torben M. Andersen (économiste à l'université d'Aarhus, à la tête du Conseil économique du Groenland) soulignant qu'il serait dangereux de trop se focaliser sur les industries extractives.

Si l'on devait rapprocher la trajectoire dans laquelle le Groenland cherche à s'inscrire du modèle norvégien de développement économique
- un parallèle logique, tant pour la spécificité nordique des deux pays que pour la richesse de leurs ressources minérales et hydrocarbures - les différences ne seraient toutefois pas nécessairement là où on pourrait le penser de prime abord. En effet, les difficultés rencontrées aujourd'hui par le Groenland ne sont finalement pas sans rappeler les premiers tâtonnements de la Norvège en la matière. Les premières opérations de prospection puis d'exploration mirent plusieurs années avant de localiser les gisements pétrolifères et gaziers du pays, et ce n'est que dans la seconde partie des années 1990 que le fameux fonds souverain norvégien commença à bénéficier de revenus liés à cette industrie, tant les investissements nécessaires à sa mise en place avaient été importants. Là où, en revanche, la Norvège se distingue certainement du Groenland et de beaucoup d'autres pays dont une grande part de l'économie repose sur ce type d'activité, c'est sur la solidité de son cadre institutionnel, de son appareil d'État, de ses filières de formation, et la capacité du pays à dégager de grands consensus survivant aux majorités politiques. Autant d'éléments qui préexistaient à l'aventure pétrolière norvégienne, lui permettant de se construire sur des bases clairement établies, et qui manquent encore - au moins pour certains - au Groenland.

B. LA SOCIÉTÉ GROENLANDAISE MALMENÉE PAR LA MONDIALISATION

Aux problèmes d'attractivité et de compétitivité du territoire s'ajoutent des difficultés d'autres types. L'ouverture rapide à la mondialisation d'une société aussi spécifique que la société groenlandaise - spécifique sur le plan de sa taille, sur le plan culturel, sur le plan de son isolement relatif par rapport au reste du monde et au sein même du territoire de l'île, puisque le seul fait de passer d'une ville à une autre s'apparente à un petit voyage - ne se fait en effet pas sans heurt. Les projets industriels de très grande envergure un temps envisagés, pour lesquels on prévoyait notamment l'arrivée massive de travailleurs immigrés, ont pu inquiéter des habitants qui avaient déjà vu leur mode de vie rapidement changer, et leurs traditions tout à la fois remises en cause et symboliquement réaffirmées à des fins de construction nationale. Sans compter que la confrontation avec des puissances étrangères et avec de grandes entreprises mondialisées aux intérêts bien définis n'est évidemment pas plus aisée pour le Groenland que pour un pays comme la France et pour ses 65 millions d'habitants...

À cette aune, les mouvements politiques ou citoyens qui ont pu secouer récemment le Groenland ne sont guère étonnants. Non qu'ils puissent être caractérisés par une instabilité chronique, bien au contraire : on a vu déjà que le parti Siumut est à ce jour resté à la tête du pays quasiment sans discontinuité depuis l'adoption de l'Autonomie interne ( Home Rule ) en 1979. Mais l'importance inédite des manifestations organisées à Nuuk, à l'occasion des débats sur l'uranium puis beaucoup plus récemment au moment où éclatait le scandale politico-financier qui allait mener à la chute du gouvernement Hammond, n'en illustre pas moins les revendications et inquiétudes montantes de l'électorat. Des revendications et inquiétudes qui ne sont logiquement plus adressées au Danemark mais bel et bien à la classe dirigeante groenlandaise elle-même, et dont rien ne dit qu'elles n'auront pas d'effet en termes de cohérence ou de sécurité juridiques - surtout lorsque les majorités ne sont constituées, presque nécessairement vu le nombre limité de parlementaires, que sous la forme de coalitions ne disposant que d'une à deux voix d'avance.

Surtout, ce sont bien les difficultés d'ordre social qui se font aujourd'hui le plus cruellement sentir . Elles rendent difficiles autant l'établissement d'une conversation nationale apaisée que la poursuite de réformes et la mise en place de nouvelles politiques économiques, quelles qu'elles soient. D'après les chiffres avancés lors du discours des voeux de la Première sortante pour l'année 2014, le Groenland compte environ 700 personnes dont la situation personnelle ne leur permet d'intégrer aucun dispositif d'accompagnement vers l'emploi ou de création d'emploi. 3 000 personnes « bénéficient » d'un mécanisme de retraite anticipée. Plus de 3 000 personnes seraient au chômage - soit 10 % environ de la population active.

Lors de son déplacement, votre rapporteur a pu constater que le ressenti de plusieurs de ses interlocuteurs sur cette question précise du chômage était plus sévère encore que les chiffres des autorités : le taux de 15 % a pu être évoqué, et jusqu'à plus de 20 % pour la seule capitale. Il faut dire que même pour les hommes et les femmes intégrés à l'emploi, la situation est souvent loin d'être facile. La « flexibilité » et la saisonnalité sont les deux maîtres mots. Tel chauffeur de taxi sera en réalité un pêcheur ayant temporairement délaissé la mer faute d'avoir trouvé suffisamment de prises pour vivre, ou de bateau sur lequel embarquer. Tel autre marin, transportant des visiteurs au plus près des icebergs, sera également menuisier ou maçon une fois revenu à terre. La mission a même pu s'entretenir avec une ressortissante d'origine française, installée à Nuuk depuis de nombreuses années, qui y commença sa vie professionnelle dans une usine de conditionnement de produits de la mer avant de travailler, notamment, dans les services télécom du pays.

On constate par ailleurs que la place de l'élite « danoise » (comprendre les Groenlandais de langue maternelle danoise ou les habitants originaires du Danemark « continental » mais installés au Groenland) n'est pas sans susciter, aujourd'hui encore, l'amertume chez une partie de la population inuit, puisqu'elle demeure détentrice - ou tout au moins gestionnaire - d'une large part des activités économiques d'importance.

À ces problèmes assez classiques d'inégale répartition des richesses s'en ajoutent d'autres, parfois plus spécifiques peut-être au Groenland lui-même. C'est notamment le cas de la très forte taxation qui frappe certains produits d'importation. Le pays compte environ 4 000 voitures : le chiffre paraît évidemment très faible, mais il faut bien mesurer que le Groenland ne dispose d'aucun réseau routier. L'automobile n'est utilisée que dans les villes et leurs abords immédiats. Le nombre de véhicules est donc plus important qu'il n'y paraît vu les circonstances. Or, les taxes frappant les voitures peuvent monter jusqu'à 180 % de leur prix unitaire ! De là découle en partie une dérive dont pâtissent de nombreux ménages groenlandais, à savoir la multiplication des crédits bancaires. Ceux-ci sont très faciles à obtenir puisqu'ils peuvent être proposés, par défaut, à l'ouverture d'un compte. La suite logique en étant que beaucoup se retrouvent victimes de surendettement.

On ne s'étonnera donc pas que les rapports sociaux au Groenland - que l'on pense aux liens entre catégories de populations ou entre individus - puissent être parfois compliqués, voire s'avérer violents. Le mal-être qui touche certains habitants ne s'exprime d'ailleurs pas nécessairement, loin de là, sous la forme de violences commises contre autrui mais d'abord sous la forme de violences commises contre soi-même.

On dénombre officiellement 515 personnes qui se sont donné la mort au Groenland entre 2000 et 2010, soit environ 47 par an. Ramené au nombre d'habitants, cela représente un chiffre plus de cinq fois supérieur au taux moyen annuel constaté en France ; et l'un des chiffres les plus élevés au monde en la matière . Les hommes sont, de loin, les plus concernés. Ils se suicident environ trois fois plus que les femmes. Les jeunes hommes seraient encore plus durement touchés par le fléau, dont les conséquences excèdent très largement le cadre familial ou individuel : il s'agit rien de moins que d'une épidémie, considérée comme telle par les pouvoirs publics. Le mot lui-même apparaissait d'ailleurs à trois reprises dans l'accord de coalition du gouvernement sortant, au chapitre de la prévention mais aussi à celui de la recherche : « la recherche relative à notre mode de vie, à notre nourriture, à notre santé, et en particulier aux suicides est importante et doit être renforcée ». Klaus Jorgen Hansen, ancien directeur de l'université de Nuuk et anthropologue, déplore même que « pas une famille au Groenland n'est épargnée » de loin ou de près par les suicides, les tentatives de suicides ou autres morts violentes. Les accidents mortels sont eux-mêmes plus d'une fois et demie plus nombreux qu'en France.

Ce terrible phénomène ne suffit pas cependant à expliquer la tendance baissière de la population du Groenland ( Statistics Groenland estime qu'elle devrait descendre jusqu'à 55 538 individus en 2024, 54 269 en 2034 et jusqu'à 53 354 en 2040). Le solde migratoire négatif en est le principal facteur, principalement - quoique non exclusivement - chez les jeunes adultes, et plus particulièrement encore chez les jeunes femmes. Il faut dire que ces dernières sont aujourd'hui bien plus nombreuses que les jeunes hommes à entreprendre des études longues, lesquelles les amènent bien souvent à quitter le Groenland pour poursuivre leur formation au Danemark ou ailleurs dans le monde, principalement dans les autres pays nordiques.

L'offre de formations de l'Université du Groenland peut d'ailleurs sembler paradoxale. Alors que les besoins du pays dans les matières scientifiques et en ingénierie paraissent évidents, a fortiori s'il souhaite poursuivre la diversification de son économie, l'Université du Groenland ne propose elle-même quasiment aucune formation dans ces domaines et se concentre sur les sciences humaines et sociales (on saluera toutefois la création de l'école groenlandaise des minéraux et du pétrole à Sisimiut en 2011). Même s'il est évidemment hors de question de remettre en cause l'importance et la valeur de ces disciplines, il paraît tout aussi évident que celles-ci ne permettront pas à elles seules de former des générations à l'éducation suffisamment poussée et diversifiée pour prendre en charge l'ensemble des défis auxquels l'île doit faire face. D'autant que les étudiants qui achèvent leurs études à l'étranger sont très loin de tous rentrer au Groenland après avoir obtenu leurs diplômes : le pays subit ainsi une véritable fuite des cerveaux, évoquée jusque dans le troisième numéro 2014 du magazine d'Air Greenland, Suluk , dans un article promouvant les efforts de la compagnie pour inciter les jeunes groenlandais à revenir au pays en leur proposant stages et emplois.

CONCLUSION SUR LA DEUXIÈME PARTIE

Le dérèglement climatique mondial transforme profondément et peut-être durablement l'environnement du Groenland. Les richesses de son sous-sol sont grandes et sont désormais exploitables. Mais les conditions d'exploitation en milieu polaire demandent des avancées technologiques, d'importants investissements et des choix politiques majeurs comme pour ce qui concerne l'extraction de l'uranium.

Face à ces défis, le Groenland souffre d'un manque de capacités. Il ne peut exploiter seul ses richesses et doit faire venir des investisseurs étrangers. Son enclavement et son manque d'infrastructures (ports, routes, etc...) demeurent un frein à son développement. Enfin, sa population déjà peu nombreuse décroît tandis que ses élites sont encore insuffisantes pour affronter la situation.

Or, les richesses du Groenland attirent l'attention des grandes puissances consommatrices de matières premières. Elles font également l'objet d'études de compagnies minières dont les méthodes ont mis à mal de nombreux territoires dans le monde et notamment en Afrique. Face à ces grands acteurs de l'économie mondiale, le Groenland semble insuffisamment armé.

Avec seulement 56 000 habitants, le Groenland est le plus petit acteur de la zone arctique. Il ne faudrait pas qu'il tombe dans un état de dépendance économique qui le placerait sous le joug de certains grands pays ou de grandes entreprises internationales.

L'euphorie autour de l'extraction des hydrocarbures semble aujourd'hui retomber. La chute des prix de l'énergie ne rend plus rentable aujourd'hui l'extraction en milieu polaire. Le Groenland ne pourra donc pas compter sur un scénario rêvé d'une manne financière issue des revenus du pétrole et du gaz et d'un développement rapide.

Toute cette spéculation aura au moins eu le mérite de sensibiliser la population des méfaits d'un développement anarchique sur l'environnement. Et cette sensibilité à préserver l'environnement unique du Groenland, qui fait partie intégrante de la culture inuit doit être entretenue, car si le Groenland veut être attractif, il doit d'abord l'être pour sa jeunesse, qui peine parfois à imaginer son avenir sur la grande île.

Mais le Groenland a besoin d'importants investissements pour engager la diversification de son économie et le développement durable. Il convient d'améliorer encore les politiques et dispositifs de formation et de renforcer son administration d'État. L'Europe pourrait être celle qui accompagnera le Groenland sur cette voie.

TROISIÈME PARTIE :
POUR UNE EUROPE EN APPUI AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU GROENLAND

I. CONSIDÉRER LE GROENLAND DANS LE NOUVEL ARCTIQUE

Le réchauffement climatique dans l'Arctique entraîne plusieurs conséquences qui ramènent cette région dans la géopolitique mondiale. Exclu depuis la fin de la Guerre froide des relations est-ouest, l'Arctique fait désormais l'objet d'une attention renouvelée des grands acteurs mondiaux : européens, américains et russes, mais aussi asiatiques.

Pour le Groenland, ce n'est pas nouveau. Sa position stratégique entre l'Europe et l'Amérique a été employée durant la Deuxième guerre mondiale pour permettre le ravitaillement des troupes russes par les États-Unis. Après l'annexion du Danemark par l'Allemagne en 1941, l'ambassadeur danois à Washington avait négocié que les États-Unis assurent la protection du Groenland. Cet accord fut profitable aux deux parties, puisque les États-Unis ont pu installer une base à Thulé dans le nord-ouest du Groenland qui existe encore aujourd'hui.

L'intérêt des États-Unis pour ce territoire à la position stratégique les a même amenés à proposer plusieurs fois au Danemark d'acheter le Groenland. Si le Danemark a toujours refusé, il a facilité l'installation de plusieurs bases militaires américaines durant la Guerre froide, permettant ainsi aux États-Unis d'assurer leur défense en cas d'attaque soviétique et notamment en cas d'attaque nucléaire. Et la présence de militaires américains au Groenland depuis la Deuxième guerre mondiale non seulement a tissé des liens durables entre la population groenlandaise et les États-Unis, mais a aussi permis un soutien économique au Groenland de par la seule présence de la base militaire américaine sur son sol.

L'intérêt récent des pays asiatiques pour le Groenland est lui d'ordre économique : Chine et Inde sont de gros consommateurs d'énergie et cherchent à diversifier leurs sources d'approvisionnement. En outre, la Chine, qui détient un quasi-monopole sur l'exploitation des terres rares suit avec attention le développement de leur prospection au Groenland qui reste liée à celle de l'uranium. Signe de l'intérêt asiatique pour le Groenland, l'année 2012 a vu la venue du président sud-coréen Lee-Myung Bak, mais également la réception d'une délégation groenlandaise en Corée du Sud ainsi qu'en Chine. Et les Groenlandais envisageaient encore récemment d'ouvrir une représentation à Pékin.

Aujourd'hui, il existe une inconnue dans la région : la Russie . Sa gestion de la crise ukrainienne l'a mise au ban des nations, tandis qu'en même temps, Vladimir Poutine réaffirmait le caractère stratégique de l'Arctique pour son pays. Immenses réserves de gaz, gisements de pétrole, possibilité d'une route maritime le long de la côte nord nécessitent des investissements massifs ainsi qu'une technologie certaine qui font défaut aujourd'hui. À cela, s'ajoute la volonté du président russe de restaurer une présence militaire dans l'Arctique, qui elle aussi nécessite des crédits budgétaires. Or, les sanctions européennes qui frappent la Russie visent en partie les investissements dans les technologies qui permettraient de faciliter l'exploitation d'hydrocarbures en milieu polaire.

Cependant, il convient de souligner que l'Arctique et le Groenland n'ont jamais été le lieu de combats et ce, même au plus fort de la Guerre froide. Jusqu'à récemment, la région est même restée un lieu de dialogue (au sein du Conseil arctique, notamment) et de coopération entre les puissances militaires, même non alliées.

Néanmoins, aujourd'hui, les formes de domination sont moins souvent militaires qu'économiques. Avec sa faible population, le manque de main d'oeuvre qualifiée et une élite des plus restreintes pour administrer un territoire immense, le Groenland apparaît comme le maillon le plus faible d'une chaîne arctique composée aussi des États-Unis, de la Russie, du Canada et de la Norvège.

Comme le rappelle le politologue Damien Degeorges, « l'élite politique du Groenland n'est constituée que de 44 personnes (9 ministres, 31 parlementaires et 4 maires) : ainsi, un lobbying auprès d'environ 25 personnes suffit pour avoir accès aux ressources stratégiques du Groenland » 8 ( * ) . Le vote à l'automne 2013 qui a mis fin à la tolérance zéro appliquée aux minerais radioactifs, considéré comme un des votes les plus importants dans l'histoire du Groenland est passé d'une seule voix au Parlement (16 parlementaires votant pour, tandis que 15 étaient contre).

Toutefois, la baisse brutale des prix du brut de pétrole pourrait dans l'immédiat mettre un terme aux explorations et aux projets d'exploitation d'hydrocarbures au Groenland . Les investissements pourraient se révéler trop importants à assumer par rapport à des gisements ailleurs dans le monde. Si l'attention dont a fait preuve le Groenland ces dernières années pourrait par conséquent diminuer, elle ne doit pas faire oublier que le Groenland et l'Arctique représentent un intérêt stratégique pour l'Union européenne.

Cela est également vrai en ce qui concerne les revendications territoriales sur les eaux encore libres de l'océan Arctique et sur le Pôle nord . La Russie et le Canada ont chacun déposé une demande d'extension de leur zone économique exclusive auprès de la Commission de délimitation des limites du plateau continental, organe souverain indépendant composé d'experts. Le Danemark doit en faire autant avant la fin de 2014. L'emplacement stratégique du Groenland peut s'avérer déterminant pour le Danemark et pour l'Union européenne dans ce qui s'apparente à une course au Pôle nord !

Thulé, un bouclier américain sur le sol Groenlandais

Les Inuits de Thulé seraient arrivés au Groenland au XIII e siècle, après avoir quitté le Nunavut canadien. Ils constituent une des trois cultures inuit présentes sur l'île. Pourtant, l'installation d'une base militaire américaine entraîna leur déplacement vers une nouvelle localité, Qaanaaq, plus de 100 km au nord de Thulé.

En 1941 le Danemark signa une alliance avec les États-Unis visant à protéger le Groenland des nazis et à favoriser la traversée de l'Atlantique par les navires et avions américains. Durant la Guerre froide, et l'entrée du Danemark et du Groenland dans l'OTAN en 1951, l'emplacement de la base se révéla encore plus stratégique pour les États-Unis dans leur lutte avec l'URSS. En mai 1953, des travaux d'agrandissement furent décidés et les 187 habitants (pour la plupart des chasseurs et des pêcheurs) furent déplacés, sans que le Danemark ne leur demande leur avis. Ce n'est qu'en 1999, qu'ils bénéficièrent d'un dédommagement pour cet exil forcé.

Située à seulement 1 524 km du Pôle nord, sur la côte ouest au nord du Groenland, Thulé est la base la plus septentrionale de l'US Air Force. Son emplacement unique a permis à son rôle d'évoluer face à l'évolution de la menace soviétique. Un mât de 378 m, la Globecom Tower , y fut construit en 1954 pour la transmission de télex sur grandes ondes. Dès les années 1950, elle devint un élément essentiel de la surveillance radar d'éventuels missiles balistiques lancés d'Eurasie. Elle servit également de point de départ pour des avions américains partant espionner les défenses soviétiques. Durant cette période, des milliers de militaires américains furent en poste à Thulé.

La course aux armements et les progrès scientifiques allaient amener au tournant des années 1960 sur le sol groenlandais et avec l'accord des autorités danoises, non seulement des bombardiers stratégiques, mais également des armes nucléaires. Près de 10 000 militaires américains sont alors à Thulé. L'activité y décroît à partir de 1965, suite à un changement de stratégie de la défense militaire américaine. Aujourd'hui, la base reste un lieu essentiel de la surveillance des satellites et elle accueille près de 2 600 vols par an.

Que s'est-il passé le 21 janvier 1968 ?

Le 21 janvier 1968, un B-52 de l'US Air Force transportant quatre bombes à hydrogène s'écrase sur la banquise dans la baie en face de Thulé. L'explosion des armes conventionnelles entraîne la dispersion des charges nucléaires et la contamination radioactive de la région. Les États-Unis et le Danemark lancent une importante opération de nettoyage et de récupération, et les neiges contaminées sont envoyées aux États-Unis.

II. ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT DURABLE DU GROENLAND

Qu'il devienne indépendant ou non et quelles que soient les difficultés qu'il puisse rencontrer, le développement économique du Groenland est désormais rendu possible par la fonte des glaces qui permet d'exploiter certains potentiels de l'île. Et cette possibilité ouvre pour tout un peuple une perspective de vivre de ses revenus et de ne plus dépendre des subsides fournis par d'autres .

La fonte de l'inlandsis groenlandais et la montée des eaux qu'elle entraînerait représente un risque pour la planète toute entière. Et si le réchauffement climatique n'est pas le fait des Groenlandais, il ne doit pas le devenir. Les pollutions qui affectent l'Arctique proviennent notamment du continent nord-américain, de Russie et d'Europe. Et c'est d'abord en s'attaquant à ces sources de pollution que l'on préservera le fragile écosystème arctique !

La réticence du Groenland - similaire à celle de nombreux pays en développement - de se voir imposer des normes protectrices de l'environnement vues comme un frein au développement peut être surmontée. Dans leur grande majorité, les Inuit du Groenland sont conscients de profiter d'un cadre de vie unique, mais fragile. Le débat sur l'extraction de l'uranium l'a montré : ils ne sont pas prêts à dépasser certaines limites pour se développer.

En outre, le mirage de mines et de champs de gaz et de pétrole qui en feraient une sorte de « Qatar du Pôle nord » en quelques années paraît s'éloigner, après des années de frénésie. Les Groenlandais semblent prendre conscience qu'il faudra peut-être une, voire deux générations pour avoir les moyens d'un État indépendant .

C'est pourquoi, seule la voie d'un développement durable du Groenland semble aujourd'hui s'imposer. Elle passe par le traitement des faiblesses du pays afin de l'aider à bâtir une nation plus forte et une société capable de mieux appréhender la mondialisation. C'est l'éducation et la formation des jeunes Groenlandais qu'il faut en premier lieu soutenir.

Concernant les richesses du sol, du sous-sol et des fonds marins, il faut se montrer pragmatique et compréhensif. Il est légitime qu'un peuple ait envie de plus de prospérité et d'autonomie et d'exploiter ses richesses comme tous les pays développés l'ont fait. Toutefois, on ne peut plus exploiter la planète aujourd'hui comme on le faisait avant. Et le message que l'Europe peut et doit porter est celui d'un développement le plus respectueux possible de l'environnement et du climat.

L'extraction minière en Afrique doit servir de contre-exemple de ce qu'il faut faire ! Car l'Arctique est désormais inscrit sur l'atlas géopolitique mondial. Les besoins énergétiques des grandes puissances les amènent à regarder avec attention le potentiel énorme de cette région.

La fragilité du Groenland pourrait en faire une cible, tant il est moins armé que ses voisins à résister. C'est la raison pour laquelle, il doit être accompagné dans son développement et les Européens peuvent jouer un rôle important ici.

III. RENOUVELER LES RELATIONS HISTORIQUES DES EUROPÉENS AVEC LE GROENLAND POUR CONSTRUIRE L'AVENIR

A. LES RELATIONS AVEC LES PAYS EUROPÉENS

Bien qu'il soit géographiquement et géologiquement rattaché au continent américain, le Groenland entretient des relations avec plusieurs pays européens, en dehors du Danemark, son premier partenaire comme il fut exposé précédemment.

C'est naturellement que le Groenland entretient de bonnes relations avec ses voisins du nord : les îles Féroé, elles aussi territoire autonome du Danemark, mais aussi principalement l'Islande et dans une moindre mesure la Norvège. Les relations entre le Groenland et l'Islande connaissent d'ailleurs de nombreux développements récents : formation ; santé ; négociation d'un accord de libre-échange ; ouverture d'un consulat général islandais à Nuuk en novembre 2013 ; création d'une chambre de commerce islando-groenlandaise...

Par ailleurs, le Royaume-Uni entretient de bonnes relations avec le Groenland, tant par l'histoire de ses grands explorateurs que par les habitants du nord du Royaume, naturellement tournés vers le nord. L'issue du référendum écossais était d'ailleurs particulièrement suivie au Groenland et il n'est pas impossible que le résultat ait joué une influence dans le vote des électeurs groenlandais le 28 novembre dernier.

Dans cette mosaïque, la France occupe une place particulière et peut-être pas assez exploitée.

B. L'ATOUT D'UNE PRÉSENCE FRANÇAISE ANCRÉE AU GROENLAND

Jean-Baptiste Charcot, Paul-Émile Victor, Jean Malaurie sont, entre autres, des figures marquantes de la recherche polaire française. Ils incarnent le début d'une véritable tradition de la recherche de notre pays dans les milieux polaires. Aujourd'hui, les expéditions de Jean-Louis Etienne ou du navire Tara connaissent encore un certain écho dans l'opinion publique française. Enfin, sans être exhaustif, on peut encore mentionner le grand climatologue et glaciologue, Jean Jouzel dont les travaux et la présence au sein du GIEC participent au rayonnement scientifique de la France dans le monde.

Or, la plupart des expéditions polaires françaises sont passées par le Groenland. Elles rappellent que notre pays entretient des relations anciennes avec ce territoire et son peuple . Lars-Emil Johansen, le président du Parlement, souligne que l'Institut polaire d'Uummannaq fut fondé par Jean Malaurie, qu'il a rencontré. Le camp de base des Expéditions polaires françaises, « la cabane de Paul-Émile Victor », existe toujours et témoigne de la grande implication française au Groenland dès la fin des années trente.

Du côté du passif, on rappellera comme évoqué plus haut que la campagne menée par Brigitte Bardot dans les années 1980 contre l'abattage des bébés phoques a profondément dégradé l'image de la France au Groenland. Aujourd'hui encore, cela est rappelé aux interlocuteurs français par les Groenlandais. C'est fort dommageable et mérite d'être réparé.

Cela ne doit pas faire oublier que la France est le seul pays tiers
- avec l'Islande depuis 2013, seulement - ayant un représentant permanent sur le sol groenlandais . Il est le relais au Groenland de l'ambassade de France au Danemark. Cette spécificité mérite d'être signalée et entretenue.

Il s'agit d'un volontaire international envoyé pour un à deux ans. Chargé de cours à l'Université du Groenland, il assure une mission pluridisciplinaire : animation culturelle, actions de coopération universitaire et scientifique, contacts protocolaires, veille économique et politique.

Élément de l'influence française au Groenland, il est un atout pour entretenir des relations avec le territoire. Dans le cadre d'une politique de coopération approfondie avec le Groenland, il est tout à fait judicieux qu'une nouvelle volontaire internationale soit arrivée au mois d'août sur le sol groenlandais. Sa présence permet à la France de parfaire sa connaissance de la situation interne au Groenland

Surtout, ces relations anciennes pourraient s'avérer utiles pour aider le Groenland dans sa volonté de diversifier son économie. La France a des atouts à faire valoir dans la construction de grandes infrastructures, dans la recherche agronomique et dans l'agriculture. Première destination touristique au monde et active dans le secteur du tourisme, elle pourrait participer au développement de cette activité au Groenland. Il s'agit là uniquement de pistes qui mériteraient d'être suivies. Le rôle de l'ambassade de France au Danemark pourrait s'avérer déterminant pour offrir des débouchés nouveaux à nos entreprises.

Enfin, un aspect de notre pays intéresse particulièrement les Groenlandais et mérite d'être mentionné, c'est la relation qu'entretient la France avec ses territoires d'outre-mer. La construction de la nation groenlandaise s'inscrit dans un processus de décolonisation et est comparable à ce qu'ont entrepris certains de nos territoires. À titre d'exemple, les autorités groenlandaises sont très au fait de la situation de la Nouvelle-Calédonie, car ils en côtoient les représentants auprès de l'ONU et de l'Union européenne.

Et c'est bien par cette dernière que devrait à terme s'incarner la présence des Européens au Groenland.

IV. POUR UNE MEILLEURE PRÉSENCE DE L'UNION EUROPÉENNE AU GROENLAND DANS LE CADRE D'UNE VÉRITABLE POLITIQUE POUR L'ARCTIQUE

Le maintien par l'Union européenne d'un soutien financier au Groenland depuis 1985, alors que celui-ci voulait échapper à ce qu'il voyait comme une nouvelle tutelle a été une approche nécessaire. L'enjeu mondial du réchauffement climatique, les transformations de l'Arctique et la nouvelle autonomie du Groenland impliquent une évolution de la position européenne vis-à-vis de ce dernier.

En ce sens, le nouvel accord de partenariat présente une nouvelle orientation encourageante pour l'avenir des relations de l'Union avec le Groenland. Mais seule une approche plus globale de la région arctique par l'Union européenne permettra de montrer que l'Union pourrait s'avérer la meilleure opportunité pour le Groenland.

A. LE NOUVEL ACCORD DE PARTENARIAT : UNE ORIENTATION INTÉRESSANTE ET UN CIBLAGE DES AIDES PERTINENT

Juste avant que son mandat ne se termine, l'ancien commissaire européen au développement, Andris Piebalgs, a annoncé la signature du document de programmation pour le développement durable du Groenland, en application duquel l'Union européenne apportera une aide de 217,8 millions d'euros au secteur de l'éducation et de la formation professionnelle au Groenland pour la période 2014-2020.

S'il s'inscrit dans la continuité du précédent accord qui couvrait la période 2007-2013, le nouvel accord vise pleinement à aider le Groenland à faire face aux défis entraînés par la transformation de l'Arctique sous l'effet du réchauffement climatique et inscrits dans une perspective mondialisée .

Pour 2014-2020, l'accord de partenariat a pour objectif d'aider le Groenland à relever les grands défis qui se posent à lui pour s'insérer dans l'économie mondiale. L'Union européenne vise plus précisément « la diversification durable de son économie, l'augmentation des qualifications de sa main-d'oeuvre, y compris des scientifiques, et l'amélioration de ses systèmes d'information dans le domaine des technologies de l'information et des communications ». Pour y parvenir, il faudra « renforcer la capacité de l'administration groenlandaise à mieux formuler et mettre en oeuvre les stratégies nationales ».

Le diagnostic est pertinent. L'Europe , plutôt que de favoriser un développement rapide et aveugle s'inscrit dans la durée en visant l'accompagnement d'un Groenland qui a besoin de renforcer sa législation, son économie et son marché du travail . Et pour y parvenir, elle fixe comme premiers domaines de coopération ceux qui seront les plus susceptibles d'asseoir une société groenlandaise solide dans la mondialisation : l'éducation, la formation, mais aussi le tourisme et la culture.

La précédente programmation avait permis d'obtenir des résultats probants en matière d'éducation. Le soutien de l'Union européenne a contribué à un certain nombre de réalisations avec des résultats encourageants :

- la participation aux cours dispensés dans le cadre de l'enseignement et de la formation professionnels ainsi que de l'enseignement secondaire a augmenté de 39 % par rapport à 2005 ;

- le nombre d'étudiants dans l'enseignement supérieur est en hausse de 53 % par rapport à 2005 ;

- le nombre de diplômés de tous les types d'enseignement formel après l'école primaire a augmenté de 64 % ;

- entre 2010 et 2013, 500 places supplémentaires ont été créées dans les dortoirs ;

- en outre, de nouvelles écoles ont été créées (l'École groenlandaise des minéraux et du pétrole, en 2011) et des écoles existantes agrandies (l'École des travailleurs sociaux, en 2010).

Lors de la signature de l'accord avec le chef de Gouvernement par intérim, M. Kim Kielsen, le Commissaire a déclaré : « La signature de ce programme est un signe clair à la fois de l'engagement de l'Union européenne à l'égard du développement durable du Groenland et de la volonté des deux parties de préserver les liens de longue date qui les unissent. Je me réjouis particulièrement à l'idée que nous allons aider le Groenland à faire en sorte que sa population bénéficie d'un enseignement de meilleure qualité et compte davantage de diplômés de l'enseignement supérieur et que sa main-d'oeuvre soit mieux qualifiée ».

Non seulement, cette action reste centrale, mais il est satisfaisant de constater que l'Union européenne renforce les moyens de sa participation. Un budget de près de 218 millions d'euros est en effet prévu sur la période, soit un peu plus de 30 millions par an contre 25 millions par an entre 2007 et 2013. Cette somme, bien qu'importante par rapport à la population groenlandaise reste modeste à l'échelle de l'Union et son ciblage ne devrait que la rendre plus efficace !

Le deuxième aspect marquant -décisif- de ce nouvel accord est la prise de conscience par l'Union européenne que l'Arctique est en train de changer et qu'elle se doit d'être plus attentive à ces transformations .

Pour la période 2014-2020, l'accord inscrit la coopération de l'Union européenne avec le Danemark et le Groenland dans le double cadre des questions globales comme « l'énergie, le changement climatique et l'environnement, les ressources naturelles, le transport maritime, la recherche et l'innovation », d'une part ; « les questions relatives à la région arctique, dans les domaines intéressant l'Union européenne », d'autre part.

Cet élargissement du partenariat avec le Groenland à une problématique plus globale est tout à fait pertinent en raison de la place stratégique qu'occupe désormais l'Arctique dans les relations internationales et du rôle clé que peut y jouer la Groenland. Il est le premier pas vers une plus grande présence de l'Union européenne dans la région et vers une nécessaire politique européenne pour la zone arctique.

B. INSCRIRE LE PARTENARIAT STRATÉGIQUE AVEC LE GROENLAND DANS UNE POLITIQUE GLOBALE DE L'UNION EUROPÉENNE POUR L'ARCTIQUE

Les institutions européennes ont récemment pris conscience de l'intérêt stratégique de la zone arctique et un mouvement est désormais lancé pour aboutir à une véritable politique européenne pour la région. Commission, Parlement et Conseil sont désormais d'accord pour élaborer une telle stratégie.

Dès le 26 juin 2012, la Commission et la Haute Représentante ont publié une Communication conjointe : « Développer une politique de l'Union européenne envers la région arctique : progrès depuis 2008 et prochaines étapes », visant à renforcer l'engagement de l'Union envers l'Arctique en rationalisant son approche et à consolider le dossier de sa candidature au statut d'observateur du Conseil arctique. Le document présente précisément comment s'incarne déjà la présence de l'Union européenne en Arctique. Puis, il définit trois axes prioritaires d'amélioration : développer la connaissance de l'Arctique pour remédier aux défis environnementaux et liés au changement climatique ; agir de façon responsable pour contribuer à un développement économique de la région basé sur un usage durable des ressources et une expertise environnementale ; intensifier engagement et dialogue avec les pays de la région, les populations autochtones et les autres partenaires.

Si l'impression fut donnée que cette communication allait rester lettre morte, le premier semestre 2014 s'est révélé décisif avec le vote d'une résolution par le Parlement européen le 10 mars 2014 et l'adoption par le Conseil de conclusions le 12 mai 2014. Ces dernières sont notamment porteuses d'un message fort, puisque le Conseil demande à la Commission et à la Haute Représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de présenter avant la fin de 2015, « des propositions sur la poursuite du développement d'une politique intégrée et cohérente pour la région arctique ».

Le Conseil a donc ouvert la voie à une politique plus ambitieuse de l'Union européenne dans la région arctique . C'est primordial, car l'évolution de l'Arctique représente un enjeu mondial et les grandes puissances cherchent toutes à renforcer leur présence dans la région, quand bien même elles n'en font pas partie. La voix de l'Europe doit, elle aussi, se faire entendre dans ce concert. Elle est légitime, car une partie de l'Union européenne est en Arctique et c'est elle qui mène la politique commune de la pêche ou encore la politique climatique ou de soutien à la recherche. Elle est nécessaire, car le message sur la lutte contre le réchauffement climatique, la protection de l'environnement, la gestion durable des pêcheries porté par l'Union européenne doit être entendu en Arctique aussi.

Au centre des enjeux arctiques, se trouve le Groenland qui, comme on l'a vu, n'est pas en mesure de faire face seul aux défis qui sont devant lui. La relation historique qu'il entretient avec l'Europe doit être exploitée dans l'intérêt des deux parties. L'Union européenne peut aider le Groenland à se développer durablement. Celui-ci, de par sa position stratégique peut offrir « une fenêtre arctique » à l'Union européenne dont elle aurait tort de se passer. Il peut également présenter un certain nombre d'opportunités d'investissement fructueux. Enfin et surtout, son rôle pour la recherche mondiale doit être ardemment maintenu et défendu par l'Europe, dans la continuité de ce qu'elle a fait jusqu'à présent.

Pour l'ensemble de ces raisons, l'Union européenne devrait mettre le Groenland au coeur de sa politique arctique en lui prouvant qu'un partenariat approfondi serait la meilleure des opportunités pour assurer son développement.

CONCLUSION SUR LA TROISIÈME PARTIE

Il y a une passion en Europe pour le Groenland et les Inuit. Ce peuple capable de survivre dans des conditions extrêmes a fasciné plusieurs générations d'Européens. Aujourd'hui encore, les paysages polaires attirent toujours plus de touristes européens - certes assez aisés pour parvenir jusque-là. Mais existe-t-il une passion groenlandaise pour l'Europe ?

Déboussolés par la mondialisation, peinant à se développer et soucieux de préserver leur culture, les Inuit du Groenland cherchent avant tout à s'affirmer comme une nation. Et cette affirmation passe, pour l'instant, par un rejet de toute nouvelle tutelle ou ce qui pourrait y ressembler.

Ce sentiment ne doit pas faire oublier que la société groenlandaise bénéficie des structures et d'un certain nombre d'avancées sociales du modèle danois. Il ne doit pas faire oublier qu'un certain nombre de valeurs européennes sont aussi celles du Groenland. La formation des étudiants groenlandais, futures élites du territoire, sera de ce point de vue déterminante.

Des liens plus grands sont aussi de l'intérêt de l'Union européenne. Celle-ci peine encore à s'affirmer sur la scène internationale. Si elle dispose d'une politique à l'égard de son versant est - dont la crise ukrainienne a révélé certaines limites - et d'une politique à destination de ses voisins au sud de la Méditerranée, elle n'a pas encore développé de stratégie intégrée pour la région située au nord du continent européen. Les liens entretenus avec le Groenland pourraient s'avérer déterminants pour une plus grande affirmation de l'Union européenne en Arctique et dans le monde.

En outre, nos partenaires américains, États-Unis et Canada, sont présents dans la région arctique. Une nouvelle ambition européenne pourrait s'inscrire dans le cadre de la coopération qui nous lie à eux et pourrait même renforcer et rééquilibrer la relation transatlantique.

Il ne s'agit pas uniquement d'intérêts stratégiques et économiques, mais aussi d'une question de valeurs et de message lancé au monde. À titre d'exemple, qui fait plus aujourd'hui dans le monde pour protéger l'environnement que l'Union européenne ? Ce ne sont ni les États-Unis, ni le Canada, ni la Russie, ni la Chine. L'Europe peut montrer au Groenland qu'elle est la mieux à même de l'aider à préserver un environnement unique.

Sur ce dernier point, la France a une responsabilité particulière, puisqu'elle accueillera en 2015 une conférence sur le climat qui pourrait s'avérer décisive pour l'avenir de la planète. Une des clés de sa réussite est l'association des peuples les plus frappés par le réchauffement climatique au processus. Les Inuit du Groenland méritent à ce titre une attention spéciale.

En outre, de par sa relation historique avec le Groenland, et de par l'évolution de ses relations avec ses propres territoires d'outre-mer, la France a un rôle particulier à jouer. Elle se doit non seulement d'être une force de proposition dans l'élaboration d'une politique arctique européenne, mais encore d'être un relais des aspirations singulières des Inuit du Groenland.

L'adoption prochaine d'une feuille de route pour l'arctique par la diplomatie française sera un élément déterminant et, espérons-le, influent de la préparation d'une politique européenne en la matière. La commission des affaires européennes du Sénat, par son travail sur ces questions, doit elle aussi faire des propositions pour l'approfondissement de la politique européenne pour l'Arctique et pour le Groenland.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission s'est réunie le mercredi 3 décembre 2014 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par le rapporteur André Gattolin, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean Bizet, président . - Il est vrai que ce pays revêt une dimension géostratégique, en même temps qu'il est un témoin de la problématique climatique en cours. Il faut être attentif à ses évolutions - d'autant que les terres rares que contient son sous-sol suscitent l'intérêt de bien des pays, au premier rang desquels la Chine, dont on sait qu'elle exploite 80 % à 90 % de ces terres, et recherche de nouveaux gisements d'exploitation, en Afrique et ailleurs.

M. André Reichardt . - Le Canada a mis en place un plan pour le développement du grand Nord. Il s'agit d'exploiter les richesses du sous-sol tout en accompagnant, dans leur développement, les populations autochtones - qui, soit dit en passant, ne voient pas les choses de cet oeil. Le Groenland manifeste-t-il une volonté similaire de développer l'exploitation minière qui justifierait un intérêt accru de l'Union européenne ?

M. Gérard César . - Les ressources pétrolières et gazières de l'Arctique représentent 10 % des ressources mondiales et 30 % des réserves de gaz. C'est énorme. Nous avons eu l'occasion, sous la présidence de Jean-Paul Emorine, de nous rendre à Mourmansk pour aborder ces questions. Le groupe Total était intéressé à créer un joint venture avec Gazprom. Où en est-on de ce projet, rendu complexe par le problème des températures, qui peuvent atteindre moins 40 ?

M. André Gattolin . - Lorsque je me suis rendu au Canada, j'ai rencontré le nouveau ministre du développement durable, de l'environnement et de la lutte contre les changements climatiques du Québec, qui me disait qu'à l'époque du gouvernement libéral de Jean Charest, on avait tenté de lancer un plan similaire à celui qui existait au plan fédéral. Mais il n'est pas simple de travailler en Arctique. Areva, qui a depuis vingt ans un contrat avec une grande société d'exploitation de l'uranium, en fait l'expérience. Il est très difficile, en effet, de tracer des routes et de les stabiliser. On voit dans le changement climatique une opportunité d'exploitation de ces zones, mais c'est oublier que la fonte du permafrost provoque dans les infrastructures, y compris les canalisations, des mouvements et des effondrements. L'industrie sibérienne arctique russe rencontre le même problème. À quoi s'ajoute le fait qu'en fondant, le permafrost dégage beaucoup de méthane, gaz qui contribue vingt-trois fois plus que le CO2 à l'effet de serre. Pour autant, le gouvernement de Pauline Marois, du parti québécois, avait défini un plan redimensionné, intitulé « Le Nord pour tous ». Le nouveau gouvernement libéral de M. Couillard, qui entendait relancer ce plan Nord, se heurte cependant à de gros problèmes budgétaires : il faudrait des milliers de kilomètres de routes pour désenclaver le pays.

Le même problème se pose au Groenland, où toute infrastructure fait défaut. Les économistes estiment qu'il faudrait, en dehors de la zone de Barents et de la Norvège, où les conditions climatiques sont meilleures grâce au Gulf Stream , un baril à 120 ou 130 dollars au moins pour que l'exploitation du pétrole en Arctique soit rentable. Il faut savoir que l'industrie minière se partage en deux types d'entreprises : les seniors, soit de grandes entreprises disposant d'importantes capacités d'exploitation, et les juniors, des sociétés plus jeunes et plus spéculatives, généralement valorisées à la bourse de Toronto, où des conditions assez favorables leur sont offertes, et qui font de l'exploration. Mais le problème réside dans le passage de l'exploration à l'exploitation. Tout cela explique les énormes mouvements sur les cours du gaz et du pétrole, d'une tout autre nature que ceux qui peuvent être liés à la problématique du gaz non conventionnel.

L'engouement sans doute un peu exagéré que l'on constate au Groenland sur le potentiel existant tient au fait qu'il fallait trouver les voies d'une indépendance rapide. Pour se former, cependant, dans les disciplines scientifiques, sachant que l'université de Nuuk n'offre que des cursus en sciences humaines, les élites doivent partir étudier à Copenhague, dont elles ne reviennent pas toujours...

Le parallèle avec le Canada est intéressant. Il faut savoir que plus de la moitié de la balance commerciale du Canada relève du secteur primaire
- le bois et les matières premières non transformées -, un peu à l'image de la Russie, qui assure son équilibre économique par la vente massive de matières premières. Il est un seul domaine où le Canada investit au Groenland : les mines d'extraction du rubis. C'est que leur exploitation n'exige que cinquante à soixante employés, que l'on peut aisément former parmi les Groenlandais, quand un projet d'exploitation du zinc ou du nickel, comme l'avaient formé les Chinois, exige 5 000 employés, qu'il faut faire venir d'ailleurs. Le rubis bénéficie, de surcroît, d'un cours très stable et ne nécessite pas d'infrastructures : un hélicoptère suffit.

À côté de tels projets, dont le pays a besoin, le secteur traditionnel de la pêche pourrait être un atout. N'est-ce pas en misant sur ce secteur que l'Islande s'est redressée ? Mais pour l'instant, peu de bateaux groenlandais pêchent dans ces eaux ; ce sont, pour l'essentiel, des bateaux des pays de l'Union européenne, qui payent une redevance. À noter que le contrat de partenariat noué entre l'Union européenne et le Groenland ne pouvant passer par les fonds de développement régionaux, les lignes d'aide au Groenland sont paradoxalement inscrites au budget de l'Union européenne. Il serait bon de rechercher, à l'avenir, un système d'accords sur mesure qui ne privent pas les Groenlandais du sentiment de leur indépendance.

L'accord avec le groupe Total ? Christophe de Margerie avait déclaré à plusieurs reprises qu'il se refusait à forer dans les zones off shore glacées. Si bien que les premiers gisements ont été exploités par Gazprom, mais que Total a racheté, in fine , une partie de sa production dans ces zones. Un article paru dans « Le Figaro économie » de ce matin, qui fait apparaître la corrélation entre l'effondrement du prix du brut et celui de l'économie russe, montre combien les économies fondées sur ce type d'exploitation sont dépendantes.

M. Jean Bizet, président . - Il est vrai que les effets de l'effondrement des prix du brut sur l'économie russe sont bien supérieurs à ceux des mesures de rétorsion décidées par l'Union européenne. Quand on voit que lors de sa dernière réunion, l'Opep a décidé de ne pas fermer les robinets, on se dit que le message est peut-être venu d'ailleurs...

À l'issue de ce débat, la commission a autorisé, à l'unanimité, la publication du rapport.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

À Copenhague :

- Mme Aleqa HAMMOND , Première du Groenland

- M. François ZIMERAY , ambassadeur de France au Danemark, et ses services

À Nuuk :

- M. Lars-Emil JOHANSEN , président du Parlement, ancien Premier du Groenland

- M. Jens-Erik KIRKEGAARD , ministre de l'industrie et des ressources minérales

- M. Hjalmar DAHL , président de l'ICC, Inuit Circumpolar Council au Groenland

- M. Hans-Georg HANSEN , anthropologue, ancien directeur de l'université de Nuuk

- Des représentants du ministère de la pêche, de la chasse et de l'agriculture

À Paris :

- M. Damien DEGEORGES , docteur en sciences politiques et consultant international

PROGRAMME DU DÉPLACEMENT

Dimanche 14 septembre
Paris-Copenhague

18h10 : Vol Scandinavian SK1560 au départ de Roissy-Charles de Gaulle

19h55 : Arrivée à Copenhague

Lundi 15 septembre
Départ pour le Groenland (étape à Ilulissat)

9h00 : Vol Air Greenland GL 781 - Arrivée à Kangerlussuaq à 9h40 (heure locale)

13h05 : Départ pour Ilulissat - Arrivée à 13h50 - Vol Air Greenland GL 781

Après-midi : Découverte du fjord d'Ilulissat, classé au patrimoine mondial de l'Unesco

Soirée : Excursion de nuit en bateau dans la baie d'Ilulissat

Mardi 16 septembre
D'Ilulissat à Nuuk

Matinée à Ilulissat : Survol au-dessus du glacier d'Ilulissat

15h05 : Départ pour Nuuk - Vol Air Greenland GL0513

17h10 : Arrivée à Nuuk

Dîner avec Hans-Georg Hansen, anthropologue, ancien directeur de l'université de Nuuk

Mercredi 17 septembre
Nuuk

10h : Entretiens au ministère de la pêche, de la chasse et de l'agriculture

11h : Visite guidée du Parlement Groenlandais par M. Nils Baum, Responsable de la communication.

11h30 : Entretien avec le président du Parlement, ancien Premier du Groenland, Lars-Emil Johansen.

14h00 : Entretien avec Jens-Erik Kirkegaard, ministre de l'industrie et des ressources minérales

15h00 : Visite du musée d'histoire nationale

16h30 : Entretien avec Hjalmar Dahl, président de l'ICC, Inuit Circumpolar Council

17h30 : Rencontre avec la communauté française de Nuuk

Jeudi 18 septembre
Départ pour Copenhague

Départ de Nuuk à 10h25 pour Kangerlussuaq (11h15) - Vol Air Greenland GL 550

Vol au départ de Kangerlussuaq pour Copenhague à 13h10 - Vol Air Greenland GL 582

Arrivée à Copenhague à 21h30

Vendredi 19 septembre
Copenhague et retour à Paris

8h30 : Petit-déjeuner de travail avec l'ambassadeur de France au Danemark, M. François Zimeray et des membres de l'ambassade

10h00 : Entretien avec Aleqa Hammond, Première du Groenland

Départ de Copenhague par Vol Scandinavian SK 0559: à 15h40 - Arrivée à Paris : 17h30

Ce programme a été préparé grâce à l'aide précieuse de Caroline Allheily, chargée de mission France-Groenland.


* 1 Suite à un accord de coalition entre les partis Siumut, Atassut et Demokraatit, un nouveau gouvernement pourrait être composé de cinq membres de Siumut, 2 membres de Demokraatit, 2 membres d'Atassut

* 2 DEGEORGES Damien, Le rôle du Groenland dans les enjeux de l'Arctique (thèse de doctorat de sciences politiques rédigée sous la direction de Thierry Garcin et soutenue le 30 novembre 2011), Université Paris Descartes, 345 p.

* 3 Cf. infra 2. L'aide constante de l'Union européenne.

* 4 Rapport spécial N° 3/2001 relatif à la gestion par la Commission des accords internationaux de pêche, accompagné des réponses de la Commission.

* 5 GIEC, 201 3: Résumé à l'intention des décideurs, Changements climatiques 2013: Les éléments scientifiques. Contribution du Groupe de travail I au cinquième Rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat [sous la direction de Stocker, T.F., D. Qin, G.-K. Plattner, M. Tignor, S. K. Allen, J. Boschung, A. Nauels, Y. Xia, V. Bex et P.M. Midgley]. Cambridge University Press, Cambridge, Royaume-Uni et New York (État de New York), États-Unis d'Amérique.

* 6 Air Greenland est quasiment la seule compagnie opérant au Groenland ; est également présente l'entreprise islandaise Air Island.

* 7 Narsarsuaq, aéroport du sud du pays où se situe l'autre piste civile suffisamment importante pour accueillir un A 330, a également été construit par les Américains en 1941 : cette base-ci a été rendue au Danemark dès 1958 avant d'être ouverte en tant qu'aéroport civil en 1960.

* 8 Damien Degeorges, L'Arctique : une région d'avenir pour l'Union européenne et l'économie mondiale , Fondation Robert Schuman, Question d'Europe n° 263, 7 janvier 2013.

Page mise à jour le

Partager cette page