B. LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DU SECRET DES AFFAIRES

Au nom notamment de la protection à l'égard de la concurrence et de l'égalité des armes dans la compétition internationale, on assiste depuis longtemps à une demande croissante de protection et de confidentialité des informations concernant les entreprises ou leur appartenant, ainsi qu'à une contestation des obligations de transparence et de publicité, alors même que ces obligations ont tendance à se renforcer, en particulier pour les sociétés cotées, notamment à l'initiative du législateur 7 ( * ) .

Cette demande émanant des entreprises se manifeste, par exemple, par la possibilité offerte aux entreprises de moins de 10 salariés, depuis 2014, d'opter pour la confidentialité des comptes qu'elles déposent au registre du commerce et des sociétés 8 ( * ) , conformément au droit européen en la matière, mais à rebours de la tradition française de publicité légale des informations relatives aux entreprises.

Cette demande récurrente s'illustre également par le débat actuel sur la protection du secret des affaires, ouvert depuis plusieurs années.

Au niveau national, divers travaux ont été conduits à l'Assemblée nationale ces dernières années, aboutissant au dépôt d'une proposition de loi par notre collègue député Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois, le 16 juillet 2014 9 ( * ) . Cette proposition a été reprise par amendement au projet de loi pour la croissance et l'activité, ces dispositions étant ensuite supprimées en séance publique du fait d'une controverse sur leur éventuel impact sur les activités d'investigation des journalistes et de la presse.

Le texte discuté par l'Assemblée nationale tendait à protéger au titre du secret des affaires toute information qui ne présente pas un caractère public, qui s'analyse comme « un élément à part entière du potentiel scientifique et technique, des positions stratégiques, des intérêts commerciaux et financiers ou de la capacité concurrentielle de son détenteur et revêt en conséquence une valeur économique » et qui fait l'objet de mesures de protection pour en préserver le caractère confidentiel. L'obtention et l'utilisation illicites d'un tel secret sont interdites. En saisissant le juge civil, l'entreprise concernée pouvait obtenir réparation et toute mesure pour faire cesser une atteinte à un secret. De plus, l'obtention et l'utilisation illicites étaient punies de trois ans de prison et de 375 000 euros d'amende, peines alourdies en cas d'atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou aux intérêts économiques essentiels de la France.

Au-delà de ce contexte politique - vos rapporteurs considérant au demeurant que ces dispositions ne menaçait pas la liberté de la presse ou la mise au jour d'infractions commises par les entreprises -, la mise en place d'un régime efficace de protection du secret des affaires est indispensable pour les entreprises françaises , quelles que soient les modalités retenues. De telles mesures participent de la protection des innovations et des savoir-faire des entreprises françaises, au-delà des seuls droits de propriété industrielle, et contribuent à la lutte contre l'espionnage économique.

À cet égard, vos rapporteurs rappellent qu'a été présentée par la Commission européenne, en novembre 2013, une proposition de directive sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites. Ce texte a été approuvé par le Conseil de l'Union européenne en mai 2014 et se trouve actuellement en cours d'examen au Parlement européen. À terme, cette directive devra être transposée 10 ( * ) .

Pour autant, la question de la mise en place d'un régime national de protection avant cette échéance demeure pertinente, au regard des dispositifs institués dans certains droits étrangers et de l'urgence de la situation.


* 7 Par exemple publication d'informations au titre de la responsabilité sociale et environnementale.

* 8 Ordonnance n° 2014-86 du 30 janvier 2014 allégeant les obligations comptables des micro-entreprises et petites entreprises. Le projet de loi pour la croissance et à l'activité propose d'étendre l'option de confidentialité au compte de résultat des entreprises de moins de 50 salariés, comme le permet le droit européen.

* 9 Une proposition de loi de notre ancien collègue député Bernard Carayon avait été adoptée par l'Assemblée nationale en janvier 2012, sans suite.

* 10 Outre quelques différences ponctuelles à caractère procédural entre la proposition de directive et les dispositions temporairement introduites dans le projet de loi pour la croissance et l'activité, on peut relever d'autres différences, en particulier l'instauration dans le projet de loi d'un délit de violation du secret des affaires, alors que le texte européen s'en tient à des mesures civiles.

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