B. LES ESAT FACE À L'ÉVOLUTION DU CONTEXTE ÉCONOMIQUE : UN TRAVAIL DE MOINS EN MOINS « PROTÉGÉ »

1. Les ESAT, des acteurs économiques à part entière soumis aux mêmes exigences que leurs concurrents

Si les ESAT sont avant tout des institutions médico-sociales et non des entreprises de droit commun, leur activité économique est cependant au coeur de leur rôle et de leur fonctionnement. Le travail effectué en ESAT n'est pas occupationnel, il a une vraie valeur économique. Les ESAT s'inscrivent pleinement dans l'activité économique ordinaire , dont ils subissent les exigences et les contraintes. Bien que leur fonctionnement diffère d'une entreprise ordinaire, en termes de méthodes de travail, ils sont souvent considérés par les entreprises qui ont recours à leurs services comme des partenaires économiques à part entière , dont il est demandé le même professionnalisme et la même qualité de service. Les ESAT subissent donc pleinement la concurrence économique et sont contraints de proposer des prix compétitifs et des services efficients. Le milieu « protégé » l'est de moins en moins.

Cette situation pousse les ESAT à s'adapter afin de continuer à assurer l'équilibre de leur budget commercial. En effet, leurs activités historiques sont plus difficilement rentables ou soumises à plus forte concurrence , notamment tarifaire, de la part des entreprises ordinaires mais également des entreprises adaptées. Ce sont généralement celles qui sont les plus déficitaires.

C'est le cas en particulier de l'activité de conditionnement, qui demeure le coeur d'activité historique des ESAT et à laquelle sont généralement affectées les personnes souffrant des handicaps les plus lourds. Ainsi, l'enquête d'Opus 3 a montré que les activités liées au conditionnement, à l'emballage ou au montage représentaient 44 % des activités des ESAT. Or ce sont les activités les plus soumises à forte concurrence entre ESAT ou vis-à-vis d'autres entreprises nationales ou étrangères. Les activités de services (blanchisserie, nettoyage, restauration, etc.) représentaient pour leur part 20 % des activités en ESAT et les activités « vertes » (espaces verts, agriculture, activités bois) 28 %.

Au sein de ces trois grandes catégories d'activités figurent une multitude de métiers : 700 métiers différents sont proposés selon le réseau GESAT. Les activités de sous-traitance représentent la majorité des activités réalisées en ESAT.

Les activités économiques des ESAT

(en pourcentage)

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

Par ailleurs, le travail en ESAT étant un moyen et non une finalité, certaines grosses activités peu rentables sont maintenues afin de proposer aux personnes accueillies une activité professionnelle adaptée à leur handicap. Ainsi, l'objectif de rentabilité des activités n'est pas primordial pour les ESAT qui doivent composer avec d'autres exigences.

2. Les ESAT ne sont pas épargnés par les aléas de l'activité économique qui fragilisent leur modèle économique

Les ESAT sont soumis à une fluctuation parfois importante de leur cycle économique . L'équilibre financier de leurs budgets commerciaux dépend souvent de clients historiques importants qui constituent leur activité de base. Ainsi, selon l'étude d'Opus 3, le poids du plus gros client dépasse 30 % du chiffre d'affaires pour un ESAT sur cinq. La visibilité des ESAT sur l'évolution du marché et de leurs contrats est bien souvent limitée. Or la fin d'un contrat avec un tel client constitue souvent un bouleversement pour le modèle économique de l'ESAT. En effet, la gestion des ressources humaines, en l'occurrence des travailleurs accueillis, est par définition peu souple, et en cas de rupture de contrat, les usagers doivent continuer à bénéficier d'un accueil en établissement et d'un accompagnement médico-social.

Les clients historiques et stables sont moins nombreux et les évolutions vont vers une exigence accrue de réactivité et des marchés de plus petite taille en volume comme en durée .

La fragilité accrue de l'activité historique de conditionnement des ESAT conduit ces derniers à développer et proposer de nouvelles activités dans des secteurs porteurs et davantage rentables . La diversification des activités assure une certaine garantie contre les fluctuations et permet également une meilleure adéquation de l'activité en fonction du degré d'autonomie des travailleurs. Votre rapporteur spécial a ainsi pu visiter un ESAT qui développe actuellement un projet de maraîchage biologique afin de vendre les produits cultivés sur les marchés et à des cantines et services de restauration d'entreprises. Plusieurs activités porteuses peuvent également être mentionnées comme le nettoyage, la restauration d'entreprise, l'agro-alimentaire, ou les espaces verts, bien qu'ils nécessitent souvent un degré d'autonomie important. À titre d'exemple, l'ESAT Pleyel situé en Seine-Saint-Denis s'est spécialisé dans la restauration et les services de traiteur.

La montée en charge progressive des personnes handicapées psychiques conduit également à s'interroger sur l'adéquation entre ces dernières et les activités de production proposées par l'ESAT, leur potentialité et leur adaptabilité à la réalisation de travaux de précision étant plus importante. Elle permet par exemple d'envisager le développement d'activités de production ou de services liées à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Compte-tenu du contexte économique précité, les ESAT doivent de plus en plus assurer la gestion de leur activité économique comme celle d'une véritable entreprise . Cela implique de se doter de personnels qualifiés et d'outils notamment comptables afin de piloter au mieux l'activité (identification du prix de revient, gestion des stocks, analyses de marché etc.). Cela constitue un changement de culture important pour ces établissements, ainsi que l'ont rappelé la plupart des interlocuteurs que votre rapporteur spécial a rencontrés.

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