EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa séance du 15 avril 2015, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président.

Après l'exposé des rapporteurs, un débat s'est engagé.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Je vous remercie pour ce rapport très intéressant. Je suis persuadé que la diplomatie parlementaire doit justement se mettre en action lorsque le contexte est difficile. Elle peut véritablement exister à ce moment-là.

Nous sommes exactement un an après l'enlèvement des lycéennes de Chibok et il est clair que le terrorisme trouve naissance dans deux sources : la pauvreté et le manque d'Etat. Nous avons bien vu ces dernières années qu'il existe une corrélation entre le terrorisme et le « non-Etat », ce qui pose directement la question délicate de savoir qui la communauté internationale doit soutenir dans des situations difficiles.

M. Jacques Legendre . - La région est confrontée à deux problèmes bien distincts : la piraterie et Boko Haram.

Sur le premier sujet, nous devons d'abord identifier d'où viennent les pirates. On sait bien que les communautés du delta du Niger estiment que la part des recettes pétrolières qui leur revient est insuffisante. J'ai d'ailleurs constaté le développement du phénomène de la piraterie lorsque je me suis rendu avec le groupe d'amitié à Port-Harcourt au Nigeria. D'un côté, la marine nigeriane, corrompue, est peu efficace. De l'autre, les pays voisins ont des capacités réduites. On peut toutefois citer les efforts fournis par le Togo en la matière et ces efforts ont produit leurs effets puisqu'on assiste à une accumulation de navires qui stationnent au large de Lome avant d'aller au Nigeria pour y rester le moins longtemps possible... On peut également citer la Guinée équatoriale qui a mis en place un centre de coordination à Malabo. Nous devons donc, c'est essentiel, encourager les Etats à se doter des capacités nécessaires.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier le trafic de drogue en provenance d'Amérique du Sud qui déstabilise les pays touchés. Le Cap-Vert est de ce point de vue demandeur d'un renforcement de la présence française et il faut souligner le rôle grandissant du Brésil.

En ce qui concerne Boko Haram, souvenons-nous que le Borno était, jusqu'au début du XX e siècle, un Etat musulman agressif et esclavagiste que les colonisateurs - les Anglais - ont eu le plus grand mal à contrôler. On dit aussi que les anciens hommes de main d'un ex-Gouverneur de l'Etat qui a noué, à un moment, une alliance avec Yusuf constituent des recrues importantes pour Boko Haram. Cela déstabilise au final toute la région. Les pays concernés souhaitent que la France en fasse toujours plus, mais nous faisons déjà beaucoup, par exemple en matière de renseignement, surtout si on regarde le Royaume-Uni particulièrement absent dans cette crise. Enfin, on peut aussi penser que des jeux politiques internes au Nigeria ne sont pas pour rien dans l'amplification des actions de Boko Haram. Or si le Nigeria veut vraiment agir, il en a les moyens.

M. André Trillard . - Les pirates viennent très largement du Nigeria, qui constitue l'épicentre du problème. Les moyens qu'ils déploient sont parfois considérables puisque certains détiennent ou contrôlent des pétroliers dans lesquels ils transbordent le pétrole qu'ils volent.

Pour autant, les progrès sont réels. J'ai par exemple participé, à l'invitation du chef d'état-major de la marine, l'Amiral Rogel, à une réunion de plusieurs Chefs d'Etat-major de la marine de pays de la région et les discussions étaient très encourageantes. Ces contacts doivent être maintenus et développés.

M. Jeanny Lorgeoux . - L'inefficacité dans le fonctionnement de l'Etat constitue, comme le disait le président de la commission, un problème fondamental. La structure fédérale du Nigeria aurait pu apporter des réponses mais il existe peu de lien réel entre le niveau central et les Etats fédérés et la population est finalement livrée à elle-même sur une grande partie du territoire.

M. Jean-Marie Bockel . - La déliquescence actuelle de l'Etat nigerian n'est pas une fatalité et le pays n'a d'ailleurs pas toujours connu cette situation. Si les autorités nigerianes veulent faire quelque chose, elles peuvent reprendre la main. Les dernières élections sont une lueur d'espoir de ce point de vue, parce que la population a participé et que le résultat est clair tout en n'étant pas écrasant pour un camp ou pour un autre. Elles révèlent bien les aspirations profondes de la population. Ceux qui ont joué la politique du pire n'ont pas réussi !

M. Aymeri de Montesquiou . - Les Etats-Unis considèrent que le pays est stratégique. Les Anglais, ancienne puissance coloniale, partagent la langue et une certaine culture administrative. La Chine investit massivement, y compris avec des prêts à des taux très bas. Dans ce paysage global, quelle est la place du Nigeria dans la politique africaine de la France ?

M. Jeanny Lorgeoux . - Le Président de la République y a effectué une visite remarquée en février 2014 qui a clairement montré l'intensification des relations économiques avec le Nigeria. Nos deux pays ont d'ailleurs signé en 2008 un partenariat stratégique. Notre ambassade sur place est très active et ce pays présente de grandes opportunités pour nos entreprises.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - L'ancien Président Goodluck Jonathan a fait beaucoup d'efforts pour resserrer les liens.

M. Jean-Marie Bockel . - Ces liens s'inscrivent dans la durée, j'ai par exemple accompagné François Fillon, alors Premier ministre, lors d'un déplacement officiel en 2009 et les thématiques économiques étaient déjà très présentes. Il est en tout cas nécessaire de déployer une approche régionale à un niveau stratégique.

M. Alain Néri . - Il paraitrait que le nombre d'attaques dans le Golfe de Guinée soit nettement sous-évalué car les pirates utilisent des systèmes informatiques et de communications qui leur permettent de racketter les navires et de demander des « contributions » permettant au capitaine d'éviter l'abordage et le vol de la cargaison...

M. Jeanny Lorgeoux . - Le ministère de la défense estime en effet que le chiffre des attaques pourrait être le triple des déclarations.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - L'enlèvement des lycéennes de Chibok, il y a tout juste un an, ne constitue que l'une des attaques de ce type commises par Boko Haram. Amnesty international estime le nombre d'enlèvements à 2 000 en un an !

Je souhaite que nous n'oubliions pas le Cap-Vert qui est un acteur important dans la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogues. Avec ce pays, on touche d'ailleurs du doigt une limite de la politique de développement : le Cap-Vert a fourni des efforts tangibles qui lui ont permis de passer de la catégorie « pays les moins avancés » à celle des « pays à revenus intermédiaires ». De ce fait, il n'est plus éligible à un certain nombre d'aides ! On encourage mal les Etats qui font pourtant des efforts.

M. Jeanny Lorgeoux . - On doit aussi penser à la Guinée Bissau qui est devenue un véritable nid à frelons et un narco-Etat. Renverser la situation dans ces circonstances est particulièrement difficile. D'où l'importance de prévenir le plus tôt possible les crises.

À l'issue de ce débat, la commission a autorisé la publication du rapport d'information.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page