II. L'AGENDA NUMÉRIQUE EUROPÉEN

Le déplacement de la commission des affaires européennes à Bruxelles a été l'occasion d'un échange avec Günther Oettinger, commissaire pour l'économie et la société numériques sur les grands axes des nouvelles propositions de la Commission qui seront rendues publiques le 6 mai prochain.

La stratégie numérique et notamment le développement d'un marché unique numérique sont désormais considérés comme des éléments essentiels de la politique européenne. Le Sénat s'en réjouit car il s'est fortement mobilisé sur ces sujets en appelant de ses voeux la définition d'une véritable ambition européenne dotant l'Union des moyens d'être acteur et non plus simplement consommateur sur le marché numérique mondial. Dans ce contexte, il s'agit désormais d'apporter des réponses politiques adaptées aux enjeux et au rythme d'évolution du monde numérique

C'est aussi un enjeu de civilisation où il s'agit de préserver la souveraineté de l'Europe sur ses données et de préserver la diversité et le futur de notre patrimoine culturel. Ces priorités sont au coeur des préoccupations franco-allemandes et pourraient fort opportunément faire l'objet d'une coopération renforcée entre les deux États.

A. L'ÉVOLUTION NÉCESSAIRE VERS UNE POLITIQUE VOLONTARISTE ET RÉACTIVE À L'ÉCHELLE DE L'UNION

La Commission européenne avait identifié le secteur numérique comme l'un des piliers de la croissance et formulé en mai 2010 une « stratégie numérique pour l'Europe » qui constituait un des axes de la stratégie UE 2020. L'ambition principale de cet agenda était de mettre fin à la fragmentation des marchés numériques au sein de l'Union en créant un véritable marché unique du numérique d'ici à 2015.

Les objectifs identifiés par la nouvelle Commission dans ce domaine devraient faire l'objet d'une communication dans les prochaines semaines mais il apparaît d'ores et déjà fort probable qu'une vision stratégique numérique plus ambitieuse sera proposée. Cette inflexion d'une approche jusqu'alors principalement fondée sur le consommateur vers une stratégie de l'offre et tenant compte des enjeux industriels, de l'emploi et de la croissance économique est tout à fait indispensable. Le risque serait que la stratégie numérique européenne se limite à approfondir le marché intérieur dans une logique purement consumériste.

Le commissaire Günther Oettinger tient d'ailleurs un discours très volontariste sur l'importance de l'économie numérique au sein de la stratégie de croissance économique. Il souligne que, face à la stratégie américaine qui vise clairement à établir une suprématie du pays dans le domaine du numérique, il est désormais nécessaire de construire une stratégie européenne forte qui nous permettra de cesser de perdre du terrain face aux principaux acteurs mondiaux notamment américains.

Une attention particulière doit être portée à la dimension industrielle du secteur du numérique afin que l'Union européenne ne soit pas condamnée à subir les évolutions technologiques mondiales. La chaîne de création de valeur est bouleversée par le numérique et aucun secteur n'est épargné par ces évolutions. La révolution numérique va ainsi modifier le secteur automobile de façon majeure. La Chancelière allemande le rappelle fréquemment dans ses interventions publiques.

Le commissaire Gunther Oettingher a réaffirmé sa volonté de créer une union numérique européenne à l'horizon 2020 et de disposer de règles unifiées en matière de neutralité du net, de propriété intellectuelle et de sécurisation des données. Selon lui, le cadre législatif n'est plus adapté aux pratiques des géants du numérique car les acteurs numériques américains contournent les lois nationales de protection des données et choisissent le pays ayant le niveau de protection des données le plus bas, et parfois la fiscalité la plus avantageuse pour y stocker les données. Il serait illusoire d'espérer développer un marché numérique à l'échelle de L'Europe si 28 réglementations différentes continuaient à coexister.

La Commission, selon le commissaire Oettinger, s'intéresse également au marché stratégique des données. Les quantités considérables de données produites par les citoyens européens sont la matière première de demain et représentent un potentiel économique immense. Leur utilisation exige de régler des problèmes importants, notamment en ce qui concerne la propriété, la protection des données et la normalisation.

Nos sociétés traversent une transition numérique toujours plus rapide et intense et, dans ce contexte, une véritable européanisation des politiques numériques doit être mise en place dans un délai court. Dans le domaine du numérique encore plus que dans d'autres secteurs, le temps de la décision politique doit s'accélérer pour ne pas être condamné à suivre avec retard les évolutions du marché. Il suffit pour cela de prendre l'exemple du contrat avec l'Institut de création et d'animation numérique (ICAN) qui doit être renouvelé dans les tout prochains mois. Le commissaire Oettinger reconnait l'inadéquation du processus de décision européen face à la vitesse d'évolution du secteur du numérique. Il appelle à des décisions politiques permettant de trancher clairement sur le degré de réglementation souhaité par les États membres. Il s'agit notamment de savoir si les États membres sont d'accord pour agir de façon coordonnée, par exemple, sur le droit d'auteur, la protection des données personnelles, etc.

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