III. LE CADRE STRATÉGIQUE POUR L'UNION DE L'ÉNERGIE

La délégation de la commission des affaires européennes a entendu M. Maros efèoviè, vice-président de la Commission européenne et commissaire en charge de l'Union de l'énergie. De cet entretien, elle a tiré un certain nombre d'enseignements.

« Une énergie durable, sûre et abordable pour les Européens » : tel est l'objectif affiché par la Commission européenne lorsqu'elle a présenté, le 25 février 2015, sa stratégie pour l'union de l'énergie, sous forme de communications au Parlement européen, au Conseil, au Conseil économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d'investissement. L'une des communications portait sur la stratégie, une autre sur l'objectif d'interconnexions électriques. Ces documents étaient accompagnés par deux « feuilles de route », relatives respectivement à la mise en oeuvre de la stratégie pour l'union de l'énergie et à la conférence onusienne sur le climat.

Le cadre stratégique pour l'union de l'énergie comporte cinq directions : la sécurité énergétique, la solidarité et la confiance ; le marché intérieur de l'énergie ; l'efficacité énergétique ; la décarbonisation de l'économie ; la recherche, l'innovation et la compétitivité.

Selon une procédure devenue classique au niveau de l'union, la volonté de créer un véritable marché intérieur s'accompagne d'une réforme proposée de sa gouvernance, tendant dans le cas présent à transformer l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie en véritable agence de régulation au niveau européen.

En dehors de cet objectif, la stratégie pour l'union de l'énergie réunit en un seul projet deux préoccupations nettement distinctes :

- empêcher d'éventuelles pressions russes liées aux livraisons de gaz, d'où la volonté de diversifier l'approvisionnement gazier et de revoir sa distribution (A) ;

- contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre au plan mondial, d'où le poids des objectifs climatiques (B).

A. DIVERSIFIER L'APPROVISIONNEMENT GAZIER ET REVOIR SA DISTRIBUTION

Dans sa présentation, la Commission européenne souligne que l'Union européenne importe 53 % de l'énergie qu'elle consomme, ce qui en fait le principal pôle d'importations énergétiques au monde. Elle aurait pu ajouter, à juste titre, que la dépendance envers les importations ne cesse de croître depuis 1995 pour l'ensemble des combustibles fossiles.

La priorité de la diversification, aux yeux de la Commission européenne, porte toutefois sur un seul produit : le gaz naturel.

Comme pour l'ensemble de la stratégie, aucune disposition normative n'est présentée, mais la Commission européenne veut revoir le règlement sur la sécurité de l'approvisionnement en gaz, mieux exploiter le potentiel du gaz naturel liquéfié, accroître les capacités de stockage, et créer des noeuds gaziers alimentés par de multiples fournisseurs en Europe centrale et orientale, ainsi que dans le Bassin méditerranéen.

Clairement géopolitique dans ses intentions, bien que la Commission affirme que l'union de l'énergie n'est dirigée contre personne, cet axe gazier comporte une innovation spectaculaire dans le domaine précis de l'énergie, qui pourrait servir de précédent pour les relations entre la Commission et les États membres (1).

La volonté de diversifier à l'avenir les sources d'approvisionnement se traduit également au niveau des gazoducs (2).

1. Les contrats gaziers
a) Contrats commerciaux et accords intergouvernementaux conclus par les États membres
(1) Renforcer la main des négociateurs

La Commission européenne justifie ses propositions par la « transparence » qu'elle souhaite introduire à leur propos. La justification avancée est le déséquilibre des rapports de force en présence induit par le fractionnement des négociateurs au quasi-monopole du vendeur. Cette situation, actuellement incontestable, induit, d'après la Commission, des différences de traitement en matière de prix, contraires dans leur principe à l'existence d'un marché de l'énergie. D'où le premier motif avancé pour que la Commission européenne soit représentée aux côtés des États membres lorsqu'ils discutent leurs contrats gaziers : Connaissant les conditions consenties à d'autres États acheteurs, le représentant de la Commission européenne conforterait les arguments des acheteurs.

La transparence des accords intergouvernementaux portant sur la fourniture d'énergie serait étendue aux contrats commerciaux ayant un objet semblable.

(2) Exercer un contrôle a priori sur la validité juridique des accords intergouvernementaux.

Le point de départ du raisonnement tenu par la Commission européenne est que la conformité d'un accord intergouvernemental avec le droit de l'Union n'est vérifiée qu'après sa conclusion. Et la Commission d'en déduire qu'elle devrait participer aux négociations conduites avec des pays tiers.

Certains États membres y voient une mise sous tutelle non seulement privée de fondement juridique, mais également inacceptable. Une proposition similaire formulée en 2011 avait rencontré l'opposition des États membres.

Le nouveau dispositif envisagé comporte une faille considérable, puisque les négociations commerciales échapperaient à ce contrôle a priori , au profit d'une information sur les contrats conclus (voir supra ).

b) Vers des achats groupés ?

Cette idée nouvelle est envisagée par la Commission, sur une base volontaire des États membres. À juste titre, la stratégie pour l'union de l'énergie observe que « toute mesure de ce type doit être pleinement conforme aux règles de l'OMC et aux règles de concurrence de l'UE ».

Il s'agit donc là d'une piste de réflexion plus que d'une véritable orientation.

Au demeurant, ce mécanisme - à activer en cas de crise - devrait être limité aux seuls États qui dépendent d'un seul fournisseur.

La Commission européenne devrait préciser sa pensée dans un rapport prévu pour cet automne.

2. Les réseaux gaziers à double flux
a) L'objectif de départ

La Commission européenne estime nécessaire de diversifier les sources de l'approvisionnement gazier, en s'adressant de façon fortement accrue à trois « fournisseurs stratégiques émergeants » : la zone caspienne et l'Irak ; les ressources disponibles dans l'est de la Méditerranée ; le gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance de tous les pays qui en exportent.

Source : Comprendre les politiques de l'Union européenne - Énergie

Commission européenne

La maîtrise des gazoducs représente donc un enjeu crucial. S'ajoute la possibilité de modifier le sens de circulation du gaz sur certaines liaisons, par exemple à partir de terminaux méthaniers.

Le 5 mars, la Commission européenne a annoncé qu'un premier appel à propositions porterait sur 100 millions d'euros, consacrés en 2015 aux infrastructures énergétiques transeuropéennes visant à rompre l'isolement de certains États membres ou à éliminer des goulets d'étranglement.

Cet objectif, inscrit dans la stratégie pour l'union de l'énergie, est complété par un projet spécifique aux connexions gazières Centre-Sud-Est.

b) Le Groupe de haut niveau sur les connexions gazières Centre-Sud-est

Créé en décembre 2014, le groupe de haut niveau sur les collections gazières entre le centre et le sud-est de l'Europe s'est réuni pour la première fois le 9 février 2015.

L'objectif du travail consiste à établir des priorités pour les chantiers d'infrastructures gazières tendant à compléter le réseau et à renforcer la sécurité de l'approvisionnement. Insistant sur la vulnérabilité de l'Europe centre-orientale et du Sud-Est, ce groupe s'est fixé pour objectif d'assurer à chaque État membre concerné au moins trois sources distinctes d'approvisionnement gazier.

La problématique s'inscrit donc parfaitement dans la stratégie de l'Union européenne s'agissant des États membres. Mais elle fait également une forte incursion dans la politique de voisinage, avec trois corridors susceptibles d'inverser les flux : le corridor sud-est reliant la mer Ionienne et la mer Égée d'une part, l'Ukraine d'autre part ; le corridor centre-est entre la mer Noire et l'Europe centrale ; le corridor Adriatique allant de la mer Adriatique à l'Ukraine.

Des considérations géopolitiques expliquent aussi le réseau énergétique balte, électrique et gazier, qui tend à compléter les liaisons avec la Russie par des connexions intra-communautaires.

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