B. CLARIFIER LA PLANIFICATION URBANISTIQUE ET L'AMÉNAGEMENT DES ZONES LITTORALES

1. En finir avec la fragmentation du droit et des outils relatifs aux risques naturels

Votre délégation a constaté, à de multiples reprises durant ses auditions, que l'accumulation d'outils relatifs aux risques naturels constituait un frein à la planification urbanistique des sols par les communes . Cet éclatement est illustré par la multiplicité des instruments mobilisables 144 ( * ) , une fragmentation que l'on retrouve également dans la sectorisation du droit correspondant à ces instruments 145 ( * ) .

Lors de son audition, Bruno Retailleau dénonçait lui aussi cette « complexité administrative asphyxiante, susceptible d'entraîner des contradictions et qui brouille le message ». Or, « la culture du risque doit reposer sur le bon sens, et la complexité administrative rend impossible la culture du risque ».

Cette complexité administrative a été particulièrement frappante en Vendée lors des demandes de maîtres d'ouvrage pour la restauration des digues. Ceux-ci doivent d'abord faire une demande de labellisation dans le cadre des PAPI, puis réaliser une étude sur les dangers, et enfin déposer plusieurs dossiers relatifs à l'occupation du domaine maritime, à la gestion de la mer si du sable est prélevé, à la loi sur les espaces protégés, à la loi littoral, et à la loi Natura 2000. C'est donc une source de complexité extrême, mais également de lassitude. Selon Bruno Retailleau, « cette complexité de procédures entraîne des retards de deux à trois ans dans les travaux ». Or, cette complexité provient, selon lui, de la multitude des procédures à suivre. C'est pourquoi il s'est prononcé en faveur d'une « étude à 360 degrés, qui ne serait pas une étude au rabais, mais qui permettrait de concentrer, au sein d'une même procédure, l'ensemble des éléments relatifs à la protection du littoral ».

La mission d'évaluation, à mi-parcours du PSR, allait dans la même direction en proposant de simplifier certaines procédures par « l'intégration des procédures environnementales dès l'amont des projets, pour éviter le déroulement des différentes procédures en série ».

Une expérimentation en ce sens a été lancée par le Gouvernement en régions Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon, permettant la délivrance d'une autorisation environnementale unique pour les projets soumis à la loi sur l'eau. Autour de la procédure d'autorisation des installations, ouvrages, travaux et activités, toutes les autres autorisations environnementales relevant de l'État nécessaires pour le même projet sont examinées en même temps (exemples : autorisation spéciale de modification d'une réserve naturelle nationale, ou de modification de site classé ou en instance de classement, dérogation à l'interdiction d'atteinte aux espèces et habitats protégés, autorisation de défrichement,...). Le porteur du projet dépose une seule demande. À l'issue d'une procédure d'instruction unique, une autorisation unique est délivrée par le préfet couvrant l'ensemble des aspects du projet. Outre la simplification des démarches administratives, cette procédure permet également un gain de temps dans les délais d'instruction. Le Gouvernement prévoit une généralisation de l'expérimentation à l'ensemble du territoire national très prochainement, ce que votre délégation ne peut qu'encourager.

Par ailleurs, si votre délégation se félicite de cette nouvelle orientation qui intègre et globalise les enjeux environnementaux, elle recommande toutefois d'adopter la même approche en matière de prévention des risques. C'est pourquoi elle souhaite initier un travail de simplification qui associe les services de l'État et les associations d'élus, afin de rendre plus lisible l'articulation des outils relatifs aux risques.

Recommandation n° 6

Engager d'urgence un travail de simplification associant les services de l'État et les associations d'élus afin de rendre plus lisible l'articulation des outils relatifs aux risques.

2. Renforcer l'opposabilité des plans de prévention des risques (PPR)

Vos rapporteurs ont pris bonne note de l'accélération du rythme de révision des PLU et se félicitent de la meilleure intégration des risques sur l'ensemble du territoire à travers les PPR .

Certes, un plan de prévention des risques naturels vaut servitude publique. C'est pourquoi il doit être annexé au PLU et s'imposer à tout acte d'urbanisme du territoire qu'il recoupe. Ainsi, en cas d'approbation, mise en application anticipée ou modification d'un plan de prévention des risques, la primauté de celui-ci est maintenue en cas de distorsion avec le PLU. Dès lors, une autorisation d'urbanisme conforme au PLU mais contraire au PPRN ne peut pas être accordée.

Cependant, pour des raisons de lisibilité des documents d'urbanisme, vos rapporteurs recommandent de prévoir une obligation pour les communes de réviser leurs documents d'urbanisme en cas d'approbation, de mise en application anticipée ou de modification d'un PPR . Cette recommandation avait d'ailleurs été votée par le Sénat mais n'a toujours pas été examinée par l'Assemblée nationale 146 ( * ) .

Vos rapporteur estimeraient judicieux, en cas d'adoption d'une telle proposition, que les communes qui le souhaitent puissent être aidées par les services de l'État lorsqu'elles doivent réaliser ces mises en conformité .

Recommandation n° 7

Prévoir l'obligation pour les communes de réviser leurs documents d'urbanisme en cas d'approbation, de mise en application anticipée ou de modification d'un plan de prévention des risques (PPR).

3. Sécuriser les maires dans leurs missions de délivrance des permis de construire

La confusion des responsabilités dans l'instruction des demandes d'autorisation de construire a contribué au drame survenu à La Faute-Sur-Mer le 28 février 2010. La mission commune d'information estimait qu'il faut en finir avec « l'imbrication entre l'élaboration des documents d'urbanisme et la délivrance des autorisations prises sur ce fondement » 147 ( * ) . Traditionnellement, les maires pouvaient faire gratuitement appel aux services énumérés par l'article R. 423-15 du code de l'urbanisme pour les assister dans l'instruction des demandes de permis de construire.

Toutefois, cette mise à disposition va être prochainement réduite, puisqu'à partir du 1 er juillet 2015, seules les communes de moins de 10 000 habitants situées dans une intercommunalité disposant de la compétence urbanisme et dont la population est inférieure à 10 000 habitants, pourront continuer à bénéficier de ce service à titre gratuit.

Comme cela a été rappelé à vos rapporteurs par les représentants de la Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature, dans les communes où l'État continuera à apporter son concours dans l'instruction des permis de construire, le préfet, en cas de non-respect de ses directives en matière de risques, pourra dénoncer unilatéralement la convention liant l'État à la commune, moyennant le respect d'un préavis contractuellement fixé.

Dès lors, à compter du 1 er juillet 2015, l'enjeu du contrôle de légalité sur le permis de construire comme moyen de sécuriser les maires deviendra crucial.

Par deux circulaires déjà, adressées aux préfets en 2006 et 2009, l'aménagement et les travaux situés dans les zones à risque, ainsi que les autorisations individuelles de construire dans ces zones avaient été classées comme priorités des contrôles de légalité. Toutefois, comme le soulignait la Cour des comptes en 2012, très peu d'actes, dans les faits, ont fait l'objet de contrôles durant la période 2004-2009 148 ( * ) .

Vos rapporteurs notent qu'en réaction, et suite à la tempête Xynthia, la circulaire du 25 janvier 2012 du ministère de l'Intérieur relative à la définition des actes prioritaires en matière de contrôle de légalité a initié un contrôle de légalité à trois niveaux : les priorités nationales, les priorités locales et les contrôles aléatoires.

- s'agissant des priorités nationales, l'objectif d'un contrôle de 100% des actes est affiché. Il s'agit notamment des documents d'urbanisme (SCOT et PLU) - car ils conditionnent la délivrance des actes individuels -, ainsi que des actes individuels dès lors qu'ils « interviennent dans des périmètres ou des zones concernés par des plans de prévention de risques naturels ou technologiques, approuvés ou à venir » ;

- concernant les priorités locales, il s'agit d'effectuer « un contrôle qui soit adapté au contexte local, et notamment de détecter les risques particuliers liés soit aux caractéristiques [du] département, soit aux différents acteurs » .

Toutefois, votre délégation partage l'inquiétude formulée dès 2012 par la Cour des comptes au sujet des effectifs consacrés au contrôle de légalité, du fait de la réorganisation des services déconcentrés. Elle relevait d'ailleurs que le rapport « administration générale et territoriale de l'État » de l'Assemblée nationale pour la loi de finances pour 2011 faisait état des effectifs des préfectures dans chaque département. La Vendée y était classée 88 e sur 100.

Votre délégation considère que le renforcement des contrôles dans la durée ne se fera que par l'existence de moyens suffisants en personnels qualifiés , et par une volonté affirmée de la part des préfectures . Dans cette perspective, elle estime que le renforcement du contrôle de légalité sur les actes d'urbanisme est de nature à sécuriser les décisions prises par les élus locaux, leur permettant de trouver un appui au sein des préfectures face aux pressions d'urbanisme qui peuvent s'exercer sur eux.

Recommandation n° 8

Sécuriser les élus locaux en assurant la présence d'effectifs suffisants dans les préfectures afin de garantir un contrôle de légalité extensif et de qualité sur les actes d'urbanisme.

4. En finir avec les constructions illégales en zone à risque

Vos rapporteurs tiennent à rappeler un problème auquel de nombreuses communes sont confrontées : l'aménagement de « cabanons » qui étaient traditionnellement présents sur des zones à risque mais non destinés à une habitation permanente, en véritables habitations, au fil des années, sans aucune demande de permis de construire ou d'aménager. De nombreux maires craignent ainsi de voir leur responsabilité engagée, du fait de leurs prérogatives de police municipale . Or la procédure pour obtenir la destruction des constructions réalisées sans permis de construire est particulièrement difficile à mener à terme.

La destruction des constructions illégales : une procédure longue

En cas de construction illégale d'habitation ou d'aménagement de « cabanons » en véritables habitations sans demande de permis de construire ou d'aménager, les infractions peuvent être constatées par les agents et officiers judiciaires - dont les maires -, ainsi que par les fonctionnaires assermentés par le ministre en charge de l'urbanisme ou par le maire.

À cet égard, et depuis 1976, l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme précise que : « l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent, ont connaissance d'une infraction de la nature de celles prévues par les articles L. 160-1 et L. 480-4, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal ». Le refus de dresser un procès-verbal, la négligence ou le retard dans sa réalisation entraîne donc la responsabilité de l'État.

De son côté, l'administration est tenue d'envoyer une copie de procès-verbal au ministère public, qui peut déclencher des poursuites au vu de l'opportunité. Toutefois, en cas de constitution de partie civile, par les communes notamment, qui n'ont pas à démontrer l'existence d'un préjudice (Cour de cassation, arrêt du 9 avril 2002), le processus répressif est automatiquement engagé. Le tribunal de grande instance peut ainsi ordonner la suspension des travaux. En l'absence d'intervention de la part du TGI, cette décision peut être prise par l'autorité administrative. Le maire peut donc, par arrêté motivé, donner l'ordre d'interrompre les travaux à partir du moment où un procès-verbal a été dressé. L'action civile (la commune) se prescrit au bout de 10 ans à compter de la fin des travaux.

Toutefois, le maire ne peut pas ordonner la démolition d'une construction illégale, comme l'a rappelé le Conseil d'État (CE, 6 septembre 1993, Mme Laverlochère). En effet, seul le juge judiciaire, en tant que garant des libertés individuelles, et notamment du droit de propriété, « peut sanctionner les infractions aux règles d'urbanisme et à la législation relative au permis de construire et peut ordonner, le cas échéant, sur le fondement de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, la démolition des installations litigieuses ». Mais le maire peut néanmoins agir devant le tribunal de grande instance pour demander la démolition (article L. 480-14 du code de l'urbanisme. Cette dernière est prononcée par le tribunal correctionnel, lequel fixe un délai sous astreinte. À l'expiration du délai, l'administration peut alors faire procéder aux travaux nécessaires à l'exécution de la décision de justice aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers.

Une contrainte supplémentaire existe lorsque l'habitation à démolir est habitée . En effet, la procédure est subordonnée à une expulsion au préalable 149 ( * ) . Plusieurs années peuvent donc s'écouler entre la constatation de l'infraction et l'expulsion effective des personnes avant la démolition de la construction illégale.

Afin d'accélérer les procédures, et en vue de simplifier la vie des élus locaux, votre délégation recommande la désignation de substituts du procureur de la République dédiés aux contentieux des actes d'urbanisme, compétents en particulier en matière de construction illégale. Cette recommandation était appelée de ses voeux par la direction générale à la prévention des risques lors de son audition.

Recommandation n° 9

Désigner dans les services du parquet des substituts du procureur de la République spécialisés dans le contentieux des actes d'urbanisme, compétents en particulier en matière de construction illégale.


* 144 Plans de prévention des risques d'inondation (PPRI), plans locaux d'urbanisme (PLU), plans d'action pour la prévention des inondations (PAPI), plans communaux de sauvegarde (PCS).

* 145 Code de l'environnement pour les PPRI et les PAPI, code de l'urbanisme pour les PLU et les SCOT, code général des collectivités territoriales pour les PCS.

* 146 L'article 5 de la proposition de loi n° 103 modifiait les articles L. 515-23 du code de l'environnement, L. 123-12 et L. 123-13 du code de l'urbanisme et insère les articles L. 123-1-10-1 et L. 124-2-1 dans ce dernier code.

* 147 Rapport d'information n° 647, tome I, p. 124.

* 148 Seul 1 contrôle sur 150 en Charente-Maritime, et 1 sur 100 en Vendée ont fait l'objet d'une lettre d'observation. En outre, le nombre de recours est extrêmement faible et le taux de déférés est inférieur à la moyenne française.

* 149 La demande d'expulsion peut être faite devant le juge des référés, solution admise par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 29 janvier 2014.

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