B. TIRER LES LEÇONS DU DRAME DANS LES TERRITOIRES : LES ACTIONS REALISÉES PAR L'ÉTAT DEPUIS LA TEMPÊTE XYNTHIA

L'évaluation préliminaire des risques d'inondation (EPRI) réalisée par l'État en 2012 révèle que près d'1 Français sur 4 est potentiellement exposé à ce risque 95 ( * ) .

Pour répondre à l'impératif de sécurité des populations dans les zones inondables, l'État a d'abord pris des mesures d'urgence immédiatement après la tempête . Son action s'est ensuite orientée sur un plus long terme, dans le cadre du Plan submersions rapides (PSR) adopté en 2010 à travers lequel 80 actions doivent être menées jusqu'à la fin 2016.

1. Les mesures prises en urgence par l'État après la tempête le 28 février 2010

Les services de l'État ont tout d`abord pris, dans l'urgence, des mesures de délocalisation des habitations les plus menacées, ouvert des crédits finançant les rachats subséquents et conforté les ouvrages de protection les plus fragilisés. Lors de leur audition devant votre délégation, Philippe Ledenvic et Christian Pitié, membres du CGEDD, ont d'ailleurs confirmé que « les travaux de réparation d'urgence, après les catastrophes de 2010, ont été réalisés dans de très bonnes conditions d'efficacité et de financement ».

Dès le Conseil des ministres du 7 avril 2010, le ministre en charge de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer avait annoncé la mise en oeuvre d'une procédure d'acquisition pour les habitations situées dans des zones touchées par la tempête qu'il n'était pas possible de protéger. Dans ces zones d ' extrême danger , le Gouvernement avait en effet estimé qu'il n'était pas acceptable de laisser les habitants se réinstaller. Ces zones, dites « zones noires », devaient donc retourner à l'état naturel. Dans les cas où l'acquisition à l'amiable des biens situés dans les « zones noires » n'était pas possible du fait du refus des propriétaires ou de l'absence d'accord sur le montant de la transaction, l'État a pu engager des procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique .

Dans les zones exposées à un moindre risque 96 ( * ) , dites aussi « zones jaunes », un certain nombre de prescriptions ont été imposées dans le cadre d'un programme de protection 97 ( * ) .

Mais si l'objectif de ce zonage, la sanctuarisation des périmètres soumis à risque mortel avéré, était incontestable, sa mise en oeuvre précipitée a toutefois été source de graves incompréhensions, comme l'a relevé notre collègue Bruno Retailleau 98 ( * ) .

Un travail d'expertise approfondi a donc été mené en Vendée et en Charente-Maritime 99 ( * ) pour réexaminer l'ensemble des données et des possibilités de protection, et proposer des périmètres pour les zones d'expropriation nécessitant une procédure de déclaration d'utilité publique (DUP). Pour les secteurs où des zones de DUP ont pu être arrêtées 100 ( * ) , une nouvelle phase a été engagée. Il s'agissait de passer du processus « zone de solidarité » au processus « zone de DUP », préalable à l'expropriation 101 ( * ) .

Pour le département de Vendée , les arrêtés de DUP et de cessibilité des biens concernés à La Faute-sur-Mer et l'Aiguillon-sur-mer ont été signés en janvier 2013 et, le 10 octobre 2013, le juge de l'expropriation a pris deux ordonnances d'expropriation pour les biens déclarés cessibles et non acquis à l'amiable sur ces deux communes. En Charente-Maritime , la procédure de DUP sur les communes de Charron, Fouras, Aytré et Port-des-Barques est achevée. Les expertises se poursuivent dans ces deux départements en vue d'autres expropriations dans des zones dangereuses et dans l'attente de l'aboutissement de l'élaboration des plans de préventions des risques littoraux prioritaires (PPRL) destinés à rendre plus sûr le bâti.

Par ailleurs, la Cour des comptes, dans son rapport de 2012 relatif aux conséquences de la tempête sur le littoral atlantique, constate qu'immédiatement après la catastrophe, les préfets ont pris des mesures d'urgence afin de stopper toute construction dans les zones à risque. Elle regrettait toutefois le caractère provisoire de ces mesures.

Le financement des procédures d'acquisition amiable par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM)

Créé par la loi n°95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, ce fonds, dit « fonds Barnier », avait pour objectif initial de financer les indemnités d'expropriation des biens exposés à un risque naturel majeur. L'estimation des biens immobiliers éligibles à une indemnisation par le FPRNM est effectuée par France Domaines, qui considère l'ensemble de l'habitation sans tenir compte du fait que la parcelle sera située dans une zone à risques inconstructible 102 ( * ) .

La contribution du fonds peut être accompagnée d'une indemnisation par l'assurance du propriétaire sinistré. Les indemnités dues par les assurances sont versées sans tenir compte du processus d'acquisition par le fonds.

Le champ d'intervention du FPRNM est défini par l'article L. 561-3 du code de l'environnement et par les articles 128 de la loi de finances pour 2004 et 136 de la loi de finances pour 2006, trois textes modifiés par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

Désormais, en plus du financement des indemnités allouées en cas d'expropriation d'utilité publique, ainsi que des dépenses liées à la limitation de l'accès et à la démolition éventuelle des biens exposés afin d'en empêcher toute occupation future, le fonds finance les dépenses de prévention liées aux évacuations temporaires et au relogement des personnes exposées. Il peut également, contribuer au financement des mesures de prévention intéressant des biens couverts par un contrat d'assurance des risques de catastrophes naturelles. « À ce titre, il finance notamment l'acquisition amiable, par une commune, un groupement de communes ou l'État, d'un bien exposé à un risque prévisible de crues torrentielles ou à montée rapide, ou de submersion marine menaçant gravement des vies humaines, ainsi que des études et travaux de prévention définis et rendus obligatoires par un PPRN prévisible approuvé » 103 ( * ) . Enfin, il contribue au financement des digues relevant des collectivités territoriales.

Le FPRNM est alimenté par un prélèvement sur le produit des primes et cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles figurant dans les contrats d'assurances 104 ( * ) . De même, pour pallier l'insuffisance des ressources du fonds pour remplir ses missions, le taux maximal a été plusieurs fois relevé 105 ( * ) en loi de finances 106 ( * ) .

Après le passage de la tempête Xynthia, l'État a souhaité s'appuyer davantage sur le fonds Barnier en le mobilisant pour le financement des acquisitions immobilières amiables ou d'expropriation rendues nécessaires. C'est ainsi que l'article 71 de la loi de finances pour 2011 du 29 décembre 2010 a affecté le dividende versé en 2011 par la caisse centrale de réassurance à l'État , dans la limite de 100 millions d'euros, au FPRNM. Par ailleurs, l'article 156 de la loi de finances pour 2011 a étendu le champ d'intervention du FPRNM au financement des travaux de mise en conformité des digues domaniales pour la mise en oeuvre du PSR. Ce financement est prévu jusqu'au 31 décembre 2016 , dans la limite de 200 millions d'euros pour la totalité de la période.

Selon le document budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2015 sur la gestion du fonds de prévention des risques naturels majeurs 107 ( * ) , cette mesure en faveur des digues domaniales permet de répondre à une réelle demande : il estime ainsi que les besoins financiers sont passés pour ces digues de 0,35 M€ en 2011 à 12,05 M€ en 2013 (part du financement par le fonds Barnier). Au total, entre 2011 et 2013, près de 21,5 millions d'euros avaient été engagés, somme qui devrait augmenter car des travaux de confortement des digues domaniales sont prévus sur le littoral (Vendée, Basse-Normandie, Bretagne), mais également le long des fleuves français (digues de la Loire, Toulouse, secteur du Rhône aval,...). Pour 2014, 2015 et 2016, une dépense annuelle de 23 à 25 millions d'euros est prévue, traduisant une augmentation du rythme des études et des travaux.

2. Les actions mises en place par l'État dans le cadre du Plan submersions rapides (PSR)

Après les mesures d'urgence, l'État a tenté de répondre à plus long terme à l'impératif de sécurité des populations dans les zones inondables dans le cadre du « Plan submersions rapides » (PSR), qui le conduit à mener actuellement et jusqu'en 2016, 80 actions . Lors de leur audition, Philippe Ledenvic et Christian Pitié, membres du CGEDD, se félicitaient devant votre délégation, « qu'en dépit d'un défaut de systématicité dans la mise en oeuvre du PSR, celui-ci a impulsé un effort significatif de la nation pour s'attaquer de façon globale à la prévention des inondations rapides, dangereuses pour les vies humaines » . Selon eux, la tempête Xynthia a initié « une mobilisation générale et inédite des services de l'État et des collectivités » .

Ce plan national et interministériel , présenté en juillet 2010 et validé le 17 février 2011, couvre les risques d'inondation par submersions marines , crues soudaines ou ruissellements localisés et ruptures de digues. Le PSR, lancé pour une durée de cinq ans 108 ( * ) , anticipe la mise en oeuvre de la stratégie nationale de gestion des risques d'inondation (SNGRI) approuvée à l'été 2014, en application de la loi Grenelle II 109 ( * ) . Le ministère de l'Écologie a mis en place, dès le 12 juillet 2011, une Commission mixte inondations (CMI) chargée de piloter la politique de gestion du risque inondation, de suivre l'avancement de la SNGRI et d'assurer le suivi de la mise en oeuvre du PSR.

Cette démarche comprend plusieurs étapes : une évaluation préliminaire du risque inondation en 2011, la désignation des territoires à risques importants en 2012, avec leurs cartographies en 2013-2014, l'élaboration des plans de gestion des risques inondation (PGRI) pour fin 2015, et des stratégies locales sur les territoires à risques d'inondation (TRI) pour fin 2016.

Le plan PSR s'appuie sur 71 actions thématiques et 9 actions structurantes, dont plusieurs ont déjà été réalisées .

Le PSR est doté par l'État, sur 6 ans, d'une enveloppe de subvention de 500 millions d'euros provenant essentiellement du FPRNM, auxquels s'ajoutent les financements des collectivités territoriales. Ces financements s'articulent avec ceux des programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI).

À ce jour, à travers ces deux dispositifs, 99 projets de PAPI et opérations de confortement des ouvrages de protection relevant du PSR (hors PAPI) ont été labellisés pour un montant de 1 250 millions d'euros, dont 495 millions sous forme de subventions apportées par l'État.

Le PSR s'articule autour de quatre axes : la maîtrise de l'urbanisation et l'adaptation du bâti existant ; l'amélioration de la connaissance des aléas et des systèmes de surveillance ou de prévision, de vigilance et d'alerte ; la fiabilité des ouvrages et des systèmes de protection ; l'amélioration de la résilience des populations .


* 95 L'évaluation préliminaire des risques d'inondation (EPRI) apporte une vision homogène des risques à l'échelle de chaque grand bassin (district hydrographique). Elle permet d'identifier les territoires pour lesquels l'effort public sera porté en priorité pour réduire les conséquences négatives des inondations.

* 96 La définition des zones, « noires » comme « jaunes », repose sur plusieurs critères, tels que la hauteur d'eau constatée, la vitesse et la force de la vague, et la possibilité de se protéger.

* 97 Programme réalisé sur la base de systèmes d'alerte et d'évacuation, de contraintes techniques sur les bâtiments ou de protections collectives.

* 98 Rapport n° 454 (2010-2011) de Bruno Retailleau fait au nom de la commission de l'Économie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire, déposé le 26 avril 2011.

* 99 Ce travail a donné lieu, dans chaque département, à un rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable, respectivement rendus le 16 septembre 2010 et le 15 janvier 2011.

* 100 En Vendée et partiellement en Charente-Maritime.

* 101 Ainsi, les personnes situées en zone de solidarité en Vendée avaient jusqu'au 1 er décembre 2010 pour s'engager dans une démarche de cession amiable, et donc demander une évaluation de leur bien immobilier par l'administration des Domaines.

* 102 Par nature, elle prend en compte la valeur du bien, mais non le préjudice moral.

* 103 Rapport n° 454 (2010-2011) de Bruno Retailleau, fait au nom de la commission de l'Économie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire, déposé le 26 avril 2011, p. 11.

* 104 Le produit des primes et cotisations additionnelles est fixé par arrêté.

* 105 Initialement de 4 %, il est passé à 8 % en 2008 et 12 % en 2009.

* 106 Versé par les entreprises d'assurance, ce prélèvement constitue aujourd'hui 90 % des ressources du fonds.

* 107 Rapport sur la gestion du fonds de prévention des risques naturels majeurs, annexe au PLF 2015.

* 108 Dans son résumé, le plan annonce l'année 2015 comme celle de son bilan, mais son volet financier fait référence à « la période 2011-2016 ».

* 109 Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

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