N° 180

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la concurrence dans les transports aériens ,

Par MM. Jean BIZET, Éric BOCQUET, Claude KERN et Simon SUTOUR,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, M Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrère, Gérard César, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, MM. Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Michel Mercier, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard et Alain Vasselle. .

SYNTHÈSE

Autrefois, les compagnies aériennes nationales utilisaient des avions de petite capacité pour transporter les passagers soit entre les aéroports régionaux directement reliés entre eux, soit entre ces aéroports régionaux et la grande plate-forme nationale, habituellement désignée par son terme anglais : hub . Les vols internationaux ne partaient en principe que du hub , à destination d'un autre hub , situé dans l'État de destination. Dans ce schéma, la concurrence entre compagnies se limitait aux liaisons de hub à hub .

Depuis que les transports aériens au sein de l'Union européenne ont été juridiquement libéralisés en 1992, certaines compagnies - préexistantes ou créées depuis lors 1 ( * ) - ont développé une offre complémentaire à celle des grands opérateurs nationaux : des liaisons supplémentaires entre petits aéroports des États membres, souvent en franchissant les frontières nationales. Se rendre directement d'un pays à l'autre sans changement à un hub : l'innovation n'était pas anodine. S'ajoute le charme séduisant de tarifs défiant toute concurrence. Le succès fut donc au rendez-vous . En apparence, les compagnies historiques n'ont été que très marginalement touchées, car leur trafic propre s'est quasiment maintenu. En revanche, leur part dans le trafic total au sein de l'Union européenne s'est réduite comme une peau de chagrin, passant des deux tiers en 1992 à quelque 42 % vingt ans plus tard. En réalité, la comparaison de ces deux chiffres sous-estime l'ampleur des dommages car, parmi les compagnies historiques, seule British Airways est véritablement prospère, deux autres grandes compagnies traversent de sérieuses difficultés, cependant que plusieurs autres ont perdu leur autonomie. Il est vrai que l'essor des compagnies à bas prix - couramment désignées par l'expression anglaise low cost - s'est manifesté simultanément à une autre mise en cause du modèle traditionnel, cette fois par des compagnies basées dans le Golfe persique.

Emirates , Etihad et Qatar Airways : qui connaissait ces noms il y a douze ans 2 ( * ) ? Quasiment personne. Qui les ignore aujourd'hui ? Probablement personne. Ces deux interrogations et la fausse analogie de la réponse qu'elles appellent suffisent à montrer l'ampleur d'une évolution fulgurante qui a pratiquement éliminé les opérateurs européens sur les lignes entre le Vieux Continent et l'Asie du Sud-Est. La tâche est virtuellement achevée en Australie et en Nouvelle-Zélande ; qu'en sera-t-il de l'Afrique orientale demain ? Nous vivons l'émergence de hubs dominants qui tendent à vassaliser les hubs historiques d'Europe, d'Amérique du Nord, d'Asie, voire d'Afrique de l'Ouest.

Ces deux bouleversements n'ont pas fini de produire tous leurs effets, alors même qu'apparaît à l'horizon la perspective de liaisons directes « de point à point » reliant par long-courriers deux aéroports de taille moyenne : cette reproduction à l'échelle planétaire des low cost actuellement limitées aux court et moyen-courriers annonce un nouveau changement majeur qui produira ses premiers effets substantiels au plus tard dans dix ans.

Tels sont trois des principaux thèmes traités dans un rapport d'information qui ne saurait ignorer la contribution que les aéroports sont susceptibles d'apporter au développement local.

Cette problématique est donc riche en parties prenantes, chacune avec sa légitimité, mais chacune aussi avec ses intérêts, qui coïncident ou non avec ceux des autres participants.

Pour harmoniser cet ensemble et lui conférer une certaine cohérence, il n'y a que deux échelons possibles : l'Union européenne et les États, puisque l'aviation civile ne fait pas actuellement partie des compétences de l'OMC.

Le présent rapport d'information a pour ambition d'identifier clairement les enjeux présents et futurs. Dans ce but, son chapitre 1 er décrit les turbulences dans les airs, caractérisées par les difficultés des compagnies européennes, alors que transporteurs, aéroports et industriels ont des intérêts distincts. Le chapitre 2 s'attache au possible nouveau décollage des transports aériens de l'Union européenne, avec la piste d'une gestion stratégique de la concurrence envers les opérateurs d'États tiers et la planification d'une concurrence loyale entre compagnies de l'Union.


* 1 Ryanair remonte à 1985 ; easyJet fut créée en 1995.

* 2 Etihad est la plus jeune compagnie, constituée en 2003 ; Qatar Airways date de 1993 ; Emirates existe depuis 1985.

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