CHAPITRE 2 : VERS UN NOUVEAU DÉCOLLAGE

I. LA PISTE D'UNE GESTION STRATÉGIQUE DE LA CONCURRENCE AVEC LES TRANSPORTEURS D'ÉTATS TIERS

A. L'INDISPENSABLE RÉGULATION EUROPÉENNE

Le thème de la régulation européenne recouvre en fait deux problématiques : la nécessité d'une action commune, à l'échelle de l'Union, parce que l'échelon de l'État ne suffit pas ; la nécessité désormais impérieuse de faire véritablement respecter les dispositions adoptées pour combattre la concurrence déloyale.

1. L'échelon de l'État ne suffit pas

La nécessité de ne pas s'en remettre au seul niveau des États membres vient d'être parfaitement exposée par le Comité économique et social européen, dans l'avis « Une politique européenne intégrée de l'aviation », adopté les 16 et 17 septembre 2015.

Le groupe de travail souscrit pleinement à ce que le Comité économique et social européen a dit, et si bien dit : dans le monde actuel, chaque État membre est trop petit pour conduire une véritable négociation dans le domaine aéronautique. En revanche, lorsque les 28 États membres parlent d'une seule voix, ils peuvent obtenir quelque chose.

Encore leur faut-il définir une position véritablement commune.

2. Appliquer le droit de l'Union contre la concurrence déloyale

Adopté il y a onze ans, le règlement n° 868/2004 du 21 avril 2004 était censé protéger les compagnies européennes de transport aérien contre les subventions et pratiques déloyales qui leur porteraient préjudice.

Mais ce texte antidumping aux intentions excellentes reposait sur un dispositif aux objectifs prudents et pusillanimes dans ses moyens. Ainsi, seules pouvaient être contestées des subventions spécifiques à des entreprises ou des industries relevant de l'autorité qui accorde la subvention... Encore fallait-il que le plaignant démontre l'existence d'un préjudice, en s'appuyant sur des éléments de preuve positifs permettant de mettre en évidence des subventions qui causent un préjudice. Les mesures que la Commission européenne serait alors susceptible d'adopter ne devraient dépasser ni le niveau des subventions mises en évidence par le plaignant ni l'incidence du différentiel tarifaire (!).

En d'autres termes, échapperaient à toute action des subventions qui apporteraient une parfaite santé financière à une compagnie déficitaire, extérieure à l'Union européenne. Loin d'être anecdotique, ce point justifie les développements consacrés infra au nécessaire assainissement des prises de participation. Outre cette mansuétude posée par principe, le principal point faible de ce règlement tient à la fourniture de preuves préalablement à toute investigation de la Commission : comment démontrer que tel ou tel concurrent basé dans un État tiers y perçoit une aide faussant la concurrence ?

Il n'est donc pas surprenant que le droit de l'Union n'ait guère combattu en pratique de concurrence déloyale pratiquée par un fournisseur de transport aérien de pays non membre.

Comité économique et social européen

Avis « Une politique européenne intégrée de l'aviation »

16 et 17 septembre 2015

(Extraits)

« Le transport aérien est l'un des rares secteurs de services à être en concurrence au niveau non pas local mais mondial. Par conséquent, les coûts de production, le soutien politique disponible et les fonds octroyés aux compagnies aériennes des pays tiers, mais refusées aux transporteurs de l'UE, ont une incidence sur la compétitivité de l'Europe. »

« En l'absence d'une stratégie commune, l'on passe à côté de possibilités de garantir la croissance pour les compagnies aériennes européennes en dehors de l'Union européenne et les États membres de l'UE resteront enclins à poursuivre leurs propres intérêts nationaux, même si l'UE pourrait retirer un avantage global supérieur à la somme des avantages individuels de chaque État. »

« Dans le contexte d'une économie mondialisée et d'un déplacement géopolitique de la croissance du trafic vers l'Asie, une Union fragmentée continuera à perdre de son poids et de son influence sur la scène internationale. »

« L'Union européenne dispose d'atouts incomparables au niveau mondial. [...] L'accès à ce marché constitue une option très attrayante pour les entreprises des pays tiers. »

« Sans une stratégie cohérente dans le domaine de l'aviation à l'échelle de l'UE qui s'appuie sur les atouts de l'Europe et réunisse des parties prenantes du continent tout entier, les possibilités de croissance de nombreuses économies européennes pourraient être compromises. »

« La compétitivité de l'aviation de l'UE est en jeu dès lors que l'ensemble du réseau de valeur de l'aviation européenne n'est pas concurrentiel dans une économie mondialisée. »

« [...] le CESE demande à la Commission qu'elle s'attache, lors de la mise au point de sa stratégie, à promouvoir les avantages économiques créés par l'aviation. »

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