N° 247

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 décembre 2015

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer (1) sur le « sucre des régions ultrapériphériques en danger : sauver une filière vitale des méfaits d'une politique commerciale dogmatique »,

Par Mme Gisèle JOURDA et M. Michel MAGRAS,

Sénateurs.

(1) Cette délégation est composée de : M. Michel Magras , président ; Mme Aline Archimbaud, M. Guillaume Arnell, Mmes Éliane Assassi, Karine Claireaux, MM. Éric Doligé, Michel Fontaine, Pierre Frogier, Joël Guerriau, Antoine Karam, Thani Mohamed Soilihi , vice-présidents ; M. Jérôme Bignon, Mme Odette Herviaux, MM. Robert Laufoaulu, Gilbert Roger , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jean Bizet, Mme Agnès Canayer, MM. Joseph Castelli, Jacques Cornano, Mathieu Darnaud, Félix Desplan, Jean-Paul Fournier, Jean-Marc Gabouty, Jacques Gillot, Daniel Gremillet, Mme Gisèle Jourda, MM. Serge Larcher, Nuihau Laurey, Jean-François Longeot, Vivette Lopez, Jeanny Lorgeoux, Georges Patient, Mme Catherine Procaccia, MM. Stéphane Ravier, Charles Revet, Didier Robert, Abdourahamane Soilihi, Mme Lana Tetuani, MM. Hilarion Vendegou, Paul Vergès, Michel Vergoz.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Depuis le XVII e siècle, la culture de la canne à sucre a façonné la vie de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion. Le sucre et le rhum demeurent des éléments essentiels d'un patrimoine culturel séculaire , transmis avec fierté de génération en génération. Ce sont aussi des secteurs économiques cruciaux pour des territoires frappés par un chômage de masse, la filière canne représentant quelque 40 000 emplois directs et indirects. Qu'une seule production soit menacée et c'est toute la filière qui se retrouve déstabilisée, avec les conséquences catastrophiques que l'on peut anticiper sur de petites économies insulaires vulnérables. Sous peine d'allumer la mèche qui conduit à l'explosion sociale, les autorités nationales et européennes doivent soutenir ce secteur stratégique.

Or, les professionnels du secteur du sucre sont confrontés à une série de menaces qui mettent en danger les efforts importants de restructuration et de modernisation qu'ils ont entrepris en misant sur l'exemplarité environnementale, la spécialisation commerciale et l'innovation agronomique et industrielle.

La première menace est celle du changement climatique , qui commence déjà à faire sentir ses effets. L'allongement et l'intensification des saisons sèches qui sont promises aux départements d'outre-mer par les prévisions les plus robustes ne manqueront pas de peser sur le rendement des cultures, la canne étant particulièrement sensible à la sécheresse. Pour y faire face, le secteur sucrier appuie la recherche agronomique pour développer de nouveaux plants plus résistants et développe de nouveaux procédés industriels pour gagner en compétitivité tout en promouvant l'économie circulaire et la production d'énergie durable à partir de la bagasse.

Le deuxième choc qui s'annonce viendra de la suppression des quotas sucriers en 2017. Il sera fait table rase du principe fondamental de l'organisation commune de marché européenne qui prévaut encore aujourd'hui. Les producteurs de sucre brut des départements d'outre-mer, dont l'accès au marché européen était protégé depuis 50 ans, se retrouveront directement confrontés à la concurrence des industriels de la betterave, très compétitifs et solidement installés en Europe continentale.

C'est pourquoi le segment des sucres roux non destinés au raffinage, dits « sucres spéciaux » , qui constitue un marché de niche haut de gamme , devient hautement stratégique pour les régions ultrapériphériques (RUP). Grâce à ses départements d'outre-mer, la France est le seul producteur de sucres spéciaux de canne en Europe et La Réunion partage sur ce marché le premier rang avec l'île Maurice, avec environ 90 000 tonnes produites. Toutefois, le succès de cette stratégie de recentrage sur les sucres spéciaux dépend du maintien de protections douanières adéquates pour limiter les importations des pays tiers.

Or, et c'est la troisième menace qui pèse sur la filière canne, la politique commerciale de l'Union européenne , sous la houlette d'une Commission européenne prônant un libre-échange sans limite , met en danger la production sucrière de ses RUP . Ce credo aboutit à négliger toute évaluation prospective et toute étude d'impact des accords commerciaux de l'Union européenne et, en conséquence, à concéder des avantages douaniers excessifs aux pays tiers au préjudice de nos outre-mer. Les négociations en cours avec le Vietnam offrent une parfaite illustration de cette orientation, qui est d'autant plus incompréhensible qu'elle entre en totale contradiction avec la modernisation industrielle de la filière que l'Union européenne elle-même a largement financée grâce à sa politique agricole et à sa politique régionale.

Ces concessions commerciales exorbitantes ne peuvent être compensées par les clauses de sauvegarde et mécanismes stabilisateurs. Force est de constater à l'expérience que les procédures sont trop lourdes et trop lentes. Même en apportant des preuves irréfutables d'une déstabilisation, il manque toujours la volonté politique d'appliquer ces dispositifs laissés à la discrétion de la Commission. Pour reprendre un mot de Pascal, on serait amené à dire qu'en l'état et à moins d'une révision drastique, « cela est inutile et incertain, et pénible ».

Il est désormais impératif d'éviter que ne s'empilent des accords commerciaux conclus sans vision d'ensemble de leurs répercussions sur les économies ultramarines. Les sucres spéciaux doivent, en particulier, être explicitement exclus du champ des futures négociations commerciales.

Les RUP appartiennent pleinement à l'Europe dont ils portent les valeurs et respectent les normes sanitaires, sociales et environnementales, contrairement aux concurrents qu'ils affrontent au sein de leur environnement régional. Soucieuse de sonner l'alerte avant qu'il ne soit trop tard, la Délégation sénatoriale à l'outre-mer a souhaité, à l'occasion des négociations de l'accord de libre-échange avec le Vietnam, élaborer une proposition de résolution européenne condamnant une politique commerciale qui ferait des outre-mer une variable d'ajustement .

I. LA FILIÈRE DE LA CANNE À SUCRE : UN SECTEUR VITAL MAIS VULNÉRABLE DES ÉCONOMIES DES RUP

A. UN SECTEUR STRATÉGIQUE POUR L'EMPLOI QUI A SU SE MODERNISER

1. Un moteur économique indispensable

La filière de la canne à sucre, avec ses deux branches de production de sucre et de rhum, joue un rôle économique et social vital dans les départements d'outre-mer, notamment à La Réunion, en Guadeloupe et en Martinique.

La Martinique se caractérise par l'orientation de la filière vers la production de rhum agricole. La majorité des exploitations disposent de moins de 3 hectares, dont certaines d'entre elles sont situées dans des zones accidentées ce qui génère des coûts de production élevés. Une sucrerie subsiste en Martinique : la SAEM du Galion. Le sucre est vendu sur le marché local.

En Guadeloupe , la production de sucre est dominante. Bien que les exploitations soient de petite taille (3,4 hectares en moyenne), la majorité des parcelles sont récoltées mécaniquement ou semi-mécaniquement, à l'exception de Marie-Galante où la récolte est essentiellement manuelle. La Guadeloupe dispose de deux usines sucrières : Gardel localisée au Moule, qui broie environ 80 % des tonnages de canne produits en Guadeloupe « continentale », et une plus petite unité localisée à Marie-Galante : les Sucreries Rhumeries de Marie-Galante (SRMG).

La Réunion est le principal producteur de sucre parmi les régions ultrapériphériques (RUP). Elle ne produit pas de rhum agricole et envoie l'intégralité de la canne récoltée à des sucreries. Le rhum réunionnais est le résultat d'une seconde transformation à partir de la mélasse provenant de la première transformation sucrière. Le modèle de production est bien différent de celui des Antilles. La surface moyenne des exploitations cannières est de 7,6 hectares, ce qui reste de petite taille par comparaison avec les exploitations betteravières d'Europe continentale. C'est à la fois la conséquence de la géographie accidentée de l'île et d'une volonté de préserver une agriculture familiale 1 ( * ) .

En revanche, ces exploitations sont nettement plus étendues qu'en Guadeloupe et en Martinique, ce qui justifie une différenciation des productions respectives pour tirer parti des avantages comparatifs de chaque territoire sans entrer en concurrence sur des marchés relativement étroits 2 ( * ) . La canne est transformée par deux usines : Bois-Rouge au nord-est et le Gol au sud-ouest, d'une capacité unitaire d'un million de tonnes de cannes traitées.

Production de canne par département (en tonnes)

Destination

2010

2011

2012

2013

2014

Guadeloupe

Sucrerie

677 432

646 304

585 600

448 022

587 676

Distillerie agricole

57 739

51 280

72 676

56 814

79 163

Total

735 171

697 584

658 276

504 836

666 839

Guyane

Sucrerie

0

0

0

0

0

Distillerie agricole

5 626

7 090

7 546

2 931

10 075

Total

5 626

7 090

7 546

2 931

10 075

Martinique

Sucrerie

70 288

68 994

47 368

42 872

39 665

Distillerie agricole

131 490

137 677

127 937

135 050

127 206

Total

201 778

206 671

175 305

177 922

166 881

La Réunion

Sucrerie

1 877 197

1 884 000

1 835 786

1 717 665

1 763 656

Distillerie agricole

0

0

0

0

0

Total

1 877 197

1 884 000

1 835 786

1 717 665

1 763 656

Totaux

Sucrerie

2 624 917

2 599 298

2 468 754

2 208 559

2 390 997

Distillerie agricole

194 855

196 047

208 159

194 795

216 444

Total

2 819 772

2 795 345

2 676 913

2 403 354

2 607 451

Source RAE POSEI - ODEADOM 2014

Selon le cabinet d'études Solving Efeso qui a réalisé en 2013-2014 sur commande de l'ODEADOM, une évaluation des aides à la filière canne , celle-ci représente en effet 23 000 emplois directs et 40 000 emplois directs, indirects et induits . L'éventail des métiers est très étendu, le Syndicat du Sucre de La Réunion en recensant plus d'une cinquantaine dans les domaines agricole (plantations), industriel (sucrerie et distillerie), des transports, de l'énergie (centrales à bagasse) et de la recherche 3 ( * ) .

Son poids est considérable dans des territoires où le taux de chômage s'élève à plus du double de la moyenne nationale et où plus de la moitié des actifs de moins de 25 ans sont au chômage. D'après l'Insee, en novembre 2015, les taux de chômage s'établissent en métropole à 9,9 % et dans les départements d'outre-mer à 24,1 %. Le taux le plus élevé est atteint à La Réunion (26,8 %), suivie de la Guadeloupe (23,7 %) pour retenir les deux départements où l'économie sucrière est la plus développée. Le poids de cette activité ramené à la population active de l'Hexagone représenterait plus de 3 millions d'emplois .

Si l'on considère plus spécifiquement La Réunion , cette filière génère 18 300 emplois directs, indirects et induits, soit 9 % de la population active et 13,3 % des emplois du secteur privé. Par ailleurs, elle occupe le premier rang dans les exportations du territoire et pèse près de 50 % de leur valeur totale 4 ( * ) et 80 % de leur volume, ce qui lui fait jouer un rôle prépondérant dans la balance commerciale réunionnaise. Elle constitue un pilier du modèle agricole et plus largement du modèle économique de l'île.

L'importance de la filière canne résulte aussi de sa contribution à l'aménagement du territoire. En 2014, la superficie de canne à sucre dans les départements d'outre-mer (DOM) représente près de 42 000 hectares, soit plus d'un tiers de la surface agricole utile totale (SAU). Les plantations, sucreries et rhumeries contribuent fortement au maintien des emplois dans les bassins agricoles et modèlent encore le paysage des DOM. La canne à sucre possède un système racinaire puissant qui contribue efficacement à lutter contre l'érosion des sols et qui favorise l'infiltration d'eau pour alimenter les nappes phréatiques.

2. Une industrie sucrière modernisée pour faire face au défi de la compétitivité

Toute déstabilisation de la filière canne entraînerait des conséquences catastrophiques pour des territoires fragiles qui souffrent particulièrement dans un contexte de crise économique généralisée . Les tensions sociales qui couvent ne manqueraient pas alors de se raviver. Il revient aux autorités nationales et européennes de continuer à soutenir ce secteur stratégique pour les RUP, dont les professionnels ont dû se moderniser pour pallier leurs handicaps structurels et adapter leur stratégie commerciale pour se positionner sur un marché de niche.

Les productions ultramarines de sucre sont constituées, de deux catégories de produits nettement différenciés et destinés à des marchés très distincts :

- les sucres bruts destinés au raffinage ont vocation, après avoir été transformés en sucres blancs, à être écoulés sur un marché de masse de commodités ;

- les sucres de spécialité , directement consommables par le client final en tant que sucres roux de canne, appelés aussi « sucres spéciaux » correspondent à une niche plus haut de gamme.

Sur les 250 000 tonnes de sucre de canne produit en moyenne chaque année, environ 60 % du sucre des DOM est destiné au raffinage dans des proportions variables selon les territoires. Cette production entre en concurrence avec les 18 millions de tonnes de sucre de betterave produits en Europe, dont 4,4 millions de tonnes en France qui est le premier producteur mondial de sucre de betterave et le huitième producteur mondial tous sucres confondus.

La Réunion oriente désormais la moitié de sa production vers les sucres spéciaux , la Guadeloupe est moins investie sur ce créneau mais y consacre déjà 30 % de sa production . Parmi les sucres spéciaux, 60 % sont à destination des industries agroalimentaires et 40 % constituent des sucres de bouche.

À la suite d'une condamnation pour dumping devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), l'Union européenne a fait évoluer sa politique sucrière en 2006. Cette réforme a entraîné une très lourde restructuration dans l'industrie sucrière continentale, avec notamment la fermeture de 83 sucreries dans l'Union, soit une baisse drastique de 44 %. En revanche, le nombre de sucreries est resté constant dans les DOM depuis 2006 , conformément aux effets attendus des soutiens européens et nationaux mis en place spécifiquement pour soutenir les producteurs des régions ultrapériphériques.

Département

Nombre de sucreries

% du tonnage de canne destiné à la production de sucre (année 2013)

Guadeloupe

2

89 %

Martinique

1

24 %

La Réunion

2

100 %

Guyane

0

0 %

Total

5

92 %

Source : RAE ODEADOM 2013

De même, la production de sucre est restée relativement stable depuis 2010 autour de 2,7 millions de tonnes de canne par an. Les variations sont essentiellement dues aux aléas climatiques auxquels cette culture est très soumise.

Production de sucre par département (en tonnes équivalent sucre blanc)

2010

2011

2012

2013

2014

Guadeloupe

55 187

51 280

53 499

45 366

59 249

Guyane

0

0

0

0

0

Martinique

4 055

3 781

2 920

2 188

2 428

La Réunion

206 808

206 625

208 732

195 580

195 977

Totaux

266 050

261 686

265 151

243 134

257 654

Source : RAE ODEADOM 2014

La production est, en effet, extrêmement dépendante des conditions climatiques . Un peu moins sensible que la banane aux cyclones, la canne est toutefois très vulnérable aux risques de sécheresse. Le changement climatique devrait se traduire selon les prévisions par un allongement et une intensification des périodes sèches, ce qui pèserait négativement tant sur le tonnage que sur la concentration en sucre. Pour contrer le phénomène, les producteurs ont misé avec l'aide des pouvoirs publics sur l'accroissement des surfaces irriguées qui restent encore insuffisantes mais ne peuvent croître de façon illimitée.

De ce point de vue, les RUP françaises connaissent une situation analogue à leurs concurrents situés en zone tropicale mais, par rapport à ces derniers :

- pâtissent d'un inconvénient , celui d'une moindre surface exploitée et exploitable, surtout en comparaison du Brésil et de l'Inde, qui pourraient compenser l'effet du changement climatique par un effet de volume et la mise en culture de nouvelles terres dans une logique extensive ;

- bénéficient en contrepartie d'un atout , celui que représente l'implantation locale de centres de recherche agronomiques très performants , avec les réseaux du Cirad et de l'Inra en soutien. Ces unités comme eRcane à La Réunion et CTCS à la Guadeloupe et à la Martinique ont notamment développé de nouvelles variétés plus résistantes à la sécheresse et offrant de meilleurs rendements.

La filière canne de La Réunion a plus largement misé sur la recherche et le développement pour assurer sa modernisation après la réforme européenne de 2006. Le perfectionnement des procédés industriels qu'elle a porté voit sa valeur reconnue au niveau mondial et lui permet désormais d' exporter ses savoir-faire , notamment en Colombie, en Algérie, en Afrique centrale et australe, au Vietnam et en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Parmi les innovations portées depuis 2007, il convient de signaler :

- la technique de visualisation en direct et à distance des paramètres des ateliers de fabrication ;

- la mise en place d'une caisse d'évaporation à flots tombants permettant une économie d'énergie de 15 % dans la transformation du jus de canne en sirop ;

- l'installation d'un moulin entre le broyeur ( shredder) et la diffusion permettant d'augmenter la capacité de broyage, de baisser de 40 % la consommation de vapeur et d'améliorer l'extraction du sucre 5 ( * ) .

La filière canne a su également se diversifier vers l'économie du développement durable , en particulier à La Réunion. D'une part, elle mène des recherches en matière de chimie verte dans la perspective de nouveaux débouchés notamment dans la cosmétique et les plastiques. D'autre part, et surtout, elle s'est engagée dans une démarche de valorisation de tous les résidus et coproduits dans une perspective d'économie circulaire . Les écumes sont valorisées en engrais, la mélasse utilisée pour la fabrication du rhum sert également à l'alimentation des animaux d'élevage, la bagasse est utilisée pour produire de l'énergie. À La Réunion, grâce à la mise au point de la cogénération bagasse-charbon, l'industrie sucrière fournit 33 % des énergies renouvelables et 10 % de la consommation électrique de l'île 6 ( * ) .

Conformément à l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) qui permet l'édiction de mesures spécifiques aux RUP afin de prendre en compte leurs contraintes propres, notamment « leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits », l'Union européenne, au travers de sa politique agricole et de sa politique régionale, a contribué fortement à la modernisation de la filière de la canne .

La base juridique actuelle des aides à la filière canne réside dans le règlement (CE) n° 228/2013 du Conseil du 13 mars 2013 portant mesures spécifiques dans le domaine de l'agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l'Union. Pour dresser le panorama des aides, il convient de distinguer les aides européennes et les aides nationales, d'une part, les aides directes au profit des planteurs et les aides aux industries sucrières, d'autre part.

À travers les aides du Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), l'Union européenne octroie 74,9 millions d'euros par an à la filière et autorise des aides nationales au secteur sucrier pour un montant maximal global de 90 millions d'euros par campagne sucrière.

Ces enveloppes sont réparties en différents types d'aide. Plus précisément, deux aides sont versées directement aux planteurs :

- une aide communautaire pour soutenir les agriculteurs en couvrant le transport et la livraison de la canne à hauteur de 10 millions d'euros pour la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion considérées ensemble ;

- une aide nationale à la production pour compenser les handicaps structurels répartis entre les trois départements à hauteur de 56 millions d'euros, en complément du prix de la canne 7 ( * ) .

Parmi les aides aux sucreries , doivent être différenciées :

- l'aide forfaitaire d'adaptation de l'industrie sucrière des RUP inscrite à hauteur de 59,2 millions d'euros annuels dans le POSEI. Il s'agit d'une aide de marché, relevant du premier pilier. Elle se traduit par un versement forfaitaire aux industries sucrières des DOM qui ont accepté de prendre des engagements en matière de paiement aux planteurs et en termes de modernisation et d'écoulement en valorisant l'ensemble des débouchés possibles (sucres spéciaux, sucres à raffiner, marchés locaux,...) ;

- les aides nationales , dont un complément forfaitaire à l'aide du POSEI pour 10 millions d'euros et une aide à l'écoulement sur le marché européen qui est plafonnée à 24 millions d'euros et couvre des frais logistiques, au réel et sur présentation de factures 8 ( * ) .

En outre, la filière canne bénéficie du deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC). Diverses actions peuvent recevoir des cofinancements à partir du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) tels que des aménagements fonciers, des travaux d'irrigation ou de mécanisation.

Comme le relève M. Arnaud Martrenchar, chef du bureau des politiques agricoles, rurales et maritimes à la direction générale des outre-mer, « s'agissant des subventions aux agricultures ultramarines, rapportées à l'emploi elles ne sont pas plus élevées que celles accordées à l'agriculture hexagonale. L'agriculture en Europe ne peut plus fonctionner sans subvention. » 9 ( * ) Le soutien financier à l'agriculture des RUP ne présente par conséquent aucun caractère exorbitant mais tient compte légitimement de ses contraintes spécifiques. Il permet de soutenir le revenu des planteurs et la production tout en encourageant une rénovation industrielle et commerciale dans la perspective de conquérir de nouveaux marchés.


* 1 Audition de M. Gonthier, président de la Chambre d'agriculture de La Réunion du 26 novembre 2015.

* 2 Audition de MM. Brun (ministère de l'agriculture), Martrenchar (ministère des outre-mer) et Gindt (secrétariat général aux affaires européennes) du 26 novembre 2015.

* 3 Audition du Syndicat du Sucre de La Réunion par visioconférence du 26 novembre 2015.

* 4 D'après les données douanières, en 2013, le sucre représentait 39 % des exportations réunionnaises en valeur et le rhum 10 %.

* 5 Syndicat du Sucre de La Réunion - Présentation de la Filière Canne-Sucre « La performance est dans sa nature »- édition 2015, p. 12.

* 6 Ibid., p. 10.

* 7 Solving Efeso, Évaluation des aides à la filière sucre des DOM , commande de l'ODEADOM, septembre 2014. En dehors de ces aides, les planteurs peuvent bénéficier de rémunérations complémentaires en cas de couplage de l'usine sucrière avec une centrale thermique à bagasse ou de soutiens financiers reversés par les sucreries prévus notamment à La Réunion dans des conventions de filière.

* 8 Ibid. Cette aide au soutien logistique peut comprendre un versement complémentaire destiné à compenser le handicap supplémentaire de double insularité, qui concerne la sucrerie de Marie-Galante.

* 9 Audition de MM. Brun (ministère de l'agriculture), Martrenchar (ministère des outre-mer) et Gindt (secrétariat général aux affaires européennes) du 26 novembre 2015.

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