CHAPITRE IV L'ÉVALUATION DE LA POLITIQUE PUBLIQUE DE RENSEIGNEMENT

L'évaluation de la politique publique de renseignement fait partie, depuis la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2014 à 2019 77 ( * ) , des missions de la délégation parlementaire au renseignement (DPR).

Jusqu'alors cantonnée au « suivi de l'activité générale et les moyens des services spécialisés » , il s'agissait pour elle d'une « mutation philosophique importante » 78 ( * ) dont elle s'est saisie rapidement. Son rapport d'activité pour l'année 2014, qui comprenait notamment des développements importants consacrés au renseignement économique et financier (REF), aux ressources humaines et à la réforme du renseignement intérieur, et formulait 103 propositions, en constitue le premier témoignage.

Le vote de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement 79 ( * ) , qui attribue des moyens nouveaux aux services de renseignement, et les attentats qui ont frappé la France durant l'année 2015 appellent naturellement de la part de la délégation la plus grande vigilance dans l'exercice de cette mission, nouvelle pour elle.

Il importe pour cela que les dispositions législatives qui prévoient la communication à la DPR de différents éléments d'information soient à présent pleinement mises en oeuvre. Seule une information parfaitement documentée, avec des indicateurs dans la mesure du possible standardisés, transmise de façon régulière, pourra permettre à la délégation de constituer des séries et effectuer des comparaisons pertinentes d'un exercice à l'autre.

I. LES APPORTS DE LA LOI DU 24 JUILLET 2015 RELATIVE AU RENSEIGNEMENT

Avec la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, la France s'est enfin dotée d'un cadre juridique clair et unifié en matière de renseignement et a fait sortir de l'ombre une politique publique qui émerge véritablement depuis quelques années seulement. Elle a, pour la première fois, donné une définition à la politique publique de renseignement et renforcé sensiblement les moyens d'information de la DPR.

A. LA DÉFINITION D'UNE POLITIQUE PUBLIQUE DU RENSEIGNEMENT

Si la LPM 2014-219 avait consacré, pour la première fois au niveau législatif, la notion de politique publique de renseignement, elle n'en avait pas donné de contenu.

Sa mention à l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires n'était en effet destinée qu'à permettre à la délégation parlementaire au renseignement d'exercer son rôle, nouveau pour elle, de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation de la politique publique dans ce domaine.

C'est donc la loi du 24 juillet 2015 qui a donné un contenu à cette politique publique de renseignement.

Le nouvel article L. 811-1 du code de la sécurité intérieure, issu d'un amendement du rapporteur au nom de la commission de la défense, M. Philippe Nauche, dispose ainsi que « la politique publique de renseignement concourt à la stratégie de sécurité nationale ainsi qu'à la défense et à la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation ». Cet article fait référence à deux notions bien définies par ailleurs par le législateur : celle de « stratégie de sécurité nationale » , définie à l'article L. 1111-1 du code de la défense et celle « d'intérêts fondamentaux de la Nation » , définie à l'article 410-1 du code pénal.

Article L. 1111-1 du code de la défense (extraits) : « La stratégie de sécurité nationale a pour objet d'identifier l'ensemble des menaces et des risques susceptibles d'affecter la vie de la Nation, notamment en ce qui concerne la protection de la population, l'intégrité du territoire et la permanence des institutions de la République, et de déterminer les réponses que les pouvoirs publics doivent y apporter. »

Article 410-1 du code pénal : « Les intérêts fondamentaux de la Nation s'entendent au sens du présent titre de son indépendance, de l'intégrité de son territoire, de sa sécurité, de la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l'étranger, de l'équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel. »

À l'initiative de M. Pascal Popelin, il a été précisé, dans ce même article L. 811-1 que cette politique publique relevait « de la compétence exclusive de l'État. » Il s'agissait alors de souligner que cette politique ne « saurait faire l'objet ni d'une sous-traitance à des sociétés privées ni d'une privatisation » 80 ( * ) .

Le nouvel article L. 811-2 du même code de la sécurité intérieure définit pour sa part les missions assignées aux services spécialisés de renseignement. Ceux-ci ont ainsi pour missions « en France et à l'étranger, la recherche, la collecte, l'exploitation et à la mise à disposition du Gouvernement des renseignements relatifs aux enjeux géopolitiques et stratégiques ainsi qu'aux menaces et aux risques susceptibles d'affecter la vie de la Nation. Ils contribuent à la connaissance et à l'anticipation de ces enjeux ainsi qu'à la prévention et à l'entrave de ces risques et de ces menaces. Ils agissent dans le respect de la loi, sous l'autorité du Gouvernement et conformément aux orientations déterminées par le Conseil national du renseignement. »

Jusqu'ici éparpillées dans les différents décrets constitutifs de ces administrations, les missions des services de renseignement sont donc, là aussi pour la première fois, définies par le législateur.

Grâce aux précisions de la loi du 24 juillet 2015, la politique publique du renseignement dispose donc désormais d'un contenu et les services spécialisés d'une mission fixée par le législateur.


* 77 Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

* 78 Rapport d'activité 2014 de la délégation parlementaire au renseignement, par M. Jean-Jacques Urvoas, député, 18 décembre 2014, p. 13.

* 79 Loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

* 80 Rapport n° 2697 au nom de la commission des lois sur le projet de loi relatif au renseignement, par M. Jean-Jacques Urvoas, député, 2 avril 2015, p. 99.

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