C. QUELS MOYENS POUR LE CONTRÔLE DES FONDS SPÉCIAUX ? UNE NÉCESSAIRE RÉVISION LÉGISLATIVE

Si la CVFS dispose de prérogatives étendues, la question des finalités du contrôle opéré, de son étendue (cf. ci-avant) ainsi que des moyens humains et matériels revêt une importance cardinale.

Comme l'a évoqué la doctrine, la loi ne prévoit aucun pouvoir de sanction ou de réformation ni même de recommandation publique ou de mise en garde. Toutefois, depuis 2001, les recommandations de la Commission ont été scrupuleusement suivies par les services de renseignement qui en sont destinataires. Au demeurant, si des manquements devaient être constatés, la délégation parlementaire au renseignement pourrait désormais prendre toutes les mesures nécessaires pour alerter le Gouvernement et faire jouer la responsabilité politique de celui-ci. En outre, les parlementaires votent chaque année les dotations budgétaires et un débat public pourrait faire état des réserves de l'instance parlementaire chargée de leur contrôle. Enfin, la nouvelle publicité de l'action conduite par la CVFS constituera indéniablement un pouvoir supplémentaire qui répond aux observations doctrinales pleinement justifiées ; elle s'inscrira pleinement dans la philosophie du contrôle parlementaire.

Cependant, la question des moyens humains affectés à ce contrôle se repose avec une grande acuité : en effet, contrairement à ce que pourrait laisser entendre l'article 154 précité en son VII bis, la Commission ne dispose pas de personnels dédiés et s'appuie donc sur les administrateurs que les commissions des finances et de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat délèguent à cet effet. Mais le contrôle des fonds vient s'ajouter à leurs activités habituelles, déjà fort conséquentes.

En plus de ces trois administrateurs, pour la première fois, un collaborateur parlementaire disposant des habilitations nécessaires s'est adjoint aux équipes administratives. La CVFS a en cela imité les dispositifs allemand et états-unien de contrôle parlementaire du renseignement : dans ces deux pays, les parlementaires dédient une partie de leurs équipes - infiniment plus étoffées qu'en France - à ces missions essentielles.

Au cours de cette année, comme c'est le cas depuis quatorze ans, les agents de la Commission ont réalisé des inspections préalables aux visites de contrôle menées par les parlementaires afin d'assurer un contrôle exhaustif des masses financières concernées. Ces mêmes agents ont accompagné les membres de la CVFS dans leurs déplacements à l'étranger. Toutefois, pour la première fois depuis 2001, et à rebours de la coutume établie, les collaborateurs d'un ministre de la communauté du renseignement se sont opposés à ce que les agents réalisent les travaux préparatoires mentionnés ci-avant hors la présence des parlementaires. Pareille position s'appuie sur une interprétation restrictive - et discutable - de la loi de 2001 ; elle s'inscrit d'ailleurs en contradiction avec les intentions du législateur qui avait renoncé à créer un secrétariat dans la mesure où ces précisions étaient à l'époque jugées superflues. Elle s'écarte enfin des pratiques observées au sein de toutes les nations occidentales où les agents assistent et représentent les élus dans leurs activités dans la mesure où aucun parlementaire ne réalise à temps plein sa mission de contrôle en raison des autres obligations qui pèsent sur lui (travail de commission, rapports législatifs, missions d'informations, votes, autres missions de contrôle...).

Si la CVFS a pu achever sa mission de contrôle dans les mêmes conditions qu'auparavant, elle prend acte de l'interprétation du Gouvernement et de sa volonté de réglementer drastiquement les modalités de contrôle pour l'année prochaine. Ces changements soudains la conduisent à militer en faveur d'une modification de la loi qui tiendrait d'ailleurs compte des recommandations précédentes [recommandation n°6] . Le tableau qui suit synthétise et explicite les modifications législatives souhaitées.

De surcroît, et au-delà de cet aspect déterminant, ces moyens à temps partiel paraissent très insuffisants au regard des exigences du contrôle à effectuer, du temps à y consacrer... De fait, la CVFS souhaiterait qu'au moins un administrateur des assemblées parlementaires soit affecté à plein temps à son service [recommandation n°7] . De même, elle préconise de solliciter la Cour des comptes afin que celle-ci désigne des magistrats pour assister le travail de la Commission en application de l'article 47-2 de la Constitution [recommandation n°8] . La CVFS salue d'ailleurs la proposition formulée en ce sens par le Premier président Migaud dans la lettre précédemment citée. De ce fait, l'ensemble de ces personnels serait à même de réaliser un travail de vérification tout au long de l'année.

Enfin, la Commission estime nécessaire de conduire une réflexion sur son budget de fonctionnement [recommandation n°9] : il lui semble surprenant que ses frais soient imputés sur les fonds spéciaux qu'elle contrôle et appelle de ses voeux la création d'une ligne autonome au sein des budgets des assemblées parlementaires. Car, il importe de pouvoir engager des dépenses (correspondant, notamment, aux déplacements effectués par ses membres) sans recourir à l'entremise du pouvoir exécutif comme c'est aujourd'hui le cas.

Tableau 2 : Synthèse des modifications législatives souhaitées pour un contrôle des fonds spéciaux plus efficace

Texte actuel

Modifications proposées

Commentaires

I. Les fonds spéciaux inscrits au programme « Coordination du travail gouvernemental » sont, chaque année, répartis et mis à la disposition des services désignés par arrêté non publié du Premier ministre, sous la forme de dotations.

Les crédits disponibles en fin d'année sur l'une de ces dotations peuvent être reportés l'année suivante sur la même dotation, dans la limite de 15 % des crédits initiaux inscrits sur la dotation à partir de laquelle les crédits sont reportés.

Cet ajout au texte initial a pour objectif de rappeler le rôle du Premier ministre dans les arbitrages budgétaires rendus.

Il entend aussi prévoir une dérogation au principe d'annualité budgétaire afin de permettre au service de conserver des reliquats qui n'excèdent pas 15% de leur dotation annuelle, comme c'est le cas aujourd'hui sans réelle base légale (cf. la partie II).

I. Les dépenses faites sur les fonds spéciaux inscrits au programme intitulé : " Coordination du travail gouvernemental " sont examinées chaque année par une commission de vérification chargée de s'assurer que les crédits sont utilisés conformément à la destination qui leur a été assignée par la loi des finances.

Les services destinataires de ces crédits tiennent le compte d'emploi des fonds ainsi versés.

Ces services tiennent le compte d'emploi des dotations reçues.

Les dépenses financées sur ces dotations sont soumises chaque année au contrôle et à l'évaluation d'une commission de vérification chargée de s'assurer que les crédits sont notamment utilisés conformément à la destination qui leur a été assignée par la loi de finances.

Ce contrôle porte sur les exercices clos.

Au-delà de l'inversion d'un alinéa modifié pour des raisons de pure forme, la modification préconisée introduit la notion de « contrôle et d'évaluation » propre au contrôle parlementaire tel que prévu par l'article 24 de la Constitution. Elle précise également que l'activité de la CVFS porte sur l'année écoulée et non celle en cours (ce qui diminue d'ailleurs le risque d'avoir à connaître d'opérations en cours).

II.- La commission de vérification constitue une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement. Elle est composée de deux députés et de deux sénateurs, membres de la délégation parlementaire au renseignement, désignés de manière à assurer une représentation pluraliste. Le président de la commission de vérification est désigné chaque année par les membres de la délégation.

III. La commission prend connaissance de tous les documents, pièces et rapports susceptibles de justifier les dépenses considérées et l'emploi des fonds correspondants.

Elle se fait représenter les registres, états, journaux, décisions et toutes pièces justificatives propres à l'éclairer au cours de ses travaux de vérification.

Elle se fait représenter tous les documents, rapports et pièces justificatives susceptibles de l'éclairer au cours de ses travaux de vérification, y compris lorsque ceux-ci concernent des opérations en cours déclenchées lors de l'exercice soumis à son contrôle.

Elle peut procéder à toutes enquêtes et investigations en vue de contrôler les faits retracés dans les documents comptables soumis à sa vérification à l'exception de ceux concernant des opérations en cours.

Conformément à l'analyse constitutionnelle réalisée ci-avant, la CVFS souhaite réintroduire la notion d'opérations en cours censurée en 2001 ainsi que la capacité d'enquête sur pièces et sur place (laquelle correspond à la réalité des pratiques actuelles). Elle exclut toutefois les opérations en cours dans ce cadre afin de ne pas nuire à leur bon déroulement.

IV. Les membres de la commission sont astreints au respect du secret de la défense nationale protégé en application des articles 413-9 et suivants du code pénal pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance à raison de leur mandat.

IV. Les membres de la commission, comme les agents désignés pour les assister ou les représenter, sont astreints au respect du secret de la défense nationale protégé en application des articles 413-9 et suivants du code pénal pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance à raison de leur mandat.

Les agents mentionnés à l'alinéa précédent doivent être habilités au secret de la défense nationale aux fins d'accéder aux informations et aux documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission.

Par la mention des « agents désignés pour les assister ou les représenter », la CVFS entend résoudre la controverse juridique qui l'oppose au Gouvernement. Elle prévoie naturellement l'habilitation des agents concernés, comme c'est aujourd'hui le cas.

Les travaux de la commission sont secrets, sous réserve du VI.

Est puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal le fait de divulguer ou publier, dans un délai de trente ans, une information relative aux travaux de la commission.

V. La commission doit avoir terminé ses travaux avant le 31 mars de l'année qui suit celle de l'exercice soumis à son contrôle.

suppression

Depuis 2001, le contrôle de la CVFS s'exerce sur des années pleines ; une date de remise du rapport paraît dès lors superflue ; elle peut même constituer une entrave. La seule obligation légale doit résider dans la publication d'un rapport annuel.

VI. Les vérifications terminées, la commission établit un rapport sur les conditions d'emploi des crédits.

VI. Les vérifications terminées, la commission établit chaque année un rapport sur les conditions d'emploi des crédits.

Le rapport est présenté aux membres de la délégation parlementaire au renseignement qui ne sont pas membres de la commission. Il est également remis, par le président de la délégation, aux présidents et rapporteurs généraux des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances ainsi qu'au Président de la République et au Premier ministre.

Dans le respect du secret de la défense nationale, la commission peut établir un rapport public.

Cet ajout entérinerait la pratique initiée par le présent rapport.

VII. La commission dresse un procès-verbal dans lequel elle constate que les dépenses réalisées sur les crédits visés au I sont couvertes par des pièces justificatives pour un montant égal.

Le procès-verbal est remis par le président de la commission au Premier ministre et au ministre chargé du budget qui le transmet à la Cour des comptes.

VII bis.- Les crédits nécessaires au fonctionnement de la commission sont inscrits au programme intitulé " Coordination du travail gouvernemental.

Le président est ordonnateur des dépenses de la commission. Il a autorité sur les agents de la commission. Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables aux dépenses de la commission.

VIII. Paragraphe modificateur.

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