C. TENIR COMPTE DES NOMBREUSES SIMPLIFICATIONS DÉJÀ INTERVENUES

Un des préalables méthodologiques aux travaux de vos rapporteurs a été d'établir un recensement des mesures de simplification décidées au cours des dernières années. Elles sont nombreuses, mais parfois méconnues - ce qui est un premier motif pour en rappeler l'existence. Par ailleurs, plusieurs de ces mesures ont constitué un socle pour les propositions de simplification qui seront présentées dans la seconde partie de ce rapport. C'est notamment vrai pour les propositions relatives au contentieux de l'urbanisme, qui s'inscrivent dans le prolongement de la réforme dite Labetoulle. Un bilan de ces simplifications figure en annexe 4. En effet, l'un des enjeux de la politique de simplification est de ne pas concentrer la communication sur des effets d'annonces de dispositions à simplifier mais d'informer davantage les acteurs locaux et économiques sur les simplifications réalisées. Certaines d'entre elles sont présentées très succinctement ci-après.

1. Une réforme récente du contentieux de l'urbanisme

L'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 et le décret n° 2013-879 du 1 er octobre 2013 relatifs au contentieux de l'urbanisme ont introduit plusieurs avancées, notamment :

- la cristallisation des moyens . Introduite à la demande d'une des parties, elle donne au juge la possibilité de fixer une date à compter de laquelle aucun moyen nouveau (sauf s'il est d'ordre public) ne peut être discuté ;

- la possibilité de régularisation . L'ordonnance « Labetoulle » introduit deux mécanismes de régularisation : la régularisation post instance qui autorise le juge administratif à prononcer une annulation partielle de l'autorisation d'urbanisme attaquée et à fixer un délai de régularisation par permis modificatif de la partie annulée ; la régularisation en cours d'instance qui permet au juge administratif d'organiser la régularisation du permis de construire attaqué, par délivrance d'un permis de construire modificatif, en cours d'instance ;

- la suppression de l'appel pour certains contentieux . Les tribunaux administratifs ont, jusqu'en 2018, compétence pour connaître en premier et dernier ressort, sous réserve de cassation au Conseil d'État, du contentieux relatif aux permis de construire, de démolir, d'aménager un lotissement, dans les zones où existe une situation de forte tension entre l'offre et la demande de logements.

L'ordonnance comprend également un dispositif de lutte contre les recours abusifs, recours dont l'objectif n'est autre que de ralentir les procédures, voire de monnayer tout simplement un désistement. Ce dispositif ouvre la possibilité, pour un justiciable dont le permis est attaqué, de demander, par un mémoire distinct, réparation du préjudice causé par ce contentieux à la double condition que le recours excède la défense des intérêts légitimes du requérant et, au surplus, que le préjudice afférent puisse être considéré comme excessif par le juge.

On peut noter aussi que l'article 111 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a recentré l'action en démolition sur certaines zones protégées (réserves naturelles et leur périmètre de protection, sites désignés Natura 2000, etc.), afin que les projets de constructions ne restent plus bloqués du fait de recours pendants.

2. Des mesures tendant à l'accélération et à la sécurisation des procédures d'autorisation

On peut rappeler que le régime des autorisations de construire a fait l'objet d'une réforme profonde, applicable depuis 2007, sur la base de l'ordonnance n° 2005-1527 relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme et de son décret d'application n° 2007-18, qui a permis notamment le regroupement des autorisations et déclarations, ainsi que l'amélioration de la procédure d'instruction et de décision.

Les progrès vers plus de simplicité se sont poursuivis dans plusieurs directions :

- un travail classique de réduction du délai d'instruction, visant tout particulièrement les autorisations d'urbanisme subordonnées à une autorisation ou un avis préalable au titre d'une autre législation (décret n° 2015-836 du 9 juillet 2015) ;

- une mesure de lutte contre les pratiques dilatoires de l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire (article 108 de la « loi Macron ») qui oblige à indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition ;

- le lancement d'expérimentations de procédures d'autorisation unique, avec l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 qui crée une procédure intégrée, dite « autorisation unique », pour les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 qui fait de même pour les installations, ouvrages et travaux et activités contrôlés au titre de la loi sur l'eau ;

- la volonté d'accélérer l'autorisation de projets d'ampleur lorsque ces projets se heurtent aux documents de planification en vigueur. Ainsi, l'ordonnance n° 2013-888 du 3 octobre 2013 a créé la procédure intégrée pour le logement (PIL) qui simplifie la mise en compatibilité du document d'urbanisme avec le projet de construction et procède à l'adaptation éventuelle des normes supérieures au PLU, ce qui permet de réaliser beaucoup plus vite les projets d'aménagement ou de construction d'intérêt général comportant principalement la construction de logements.

3. Des mesures de simplification dans le domaine de l'aménagement

Plusieurs dispositions touchent aux règles relatives aux zones d'aménagement concerté (ZAC).

Parmi les plus significatives, on peut citer le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 portant réforme des études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements, qui permet que les ZAC, en fonction de critères de taille, ne soient plus systématiquement soumises à étude d'impact.

On peut également évoquer l'article 167 de la loi ALUR qui, reprenant une proposition du rapport Doligé, a rendu possible le recours à des conventions de mandat d'aménagement pour la réalisation de certaines opérations liées à une ZAC.

Concernant le droit des lotissements , l'article 159 de la loi ALUR a modifié les articles L. 442-9 à L. 442-11 du code de l'urbanisme pour préciser le champ de la caducité décennale des règles d'urbanisme des lotissements, pour supprimer la possibilité pour les colotis de demander le maintien de ces règles à l'issue du délai de dix ans et pour priver d'effet les dispositions non réglementaires ayant pour objet ou pour effet d'interdire ou de restreindre le droit de construire contenues dans un cahier des charges non approuvé d'un lotissement. La loi ALUR a également assoupli les conditions d'évolution des règles d'un lotissement, que ce soit à l'initiative des propriétaires ou de l'autorité compétente en matière d'urbanisme.

4. Des mesures pour simplifier l'élaboration et l'évolution des documents d'urbanisme

Parmi les mesures les plus significatives dans ce domaine, il faut citer la mise en place par étapes, jusqu'à la loi ALUR, du principe des SCOT « écran » , qui limite l'impact perturbateur de l'évolution des documents de planification supérieurs sur les PLU. Le SCOT est ainsi devenu le document intégrateur de l'ensemble des normes supérieures : le PLU doit assurer sa comptabilité avec le SCOT et, dès lors qu'il est compatible, les normes supérieures au SCOT ne lui sont plus opposables.

Pour faciliter la gestion des documents d'urbanisme, des procédures d'évolution différenciées ont été mises en place . L'état du droit dans ce domaine, assez instable, est donné par l'ordonnance n° 2012-11 du 5 janvier 2012 portant clarification et simplification des procédures d'élaboration, de modification et de révision des documents d'urbanisme. Ce texte offre tout un panel de procédures plus ou moins lourdes selon la nature des changements qu'on souhaite apporter à un SCOT ou un PLU : révision, révision simplifiée, modification de droit commun, modification simplification et mise en compatibilité avec un projet d'utilité publique ou d'intérêt général.

Enfin, on peut signaler que le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 procède à la réforme des dispositions de niveau règlementaire encadrant les règlements des PLU et renforce la possibilité d'un pilotage de l'urbanisme local par les objectifs plutôt que par les normes. Parmi les principales simplifications, on relève :

- la possibilité d'encadrer certains secteurs des zones U et AU par des orientations d'aménagement et de programmation sans recours au règlement ;

- la possibilité de définir les règles de façon qualitative par un résultat à atteindre, dès lors que le résultat attendu est exprimé de façon précise et vérifiable ;

- la possibilité d'assortir les règles générales de règles alternatives qui en permettent une application circonstanciée à des conditions locales particulières.

5. Une meilleure information et un meilleur accompagnement des usagers et des porteurs de projet

Dans un contexte marqué par la complexité et l'instabilité des règles nationales ou locales d'urbanisme, un accès simplifié à une information fiable, c'est-à-dire complète et actualisée, devient un enjeu stratégique . Si beaucoup reste à faire dans ce domaine, on peut néanmoins souligner plusieurs avancées :

- déploiement progressif du portail national de l'urbanisme sur le fondement de l'ordonnance n° 2013-1184 du 19 décembre 2013 relative à l'amélioration des conditions d'accès aux documents d'urbanisme et aux servitudes d'utilité publique. Cette plateforme permettra à terme de connaître les droits à construire propres à chaque parcelle (localisation du terrain ; possibilité de faire apparaître et d'interroger le zonage ainsi que les prescriptions qui s'y appliquent ; consultation des données géographiques et du règlement ; affichage en superposition des couches d'information - sélection des servitudes d'utilité publique, fond cadastral, photo aérienne,...) ;

- expérimentation du certificat de projet . L'ordonnance n° 2014-356 et le décret n° 2014-358 du 20 mars 2014 créent, à titre expérimental, une procédure qui identifie les régimes juridiques et les procédures dont un projet relève, décrit les principales étapes de l'instruction de ces procédures et établit la liste des pièces requises pour chacune d'entre elles. Il fixe aussi, pour chacune des procédures relevant de sa compétence, un délai maximal d'instruction. Enfin, il doit permettre d'informer le porteur de projet des autres régimes et procédures susceptibles de s'appliquer, en fonction de l'évolution du projet, ainsi que de tout élément de nature juridique ou technique susceptible de faire obstacle à sa réalisation ou de nature à l'améliorer. Sa mise en place, et c'est peut-être l'élément le plus important de cette réforme, implique que les services de l'État améliorent leur coordination et apprennent à travailler en mode projet ;

- réécriture à droit constant du livre 1 er du code de l'urbanisme , qui résulte de l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015. Elle contribue à la clarté et à l'accessibilité de la norme juridique en offrant un plan cohérent au livre 1 er du code de l'urbanisme, qui était devenu illisible au fil du temps.

6. Mesures de simplification touchant aux règles environnementales

Un effort a été entrepris pour mieux coordonner les évaluations environnementales et éviter les évaluations ou les études d'impact redondantes . Le rapport Duport du 3 avril 2015 a mis en évidence des marges de simplification administrative importantes dans le domaine des évaluations environnementales, aussi bien celles relatives aux plans et programmes visés par la directive 2011/92/CE que celles touchant aux projets publics et privés entrant dans le champ de la directive 2014/52/UE. Le 2° de l'article 106 de la « loi Macron » habilite le Gouvernement à prendre les dispositions nécessaires à la réalisation de ce programme de simplification.

Un autre axe essentiel de simplification concerne l'intégration et l'encadrement du délai des procédures d'autorisation environnementales . Sur le fondement de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, l'ordonnance 2014-355 du 20 mars 2014 ouvre la possibilité d'expérimenter une procédure intégrée pour les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et l'ordonnance 2014-619 du 12 juin 2014 fait de même pour les installations, ouvrages et travaux et activités contrôlés au titre de la loi sur l'eau. La « loi Macron » (art. 103) a étendu le champ de ces expérimentations qui devraient déboucher sous peu sur la création d'un permis environnemental unique. L'article 145 de la loi n° 2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 a généralisé à l'ensemble du territoire national l'expérimentation de la procédure d'autorisation unique IOTA.

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