C. DES CHANTIERS DE RÉFORME PLUS STRUCTURELS À OUVRIR

Certains des sujets rencontrés par le groupe de travail relèvent du législateur. Mais ils sont d'une telle ampleur qu'ils excèdent le champ d'action du groupe de travail et de sa proposition de loi, et qu'ils méritent tant un examen spécifique que des investigations complémentaires. Sans souci d'exhaustivité, vos rapporteurs ont souhaité aborder huit de ces sujets : la politique d'accessibilité, l'avenir de l'archéologie préventive et de son financement, la nécessaire conciliation entre environnement et dynamisme économique dans les territoires littoraux et de montagne, la police de l'urbanisme, le régime des enseignes publicitaires, des pistes de simplification du droit de l'environnement, la crise et la nécessaire revitalisation des centres-villes, la question des changements d'usage et de destination des locaux.

1. La législation sur l'accessibilité

La loi de 2005 a constitué une étape essentielle dans la reconnaissance réelle du handicap et des besoins des personnes handicapées. Pour autant, les choix alors retenus ont été marqués par un très haut niveau d'engagement, qui n'est pas sans induire de nombreuses difficultés pour les acteurs chargés de leur mise en oeuvre.

Sans entrer dans les considérations relatives à la conception intérieure des logements et à leur moindre adaptabilité pour les personnes non handicapées, une première conséquence objective de la loi est bien sûr le coût des mesures exigées de ces acteurs, en particulier les collectivités territoriales, les transporteurs et les exploitants d'ERP. Pour la seule année 2014, le Conseil national d'évaluation des normes a chiffré ces mesures à 466 M€ au titre des dispositions relatives à l'accessibilité des personnes en situation de handicap ou de mobilité réduite, et à 245 M€ au titre plus particulier de l'accessibilité des ERP.

Une deuxième conséquence, plus difficile à mesurer, est celle des surcoûts en matière de construction de logements ou de bâtiments. Aucune méthodologie de calcul ne fait l'unanimité mais un groupe de travail promoteurs immobiliers-logement social-constructeurs de maisons individuelles (FPI-USH-UMF) a chiffré le surcoût de l'accessibilité pour des logements de taille moyenne (55 m²) à environ 4%. D'autres, comme le président de l'Institut du management des services immobiliers (IMSI), évoquent plutôt 7%. Quoiqu'il en soit, conformément à l'« effet cocktail » des normes déjà signalé, on relèvera que ce surcoût s'ajoute à d'autres issus des normes de performance énergétique relatives à l'acoustique, à la pollution des sols, à la loi sur l'eau,... Au total, le groupe FPI-USH-UMF a estimé le surcoût règlementaire et normatif entre 2000 et 2011 entre 23 % et 38 %.

Le groupe de travail du Sénat a constaté les efforts consentis par les gouvernements successifs pour revenir sur certaines de ces normes trop rigides ou inadaptées ( cf . bilan des simplifications en annexe n° 4).

Au-delà, on peut néanmoins s'interroger, à l'instar du secrétaire d'État à la simplification, lors de son audition par la délégation le 26 mai dernier, sur la pertinence de maintenir l'objectif matériel phare issu de la loi de 2005 de 100% de logements accessibles, en particulier dans les centres-villes à rénover . Vos rapporteurs en comprennent la dimension symbolique forte et en approuvent sans réserve l'objectif politique. Il est cependant de leur responsabilité d'exprimer leurs doutes sur les voies et moyens retenus pour atteindre cet objectif. Faut-il conserver cette norme des 100% ou peut-on lui substituer des règles plus souples ? Il pourrait s'agir, par exemple, de limiter la règle des 100% aux rez-de-chaussée, de lui adjoindre une proportion raisonnable, de 15 à 20 %, dans chaque bâtiment collectif, de logements accessibles et d'accepter, pour le surplus, de concevoir des logements adaptables, c'est-à-dire dont les structures permettent la transformation en logement accessible à une personne handicapée.

Recommandation n° 1 : réexaminer la pertinence de l'objectif de 100% de logements accessibles au profit d'une proportion ajustée et conjuguée à la conception systématique de logements adaptables.

Une autre piste importante consisterait à ouvrir aux logements locatifs sociaux construits directement par les organismes HLM ou par des sociétés d'économie mixte le régime dit des « travaux modificatifs » jusqu'à présent limité aux logements construits en VEFA. Les dispositions sur l'accessibilité étant codifiées à l'article L. 111-7-1 du code de la construction et de l'habitation, cette extension nécessite l'intervention du législateur.

Un amendement en ce sens avait été adopté au Sénat lors de l'examen, en juin 2015, du projet de loi de ratification de l'ordonnance du 26 septembre 2014 sur l'accessibilité. Mais l'Assemblée nationale avait écarté cette disposition, de crainte que, faute d'une règle fixée en matière de financement de l'adaptation des logements, le locataire handicapé ne soit placé dans la position de demandeur et implicitement écarté de l'attribution d'un logement en raison des surcoûts inhérents pour le bailleur.

Recommandation n° 2 : ouvrir aux logements locatifs sociaux construits directement par les organismes HLM ou par des sociétés d'économie mixte le régime dit des « travaux modificatifs », jusqu'à présent limité aux logements construits en VEFA.

Le régime des travaux modificatifs

L'ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées ouvre la possibilité à l'acquéreur, pour les logements vendus en état futur d'achèvement (VEFA), de demander au promoteur la réalisation de travaux modificatifs de façon à ne pas reprendre l'essentiel des normes d'accessibilité, sous trois réserves permettant son adaptation ultérieure par des travaux simples :

- le logement doit être visitable par une personne handicapée (entrée, séjour, cheminement entrée-séjour) ;

- l'agencement des locaux doit garantir la possibilité d'une mise en accessibilité ultérieure du logement ;

- la fourniture par le promoteur, lors de la livraison du logement, d'un plan correspondant au logement dans sa configuration vendue et dans sa configuration conforme à la réglementation.

Plus généralement, la mise en oeuvre de la législation sur l'accessibilité a posé le problème des délais de mise en application, souvent mal appréciés par l'exécutif, voire par le législateur. Des normes aussi ambitieuses que celles établies à partir de 2005 ne pouvaient pas raisonnablement être appliquées du jour au lendemain. Ce dossier constitue un exemple-type de ceux pour lesquels la réflexion sur les conditions de mise en oeuvre devrait être aussi importante que celle portant sur le fond des mesures .

2. L'Archéologie préventive et son financement

L'archéologie préventive demeure un sujet épineux à propos duquel se multiplient les rapports sans que des décisions d'ensemble soient prises. Dans son rapport public de 2015, la Cour des comptes déplorait : « La période récente a davantage été marquée par la production de rapports sur l'archéologie préventive à la demande du ministère de la Culture et de la Communication (Livre blanc en 2013, enquête nationale de l'inspection des patrimoines en 2014, rapport parlementaire en 2015) que par les réformes ou décisions [...] »

Notre assemblée s'est penchée sur la question à de nombreuses reprises de façon à améliorer la conciliation entre la recherche archéologique et le développement économique. Très récemment encore, le 27 avril 2016, notre commission de la Culture du Sénat a organisé une nouvelle table ronde sur l'archéologie préventive.

Le sujet ne progresse que faiblement pour plusieurs raisons. La première tient au sujet et au fait que tous souhaitent éviter la destruction de vestiges archéologiques d'importance lors de travaux tout en voulant faciliter la réalisation desdits travaux. La contradiction est inhérente au problème. La deuxième raison provient du télescopage de deux séries d'exigences, les unes sont scientifiques et portent sur la qualité à attendre des projets de diagnostics et de fouilles, les autres sont économiques et concernent la viabilité des projets locaux. La troisième résulte du fait que les acteurs du débat donnent parfois l'impression qu'ils se livrent à une véritable guerre de religion pour ou contre l'archéologie préventive. Une quatrième raison, et non la moindre, est que l'une des difficultés fondamentales de l'archéologie préventive est l'insuffisance des financements qui lui sont attribués.

Dans ces conditions, on ne s'étonnera pas que ce sujet ne cesse de revenir sur le devant de la scène, quelles que soient les majorités, les évolutions budgétaires ou la situation des acteurs privés ou publics, comme l'INRAP.

Vos rapporteurs n'ont pas souhaité, dans la proposition de loi qu'ils ont conçue, aller au-delà d'évolutions limitées en la matière . Les temps n'étaient pas mûrs, les faits insuffisamment établis. Par ailleurs, il eut été de mauvaise pratique que d'interférer avec les travaux conduits par notre commission de la Culture dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la liberté de création, l'architecture et le patrimoine, dit LCAP.

Le législateur et le pouvoir réglementaire se sont essayés à cadrer l'archéologie préventive et à limiter les contraintes qu'elle fait peser sur les activités économiques et sociales et sur les projets locaux en bordant cette activité de multiples délais. C'était indispensable. Vos rapporteurs proposent quelques compléments en la matière dans leur proposition de loi.

Mais cet exercice d'encadrement par les délais atteint aujourd'hui ses limites. Sans une réflexion, à nouveaux frais, sur le financement de l'archéologie préventive, les insuffisances du dispositif actuel ont peu de chance de pouvoir être surpassées. Certes, la budgétisation, par la loi de finances 2016, de la redevance d'archéologie préventive (RAP) constitue un élément de stabilisation de ce financement. Mais il ne règle pas tous les problèmes et en crée d'autres. C'est ainsi que l'ANACT 73 ( * ) , qui représente les services archéologiques des collectivités territoriales, s'est inquiétée des risques que cette réforme fait peser sur la visibilité des collectivités quant au montant de RAP qu'elles percevront en contrepartie de la conduite de diagnostics. Elle a préconisé de revenir au principe d'une taxe affectée que le liquidateur de la redevance reverserait directement à la collectivité territoriale qui prendrait en charge la réalisation d'un diagnostic.

En matière de financement, la Cour des comptes avait soulevé la question fondamentale dans son rapport public 2015 :

« [...] la question posée par le référé demeurait en 2015 : soit les activités de service public (diagnostics, recherche et valorisation scientifiques) sont financées par le produit de la taxe affectée et leur niveau doit alors être corrélé au produit estimé de la taxe, soit une telle régulation de l'activité d'archéologie préventive par les moyens apparaît contraire aux objectifs scientifiques de la discipline et le financement de ces activités ne doit plus être assuré par la seule RAP 74 ( * ) . »

Plusieurs questions méritent d'être de nouveau examinées :

- qui doit supporter financièrement le régime de l'archéologie préventive et dans quelle proportions ? S'agissant d'une activité régalienne, l'idée de base de 2001 consistant à faire largement supporter l'effort par les aménageurs est-elle toujours pertinente ?

- si le principe du financement par les aménageurs est maintenu, comment mieux mutualiser l'effort entre financeurs en matière de diagnostic ? Comment assurer un meilleur rendement à la ressource collectée pour financer les diagnostics et abonder la redevance ?

- surtout, ne pourrait-on imaginer, au-delà d'un certain niveau de dépenses, un mécanisme de franchise qui transférerait la charge des fouilles de l'aménageur à l'État ou à la région, à l'instar de ce qui se pratique en Allemagne 75 ( * ) ?

Recommandation n° 3 : réexaminer les conditions de financement des opérations d'archéologie préventive et envisager un mécanisme de franchise qui transférerait la charge des fouilles de l'aménageur à l'État ou à la région.

3. Mieux concilier protection et développement dans les communes littorales et de montagne

La consultation nationale a permis de faire remonter des territoires concernés de très nombreuses remarques sur les difficultés à construire dans les zones situées en montagne ou proches du rivage, avec des interrogations récurrentes sur les notions de « hameau », d'extensions d'urbanisation, de secteurs de densité significative et sur les possibilités de comblement des « dents creuses ».

Le groupe de travail souhaite se faire le relais de ces interrogations. Il a cependant choisi de ne pas inclure dans le champ de ses travaux l'examen des règles d'urbanisme découlant directement de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne et de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.

D'une part, en effet, le Gouvernement a annoncé le dépôt prochain d'un projet de loi qui constituera « l'acte II » de la loi Montagne. Il a donc paru à vos rapporteurs plus sage et cohérent de ne pas ouvrir un dossier sensible et complexe alors même que des initiatives fortes sont encore en cours d'élaboration. Au demeurant, l'Association nationale des élus de montagne (ANEM), auditionnée par le groupe de travail, a souhaité avec insistance que les travaux du groupe n'interfèrent pas avec la préparation de ce projet de loi.

D'autre part, concernant plus spécifiquement la loi Littoral, il existait des raisons fortes pour ne pas l'aborder dans le cadre des activités du groupe de travail sur la simplification du droit de l'urbanisme. En effet, dans nombre de communes, les difficultés à construire proviennent de la superposition des effets des lois Montagne et Littoral : 150 communes - essentiellement de montagne - sont ainsi riveraines d'un lac de plus de 1 000 hectares, tandis que dans certains départements, comme les Alpes-Maritimes ou les Pyrénées-Orientales, la montagne plonge directement dans la mer. Compte tenu de l'intersection entre le champ des lois Montagne et Littoral, le choix de ne pas traiter de la loi Montagne impliquait donc une certaine prudence sur les questions d'urbanisme du littoral.

Par ailleurs, la méthode choisie par vos rapporteurs a été de s'appuyer sur les travaux et les propositions de simplification existants. Or, nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet ont rédigé en janvier 2014, au nom de la commission du Développement durable, un rapport d'information intitulé : Plaidoyer pour une décentralisation de la loi Littoral : un retour aux origines . On pourra y lire plusieurs propositions d'évolution de la loi Littoral qui pourraient alimenter un travail législatif. On pense en particulier à la proposition visant à permettre les opérations de densification par comblement des « dents creuses » des hameaux existants, sans que cela n'ouvre un droit, présent ou futur, à une extension du périmètre de ces hameaux.

Recommandation n° 4 : envisager une meilleure prise en compte des difficultés à construire dans les zones situées en montagne ou proches du rivage.

4. Réformer la police de l'urbanisme

La consultation nationale a montré que la question des pouvoirs de police des maires en matière d'urbanisme était un sujet de préoccupation majeur pour les élus locaux. Ces derniers se plaignent en effet de ne pas avoir les moyens de faire cesser des travaux entrepris sans autorisation ou ne respectant pas le projet autorisé et ses éventuelles prescriptions, avec à la clé plusieurs conséquences néfastes : le développement d'un urbanisme « sauvage », l'affaiblissement de l'autorité du maire et de l'État vis-à-vis de la population, qui constate leur impuissance à faire respecter le droit, un sentiment d'injustice de la part des administrés qui s'efforcent de respecter la règle et ses contraintes ; in fine , on assiste à un recul du consentement de la population à la règle d'urbanisme, qui alimente la commission de nouvelles infractions.

Pour sortir de ce cercle vicieux, il faut à la fois travailler sur le volet préventif (rendre les règles d'urbanisme plus claires et plus simples pour parvenir à un niveau de contrainte administrative proportionné à l'importance des travaux et ainsi renforcer le consentement à la règle), mais aussi sur le volet répressif.

À cet égard, on note que le code de l'urbanisme prévoit des outils apparemment puissants pour garantir l'effectivité de la police de l'urbanisme (voir encadré ci-dessous), avec un arsenal de sanctions pénales lourdes, des mesures conservatoires (arrêté d'interruption des travaux) et des mesures d'astreinte ou de restitution (remise en état des lieux, démolition).

Toutefois, il remonte du terrain que ces outils seraient peu ou mal utilisés, voire pas du tout. Le parquet ne poursuit pas toujours quand il est saisi par le maire ; quand il le fait, la procédure judiciaire est d'une extrême lenteur et à ce titre peu dissuasive ; la mobilisation de la force publique apparaît également difficile à obtenir sur des actions de police de l'urbanisme visant par exemple à rendre effectif un arrêté d'interruption de travaux ; enfin, les DDT semblent avoir des difficultés à assurer leur mission de suivi de l'application des jugements et de recouvrement des astreintes...

Face à ces difficultés, on peut certes demander aux différents services de l'État de se mobiliser plus fortement sur les actions de police de l'urbanisme. Mais on leur demande en permanence d'accorder une priorité à tant d'actions, et dans des domaines si divers, que ces injonctions finissent par paraître un peu vaines. Aussi convient-il de réfléchir à des propositions plus ambitieuses. Le fond du problème est sans doute en effet que la police de l'urbanisme est fondée sur une logique de poursuites pénales sans réelle efficacité , car trop lourde, trop lente, trop aléatoire et, dans bien des cas d'infractions aux règles d'urbanisme, disproportionnée.

Le groupe de travail recommande donc :

- de dresser un état des lieux approfondi et chiffré de la police de l'urbanisme ;

- d'identifier les causes de blocage ;

- de travailler sur des propositions de réforme, qui pourraient consister par exemple à prévoir des sanctions plus rapides et plus souples, reposant notamment sur le recours à des sanctions administratives.

Recommandation n° 5 : évaluer le régime actuel de police de l'urbanisme et le réformer pour lui donner une réelle efficacité.

Les règles de la police de l'urbanisme

La police de l'urbanisme consiste en la recherche, constatation et verbalisation des constructions interdites ou non conformes avec le permis de construire ou l'autorisation de travaux délivrés, la construction sans autorisation notamment en des lieux non autorisés, ou le détournement de vocation de la construction autre que l'autorisation donnée.

Les articles L. 480-1 et L. 610-1 du code de l'urbanisme imposent au maire, s'il est compétent pour délivrer les autorisations d'urbanisme, de faire dresser un procès-verbal dès lors qu'il a connaissance d'une infraction. L'article L.480-1 du code de l'urbanisme précise que les personnes habilitées à dresser procès-verbal sont les officiers de police judiciaire, les fonctionnaires et agents de l'État et des collectivités publiques, dûment commissionnés par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent, et assermentés.

Le procès-verbal peut être dressé à l'encontre des utilisateurs du sol, des bénéficiaires des travaux (promoteurs compris), des architectes, entrepreneurs et autres personnes responsables de l'exécution desdits travaux.

Au terme de l'article L. 480-1 alinéa 4 du code de l'urbanisme, le procès-verbal doit être transmis sans délai au ministère public. Cette transmission déclenche la phase judiciaire de la procédure.

Le parquet a l'opportunité d'engager des poursuites, ce qui signifie qu'il décide librement de la suite à donner au dossier : classement sans suite, classement sous condition de régularisation de la situation illicite, rappel à la loi, poursuites devant le tribunal correctionnel. Si l'infraction est établie, le tribunal correctionnel peut prononcer à l'encontre des contrevenants une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit - dans le cas de construction d'une surface de plancher - une somme égale à 6 000 euros par m² de surface construite, démolie ou rendue inutilisable, soit, dans les autres cas, la somme de 300 000 euros.

Le tribunal peut également ordonner les mesures de restitution suivantes :

- la mise en conformité avec les règlements des lieux ou des ouvrages, l'autorisation ou la déclaration ;

- la démolition des ouvrages ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur.

Le tribunal impartit un délai pour l'exécution de l'ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation et peut assortir son injonction d'une astreinte de 500 euros au plus par jour de retard.

La DDT veille à la bonne exécution des jugements en lien avec les parquets ainsi qu'à la liquidation et au recouvrement des astreintes pour le compte de la commune.

Lorsque les travaux entrepris en infraction ne sont pas achevés, il est possible de faire cesser leurs effets dommageables en prenant un arrêté interruptif de travaux (AIT), sur le fondement de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme. Cet arrêté doit être transmis sans délai au procureur de la République et notifié au contrevenant par lettre recommandée avec accusé de réception.

Les travaux doivent être interrompus dès notification de l'AIT. L'inobservation d'un AIT constitue un délit réprimé par l'article L. 480-3 du code de l'urbanisme. Les personnes visées à l'article L. 480-4 (utilisateurs du sol, bénéficiaires des travaux, architectes, entrepreneurs ou autres personnes responsables de l'exécution des travaux) s'exposent alors à une peine de prison de trois mois ou à une amende de 75 000 euros.

Ces peines sont également applicables en cas de continuation des travaux, nonobstant une décision de la juridiction administrative prononçant la suspension ou le sursis à exécution de l'autorisation d'urbanisme.

En cas de continuation des travaux, le maire peut prendre les mesures de coercition nécessaires pour assurer l'application immédiate de l'AIT :

- la saisie des matériaux ou du matériel de chantier ;

- l'apposition de scellés effectuée par un agent compétent pour constater les infractions aux dispositions du code de l'urbanisme.

5. La question des enseignes publicitaires

La réglementation relative aux enseignes publicitaires est fixée par le code de l'environnement 76 ( * ) . L'objectif légitime de cette règlementation est de limiter la pollution visuelle, notamment dans les zones rurales ou aux abords des monuments et sites historiques ou protégés. Toutefois, les procédures diffèrent selon que les communes disposent ou non d'un règlement local de publicité ou que l'installation concerne des zones de protection du patrimoine, un secteur sauvegardé, un site classé ou un immeuble classé ou inscrit. Selon les cas, la décision relève du préfet de département ou du maire. Selon les cas, l'ABF ou le préfet de région doit émettre un avis. Selon les cas, cet avis est simple ou conforme. Cette complexité des procédures ne s'explique pas toujours par un objectif de sauvegarde du patrimoine, mais bien souvent par une simple question de répartition historique des compétences entre services de l'État et/ou services communaux.

Un travail de réécriture dans le sens d'une uniformisation des procédures pourrait utilement être engagé par le Gouvernement , avec pour objectif de parfaire une décentralisation de la décision qui semble s'être arrêtée à mi-chemin. L'idée serait de responsabiliser les équipes communales - ou intercommunales - en les rendant maîtres de la décision et en transformant les avis simples en faculté de saisine, les maires prenant alors la responsabilité de leurs décisions. Cela aurait pour conséquence de fluidifier les procédures, tant du côté des mairies que des services de l'État, et de permettre aux entreprises ou aux services concernés d'obtenir plus rapidement leurs autorisations.

Recommandation n° 6 : réécrire la réglementation relative aux enseignes publicitaires dans le sens d'une plus grande uniformisation et en décentralisant davantage les décisions.

6. Des pistes de simplification pour le droit de l'environnement

« Une zone a été déclarée humide à cause de quelques joncs qui avaient poussé dans un terrain non cultivé. Nous avons créé un lotissement mais il a fallu recréer une zone humide dans le fond du terrain. Des coûts en plus pour une petite commune qui n'avait pas de terrain constructible ». Cette remarque est l'une des nombreuses observations des acteurs de terrain portées à la connaissance des rapporteurs via la consultation nationale.

Le droit de l'environnement et son application suscitent en France de nombreux mécontentements. Comme le droit de l'urbanisme, le droit de l'environnement est devenu le réceptacle de différentes politiques publiques (logement, protection des espèces, protection des sites naturels...) qui se sont accumulées ces dernières années sans que les impératifs de simplification ne lui soient appliqués. Par ailleurs, chaque directive en matière environnementale a nécessité une transposition en droit français, laquelle ne s'est pas traduite par une remise à niveau des dispositifs antérieurs, créant un sentiment d'empilement de dispositifs d'inspiration française et européenne.

Simplifier le droit environnemental exige un travail complexe d'identification des textes et des procédures. Cela demande également de proposer des évolutions qui soient compatibles avec la législation européenne. Enfin cela nécessite parfois aussi de trouver des consensus au sein d'une société où les questions environnementales divisent de plus en plus -et parfois malheureusement violemment- nos concitoyens.

Dans bien des cas, le groupe de travail a été arrêté par le fait que certaines complexités trouvaient leur source même dans le droit de l'Union. Par exemple, vos rapporteurs auraient souhaité qu'une zone artificialisée de longue date mais abandonnée depuis quelques années et destinée à être reprise pour des activités économiques n'entre pas nécessairement dans le champ de la législation relative aux espèces protégées. Il est absurde de freiner, voire de bloquer la revitalisation d'aires entières « humanisées » de longue date, au motif que subrepticement une quelconque espèce y est apparue. Cependant, la rédaction de la directive « habitats » 92/43 n'offrait pas assez de marge pour modifier en ce sens les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement. Mais il faudra bien, un jour, évaluer ces éléments de législation européenne et proposer des simplifications en la matière.

Recommandation n° 7 : ouvrir, dans le cadre européen, le dossier des directives relatives aux espèces protégées et de leur impact en termes de blocage de certains projets économiques pertinents.

Dans l'immédiat, le Gouvernement a choisi d'adapter, à droit européen constant, certaines procédures et, généralement, il a choisi pour ce faire la voie de l'expérimentation. L'objectif est de tester l'acceptabilité et la faisabilité, tant technique que juridique, des différentes procédures. C'est ainsi qu'ont été expérimentés deux importants dispositifs : les autorisations uniques et les certificats de projets.

L'objectif de l'autorisation unique est, en fusionnant plusieurs autorisations, de réduire les délais d'instruction tout en simplifiant les relations avec le porteur de projet par l'intermédiaire d'un guichet unique. Ainsi, la procédure d'autorisation comprend les autorisations relevant de l'État qui peuvent, le cas échéant, être nécessaires pour un même projet, soit l'autorisation applicable aux installations classées pour la protection de l'Environnement (ICPE) elle-même, le permis de construire, l'autorisation de défrichement, la dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées ou l'autorisation au titre du code de l'énergie. Pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de la loi sur l'eau (IOTA), la même procédure intégrée unique a également été expérimentée.

L'objectif du certificat de projet est de sécuriser juridiquement le porteur de projet quant à la stabilité du droit applicable pendant toute la procédure d'instruction : le porteur de projet reçoit du préfet un rappel sur les différentes procédures à respecter et un engagement sur les délais de délivrance des autorisations. Ce certificat agit comme un rescrit environnemental. Point crucial, il prévoit une cristallisation du droit applicable au projet durant 18 mois à compter de sa notification. Cette cristallisation connaît néanmoins d'importantes restrictions car elle ne peut faire obstacle aux dispositions législatives et réglementaires nouvelles qui le prévoient expressément, au respect des engagements internationaux de la France, notamment du droit de l'Union européenne, ou aux actes qui ont pour objet la préservation de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques.

Un rapport inter-inspections très complet a procédé à l'évaluation de ces dispositifs 77 ( * ) . Ses conclusions étaient globalement positives, et assorties de propositions d'évolutions. Le Gouvernement les a partiellement reprises dans l'avant-projet d'ordonnance relative à l'autorisation environnementale unique qui devrait être publiée à la fin de l'été ou au début de l'automne 2016, pour une entrée en vigueur au 1 er janvier 2017.

Les principales conclusions du rapport inter-inspections sur le certificat de projet et l'autorisation unique, l'avant-projet d'ordonnance relative à l'autorisation environnementale unique et les propositions du groupe de travail

Sur le certificat de projet

« La cristallisation du droit, principal élément novateur du dispositif, s'avère problématique. Ni les porteurs de projets ni les services n'en ont une compréhension claire ». La mission d'inspection souhaitait donc revenir sur cette cristallisation. L'avant-projet d'ordonnance la maintient sous la forme d'une entrée en vigueur différée d'au moins dix-huit mois pour les nouvelles dispositions applicables aux projets relevant de l'autorisation environnementale, sauf si la loi ou le règlement en disposent autrement, et notamment lorsque l'entrée en vigueur immédiate s'impose pour assurer le respect des engagements internationaux de la France - en particulier du droit de l'Union européenne -, ou lorsqu'elles ont pour objet la préservation de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques.

« (...) l'extension du certificat de projet à l'ensemble des procédures est certes nécessaire, mais reste à construire, par exemple en ce qui concerne l'archéologie préventive ». L'avant-projet d'ordonnance comporte des dispositions sur l'articulation de la procédure du certificat de projet avec les procédures relatives à l'archéologie préventive.

Sur l'autorisation unique

« Un enjeu majeur de simplification réside dans l'articulation entre les autorisations uniques et l'autorisation de construire ». L'avant-projet d'ordonnance envisage une articulation entre les deux autorisations sans aller au bout de leur fusion, sauf pour les éoliennes.

En général

« Quelle qu'en soit la forme, les porteurs de projets expriment le souhait de mener avec l'administration des échanges en amont du dépôt du projet ». La mission d'inspection recommandait à cet effet de proposer aux porteurs de projet un échange préalable, dans une approche d'accompagnement tout au long du projet. L'avant-projet d'ordonnance prévoit la possibilité, à la demande du porteur de projet, de faire précéder le dépôt de la demande d'autorisation environnementale ou, de manière plus ambiguë, de certificat de projet d'un cadrage informel avec l'administration.

La double proposition du groupe de travail visant à créer une conférence de conciliation et d'accompagnement des projets locaux et un référent juridique unique compléterait heureusement ce dispositif, en lui donnant plus de visibilité, en assurant une meilleure prise en compte des points de vue des collectivités territoriales et en prévoyant spécifiquement l'accompagnement demandé tout au long du projet par les porteurs de projets. Il s'agit aussi de donner un signal politique pour que l'exécutif diligente une adaptation de l'administration qui permette effectivement d'atteindre cet objectif de dialogue renforcé, dans un contexte où les administrations le refusent parfois, faute de temps. Lors des auditions, il a ainsi été indiqué au groupe de travail que « dans l'ancienne région Picardie, la DREAL a refusé ces dernières années la majorité des demandes de rencontre des porteurs de projets éoliens de la région en amont de leur dépôt de dossier d'autorisation unique, en raison du nombre très important de dossiers à instruire et des décisions de priorisation qui en découlent ».

La mission inter-inspections soulignait par ailleurs la nécessité de « renforcer, organiser et promouvoir le mode projet au sein de l'administration déconcentrée. Aux yeux de la mission, cette recommandation est la plus importante du rapport ». L'avant-projet d'ordonnance institue un « service coordinateur », ce qui est une avancée importante, mais il s'en remet en fait en la matière à un service instructeur parmi les autres, ce qui risque de ne pas régler la difficulté de travail en commun des services. Là encore, les propositions du groupe de travail relatives à la conférence de conciliation et d'accompagnement des projets locaux et au référent juridique unique compléteraient le dispositif. En affirmant davantage le rôle du préfet comme moteur de la transversalité de l'administration, elles visent à faire du mode projet interministériel le coeur de la réforme.

Par ailleurs, le service coordonnateur ne concerne que la partie État du dispositif ; en affirmant la présence des collectivités territoriales au sein de la conférence comme la disponibilité du référent juridique unique à ces collectivités, le groupe de travail souligne que le mode projet doit aussi davantage associer lesdites collectivités et être conçu au profit des pétitionnaires.

Source : groupe de travail, à partir du rapport interinspections.

Vos rapporteurs insistent sur le fait que cet avant-projet d'ordonnance, une fois arrêté, entré en vigueur et mis en oeuvre pendant une période suffisante, devra faire l'objet d'une évaluation sérieuse. Ils soulignent qu'il conviendra de l'articuler, par exemple lors de sa ratification, aux propositions du Sénat relatives à la conférence d'accompagnement des projets locaux et au référent juridique unique.

Recommandation n° 8 : veiller à articuler les dispositions relatives au certificat de projet et au permis environnement unique aux propositions du Sénat relatives à la conférence d'accompagnement des projets locaux et au référent juridique unique.

De manière plus générale, toute nouvelle disposition en matière environnementale devrait, compte tenu des complexités des procédures induites, prévoir des périodes transitoires raisonnables, c'est-à-dire qui permettent une correcte appropriation par les services de terrain chargés de son application, et qui soient compatibles avec l'exigence de soutenabilité des finances des collectivités territoriales.

De même, un travail sur les effets de seuil générés par des différences entre pays européens devrait pouvoir être mis en oeuvre afin d'éviter toute concurrence dommageable pour l'économie française, notamment dans les régions frontalières. Il aurait comme autres avantages de permettre aux services compétents, en l'espèce les DREAL, de dégager davantage de temps sur les dossiers à enjeux, d'accélérer les instructions et de développer les dispositifs d'échange préalable avec les porteurs de projets . À cet effet, vos rapporteurs recommandent d'opérer une vérification de certains effets de seuil (ex. : arrêtés ministériels ne permettant l'ouverture de certaines surfaces de construction que sur autorisation spéciale en France, alors que l'autorisation serait accordée de droit ou par des procédures allégées dans le pays voisin, créant une concurrence déloyale).

Recommandation n° 9 : engager un travail systématique de comparaison des seuils de mise en oeuvre de la législation environnementale et procéder aux révisions pertinentes.

Enfin, lorsque cela est juridiquement possible, il serait nécessaire d'adapter les actuels régimes d'interdiction pour favoriser des régimes privilégiant la compensation environnementale prenant en compte l'historique de la zone concernée, ceci notamment dans un intérêt écologique afin d'éviter qu'une dépollution ne soit retardée par la présence d'espèces installées après l'artificialisation d'une zone.

7. La revitalisation des centres-bourgs et centres-villes

Le sujet est revenu à plusieurs reprises lors des travaux du groupe. Notre collègue Caroline Cayeux, maire de Beauvais et par ailleurs présidente de l'association Villes de France, entendue par le groupe de travail le 16 février 2016, a plaidé avec conviction pour une véritable politique de revitalisation des centres-villes, aujourd'hui confrontés à une lourde crise multifactorielle.

Les mesures proposées par Villes de France, qui figurent dans Le Manifeste, Faire vivre le coeur des villes, publié le 15 mars 2016, concernent de nombreux champs, dont l'habitat et l'urbanisme :

- l'habitat : assouplir les règles d'attribution des aides au logement (par exemple, le Pinel) pour permettre aux préfets de régions d'en accorder une partie à certaines villes moyennes en difficulté ; introduire dans les PLH des dispositions favorisant la réhabilitation du patrimoine disponible en centre-ville par rapport à la construction neuve ;

- l'urbanisme : soutenir la définition de périmètres de centralité dans les PLU et PLUI, qui permettent la mise en place de règles protégeant l'investissement en coeur de ville ; permettre le renouvellement urbain en centralité en facilitant les opérations de déconstruction-reconstruction ; assouplir les dispositions réglementaires concernant les secteurs sauvegardés et les Zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) ; mieux sensibiliser les architectes des bâtiments de France aux dimensions « économiques et sociétales » de la réhabilitation patrimoniale (notamment sur la question des coûts, souvent prohibitifs, des travaux réalisés par des entreprises labellisées et imposées aux maîtres d'ouvrage).

Toutefois, de nombreux autres domaines sont concernés qui dépassaient et de loin la feuille de route fixée au groupe de travail : commerce et urbanisme commercial, stratégies urbaines régionales et dessertes ferroviaires, couverture numérique, ingénierie territoriale. Vos rapporteurs considèrent que ce sujet mériterait un travail transversal de même nature que celui qu'ils viennent d'accomplir, par exemple dans le cadre d'un groupe de travail spécifique.

Recommandation n° 10 : évaluer grâce à un travail transversal la situation des centres-villes et les solutions à mettre en oeuvre.

8. La question de l'usage/destination des locaux

L'attention du groupe de travail a été attirée par plusieurs de ses interlocuteurs sur le régime des autorisations de changement d'usage/destination des immeubles.

Le changement de destination/usage d'un immeuble doit faire l'objet d'une double autorisation dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. La première au titre du code de l'urbanisme, la seconde au titre du code de la construction et de l'habitation. En effet, dans toutes les communes de France, les changements de destination 78 ( * ) doivent faire l'objet d'une première autorisation, au titre du code de l'urbanisme , qui prend la forme :

- d'un permis de construire, si les travaux ont pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment ;

- d'une déclaration préalable, dans les autres cas.

Mais, au surplus, dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans les communes de la petite couronne, le changement d' usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à une seconde autorisation, cette fois au titre du code de la construction et de l'habitation , délivrée par le maire, après avis, à Paris, Marseille et Lyon, du maire d'arrondissement (articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation).

En conséquence, un changement de destination exige toujours une autorisation au titre du code de l'urbanisme - permis ou déclaration préalable -, ce qui vise à assurer le respect des règles locales d'utilisation des sols. Un changement de destination qui aboutirait à créer une habitation n'exigerait que cette seule autorisation. En revanche, dans le cas où un local a un usage d'habitation mais que l'on souhaite changer cet usage en autre chose que l'habitation, ou utiliser temporairement les locaux à une autre destination que l'habitation - notamment pour en faire des locaux professionnels -, il est nécessaire de déposer les deux demandes d'autorisations . Cette autorisation d'usage n'est pas liée au local, mais à la personne qui en fait la demande.

Vos rapporteurs se sont interrogés sur la pertinence de ce dispositif qui s'accompagne de mécanismes de compensation complexes 79 ( * ) . Il donne certes davantage de leviers d'action aux collectivités qui disposent du pouvoir d'autorisation du code de la construction et de l'habitation, notamment pour éviter la disparition non souhaitée de logements dans des quartiers soumis à une forte pression immobilière.

Toutefois, cette double autorisation est une source de difficultés pour les citoyens, confrontés à des réglementations parfois très complexes en la matière et qui génèrent du reste une abondante jurisprudence. Les acteurs économiques eux-mêmes sont face à des situations parfois extrêmement lourdes à démêler, ce qui a entraîné l'apparition de cabinets spécialisés dont l'activité peut aller de la recherche de « commercialité », à savoir de surfaces susceptibles d'être proposées en compensation, au montage complet des dossiers de demande d'autorisation de changement d'usage et leur dépôt auprès des services municipaux, en passant par la négociation du prix de la transaction ou la rédaction des conventions de cession de commercialité. Elle astreint les demandes à une double instruction par les services des collectivités. Ceux-ci doivent gérer deux autorisations, à la fois proches et différentes, et s'approprier une réglementation parfois byzantine.

Sur le fond, il n'est pas certain que la double autorisation soit un système réellement protecteur des logements d'habitation face à des mouvements de grande ampleur en matière de pression immobilière. Un effet pervers signalé à vos rapporteurs pourrait notamment être d'inciter de nombreux détenteurs de bureaux à les conserver vacants plutôt qu'à en faire des logements, de crainte de ne pouvoir ultérieurement les retransformer en bureaux s'ils le souhaitent. Lors de l'examen de la « loi Macron » en 2015, le Sénat avait obtenu l'insertion d'un article L. 631-7-1 B au code de la construction et de l'habitation, permettant à un conseil municipal ou à l'organe délibérant de l'EPCI compétent de définir un régime de déclaration préalable permettant d'affecter temporairement à l'habitation des locaux destinés à un usage autre que l'habitation, pour une durée n'excédant pas quinze ans. Surtout, cet article permettait aux locaux concernés, à l'expiration de l'affectation temporaire, de retrouver leur usage antérieur, par dérogation à l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. Avant d'être suivi par le Sénat, Marc Daunis avait alors justifié la proposition en soulignant qu'elle visait « à permettre, dans les zones dites "tendues", des changements d'usage temporaires. À cette fin, il tend à donner aux propriétaires d'un local à usage de bureau ou professionnel la possibilité de le transformer en local d'habitation pendant une durée maximale de quinze ans et de lui rendre son usage initial sur simple déclaration. En effet, la transformation de bureaux en logements peut être freinée par la complexité et le coût de la procédure indispensable pour revenir à la situation antérieure, compte tenu des règles figurant à l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation et de la nécessité de proposer une compensation. ».

Cette problématique, pour avoir été assouplie par la disposition votée, demeure néanmoins. Aussi vos rapporteurs suggèrent-ils de nouvelles investigations sur ce régime d'autorisation, notamment dans les collectivités concernées, et sur l'opportunité de le simplifier . Une hypothèse de travail pourrait être de fusionner les deux autorisations. Une autorisation au titre du code de l'urbanisme vaudrait alors autorisation au titre du code de la construction et de l'habitation. Une hypothèse plus radicale consisterait à supprimer ce verrou aux changements d'usage, de façon à fluidifier le marché, et notamment à permettre la transformation de nombreux locaux de bureaux vacants en locaux d'habitation, au moins dans certaines zones tendues et mixtes.

Recommandation n° 11 : évaluer les impacts du régime d'autorisation des changements d'usage du code de la construction et de l'habitation.


* 73 Association nationale pour l'archéologie de collectivité territoriale.

* 74 Cour des comptes, « La politique d'archéologie préventive : des mesures d'ajustement tardives, un opérateur à réformer en profondeur », Rapport public 2015, pp. 560-561.

* 75 Sénat , service des études juridiques, « L'archéologie préventive », Étude de législation comparée n° 138, octobre 2004.

* 76 Articles L. 581-1 à L .581-45 et R .581-1 à R. 581-88.

* 77 Rapport inter-inspections, Évaluation des expérimentations de simplification en faveur des entreprises dans le domaine environnemental , décembre 2015.

* 78 Exploitation agricole et forestière ; habitation ; commerce et activités de service ; équipements d'intérêt collectif et services publics ; autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire.

* 79 La transformation d'un logement en « local commercial » doit être compensée par la transformation d'un « local commercial » en logement.

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