IV. LA STRUCTURE DE LA DGF DES EPCI

A. LA MODIFICATION DE L'ARCHITECTURE DE LA DGF DES EPCI PRÉVUE PAR L'ARTICLE 150 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2016 NE PARAÎT PAS SOUTENABLE

1. La modification de l'architecture de la DGF des EPCI prévue par l'article 150 et ses effets

Alors que la DGF des EPCI se compose aujourd'hui d'une dotation d'intercommunalité et d'une dotation de compensation, l'article 150 de la loi n° 2015-1785 de finances pour 2016 prévoit de fusionner leurs montants et de les répartir entre trois nouvelles dotations : une dotation de péréquation, une dotation d'intégration et la part de la dotation de centralité revenant à l'EPCI. Le schéma ci-dessous illustre cette nouvelle structure, avec les montants qui étaient prévus par le projet de loi de finances pour 2016. Avant minoration au titre de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP), la DGF des EPCI devait augmenter légèrement de 2015 à 2016 du fait d'une majoration de 113 millions d'euros pour le financement de la métropole du Grand Paris (MGP) et de la métropole Aix Marseille Provence (MAMP).

Modification de l'architecture de la DGF des EPCI
proposée par l'article 150 de la LFI 2016

Source : DGCL, groupes de travail des commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale

a) L'architecture actuelle de la DGF des EPCI

La dotation de compensation répartie en 2016 s'élève, après CRFP, à 5,170 milliards d'euros, contre 4,551 milliards d'euros en 2015. Cette évolution résulte du basculement de la compensation « part salaires » (CPS) des communes ayant adhéré à un EPCI à FPU, d'un changement de fiscalité de l'EPCI ou d'un mouvement de périmètre intercommunal.

La dotation de compensation est composée de l'ancienne CPS et de la compensation des baisses de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), intervenues entre 1998 et 2001. La part CPS est écrêtée de manière uniforme (- 1,94 % en 2016) pour financer la hausse de la population et l'achèvement de la carte intercommunale. Le montant de cet écrêtement est de 101,5 millions d'euros en 2016.

Le montant de la dotation d'intercommunalité est calculé à partir d'un montant par habitant, différent selon les catégories d'EPCI. Ces modalités de calcul et de répartition ont été présentées plus haut. Après application de la contribution au redressement des finances publiques, 1,568 milliard d'euros a été réparti en 2016 au titre de la dotation d'intercommunalité, contre 1,998 milliard d'euros en 2015.

b) L'architecture proposée par l'article 150 de la loi de finances pour 2016

Une application de l'article 150 précité dès 2016 aurait conduit à la répartition de la DGF des EPCI, soit 7,3 milliards d'euros avant CRFP, selon l'architecture suivante :

- une dotation de péréquation de 49 euros par habitant, soit un montant de 3,4 milliards d'euros. Les EPCI dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 1,5 fois le potentiel fiscal moyen de leur catégorie y seraient éligibles et la répartition serait effectuée en fonction de la population, de l'écart de potentiel fiscal par habitant à 1,5 fois le potentiel fiscal moyen de sa catégorie et du coefficient d'intégration fiscale (CIF) ;

- une dotation d'intégration de 21 euros par habitant, soit un montant de 1,5 milliard d'euros. Tous les EPCI y seraient éligibles, et la répartition prendrait en compte la population et le coefficient d'intégration fiscale (CIF) ;

- la part intercommunale de la dotation de centralité (650 millions d'euros), à laquelle tous les EPCI sauf ceux à fiscalité additionnelle seraient éligibles (les EPCI à fiscalité additionnelle pourraient toutefois également bénéficier de cette part de dotation de centralité à condition que soit prise une délibération à la majorité qualifiée). Cette dotation serait répartie entre les communes membres et l'EPCI en fonction du CIF dans la limite de 40 %.

Comme pour les communes, des mécanismes de plafonnement et de garanties ainsi qu'une majoration sont prévus :

- un abattement : les EPCI qui, en 2015, n'ont pas perçu de dotation de compensation ou de dotation d'intercommunalité (EPCI à fiscalité additionnelle par exemple) auraient perçu, en 2016, une DGF égale à la moitié de leur DGF « spontanée », c'est-à-dire la somme des dotations de péréquation, d'intégration et de centralité ;

- des garanties.

L'article 150 précité prévoit un « tunnel » garantissant que la DGF par habitant d'un EPCI ne peut augmenter ni diminuer de plus de 5 % par rapport à l'année précédente. De plus, une garantie de non-baisse est prévue dans les cas où :

- le CIF de l'EPCI est supérieur à 0,5 ;

- le potentiel fiscal par habitant de l'EPCI est inférieur de plus de 50 % à celui de sa catégorie.

Pour 2016, selon les simulations transmises par le Gouvernement, 211 EPCI auraient bénéficié de la garantie (95 % du montant par habitant perçu l'année précédente) et 1 808 EPCI auraient vu leur DGF plafonnée.

C'est l'écart entre le montant de la DGF « spontanée » des EPCI en 2016 et la DGF répartie en 2015, qui permet de financer les garanties, à hauteur de 1,7 milliard d'euros. Toutefois, cet écart indique aussi l'ampleur de l'impact de la mutualisation des garanties historiques et de la CPS dans le cadre de la réforme prévue par l'article 150 précité, qui apparaît peu soutenable.

c) Les effets généraux de la réforme prévue par l'article 150 lors de la première année

Les simulations transmises par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016 faisaient état de 89 % d'EPCI gagnants à la réforme prévue par l'article 150, et de 74 % de la population DGF des EPCI. Ces résultats sont ceux de simulations ne prenant pas en compte la CRFP 2016, alors que le montant de la DGF des EPCI, avant CRFP, est majoré de 113 millions d'euros pour compenser le coût de la métropole du Grand Paris (MGP) et de 680 millions d'euros du fait du transfert de la part CPS des communes de la MGP.

La présentation de résultats pour la première année de la réforme, avant CRFP, fait apparaître l'ensemble des catégories d'EPCI comme gagnant, avec un bénéfice plus prononcé pour les communautés d'agglomération et les communautés de communes.

Simulation de l'impact d'une application en 2016 de la réforme de la DGF des EPCI telle que prévue par l'article 150 de la LFI 2016

(en euros)

DGF/habitant moyenne 2015

DGF/habitant moyenne 2016 (simulations)

Variation DGF/habitant 2015/2016

Communautés d'agglomération (CA)

111,13

114,56

3,06 %

Communautés de communes (CC)

47,47

48,78

2,76 %

Communautés urbaines (CU)

164,31

164,98

0,41 %

Métropoles

178,96

183,08

2,30 %

Ensemble

102,31

104,98

2,61 %

Source : DGCL

Le Gouvernement n'a pas transmis de simulation pluriannuelle de l'impact de l'article 150 pour les EPCI.

d) Les effets de la remise en jeu de la dotation de compensation

Le graphique ci-contre illustre l'écart, pour les métropoles et les communautés urbaines, entre la DGF qu'elles ont perçue par habitant en 2015 et la dotation spontanée qui leur aurait été attribuée par habitant en 2016 selon les dispositions de l'article 150, hors garantie, plafond et CRFP. Le montant total indiqué dans chaque colonne de gauche correspond à la DGF notifiée, après CRFP. La répartition interne de la DGF 2015 est toutefois présentée de manière simplifiée. La DGF 2015 de chaque EPCI est décomposée entre la dotation d'intercommunalité (DI), la dotation de compensation (DC) et les garanties. Afin de permettre une comparaison de la dotation d'intercommunalité hors CRFP au nouveau dispositif, les contributions 2014 et 2015 sont imputées sur la dotation de compensation et non pas sur la dotation d'intercommunalité. La réallocation des dotations est d'autant plus massive que la dotation de compensation est faible.

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Impact de la mutualisation des garanties passées et de la CPS au sein de métropoles et de communautés urbaines

Source : Ressources consultants finances

La part des garanties et compensations dans la DGF 2016 des EPCI se répartit comme suit. La part de la dotation de compensation dans la DGF des EPCI est de 76,75 % en 2016 et elle est supérieure à la moyenne pour 490 EPCI.

Part des garanties et compensations dans la DGF répartie en 2016

(en %)

Catégories d'EPCI

Part de la garantie (dotation d'intercommunalité)

Part de la CPS (dotation de compensation)

Part de la DCTP (dotation de compensation)

Part de la garantie, de la part CPS et de la DCTP

CA

27,73

80,41

0,56

86,76

CC à fiscalité additionnelle (FA)

21,52

27,01

0,33

48,86

CC à fiscalité professionnelle unique (FPU)

14,24

80,05

0,40

94,70

CC à FPU majorée

7,20

67,25

0,03

74,48

CU et métropoles.

5,79

80,41

0,56

86,76

Total

13,70

76,36

0,39

90,44

Source : calcul des groupes de travail des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat à partir des données de Ressources consultants finances

Intégrée à la DGF des EPCI depuis 2004, la part CPS vise à compenser la suppression progressive, entre 1999 et 2003, de la part salaires des bases de taxe professionnelle. Elle est donc particulièrement importante pour les territoires industriels qui comptaient alors des entreprises à forte intensité de main d'oeuvre. La part DCTP, également intégrée depuis 2004, compense les baisses de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) constatées en 1999, 2000 et 2001, au bénéfice des EPCI créés avant 1987 et comprenant des communes éligibles à la DSU ou bénéficiaires de la fraction bourg-centre de la DSR en 1998.

La garantie au sein de la dotation d'intercommunalité correspond à la plus favorable des garanties suivantes : garantie en cas de changement de catégorie, garantie à 95 % de la dotation par habitant perçue l'année précédente, garantie sous condition de CIF, garantie d'évolution de la dotation spontanée, garantie sous condition de potentiel fiscal.

2. Une réforme potentiellement contournable du fait du plafonnement du coefficient d'intégration fiscale

La prise en compte du coefficient d'intégration fiscale (CIF) par les dispositions de l'article 150 précité appelle principalement deux remarques. Si les écarts de potentiel fiscal par habitant sont bien mesurés par catégorie d'EPCI, les différences de CIF entre EPCI ne prennent pas en compte les compétences transférées à l'EPCI par la loi.

Surtout, la garantie de non-baisse de la DGF prévue pour les EPCI dont le CIF est supérieur à 0,5, qui est une garantie traditionnellement choisie pour encourager l'intégration fiscale, conduit à s'interroger sur la conception même de la réforme puisqu'elle revient à prévoir que dans ces cas, la réforme ne s'applique pas. En particulier, les EPCI qui, à l'issue de la réforme, seraient perdants, auraient tout intérêt à augmenter le plus rapidement possible leur CIF au-delà de 0,5.

En 2016, le CIF moyen des EPCI, toutes catégories confondues, est de 0,373232. En 2015, il était de 0,367169.

Répartition du CIF des EPCI en 2015 et 2016

Valeur du CIF

0 < CIF < 0,1

0,1 < CIF < 0,2

0,2 < CIF < 0,3

0,3 < CIF 0,4

0,4 < CIF < 0,5

CIF > 0,5

Total

Part des EPCI dont le CIF
est > 0,5

Nombre d'EPCI 2016

20

94

376

875

426

274

2 065

13,3 %

Nombre d'EPCI 2015

33

107

422

874

429

271

2 136

12,7 %

Source : Calcul des groupes de travail des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat à partir des données DGCL et RCF

CIF moyen par catégorie d'EPCI

Catégorie juridique

CIF moyen

2016

CIF moyen

2015

CU et métropoles

0,468629

0,446344

CU à FA ou fiscalité professionnelle de zone (FPZ)

0,515537

Syndicats d'agglomération nouvelle (SAN)

-

0,542753

CA

0,350250

0,328421

CC à FPU

0,355642

0,354408

CC à FA

0,334252

0,317873

Source : DGCL

À noter que le CIF des CC à FPU est supérieur au CIF des CA.

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