Rapport d'information n° 764 (2015-2016) de M. Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 6 juillet 2016

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N° 764

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juillet 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les estimations de la croissance potentielle de la France , en vue des prochaines programmations pluriannuelles des finances publiques ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les lois de programmation des finances publiques fixent, aux termes de l'article 34 de la Constitution, « les orientations pluriannuelles des finances publiques ». Ces orientations comprennent, entre autres, en application de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 1 ( * ) , le budget triennal de l'État , qui fixe les plafonds des crédits des missions du budget général pour les trois exercices suivants, mais aussi les trajectoires des soldes publics structurels et effectifs en vue de l'atteinte d'un objectif de moyen terme (OMT) de solde structurel défini en vertu du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l'Union économique et monétaire, entré en vigueur en 2013. De même, en sus de la règle de déficit public effectif, dite « des 3 % », le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) prévoit la définition d'une trajectoire de déficit structurel.

Ainsi la notion de solde structurel a-t-elle acquis une position centrale au sein de la gouvernance budgétaire nationale et européenne . Pour autant, compte tenu de sa complexité, celle-ci souffre d'être peu lisible ; à cet égard, l'ancien président de la commission des finances, Philippe Marini, déclarait : « l'" homo structuralis " je déclare ne jamais l'avoir rencontré de ma vie ! » 2 ( * ) . Surtout, il apparaît que son calcul est extrêmement sensible aux hypothèses retenues, en particulier en ce qui concerne le produit intérieur brut (PIB) potentiel et son taux d'évolution. Pour cette raison, le Sénat s'est assuré que le Haut Conseil des finances publiques, lorsqu'il examine chaque année le respect de la trajectoire de solde structurel, retienne les hypothèses relatives au PIB potentiel figurant dans la loi de programmation.

Les prochaines programmations budgétaires - qu'il s'agisse des projets de loi de programmation des finances publiques ou des programmes de stabilité à venir - seront amenées définir la trajectoire sous-jacente de PIB potentiel qui sera utilisée pour calculer le solde structurel tout au long de la période couverte. Or, la manière dont est déterminée cette trajectoire exerce une grande influence sur l'ampleur et le rythme des efforts budgétaires qui seront consentis au cours de la période de programmation . En particulier, comme le met en évidence le présent rapport, un PIB potentiel surestimé, en ce qu'il accroît l'écart entre le PIB effectif et son potentiel, vient avantageusement réduire la part structurelle du déficit public ; de même, une croissance potentielle surestimée, dès lors qu'elle ralentit le recul de l'écart de production, permet de minorer les efforts requis afin d'atteindre l'objectif de solde structurel et « amplifie » les ajustements structurels affichés.

Aussi, dans la perspective de l'examen de nouvelles programmations des finances publiques et dans un souci de responsabilité budgétaire, les hypothèses inhérentes au PIB potentiel devront être définies avec le plus grand soin, de manière à établir une trajectoire de solde structurel certes compatible avec le rebond de l'activité économique, mais également garante d'un retour rapide à l'équilibre budgétaire .

Par suite, ce rapport d'information, après avoir rappelé les principes d'un pilotage budgétaire reposant sur le solde structurel, de même que ses avantages et inconvénients, expose les premiers résultats d'un « consensus de la croissance potentielle » établi par la commission des finances . Un tel exercice, déjà réalisé lors de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, a vocation à éclairer les travaux parlementaires et ceux du Gouvernement dans le cadre de la préparation des prochaines programmations pluriannuelles des finances publiques.

I. LES AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS D'UNE TRAJECTOIRE STRUCTURELLE DES FINANCES PUBLIQUES

Le solde structurel a acquis, au cours des dernières années, une place essentielle au sein de la gouvernance budgétaire , et ce tant au niveau national qu'européen. Cette évolution a résulté de la nécessité, renforcée par la crise économique, d'établir des règles budgétaires permettant de mieux concilier consolidation des finances publiques et reprise de l'activité, ce qu'autorisait difficilement le seul plafond de déficit effectif fixé à 3 % du PIB par le Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Bien qu'utile au pilotage budgétaire, le solde structurel se heurte, néanmoins, à des difficultés d'estimation, en particulier du fait de la complexité de l'évaluation du produit intérieur brut (PIB) potentiel, sur lequel est fondé son calcul.

A. LE SOLDE STRUCTUREL, NOUVEAU PILIER DE LA GOUVERNANCE BUDGÉTAIRE NATIONALE ET EUROPÉENNE

En effet, la détermination du solde structurel , qui s'est imposé comme une composante fondamentale du Pacte de stabilité et de croissance (PSC), du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), ainsi que du cadre budgétaire français, est intimement liée à l'estimation du PIB potentiel retenue , comme s'attachent à le montrer les développements qui suivent.

1. Le solde structurel dans le cadre budgétaire européen...

Le cadre budgétaire européen repose, avant tout, sur le Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Les deux principales règles qui le composent résident dans l'interdiction :

- d'un déficit public effectif supérieur à 3 % du PIB ;

- d'une dette publique supérieure à 60 % du PIB ; si ce plafond n'est pas respecté, le ratio d'endettement public doit être réduit d'au moins 1/20 e chaque année en moyenne sur trois ans, en application du Six Pack (cf. infra ).

En cas de non-respect de ces règles, l'État membre concerné est placé en procédure de déficit excessif (PDE) par le Conseil de l'Union européenne, sur la base d'une recommandation de la Commission européenne ; adoptée par le Conseil, cette recommandation précise le délai dans lequel le déficit excessif devra être corrigé et définit, à cet effet, des objectifs de solde effectif et de réduction du solde structurel - soit d'ajustement structurel.

L'introduction d'une référence à la notion de solde structurel dans le Pacte de stabilité et de croissance est intervenue lors de la réforme de 2005 3 ( * ) , qui a ajouté un « volet préventif » - applicable aux États membres respectant les deux règles précitées - avec un objectif à moyen terme (OMT) exprimé en termes de solde structurel, supérieur à - 1 % du PIB, et une trajectoire de convergence du solde structurel vers cet objectif ; lorsque cet objectif n'est pas atteint, le déficit structurel doit être réduit de 0,5 point de PIB par an 4 ( * ) . La finalité de cette novation était, notamment, de permettre une meilleure prise en compte de la situation économique dans la mise en oeuvre des politiques budgétaires . Pour autant, le retour du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB demeure le principal objectif des recommandations prises dans cadre de la procédure de déficit excessif.

La réforme du Pacte de 2011, conséquente à l'adoption du Six Pack 5 ( * ) , a renforcé l'importance du critère du solde structurel . Ainsi, dans des circonstances économiques défavorables, l'atteinte de l'objectif de solde effectif peut être reportée à condition que des « actions suivies d'effets » aient été engagées ; or, la Commission européenne considère que des actions ont été suivies d'effets si le déficit structurel a été réduit conformément aux recommandations du Conseil de l'Union européenne visant à mettre fin à la situation de déficit excessif.

À titre indicatif, le Six Pack a, par ailleurs, introduit une « règle en dépense » permettant de s'assurer que les États membres n'ayant pas encore atteint leur objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel le rejoignent et que ceux l'ayant atteint s'y maintiennent durablement. Cette règle impose que le taux d'évolution des dépenses publiques en volume - qui « n'incluent pas les dépenses d'intérêt, les dépenses liées aux programmes de l'Union qui sont intégralement couvertes par des recettes provenant de fonds de l'Union et les modifications non discrétionnaires intervenant dans les dépenses liées aux indemnités chômage » -, soit inférieur ou égal à la croissance du PIB potentiel à moyen terme , à moins que le dépassement ne soit compensé par des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires. Ainsi, il apparaît que la notion de croissance potentielle présente également une grande importance pour l'application de cette nouvelle « règle en dépense » .

Quoi qu'il en soit, à l'issue de la réforme de 2011, le solde structurel conservait, dans le cadre budgétaire, une place subsidiaire relativement au solde effectif , seul à être mentionné par les traités 6 ( * ) . Aussi l'entrée en vigueur, en janvier 2013 7 ( * ) , du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) a-t-elle constitué une nouvelle étape dans la substitution du solde structurel au solde effectif dans le pilotage des finances publiques. En effet, la règle d'équilibre budgétaire posée par le TSCG est exprimée en termes de solde structurel 8 ( * ) ; or, contrairement aux normes du Pacte de stabilité et de croissance (PSC), la règle susmentionnée doit être retranscrite dans les droits nationaux des États signataires .

En effet, le TSCG impose à ces derniers de définir un objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel, qui ne peut être inférieur à - 0,5 % du PIB 9 ( * ) , ainsi qu'une trajectoire de solde structurel, appelée « trajectoire d'ajustement », permettant sa réalisation. En outre, de manière à garantir le respect de cette trajectoire, le traité prescrit aux États concernés d'instituer un mécanisme de correction qui est « déclenché automatiquement si des écarts importants sont constatés par rapport à l'objectif à moyen terme ou à la trajectoire d'ajustement » 10 ( * ),11 ( * ) . Conformément aux stipulations du TSCG, la surveillance de la trajectoire d'évolution du solde structurel doit être confiée à des institutions nationales indépendantes .

2. ...et le pilotage des finances publiques françaises

La loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques a transposé, dans le droit français, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) . Ainsi, son article 1 er dispose que « la loi de programmation des finances publiques fixe l'objectif à moyen terme des administrations publiques » mentionné par le TSCG et que celle-ci « détermine, en vue de la réalisation de cet objectif à moyen terme [...], les trajectoires des soldes structurels et effectifs ».

De même, l'article 23 de la loi organique prévoit les modalités de mise en oeuvre du mécanisme de correction voulu par le traité. Dans ce cadre, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) rend, en vue du dépôt du projet de loi de règlement, un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants que fait apparaître la comparaison des résultats de l'exécution de l'année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel
- dirigées vers l'atteinte de l'objectif à moyen terme (OMT) - définies dans la loi de programmation des finances publiques. L'article 23 prévoit également que lorsque le Haut Conseil examine les résultats de l'exécution de l'année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel, cette « comparaison est effectuée en retenant la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé à cette même loi ». Cette précision, apportée par le Sénat à l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Caffet, doit permettre d'assurer une permanence des méthodes dans le suivi de la trajectoire de solde structurel. Elle garantit, en effet, que les conditions du calcul du solde structurel ainsi que de l'ajustement structurel présentent une certaine stabilité et restent cohérentes avec celles retenues lors de la définition de l'objectif à moyen terme (OMT), évitant ainsi le « syndrome de la cible mouvante ».

Aussi le mécanisme de correction est-il déclenché lorsque le Haut Conseil identifie - dans un avis rendu public qui tient compte, si nécessaire, de l'existence de circonstances exceptionnelles 12 ( * ),13 ( * ) - un écart important entre l'exécution et la trajectoire de solde structurel . L'article 23 précité précise qu'« un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l'ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu'il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives » 14 ( * ) .

En cas de déclenchement du mécanisme de correction, le même article prévoit que le Gouvernement expose les raisons de l'écart important ainsi constaté lors de l'examen du projet de loi de règlement par le Parlement. En outre, celui-ci doit présenter les mesures de correction envisagées dans le rapport mentionné à l'article 48 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) 15 ( * ) , soit dans le rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques (DOFP), et tenir compte de cet écart dans le prochain projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale de l'année .

Par ailleurs, l'article 2 de la loi organique du 17 décembre 2012 dispose que la loi de programmation des finances publiques comprend l'« indication de l'ampleur et du calendrier des mesures de correction pouvant être mises en oeuvre en cas d'écarts importants au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel », de même que « les conditions de prise en compte, le cas échéant, des circonstances exceptionnelles ».

En somme, il apparaît que le solde structurel s'est imposé, y compris dans le droit budgétaire national, comme un rouage déterminant du pilotage des finances publiques . Dès lors, il convient de préciser selon quelles modalités le solde structurel est calculé.

3. Le PIB potentiel dans le calcul du solde structurel

Le solde structurel correspond au solde public effectif corrigé du cycle économique, soit de la conjoncture, de même que des mesures ponctuelles et temporaires . Le calcul du solde structurel implique de distinguer les trois composantes du solde public effectif 16 ( * ) : le solde conjoncturel , qui correspond à la part des fluctuations du solde public qui peut être expliquée par les effets de la conjoncture sur les recettes et les dépenses publiques, le solde structurel , soit le solde public tel qu'il serait constaté si le produit intérieur brut (PIB) était égal à son potentiel, ainsi que les mesures ponctuelles et temporaires qui, n'affectant pas durablement le déficit, sont exclues du solde structurel.

L'identification du solde conjoncturel et du solde structurel repose donc sur l'estimation du PIB potentiel . La définition de ce dernier ainsi que les méthodes selon lesquelles il est évalué sont précisées infra . Le PIB potentiel permet de déterminer l' écart de production (ou output gap ), qui représente la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel, exprimée en points de PIB potentiel. Ainsi, plus le PIB effectif est éloigné de son potentiel, plus l'écart de production est important ; inversement, lorsque le PIB effectif rejoint son potentiel, l'écart de production se resserre.

Le solde structurel correspond à l'écart entre les recettes structurelles et les dépenses structurelles. Aussi est-il nécessaire de corriger les recettes et les dépenses effectives des effets de la conjoncture, et ce à partir des élasticités des différentes recettes et dépenses à l'écart de production (cf. tableau ci-après).

Il convient de souligner que, s'agissant des recettes, tous les prélèvements obligatoires sont supposés être sensibles à la conjoncture , à la différence des autres recettes publiques - à l'instar des ressources non fiscales ; pour ce qui est des dépenses, seules les dépenses d'indemnisation du chômage sont considérées comme étant de nature conjoncturelle . Les données reprises dans le tableau qui suit résultent d' une estimation économétrique de l'élasticité des prélèvements obligatoires réalisée par l'OCDE , dont les résultats ont été publiés en 2014 17 ( * ) .

Tableau n° 1 : Élasticité des différentes catégories de prélèvements obligatoires et des dépenses d'indemnisation du chômage à la conjoncture

IR*

CSG*

IS*

CSS*

APO*

Chômage

Élasticité à l'écart de production

1,86

1,86

2,76

0,63

1,00

- 3,23

* IR : impôt sur le revenu ; CSG : contribution sociale généralisée ; IS : impôt sur les sociétés ; CSS : cotisations de sécurité sociale ; APO : autres prélèvements obligatoires (dont TVA).

Note de lecture : Lorsque l'écart de production augmente de 1 point de PIB potentiel, les recettes perçues au titre de l'IR augmentent de 1,86 %, tandis que les dépenses d'indemnisation du chômage diminuent de 3,23 %.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'OCDE, décembre 2014)

Enfin, pour ce qui est des mesures ponctuelles et temporaires , le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 rappelle qu'il s'agit des mesures « qui n'ont pas d'impact pérenne sur le déficit public, les "one-offs" ». De même, ce rapport propose un ensemble de critères permettant de définir le périmètre des mesures ponctuelles et temporaires à exclure du solde structurel.

À ce titre, il distingue un premier ensemble correspondant aux « mesures one-offs systématiques », qui répondent aux cinq critères suivants : « l'évènement concerné ne doit pas être récurrent » ; « pour une année donnée, le nombre de one-offs doit être limité pour éviter de biaiser la mesure du déficit public » ; « l'évènement concerné doit entraîner un impact budgétaire significatif » ; « tout évènement qui améliore le solde pour le dégrader dans le futur doit être considéré comme un one-off » ; « les mesures one-offs ne doivent pas concerner le mode de calcul de l'impôt ». À cela vient s'ajouter un deuxième ensemble, composé des « évènements dont l'impact budgétaire est substantiel et dont la temporalité est incertaine », comme les contentieux fiscaux de masse, et un troisième, qui renvoie aux « évènements imprévus ayant un impact unique sur le solde public », à l'instar de la recapitalisation de Dexia de 2012.

Une méthode simplifiée de calcul du solde conjoncturel - appelée « règle du pouce » - consiste à considérer qu'en pratique ce dernier est proche de la moitié de l'écart de production pour la France . Ceci s'explique par le fait que les postes sensibles à la conjoncture représentent, dans notre pays, près de la moitié du PIB et que l'élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB est, en moyenne, de l'ordre de 1.

Ceci fait clairement ressortir l'importance des hypothèses relatives au PIB potentiel dans l'estimation du solde structurel . Mécaniquement, pour un niveau de PIB effectif donné, une estimation plus élevée du PIB potentiel aura pour effet de creuser l'écart de production et donc d'améliorer le solde structurel ; à l'inverse, une estimation plus faible du PIB potentiel conduira à un resserrement de l'écart de production et, par suite, à une dégradation du solde structurel. L'exemple suivant permet d'illustrer ce phénomène.

Ainsi, il est considéré un pays dont le PIB effectif est égal à 100 et dont le solde public effectif est de - 3 % du PIB. Le tableau ci-après présente les estimations de l' écart de production et de solde structurel selon que le PIB potentiel est évalué à 101 (scénario A), 102 (scénario B) ou 103 (scénario C). Les mesures ponctuelles et temporaires sont supposées égales à 0.

Tableau n° 2 : Incidences des hypothèses relatives au PIB potentiel sur les évolutions du solde structurel

Scénario A

Scénario B

Scénario C

PIB potentiel (1)

101

102

103

PIB effectif (2)

100

100

100

Écart de production (3) = [(2)-(1)]/(1)*100

- 1,0 %

- 2,0 %

- 2,9 %

Solde public effectif (4)

- 3,0 %

- 3,0 %

- 3,0 %

Solde conjoncturel (5) = (3)*½

- 0,5 %

- 1,0 %

- 1,5 %

Mesures ponctuelles et temporaires (6)

0,0 %

0,0 %

0,0 %

Solde structurel (7) = (4)-(5)-(6)

- 2,5 %

- 2,0 %

- 1,5 %

Source : commission des finances du Sénat

Ceci montre que la modification de l'estimation du PIB potentiel et de son évolution est susceptible d'avoir une incidence significative sur la trajectoire de solde structurel . Aussi, il convient de préciser les notions de PIB potentiel et de croissance potentielle, ainsi que la manière dont ceux-ci sont déterminés.

4. Qu'est-ce que le PIB potentiel et la croissance potentielle ?

Le PIB potentiel peut être défini comme le produit intérieur brut pouvant être obtenu durablement, c'est-à-dire sans produire de déséquilibre sur les marchés des biens et du travail . En cela, le PIB potentiel se distingue fondamentalement du niveau maximal de production réalisable à un instant donné ; en effet, il s'agit d'un niveau d'activité « soutenable » sur longue période, qui n'entraîne pas d'accélération de l'inflation ou d'accroissement des salaires .

Dès lors, la croissance potentielle correspond à l'évolution du niveau de production « soutenable » , soit du PIB potentiel.

Bien que n'étant pas observable, ce dernier peut néanmoins être estimé par le biais de différentes méthodes qui se répartissent entre trois grandes approches : l'approche purement statistique, l'approche structurelle et l'approche mixte. Dans le cadre de l' approche purement statistique , le PIB potentiel est assimilé au PIB tendanciel. Parmi les méthodes « empiriques » les plus connues figurent le recours au filtre de Hodrick et Prescott 18 ( * ) , qui permet de distinguer, au sein d'une série temporelle, une composante cyclique et une composante tendancielle, et la méthode des ruptures de tendance. Dans l' approche structurelle , le PIB potentiel est déterminé à partir d'une fonction de production en évaluant les quantités de facteurs de production qui permettent un niveau d'activité soutenable 19 ( * ) . Par suite, la croissance potentielle est conçue comme la somme de la croissance des facteurs de production disponibles - stock de capital, nombre d'emplois, heures travaillées par tête, qui peuvent être augmentés de leur « qualité » qui dépend, par exemple du niveau de qualification 20 ( * ) - et de la croissance de la productivité globale des facteurs (PGF) 21 ( * ) . L' approche mixte , enfin, mobilise tout à la fois des outils statistiques et des hypothèses structurelles.

Toutefois, il convient de souligner que la notion de PIB potentiel
- et donc celle de croissance potentielle -, de même que son estimation, présentent d'importantes fragilités
. Tout d'abord, la diversité des méthodes d'évaluation a pour conséquence nécessaire une disparité des résultats .

Ensuite, le PIB potentiel et la croissance potentielle n'étant pas des données comptables - ni même observables -, leurs révisions ex post peuvent être tout à fait substantielles , ce qui montre bien l'incertitude qui entoure toute estimation de ces valeurs.

Enfin, d'un point de vue conceptuel, la « soutenabilité » de la production est généralement appréhendée à travers les tensions sur les prix, sans qu'il soit tenu compte d'autres types de déséquilibres, notamment financiers , dont les incidences potentielles sur l'activité ne sauraient pourtant être négligées. Ce point a été notamment développé par Michel Aglietta lors d'une audition conjointe sur le risque de déflation dans la zone euro organisée par la commission des finances en mai 2014 22 ( * ) , au cours de laquelle celui-ci indiquait : « Il est très difficile de définir et de calculer le potentiel de croissance. Il est calculé généralement par rapport à l'inflation. Comme il n'y a plus d'inflation depuis des décennies, les tensions proviennent du surendettement. Les potentiels de croissance avant la crise étaient surévalués : des déséquilibres massifs se sont cumulés sans ajustement des marchés. En tenant compte des déséquilibres financiers, on aboutit à des potentiels de croissance inférieurs. »

Dans ces conditions, en dépit de leur indéniable utilité tant du point de vue de l'analyse économique que de celui du pilotage des finances publiques, les concepts de PIB potentiel et de croissance potentielle doivent être maniés avec discernement et humilité : ils ne sauraient être conçus autrement que comme de simples « points de repère », permettant d'introduire un peu de stabilité en des domaines fortement marqués par les variations conjoncturelles.

B. LE RECOURS AU SOLDE STRUCTUREL FAVORISE LA MISE EN oeUVRE D'UNE POLITIQUE BUDGÉTAIRE CONTRACYCLIQUE...

En effet, un cadre budgétaire poursuit, généralement, deux objectifs : limiter le « biais » susceptible d'exister en faveur du déficit , afin d'assurer la soutenabilité des finances publiques à long terme, et favoriser la mise en oeuvre d'une politique budgétaire contra-cyclique 23 ( * ) - soit qui assure, en particulier, une fonction de soutien à l'activité économique en cas de conjoncture dégradée. Or, il apparaît que l'évolution du déficit effectif est très sensible aux variations conjoncturelles , ainsi que s'attache à le montrer le graphique ci-après.

1. Le solde structurel fournit une image de la situation budgétaire corrigée de l'impact des fluctuations conjoncturelles...

En période de creux conjoncturel, il est observé un déficit de recettes et un surplus de dépenses , tandis que durant les périodes plus favorables, le solde public s'améliore du fait des hausses de rentrées fiscales et du recul de certaines prestations sociales. Ainsi, « les recettes de TVA
- assises sur la consommation des ménages et l'investissement des entreprises -, les recettes d'impôt sur les sociétés, d'impôt sur le revenu et les cotisations sociales
- assises sur la masse salariale donc sensibles au cycle de productivité et à la situation du marché du travail - fluctuent en fonction des chocs affectant l'économie
» 24 ( * ) . De même, les dépenses d'indemnisation du chômage et de revenu de solidarité active (RSA) sont fortement liées à la situation économique.

Graphique n° 3 : Évolution du solde public et variations conjoncturelles

(évolution du PIB en % ; solde public en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Pour autant, il convient de souligner que les évolutions conjoncturelles n'expliquent qu'en partie seulement les variations du solde public, qui dépendent aussi des décisions des autorités publiques en matière fiscale et budgétaire . À titre d'exemple, la hausse significative du déficit constatée en 2009-2010 a résulté de la stagnation du PIB en 2008 puis de son recul de près de 3 % en 2009, à l'origine d'une attrition des bases fiscales et d'une sollicitation accrue des dépenses sociales - soit d'une activation des « stabilisateurs automatiques » 25 ( * ) -, mais aussi de la mise en oeuvre du plan de relance économique voulu par l'ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui comprenait, entre autres, des mesures financières en faveur des salariés ayant perdu leur emploi, des baisses d'impôts pour les ménages, ou encore des projets de travaux publics.

Quoi qu'il en soit, l'existence de règles budgétaires chiffrées concernant le seul déficit public effectif - comme le seuil de 3 % du PIB fixé par le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) - peut se révéler problématique en cas de dégradation de la conjoncture économique . Le seul jeu des « stabilisateurs automatiques » ayant pour effet de creuser le déficit public, les États peuvent être contraints d'engager des mesures de consolidation budgétaire - comme des réductions de dépenses ou des augmentations de prélèvements obligatoires - afin de demeurer en conformité avec les règles de déficit effectif. Or, l'adoption de telles mesures présente des incidences récessives et contribuent à ralentir un peu plus la croissance économique - la politique budgétaire étant alors qualifiée de « pro-cyclique ».

2. ...permettant la mise en oeuvre de politiques budgétaires contra-cycliques

Aussi est-ce pour limiter le caractère pro-cyclique des politiques budgétaires que la notion de solde structurel a été introduite dans le Pacte de stabilité et de croissance en 2005 et que l'importance de cette dernière dans le pilotage des finances publiques a été renforcée par la réforme du PSC de 2011 et le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de 2012 (TSCG) (cf. supra ). Dès lors qu'elle repose sur une estimation du solde public corrigée de l'impact des fluctuations conjoncturelles - puisque fondée sur le PIB potentiel -, une règle budgétaire exprimée en termes de solde structurel permet d'atténuer le risque que les États ne soient contraints de procéder à des ajustements substantiels de leurs finances publiques afin, notamment, de corriger la dégradation du solde résultant des évolutions de la conjoncture.

Si une règle de solde structurel permet de limiter la sensibilité de la trajectoire des finances publiques - et donc des mesures de consolidation budgétaire à engager, le cas échéant -, elle n'en est pas pour autant neutre sur l'activité ; en effet, les ajustements requis pour respecter cette règle peuvent, eux aussi, avoir des effets récessifs. Pour autant, une fois l'équilibre structurel atteint, les États disposent des marges de manoeuvre nécessaires pour laisser jouer les « stabilisateurs automatiques » et mener des politiques budgétaires contra-cycliques sans menacer la soutenabilité à long terme de leurs finances publiques .

3. Un meilleur révélateur de la position budgétaire

En outre, le solde structurel est supposé être un meilleur révélateur de la position budgétaire d'un État . En effet, il permet d'identifier la part des déficits qui ne saurait être imputée aux évolutions de la conjoncture, dès lors que les « accidents » conjoncturels peuvent avoir des effets sur le solde effectif, de par leurs incidences tant sur les recettes que sur les dépenses.

Au total, le solde public structurel permet de donner un « cap » à l'amélioration des comptes publics moins sensible aux aléas de la conjoncture économique que le solde public effectif , concourant ainsi à renforcer la stabilité de la trajectoire des finances publiques.

C. ...MAIS SE HEURTE À DES DIFFICULTÉS D'ESTIMATION

Toutefois, le solde structurel a pour inconvénient d'être difficile à estimer dès lors que son calcul repose sur une donnée non observable, à savoir le PIB potentiel . Ainsi que le font apparaître les développements qui précèdent, les méthodes d'évaluation du solde structurel sont nombreuses ; par suite, les résultats peuvent varier selon les méthodes retenues. De même, l'estimation ainsi que la prévision du PIB potentiel et de son taux de croissance peuvent faire l'objet de révisions significatives ex post , conduisant à revoir la trajectoire de solde structurel, qui peut aussi évoluer sensiblement du fait des corrections apportées à l'évaluation du PIB effectif.

1. Les difficultés inhérentes à l'estimation du PIB potentiel...

Les difficultés liées à la pluralité des méthodologies apparaissent clairement quand sont considérées les estimations du PIB potentiel de la France et de son taux d'évolution avancées par différentes organisations internationales , examinées plus avant dans la partie dédiée du présent rapport. Ainsi, l'écart entre le PIB potentiel et le PIB effectif - soit l'écart de production - était évalué pour l'année 2015, dans le cas français, à - 1,8 % du PIB potentiel par la Commission européenne 26 ( * ) ainsi que par l'OCDE 27 ( * ) et à
- 2,4 % par le Fonds monétaire international (FMI) 28 ( * ) . En outre, la Commission estimait la croissance potentielle en 2015 à 0,8 %, alors que le FMI et l'OCDE retenaient une hypothèse de + 1,1 %. Ces écarts sont loin d'être négligeables, d'autant qu'ils tendent à se creuser concernant les prévisions pour les années à venir (cf. infra ).

Surtout, les différentes estimations du PIB potentiel conduisent à offrir des images divergentes de la situation des finances publiques françaises pour l'année considérée . Dans le projet de loi de règlement pour l'exercice 2015, le Gouvernement évalue le solde effectif à - 3,6 % du PIB et le solde structurel à - 1,9 % du PIB. Aussi, en utilisant la « règle du pouce » mentionnée précédemment, le solde structurel s'approche-t-il de - 2,6 % du PIB si l'on retient l'hypothèse d'écart de production de la Commission européenne et de l'OCDE, et de - 2,2 % au regard de celle avancée par le FMI. Par conséquent, l'ampleur de l'ajustement à consentir pour revenir à l'équilibre structurel varie fortement selon l'estimation de PIB potentiel retenue .

Par ailleurs, il apparaît qu'aussi bien les estimations du PIB potentiel que celles de la croissance potentielle peuvent faire l'objet d'importantes révisions , qu'il s'agisse de l'« exécuté » ou encore des prévisions. Ainsi, à titre d'illustration, l'examen des prévisions économiques publiées au printemps par la Commission européenne ces dernières années fait apparaître que l'estimation de la croissance potentielle française en 2012 était de 1,1 % au printemps 2013, avant d'être ramenée à 0,9 % au printemps 2016 ; de même, la prévision de croissance potentielle pour l'année 2015 est passée de 1,1 % à 0,8 % entre les printemps 2014 et 2016 (cf. tableau ci-après). Or, de telles révisions ne sont pas sans conséquences sur la trajectoire passée et à venir de solde structurel .

Tableau n° 4 : Estimations de la croissance potentielle de la France apparaissant dans les prévisions économiques de la Commission européenne de printemps

(évolution en volume, en %)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Printemps 2013

1,4

1,0

1,0

1,0

1,0*

0,9*

1,0*

Printemps 2014

1,1

1,2

1,1

1,0*

1,0*

1,1*

Printemps 2015

1,1

1,0

1,0

1,0*

1,0*

1,1*

Printemps 2016

0,9

0,9

0,9

0,8*

1,0*

1,1*

* Prévisions

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la Commission européenne)

À cet égard, il convient de rappeler de nouveau qu'en France, dans le cadre du mécanisme de correction prévu par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le respect des objectifs de solde structurel arrêtés par la loi de programmation est examiné par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) sur la base de la trajectoire de PIB potentiel figurant dans le rapport annexé à cette même loi (cf. supra ). Le caractère intangible de cette trajectoire tout au long de la période de programmation vient limiter l'instabilité des estimations du solde structurel - permettant une relative constance des cibles budgétaires et des efforts à consentir pour les atteindre. Toutefois, ce principe est remis en cause par le fait que le Gouvernement s'autorise à modifier la trajectoire de PIB potentiel sous-jacente aux programmes de stabilité , qui constituent des documents de programmation déclinant les engagements de la France auprès des institutions européennes. Cette question fait l'objet d'une analyse approfondie ultérieurement dans le présent rapport.

Enfin, dans le cadre budgétaire européen, les difficultés inhérentes à l'estimation des hypothèses relatives au PIB potentiel sont renforcées par le fait que les prévisions de croissance potentielle et d'écart de production des États membres concernent, dans les programmes de stabilité et de convergence, un horizon de quatre années, alors que celles de la Commission européenne ne portent que sur deux ans . Ainsi, les prévisions du programme de stabilité français d'avril 2016 29 ( * ) s'arrêtent en 2019, alors que celles publiées par la Commission européenne en mai dernier s'achèvent en 2017. Ce point a été soulevé, notamment, dans un courrier du 18 mars 2016 adressé à Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission, Pierre Moscovici, commissaire aux affaires économiques et monétaires, et Jeroen Dijsselbloem, président de l'Eurogroupe, par les ministres des finances espagnol, italien, letton, lituanien, luxembourgeois, portugais, slovène et slovaque. En effet, selon les signataires, cette situation rend plus complexe le pilotage des finances publiques .

2. ...et du PIB effectif

Pour conclure ce développement, il faut également relever la sensibilité du solde structurel à l'estimation du PIB effectif . En effet, comme cela a été précisé, le calcul du solde structurel dépend de l'évaluation retenue de l'écart de production - soit de l'écart entre le PIB potentiel et le PIB effectif. Aussi, une révision à la hausse du PIB effectif vient réduire l'écart de production et, par conséquent, accroître la part structurelle du solde public. Un tel phénomène a pu être observé à plusieurs reprises, en France, au cours des années passées. À titre d'exemple, en mai 2016, l'Insee a révisé son estimation de la croissance du PIB en 2014 de 0,2 % à 0,6 % ; par suite, initialement estimé à - 2,1 % du PIB, le solde structurel de l'exercice 2014 a été ramené à - 2,3 %, décalant l'ensemble de la trajectoire de solde structurel.

Compte tenu des révisions pouvant affecter les estimations de PIB potentiel et de PIB effectif, l'évaluation de l'écart de production peut donc significativement varier dans le temps , ce que permet d'illustrer, encore une fois, l'examen des prévisions économiques de printemps de la Commission européenne. À titre d'exemple, l'écart de production de la France pour l'année 2012 était estimé à - 1,2 % du PIB potentiel au printemps 2016, contre - 2,0 % au printemps 2014.

Tableau n° 5 : Estimations de l'écart de production de la France apparaissant
dans les prévisions économiques de la Commission européenne de printemps

(en points de PIB potentiel)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Printemps 2011

1,9

2,0

0,3

- 3,9

- 3,9*

- 3,7*

- 3,2*

Printemps 2012

2,7

1,1

- 2,8

- 2,5

- 2,1*

- 2,8*

- 2,7*

Printemps 2013

1,5

- 2,7

- 2,0

- 1,4

- 2,4*

- 3,4*

- 3,3*

Printemps 2014

- 1,8

- 0,9

- 2,0

- 2,7*

- 2,8*

- 2,4*

Printemps 2015

- 0,4

- 1,0

- 1,7

- 2,3*

- 2,3*

- 1,7*

Printemps 2016

- 1,2

- 1,4

- 2,1

- 1,8*

- 1,5*

- 0,9*

* Prévisions

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la Commission européenne)

Cette variabilité du niveau du solde structurel, de même que sa sensibilité aux révisions de variables économiques, laissent penser, d'une part, que les gouvernements n'exercent qu'un contrôle relatif sur ce dernier et, d'autre part, que celui-ci peut suggérer, à un moment donné, la mise en oeuvre d'une politique budgétaire qui ne serait pas parfaitement adaptée à la situation conjoncturelle .

Dans ces conditions, le solde structurel gagne à être examiné à l'aune d'autres indicateurs susceptibles de mieux rendre compte, notamment, des mesures discrétionnaires engagées par les autorités publiques, à l'instar de l'effort structurel . Cette notion, définie dans l'encadré ci-après, existe également dans le cadre budgétaire européen, l'article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), stipulant que « les progrès réalisés en direction de l'objectif à moyen terme et le respect de cet objectif font l'objet d'une évaluation globale prenant pour référence le solde structurel et comprenant une analyse des dépenses, déduction faite des mesures discrétionnaires en matière de recettes », et ce comme dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance dans sa version postérieure à la réforme de 2011 (cf. supra ).

Ajustement structurel et effort structurel

L' ajustement structurel se définit comme la variation du solde structurel, qui correspond au solde public effectif corrigé du cycle économique, soit de la conjoncture, de même que des mesures ponctuelles et temporaires. Dès lors, l'ajustement structurel renvoie à la variation du solde public dont ont été retranchés les effets de la conjoncture économique. Malgré cela, celui-ci ne constitue qu'une mesure imparfaite pour qualifier l'orientation discrétionnaire de la politique budgétaire . En effet, par construction, le solde structurel est conçu comme un résidu entre le solde effectif et sa part conjoncturelle, de sorte que tous les éléments qui ne figurent pas explicitement dans le solde conjoncturel sont considérés comme étant de nature structurelle ; en particulier, le solde structurel ne permet pas d'exclure les incidences de l'évolution de l'élasticité des prélèvements obligatoires , pourtant sensible aux évolutions conjoncturelles et qui échappe au contrôle du Gouvernement.

Aussi, afin de mieux approcher la composante discrétionnaire des finances publiques - et donc l'action budgétaire du Gouvernement -, a été développée la notion d'effort structurel , qui a été proposée pour la première fois dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2004 30 ( * ) .

L'effort structurel peut se décomposer en deux facteurs : l' effort structurel en dépenses , qui correspond à l'écart entre la progression de la dépense publique et la croissance potentielle, et l' effort structurel en recettes , soit les mesures nouvelles portant sur les prélèvements obligatoires perçus par l'ensemble des administrations publiques 31 ( * ) . Ainsi, le calcul de l'effort structurel permet un traitement amélioré des recettes dans la mesure de la composante discrétionnaire du solde public, dès lors qu'il permet d'exclure les incidences de l'évolution des élasticités. Toutefois, il ne permet pas d'isoler les évolutions des dépenses publiques qui ne sont pas maîtrisées par le Gouvernement , à l'instar des charges de la dette, pouvant momentanément venir accroître l'effort structurel en dépenses.

En outre, l'entrée en vigueur du nouveau système européen des comptes nationaux, dit « SEC 2010 », a modifié le traitement des crédits d'impôts « restituables » 32 ( * ) , soit ceux correspondant à une créance et pouvant donner lieu à un versement de la part du Trésor public en cas de dépassement de l'impôt dû, qui sont désormais comptabilisés comme des dépenses publiques - alors qu'ils l'étaient auparavant en tant que moindres recettes. Par conséquent, afin de maintenir inchangée la notion d'effort structurel, l'effort en dépenses est calculé hors crédits d'impôts . Toutefois, parce que la montée en charge des crédits d'impôts « pèse » sur l'ajustement structurel, un terme supplémentaire a été ajouté dans la décomposition de ce dernier : il s'agit de la « clef en crédits d'impôts ».

II. QUELLES HYPOTHÈSES DE CROISSANCE POTENTIELLE POUR LES PROCHAINES PROGRAMMATIONS BUDGÉTAIRES ?

Les prochaines programmations des finances publiques seront amenées à arrêter les hypothèses relatives au PIB potentiel sous-jacentes à la trajectoire de solde structurel , en particulier pour ce qui est des projets de loi de programmation à venir en application du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Celles-ci devront être déterminées avec le plus grand soin, de manière à établir des orientations des finances publiques tout à la fois compatibles avec le rebond de l'activité économique et un retour rapide de l'équilibre budgétaire.

Comme le montrent les développements qui précèdent, l'évaluation du solde structurel dépend étroitement de celle du PIB potentiel . Ainsi, une sous-estimation du PIB potentiel et de la croissance potentielle, en ce qu'elle viendrait réduire l'écart de production, aurait pour effet d'accroître le déficit structurel et appellerait un ajustement budgétaire plus important, aux incidences nécessairement récessives. À l'inverse, une surestimation de ces variables permettrait d'alléger l'effort à consentir, contribuant à minorer le solde structurel ; or, les dernières modifications de la trajectoire du PIB potentiel opérées par le Gouvernement peuvent laisser penser qu'il existe une tendance à la surestimation de cette donnée , venant rendre plus aisée l'atteinte de l'objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel.

Aussi le présent rapport s'attache-t-il à présenter les estimations alternatives de croissance potentielle , avancées par l'Insee, la Commission européenne et différentes organisations internationales, ainsi que le nouveau « consensus de la croissance potentielle » de la commission des finances, établi à partir des données transmises par les principaux instituts de conjoncture .

Les données ainsi recueillies ont vocation à contribuer à la définition d'une trajectoire de solde structurel crédible pour la prochaine période de programmation . Si l'utilisation du solde structurel comporte des limites, celui-ci n'en demeure pas moins un instrument utile de pilotage des finances publiques - et incontournable, en application du cadre budgétaire européen - comme s'est attaché à le montrer le présent rapport. Par ailleurs, il apparaît que la croissance potentielle constitue une référence utile pour la mobilisation d'autres indicateurs budgétaires, comme l'effort structurel, ou encore la « règle en dépense » (cf. supra ).

A. DES HYPOTHÈSES GOUVERNEMENTALES CHANGEANTES

Alors que la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, adoptée en décembre 2014, avait fixé une trajectoire de PIB potentiel pour l'ensemble de la période concernée, le Gouvernement a modifié les hypothèses de croissance potentielle sous-tendant la trajectoire budgétaire présentée aux institutions européennes dans le programme de stabilité d'avril 2015 33 ( * ) .

Tableau n° 6 : Comparaison des trajectoires de PIB potentiel de la LPFP 2012-2017, de la LPFP 2014-2019 et des programmes de stabilité d'avril 2015 et 2016

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

LPFP 2012-2017

Croissance potentielle

1,1

1,3

1,4

1,5

1,5

1,6

1,6

Écart de production*

- 0,8

- 1,7

- 2,3

- 1,9

- 1,4

- 1,0

- 0,6

LPFP 2014-2019

Croissance potentielle

1,0

1,0

1,1

1,3

1,3

1,2

1,1

Écart de production*

- 2,7

- 3,3

- 3,4

- 3,1

- 2,5

- 1,7

- 0,9

PStab. Avril 2015

Croissance potentielle

1,0

1,1

1,5

1,5

1,4

Écart de production*

- 3,4

- 3,5

- 3,5

- 3,5

- 3,2

PStab. Avril 2016

Croissance potentielle

1,1

1,5

1,5

1,4

1,3

Écart de production*

- 3,3

- 3,3

- 3,3

- 2,9

- 2,9

* En % du PIB potentiel

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

En effet, si à l'automne 2014, le Gouvernement avait retenu des hypothèses de croissance potentielle conformes à celles avancées par la Commission européenne , probablement en vue de faciliter l'octroi d'un report du délai de correction du déficit excessif, une fois celui-ci acquis, en vertu de la recommandation du Conseil de l'Union européenne du 10 mars 2015, l'estimation de la croissance potentielle a été revue de + 0,2 point à partir de 2016 , et ce jusqu'à la fin de la période 34 ( * ) (cf. tableau ci-avant).

Or, il apparaît que cette révision opportune de la croissance potentielle a permis au Gouvernement de relever artificiellement l'ajustement structurel affiché au cours de la programmation , comme l'a relevé votre rapporteur général à plusieurs reprises 35 ( * ) .

Une telle modification des hypothèses de PIB potentiel a également été critiquée par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) qui y a vu un « problème de principe » 36 ( * ) . En effet, il convient de rappeler qu'en application de l'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil examine, dans le cadre du mécanisme de correction, le respect des objectifs de solde structurel « en retenant la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé » à la loi de programmation.

Cette disposition visait à ce que les hypothèses de PIB potentiel soient communes au Gouvernement, au Haut Conseil, mais également au Parlement, qui ratifie la trajectoire, et ce tout au long de la période de programmation. Par conséquent, en modifiant les hypothèses de croissance potentielle, le Gouvernement « gêne » considérablement le contrôle qui peut être exercé sur le respect de la trajectoire des finances publiques . Par ailleurs, cela signifie que plusieurs trajectoires de solde structurel ont vocation à coexister : celle de la loi de programmation et celle des programmes de stabilité - qui se retrouve dans les projets de lois financières.

Dans le programme de stabilité d'avril 2015, le Gouvernement justifiait la révision de ses hypothèses de croissance potentielle par les effets du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité et de solidarité 37 ( * ) . Toutefois, ces différentes mesures étaient déjà connues lors de l'élaboration et du vote de la dernière loi de programmation. Aussi votre rapporteur général a-t-il demandé au ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, que lui soient transmis les documents produits par ses services concernant l'évaluation de la croissance potentielle française .

Dans le courrier accompagnant sa réponse à cette demande, en date du 24 juin 2015, Michel Sapin indiquait : « À l'automne, j'ai fait le choix d'aligner l'hypothèse de croissance potentielle de la nouvelle LPFP sur la prévision réalisée par la Commission européenne au printemps 2014 . Mon objectif était de nous prémunir de débats techniques sur l'évaluation de notre ajustement structurel afin de concentrer les discussions avec nos partenaires sur l'orientation de la politique économique et budgétaire, dans la perspective de l'obtention d'une recommandation » ; puis il ajoutait que « bien qu'elle s'impose dans nos discussions avec nos partenaires, la méthode communément agréée de la Commission présente des limites importantes, soulignées par de nombreux États membres ».

Comme le rappelle l'une des notes transmises par le ministre, provenant de la direction générale du Trésor, quatre « limites » à la méthode d'estimation de la croissance potentielle de la Commission européenne sont généralement identifiées , toutes liées au fait qu'elle repose sur une approche exclusivement statistique :

- les estimations de croissance potentielle sont trop pro-cycliques , un ralentissement conjoncturel de l'activité se traduisant par une révision à la baisse de la croissance potentielle, ce qui peut avoir pour effet de demander aux États membres en phase basse du cycle d'accroître leurs efforts budgétaires afin de respecter leurs objectifs de solde structurel ;

- les estimations ne prennent pas en compte explicitement, ou le font avec retard, l'impact des réformes structurelles mises en oeuvre - cet impact n'étant visible que tardivement dans les statistiques, comme c'est, par exemple, le cas pour le CICE et le Pacte de responsabilité ;

- la méthode n'est pas adaptée à la prise en compte, au moment de la crise, d'un choc de productivité suivi d'une nouvelle croissance de la productivité , comme cela pourrait être le cas s'agissant de la France ;

- l'estimation de l'écart de production est particulièrement instable , dans la mesure où le PIB potentiel fait lui-même l'objet de révisions régulières ; or, l'écart de production constitue une donnée essentielle pour estimer le solde structurel (cf. supra ).

Eu égard à ces limites, Michel Sapin a indiqué, dans le courrier précité, « avoir demandé que la France porte l'ambition d'une révision de cette méthodologie commune d'évaluation de la croissance potentielle, en particulier pour mieux prendre en compte les effets des réformes ».

Si la méthodologie utilisée par la Commission européenne pour évaluer la croissance potentielle comporte sans doute des imperfections, ceci ne justifie en rien la modification de la trajectoire de PIB potentiel intervenue dans le cadre du programme de stabilité d'avril 2015 , celle-ci étant clairement en contradiction avec la lettre et l'esprit de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. À supposer que la méthode de la Commission soit lacunaire, le Gouvernement aurait dû soit retenir des hypothèses de croissance potentielle différentes de celles proposées par cette dernière dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, soit ne modifier ces hypothèses qu'à l'issue de la période de programmation - l'important se trouvant dans la stabilité des méthodes afin d'assurer la cohérence et la lisibilité de la trajectoire de solde structurel proposée. En effet, en procédant ainsi, le Gouvernement aurait, notamment, pu éviter de s'exposer à l'une des critiques qu'il formule lui-même à l'encontre de la méthode de la Commission, à savoir l'instabilité de l'estimation de l'écart de production.

Par ailleurs, il convient de relever que les hypothèses gouvernementales s'inscrivent indiscutablement dans le haut de la « fourchette » des estimations retenues tant par les organisations internationales que par les instituts de conjoncture , comme le montre le « consensus de la croissance potentielle » de la commission des finances (cf. infra ).

Il apparaît clairement, dans le courrier adressé à votre rapporteur général par le ministre des finances et des comptes publics, que l'objectif du Gouvernement était, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, de donner des gages de bonne volonté aux autorités européennes en retenant les estimations de croissance potentielle de la Commission, dans l'espoir d'obtenir un nouveau report du délai de correction du déficit excessif . Une fois ce report acquis, le Gouvernement s'est, de toute évidence, senti libre de retenir une estimation de la croissance potentielle lui étant plus favorable.

Ce constat est aussi à mettre en regard avec la possible surestimation de l'écart de production relevée par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le programme de stabilité d'avril 2015 38 ( * ) , lorsqu'il s'était « étonn[é] de la quasi-stabilité d'un écart de production très creusé » ; à cet égard, il indiquait : « la conjonction d'une hypothèse prudente de croissance effective et d'une révision à la hausse de la croissance potentielle conduit à ne pratiquement pas réduire l'écart de production. Or, une sous-utilisation aussi importante et aussi durable des moyens de production ne s'accorde pas avec l'accélération de l'investissement, de l'inflation et des salaires retenue par ailleurs dans le scénario du Gouvernement ». Aussi le Haut Conseil concluait-il que « cette sous-estimation amplifi[ait] en apparence l'effort structurel déjà réalisé et minimis[ait] l'effort à engager pour atteindre l'équilibre des finances publiques à moyen terme ».

Aussi, à tout le moins, semble-t-il nécessaire de renforcer le contrôle exercé, tant par le Parlement que par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), sur les hypothèses de PIB potentiel sous-tendant la trajectoire des finances publiques arrêtée par les programmes de stabilité , comme l'a suggéré la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2016 39 ( * ) .

B. LES ÉVALUATIONS ALTERNATIVES DU PIB POTENTIEL

Par suite, il n'est pas sans intérêt d'examiner les hypothèses relatives au PIB potentiel avancées par l'Insee, mais également par la Commission européenne et différentes organisations internationales , avant de présenter les premiers résultats du nouveau « consensus de la croissance potentielle » de la commission des finances.

1. Les estimations avancées par l'Insee...

Une estimation de la croissance potentielle de l'économie française a été proposée dans une étude publiée en juin 2013 par trois économistes de l'Insee 40 ( * ) . À partir d'une nouvelle mesure de la productivité globale des facteurs (PGF), reposant sur la prise en compte de la contribution à la croissance de la « qualité » du capital et du travail, soit des différences de productivité des différentes catégories de capital et de main d'oeuvre, ces derniers avancent trois scénarii d'évolution de la croissance potentielle. Ils notent, à cet égard, que l'incertitude la plus forte concerne les évolutions de la productivité globale des facteurs - les effets de la crise économique et financière sur celle-ci étant difficiles à appréhender.

Ainsi, dans le scénario central , il est supposé que la croissance de la productivité globale des facteurs a été marquée par une rupture durable , évoluant de + 0,5 % par an entre 2015 et 2025, contre + 0,7 % par an sur la période précédant la crise (1994-2007). Dans la variante haute , la productivité globale des facteurs retrouverait son rythme de croissance d'avant-crise, soit + 0,7 % par an. Dans la variante basse , enfin, une rupture durable et importante aurait touché la productivité globale des facteurs, qui ne croîtrait alors que de 0,3 % par an. Le détail des différentes hypothèses retenues par l'Insee est repris dans le tableau ci-après.

Tableau n° 7 : Croissance potentielle 2015-2025 du PIB et contribution des facteurs de production

Note de lecture : PGF : productivité globale des facteurs ; TUC : taux d'utilisation des capacités de production.

Source : P.-Y. Cabannes, A. Montaut et P.-A. Pionnier (2013)

Ainsi, selon l'ampleur des incidences de la crise sur le rythme d'évolution de la productivité globale des facteurs (PGF), l'étude de l'Insee estime que la croissance potentielle de l'économie française serait comprise entre 1,2 % et 1,9 % entre 2015 et 2025, avec un scénario central à 1,5 % . Si cette étude tend à conforter la trajectoire de croissance potentielle actuellement retenue par le Gouvernement, quoiqu'elle concerne une perspective longue, elle ne donne toutefois aucune indication concernant l'évaluation de l'écart de production, qui constitue l'une des principales faiblesses du scénario gouvernemental (cf. supra ).

En outre, cette publication montre un abaissement du potentiel de croissance de la France à la suite de la crise économique et financière, la croissance effective s'étant élevée, en moyenne, à 2,2 % par an entre 1994 et 2007 .

2. ...et les organisations internationales

Comme cela était indiqué précédemment, le Gouvernement avait fait sienne, dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, la trajectoire de croissance potentielle retenue, au moment de son examen par le Parlement, par la Commission européenne pour la période 2013-2015. Selon les dernières estimations de l'exécutif européen, publiées en mai dernier, la croissance potentielle de la France serait d'environ 1 % entre 2015 et 2017 .

Le Fonds monétaire international (FMI) retient, quant à lui, une hypothèse de croissance potentielle de 1,1 % pour la même période, qui tendrait à se renforcer pour atteindre 1,3 % en 2020, alors que l'OCDE avance une estimation moyenne de 1,2 % .

Tableau n° 8 : Estimations de la croissance potentielle et de l'écart de production de la France par la Commission européenne, le FMI et l'OCDE

(en points de PIB potentiel)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Commission européenne (1)

Croissance potentielle

0,9

0,8

1,0

1,1

Écart de production

- 2,1

- 1,8

- 1,5

- 0,9

FMI (2)

Croissance potentielle

1,0

1,1

1,1

1,1

1,2

1,3

1,3

Écart de production

- 2,5

- 2,4

- 2,0

- 1,5

- 1,0

- 0,5

0,0

OCDE (3)

Croissance potentielle

1,0

1,1

1,2

1,2

Écart de production

- 2,0

- 1,8

- 1,6

- 1,3

(1) Commission européenne, « European Economic Forecast. Spring 2016 », Institutional Paper 25, mai 2016.

(2) Fonds monétaire international, « France: 2015 Article IV Consultation--Staff Report », IMF Country Report No. 15/178 , juillet 2015.

(3) OCDE, OECD Economic Outlook , juin 2016.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Au total, l'estimation gouvernementale de la croissance potentielle, qui s'élève à 1,4 % en moyenne entre 2015 et 2017, s'avère significativement plus élevée que celles retenues par les organisations internationales , qui sont entre 0,2 et 0,4 point inférieures. De même, alors que le Gouvernent évalue, dans le dernier programme de stabilité, l'écart de production à - 3,3 % du PIB potentiel au cours de la période 2015-2018, la Commission européenne l'estime moins creusé (- 1,4 % du PIB potentiel en moyenne), à l'instar du FMI (- 2,0 %) et de l'OCDE (- 1,6 %) ; or, comme cela a déjà été souligné, retenir une hypothèse d'écart de production plus proche de celles retenues par ces organisations internationales conduirait à revoir à la hausse le déficit structurel français.

C. LE « CONSENSUS DE LA CROISSANCE POTENTIELLE »

1. Une démarche inédite engagée par la commission des finances

Alors qu'en matière de pilotage budgétaire, les hypothèses de croissance potentielle considérées sont habituellement celles de la direction générale du Trésor et des organisations internationales, la commission des finances du Sénat a souhaité établir un « consensus de la croissance potentielle » . Les enjeux inhérents à de telles hypothèses pour la définition de la trajectoire des finances publiques, donc des efforts à consentir tant en dépenses qu'en prélèvements obligatoires, impliquaient, en effet, de disposer d'une référence alternative en la matière. Cette démarche, inédite, qui repose sur la consultation des principaux instituts de conjoncture , avait donné lieu à la publication d'un premier « consensus » lors de l'examen, en 2014, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 41 ( * ) .

Aussi les développements qui suivent présentent-ils, en vue de l'examen des prochaines programmations budgétaires, les premiers résultats d'un nouveau cycle de consultation des instituts de conjoncture . En outre, ils mettent en évidence les implications, pour les orientations des finances publiques, d'une révision des hypothèses relatives au PIB potentiel au regard du nouveau « consensus de la croissance potentielle ».

À cet égard, il apparaît que retenir la trajectoire de PIB potentiel du « consensus » impliquerait la mise en oeuvre d'une politique budgétaire plus exigeante que celle proposée par le Gouvernement afin d'atteindre l'objectif de solde structurel que celui-ci a défini.

2. Une estimation de la croissance potentielle du consensus plus faible que celle actuellement retenue par le Gouvernement...

Le « consensus » établi à partir des données transmises à la commission des finances par les instituts de conjoncture sollicités fait apparaître une estimation moyenne de la croissance potentielle de 1,2 % pour la période 2015-2021 .

Graphique n° 9 : Scénario gouvernemental de croissance potentielle
et consensus de la commission des finances

(évolution, en % )

Source : commission des finances du Sénat

Ainsi, comme le fait apparaître le graphique ci-avant, l'évaluation de la croissance potentielle actuellement retenue par le Gouvernement est significativement supérieure au « consensus » pour les années 2016-2017 (+ 0,3 point) et, dans une moindre mesure, en 2018 (+ 0,1 point) ; l'ampleur de cet écart est en grande partie imputable à la révision à la hausse des hypothèses gouvernementales de croissance potentielle intervenue dans le cadre du programme de stabilité d'avril 2015, à hauteur de 0,2 point à compter de 2016 (cf. supra ).

Tableau n° 10 : Consensus de la croissance potentielle
de la commission des finances du Sénat

(évolution, en %)

Prévisionnistes

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Moyenne

2015-2021

Axa AM

1,2

1,4

1,4

1,5

1,5

1,5

1,6

1,4

BIPE

1,4

1,4

1,4

1,4

1,4

1,4

1,4

1,4

BNP Paribas

0,8

1,0

1,1

1,1

1,2

1,2

1,2

1,1

Citi

1,0

1,1

1,2

1,3

1,4

1,5

1,6

1,3

Coe-Rexecode

1,0

1,0

1,0

1,0

1,0

1,0

-

1,0

Crédit Agricole

1,0

1,0

1,1

1,3

1,3

1,5

1,5

1,2

Euler Hermes

1,5

1,5

1,5

1,5

1,5

1,5

1,5

1,5

Exane

1,1

1,1

1,1

1,1

1,1

1,1

1,1

1,1

Natixis

0,9

0,8

0,8

0,7

0,5

0,5

0,4

0,7

OFCE

1,3

1,3

1,3

1,3

1,3

1,3

1,3

1,3

Oxford Economics

1,3

1,4

1,4

1,3

1,3

1,3

1,3

1,3

PAIR Conseil

1,0

1,1

1,2

1,3

1,4

1,5

1,5

1,3

1,1

1,2

1,4

1,5

1,6

1,7

1,7

1,5

CONSENSUS (moy.)

1,1

1,2

1,2

1,3

1,3

1,3

1,3

1,2

Minimum

0,8

0,8

0,8

0,7

0,5

0,5

0,4

0,7

Maximum

1,5

1,5

1,5

1,5

1,6

1,7

1,7

1,5

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données transmises par les instituts cités)

Pour les exercices 2016 et 2017, la trajectoire du Gouvernement s'inscrit, par conséquent, résolument dans la « fourchette » haute des estimations disponibles . Il ne saurait donc être exclu que ce dernier ne surestime quelque peu les incidences des réformes structurelles engagées
- soit essentiellement le déploiement du crédit d'impôts pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité - sur la croissance potentielle française, au moins à court et moyen termes.

S'agissant de l'écart de production, la moyenne des données transmises par les instituts de conjoncture dans le cadre du « consensus » s'élève à - 2,0 % du PIB potentiel en 2015 , l'écart se refermant ensuite progressivement pour atteindre - 0,5 % en 2019 puis + 0,1 % en 2021. Ces résultats tendent à confirmer l'idée, avancée notamment par le Haut Conseil des finances publiques, selon laquelle l'hypothèse relative à l'écart de production retenue par le Gouvernement, en particulier dans le dernier programme de stabilité - de - 3,3 % du PIB potentiel en 2015 et de - 2,9 % en 2019 -, est possiblement surestimée (cf. supra ).

3. ...qui semble appeler une politique budgétaire plus exigeante

Si les différences observées entre les hypothèses gouvernementales relatives au PIB potentiel et le « consensus » de la commission des finances peuvent paraître relatives, voire secondaires, elles n'en ont pas moins d'importantes implications pour la trajectoire des finances publiques .

En particulier, si l'estimation du solde structurel reposait sur le « consensus » à partir de 2016 et non sur les hypothèses gouvernementales de croissance potentielle 42 ( * ) , une politique budgétaire plus exigeante que celle conduite à ce jour devrait être mise en oeuvre . Ainsi, dans ce cas, le respect des objectifs d'ajustement structurel figurant dans le programme de stabilité d'avril 2016, qui s'élèvent à 1,7 point de PIB au total entre 2016 et 2019, impliquerait la réalisation de près de 10 milliards d'euros d'économies supplémentaires au cours de la période - à supposer que la consolidation budgétaire continue de ne reposer que sur des efforts en dépenses -, dont près de 7,5 milliards d'euros pour les seules années 2016 et 2017 .

En effet, une estimation de la croissance potentielle moins optimiste que celle du Gouvernement aurait pour effet d'affaiblir la réduction « mécanique » du solde structurel découlant des hypothèses de calcul retenu, l'écart de production tendant à se refermer plus rapidement que dans le scénario gouvernemental. Par conséquent, afin de maintenir intact le rythme de l'ajustement structurel réalisé au cours de la période de programmation, il serait nécessaire de renforcer la « teneur » de ce dernier , par exemple en accroissant le montant des économies réalisées.

Tableau n° 11 : Sensibilité de la trajectoire des finances publiques
aux hypothèses de croissance potentielle

(en % du PIB)

2016

2017

2018

2019

Hypothèses de croissance potentielle du programme de stabilité d'avril 2016

Croissance potentielle

1,5

1,5

1,4

1,3

Ajustement structurel

0,4

0,5

0,5

0,3

Solde effectif

- 3,3

- 2,7

- 1,9

- 1,2

Dette publique

96,2

96,5

95,4

93,3

Hypothèses de croissance potentielle du « consensus » de la commission des finances

Croissance potentielle

1,2

1,2

1,3

1,3

Ajustement structurel

0,4

0,5

0,5

0,3

Solde effectif

- 3,1

- 2,2

- 1,0

- 0,2

Dette publique

96,0

95,8

93,8

90,7

Source : commission des finances du Sénat (à partir des hypothèses du projet de programme de stabilité pour les années 2016 à 2019)

À trajectoire d'ajustement structurel inchangée, ce surcroît d'économies contribuerait, par ailleurs, à accélérer la réduction du déficit effectif, de même que du poids de la dette publique dans la richesse nationale . Le déficit public effectif reviendrait à 2,2 % du PIB en 2017, contre une prévision de 2,7 % du PIB dans le dernier programme de stabilité, et de 0,2 % du PIB en 2019, contre 1,2 % du PIB. De même, la dette publique représenterait 90,7 % du PIB en 2019, alors que le Gouvernement anticipait jusqu'à présent un montant équivalent à 93,3 % du PIB (cf. tableau ci-avant).

En conclusion, si la trajectoire de croissance potentielle retenue par le Gouvernement n'est pas excessivement surestimée, le « coup de pouce » qui y a été donné en avril 2015 permet d'abaisser les efforts à accomplir en vue du retour à l'équilibre structurel, et ce plus particulièrement en ce qui concerne les années 2016 et 2017. Il en résulte un recul moins rapide tant du déficit public effectif que de la part de la dette dans la richesse nationale. Aussi, retenir une estimation de la croissance potentielle plus proche de celle indiquée par le « consensus » permettrait une accélération de la consolidation des comptes publics .

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 6 juillet 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur les estimations de la croissance potentielle de la France en vue des prochaines programmations pluriannuelles des finances publiques.

À l'issue d'un débat, la commission a autorisé sa publication sous la forme d'un rapport d'information.

Le compte-rendu de cette réunion peut être consulté sur le site Internet du Sénat :

http://www.senat.fr/fin/travaux.html


* 1 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 2 Philippe Marini, « Le solde structurel, un rideau de fumée ? », LePoint.fr , 23 mai 2014.

* 3 Règlements (CE) n° 1055/2005 du Conseil du 27 juin 2005 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques et règlement (CE) et n° 1056/2005 du Conseil du 27 juin 2005 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.

* 4 Il s'agissait, en réalité, de la consécration d'un principe arrêté précédemment, les quatre États membres alors en déficit excessif ou en passe de l'être - soit la France, l'Allemagne, l'Italie et le Portugal - ayant, lors de la réunion de l'Eurogroupe d'octobre 2002, pris l'engagement de réduire leur déficit structurel de 0,5 point de PIB par an afin qu'aucune sanction ne leur soit appliquée.

* 5 La réforme du Pacte de stabilité et de croissance a été réalisée, dans le cadre du Six Pack , par trois règlements (UE) du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 n° 1173/2011 sur la mise en oeuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro, n° 1175/2011 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques et n° 1177/2011 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs ainsi que par la directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres.

* 6 Cf. article 126 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

* 7 Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) a été signé en mars 2012 par l'ensemble des États membres de l'Union européenne, à l'exception du Royaume-Uni, de la République tchèque et de la Croatie.

* 8 Article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).

* 9 Le TSCG prévoit, néanmoins, que pour les États présentant un « rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut [...] sensiblement inférieur à 60 % et lorsque les risques pour la soutenabilité à long terme des finances publiques sont faibles, la limite inférieure de l'objectif à moyen terme [...] peut être relevée pour atteindre un déficit structurel d'au maximum 1,0 % du produit intérieur brut ».

* 10 Article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).

* 11 Le TSCG a été complété par la définition, par la Commission européenne, de principes communs relatifs au mécanisme de correction et à sa mise en oeuvre (cf. communication de la Commission européenne du 20 juin 2012, « Common principles on national fiscal correction mechanisms », COM(2012) 342 final).

* 12 L'article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) précise que les circonstances exceptionnelles « font référence à des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique telles que visées dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, pour autant que l'écart temporaire de la partie contractante concernée ne mette pas en péril la soutenabilité budgétaire à moyen terme ».

* 13 Le Gouvernement peut demander au Haut Conseil des finances publiques (HCFP) de constater si les conditions pour la définition des circonstances exceptionnelles sont réunies ou ont cessé de l'être ; celui-ci répond alors « sans délai, par un avis motivé et rendu public ».

* 14 Ainsi la définition de l'écart important retenue dans le droit interne est-elle similaire à celle figurant dans le règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

* 15 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 16 Le présent développement s'appuie, notamment, sur les principaux éléments figurant dans le document de travail publié par la direction générale du Trésor en décembre 2009 sur le solde structurel (cf. T. Guyon et S. Sorbe, « Solde structurel et effort structurel : vers une décomposition par sous-secteur des administrations publiques », Documents de travail de la DGTPE , n° 2009/13, décembre 2009).

* 17 R.W. Price, T.T. Dang et Y. Guillemette, « New tax and expenditure elasticity estimates for EU budget surveillance », OECD Economics Department Working Papers n° 1174, décembre 2014.

* 18 R.J. Hodrick et E.C. Prescott, « Postwar U.S. Business Cycles: An Empirical Investigation », Journal of Money, Credit and Banking , vol. 29, n° 1, 1997, p. 1-16.

* 19 Dans ce cadre, il est souvent fait appel à une fonction de production dite de Cobb-Douglas, qui se présente de la manière suivante :

Y=AK 1-á L á

où Y est le PIB, A la productivité globale des facteurs (PGF), K le stock de capital, L l'emploi et á l'élasticité de la production à l'emploi - égale à la part de la rémunération du travail dans la valeur ajoutée, soit environ 65 % en France.

* 20 P.-Y. Cabannes, A. Montaut et P.-A. Pionnier, « Évaluer la productivité globale des facteurs : l'apport d'une mesure de la qualité du capital et du travail », Document de travail de la Direction des Études et Synthèses Économiques de l'Insee G 2013/7 , 2013.

* 21 La productivité globale des facteurs (PGF) désigne le « résidu » de croissance qui ne peut être expliqué par la quantité de travail et de capital disponible. Elle représente, en quelque sorte, l'efficacité de la combinaison du capital et du travail.

* 22 Audition conjointe sur le risque de déflation dans la zone euro de Michel Aglietta, professeur émérite à l'Université Paris X-Nanterre, Anton Brender, directeur des études économiques de Candriam et professeur associé honoraire à l'Université Paris-Dauphine, Renaud Lassus, chef du service des politiques macroéconomiques et des affaires européennes de la direction générale du Trésor, et Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) le 28 mai 2014 par la commission des finances du Sénat.

* 23 G. Claeys, Z. Darvas et Á. Leandro, « A proposal to revive the European fiscal framework », Bruegel Policy Contribution, Issue 2016/07, mars 2016.

* 24 S. Duchêne et D. Lévy, « Solde "structurel" et "effort structurel" : un essai d'évaluation de la composante "discrétionnaire" de la politique budgétaire », Diagnostic Prévisions et Analyses économiques , n° 18, 2003, p. 2.

* 25 Les stabilisateurs automatiques correspondent aux mécanismes par lesquels les finances publiques parviennent à atténuer les conséquences des évènements conjoncturels sur l'activité économique. À titre d'exemple, en cas de ralentissement conjoncturel, la baisse des recettes fiscales et la hausse des prestations sociales permettent d'atténuer les fluctuations de l'activité.

* 26 Commission européenne, « European Economic Forecast. Spring 2016 », Institutional Paper 25, mai 2016.

* 27 OCDE, OECD Economic Outlook , juin 2016.

* 28 Fonds monétaire international, « France: 2015 Article IV Consultation--Staff Report », IMF Country Report No. 15/178 , juillet 2015.

* 29 Gouvernement, Programme de stabilité. Avril 2016 , 13 avril 2016.

* 30 Par ailleurs, il convient de rappeler que la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014 reposait sur un engagement exprimé en termes d'effort structurel et non plus de solde effectif.

* 31 S. Duchêne et D. Lévy, op. cit.

* 32 Dans le cadre du système européen de comptabilité (SEC 2010), les crédits d'impôts « restituables » correspondent aux crédits d'impôts tels qu'ils sont conçus dans le droit français ; il s'agit des dispositifs qui « peuvent être "à payer", dans le sens où tout montant du crédit qui dépasse la créance fiscale est payé à son bénéficiaire ». À l'inverse, les crédits d'impôts qui ne sont pas exigibles, comme les abattements ou les déductions, sont décrits comme « non récupérables ».

* 33 Cf. rapport d'information n° 417 (2014-2015) sur le projet de programme de stabilité de la France 2015-2018 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, avril 2015.

* 34 Il convient de souligner que les règles européennes applicables reconnaissent aux États membres la possibilité de s'appuyer sur leurs propres estimations du PIB potentiel, rendant possible l'apparition d'écarts avec celles avancées par la Commission européenne, établies selon une méthodologie agréée par le Conseil de l'Union européenne.

* 35 Cf. rapport général n° 164 (2015-2016), tome I, sur le projet de loi de finances pour 2016 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, novembre 2015 et rapport d'information n° 550 (2015-2016) sur le projet de programme de stabilité de la France 2016-2019 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, avril 2016.

* 36 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-01 du 13 avril 2015 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au projet de programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.

* 37 Ainsi, une note figurant à la page 80 du programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 précise que « la croissance potentielle a été revue de +0,2 pt par an à partir de 2016, afin de refléter les effets des réformes structurelles (CICE et Pacte de responsabilité et de solidarité) ».

* 38 Cf. avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-01, op. cit.

* 39 Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques , Paris, La documentation française, juin 2016.

* 40 P.-Y. Cabannes, A. Montaut et P.-A. Pionnier, op. cit.

* 41 Rapport n° 55 (2014-2015) sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, octobre 2014, p. 20.

* 42 Pour autant, il convient de souligner de nouveau l'importance que revêtent également les hypothèses d'écart de production sur la trajectoire des finances publiques. Ainsi, si l'on retient l'estimation de l'écart de production pour l'année 2015 du « consensus de la croissance potentielle », soit - 2,0 % du PIB potentiel, le déficit structurel serait de 2,5 % du PIB et non de 1,9 % du PIB
- comme cela apparaît dans le projet de loi de règlement pour l'exercice 2015 -, ce qui impliquerait de relever de 0,6 point de PIB environ l'ajustement structurel au cours de la période 2016-2019 afin de respecter les objectifs fixés pour la fin de la période de programmation.

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