AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Historiquement, la France a toujours regardé vers l'Allemagne en matière d'assurance maladie et d'organisation des soins de ville. Ce fut le cas après la mise en place du régime obligatoire d'assurance maladie pour les ouvriers par Bismarck en 1884, puis après la Première Guerre mondiale, lorsque le Parlement a envisagé de se fonder sur le système en place dans les départements d'Alsace et de Moselle pour créer un régime collectif d'assurance maladie en France. Plus récemment, la loi dite Teulade de 1993 a cherché à transposer les mécanismes d'autorégulation des dépenses par les médecins, tels qu'ils existent outre-Rhin.

À chaque fois, et pour des raisons diverses, les tentatives de transposition des solutions mises en oeuvre en Allemagne ont échoué, pour laisser place à des solutions françaises progressivement mises en place.

Le système français, créé en 1945, est géré par une pluralité de régimes professionnels, avec une dichotomie bien singulière entre l'assurance de base, qui relève des caisses de sécurité sociale, et l'assurance complémentaire, qui recouvre une pluralité d'organismes. Par ailleurs, depuis 1960, les tarifs pratiqués par les médecins libéraux sont négociés entre leurs syndicats et l'assurance maladie, sous la tutelle de l'Etat, et il n'existe pas d'enveloppe de dépenses pour la médecine de ville.

En Allemagne, les caisses d'assurance maladie ont une obligation d'équilibre, et négocient annuellement une enveloppe fermée avec les unions de médecins - qui sont des institutions de droit public. Ce sont elles qui répartissent cette enveloppe pour la rémunération des médecins, et qui sanctionnent les éventuels dépassements en volume. Les caisses gestionnaires de l'assurance maladie légale y sont en concurrence les unes avec les autres, tandis que l'assurance maladie privée constitue un système alternatif à l'assurance légale.

Si les différences entre les deux régimes sont donc importantes, les fondements des deux systèmes sont néanmoins communs, avec un régime d'assurance maladie obligatoire pour tous les actifs - en France depuis 1945, en Allemagne depuis 1955. Ces régimes sont devenus universels dans les deux pays : en France en 1999, par dispense de cotisation avec la création de la CMU ; en Allemagne en 2007, par obligation d'adhésion de toute la population avec un financement par la solidarité nationale. En outre, dans les deux pays, ce sont des médecins libéraux qui exercent en ville.

La persistance de la référence au modèle allemand dans notre débat public, les incontestables succès de la gestion de l'assurance maladie outre-Rhin (avec 11,8 milliards d'euros d'excédents cumulés en 14 ans, contre 104,5 milliards d'euros de déficit en France sur la même période), ainsi que l'existence de fondements communs rendent particulièrement intéressantes les comparaisons entre les deux systèmes. Cette constatation est spécialement vraie pour les soins de ville, dont l'organisation est proche, mais la gestion très différente.

C'est pourquoi, après avoir rencontré les rapporteurs de la très intéressante étude 1 ( * ) consacrée à cette question par la Cour des comptes, nous avons souhaité rencontrer les principaux acteurs du système allemand de régulation des dépenses de médecine de ville, afin d'étudier les possibilités de convergence entre les deux systèmes.

Au terme de ce déplacement, il nous est apparu que, si le système allemand de régulation de la médecine de ville n'apparaît pas transposable en tant que tel à la France, il est cependant porteur d'éléments de responsabilisation des acteurs dont nous pourrions utilement nous inspirer.


* 1 Publiée dans son rapport annuel de 2015 sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

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