Rapport d'information n° 365 (2016-2017) de M. Jean BIZET , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 2 février 2017

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N° 365

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 février 2017

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur le suivi des résolutions européennes , des avis motivés et des avis politiques ,

Par M. Jean BIZET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, Michel Delebarre, Jean-Paul Émorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Jean-Claude Requier, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, M Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrère, Gérard César, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, M. Claude Haut, Mmes Sophie Joissains, Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard et Alain Vasselle.

AVANT-PROPOS

L'année dernière, votre commission des affaires européennes avait, pour la première fois, établi un rapport d'information sur le suivi des positions européennes du Sénat (résolutions européennes, avis motivés et avis politiques) 1 ( * ) afin de traduire, dans le domaine des affaires européennes, l'attachement de la Haute Assemblée au contrôle des suites données à ses travaux dans le cadre plus général de l'application des lois. Votre rapporteur avait d'ailleurs participé au débat sur le bilan annuel de l'application des lois, le 7 juin 2016.

Votre commission renouvelle cette année cet exercice, d'autant plus nécessaire que les textes et actes de Bruxelles, à commencer par les directives et les règlements, deviendront des dispositions juridiques applicables en France.

Le présent rapport présente un bilan de la prise en compte et de la mise en oeuvre des différentes positions européennes adoptées par le Sénat, entre le 1 er octobre 2015 et le 31 décembre 2016.

D'emblée, il convient de souligner une réelle amélioration de l'information délivrée à votre commission par le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), depuis la publication du précédent rapport qui regrettait que « le Gouvernement ne rend pas suffisamment compte au Sénat » .

Cette amélioration s'est traduite de deux manières :

- d'une part, le SGAE adresse désormais à votre commission des fiches de suivi des résolutions européennes en nombre plus important, de façon plus régulière et sur un champ plus large que précédemment puisque ces fiches portent aussi, dans certains cas, notamment pour des textes relatifs à des négociations commerciales, sur des résolutions qui ne concernaient pas des actes législatifs. C'est une évolution importante que votre commission tient à relever et à encourager pour l'avenir ;

- d'autre part, votre commission a organisé, le 26 janvier dernier, une audition du secrétaire d'État chargé des affaires européennes, M. Harlem Désir, spécifiquement consacrée au suivi des résolutions européennes, comportant deux parties : une première portant sur l'état d'avancement et l'actualité de quatre dossiers (lutte contre le terrorisme, réforme de Schengen et crise des réfugiés, plan d'investissement pour l'Europe et détachement des travailleurs) et une seconde partie, sous la forme d'un débat interactif, permettant au secrétaire d'État de répondre aux questions des rapporteurs de la commission des affaires européennes sur des résolutions qu'ils avaient présentées sur des sujets présélectionnés (programme de travail de la Commission européenne pour 2016, pouvoirs et compétences des autorités nationales de concurrence, sanctions contre la Russie, volet méditerranéen de la politique de voisinage, politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et négociations interchypriotes) 2 ( * ) .

Comme l'a d'ailleurs relevé le secrétaire d'État, cette audition permet « de mesurer la convergence entre vos résolutions, les positions que nous avons portées et défendues à l'échelle européenne et les avancées essentielles de la construction européenne ».

Cette évolution positive est également observable pour les réponses de la Commission européenne aux avis politiques que votre commission lui adresse au titre du dialogue politique. Des réponses plus rapides et plus argumentées donnent plus de consistance à ce dialogue.

Dans une lettre du 11 juillet 2016, le Premier vice-président de la Commission, M. Frans Timmermans, notait d'ailleurs que « la Commission se félicite de la contribution active du Sénat à ce dialogue » 3 ( * ) . Il rappelait également l'importance des rencontres entre les commissaires européens et les parlements nationaux.

En revanche, une marge de progression réelle demeure pour les réponses de la Commission aux avis motivés que le Sénat adopte en matière de respect du principe de subsidiarité.

Enfin, votre commission avait décidé, l'année dernière, pour compléter son information, de mener une étude comparée sur les procédures et pratiques des États membres en matière de suivi des affaires européennes au sein des parlements nationaux. Ainsi leur a-t-elle adressé, en septembre 2016, un questionnaire via le Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP), auquel de nombreuses réponses, détaillées et de grande qualité, ont été apportées 4 ( * ) .

I. LE SUIVI STATISTIQUE DES RÉSOLUTIONS EUROPÉENNES ET DES AVIS POLITIQUES DU SÉNAT

Les développements qui suivent présentent, d'un point de vue statistique et procédural, les suites données à la fois aux résolutions européennes adoptées par le Sénat et aux avis politiques émis par sa commission des affaires européennes, entre le 1 er octobre 2015 et le 31 décembre 2016 5 ( * ) .

1. Les résolutions européennes

Du 1 er octobre 2015 au 30 septembre 2016, le Sénat a adopté 18 résolutions européennes, contre 12 au cours de la même période 2014-2015, sur les sujets suivants :

Texte

Rapporteur(s) de la commission

des affaires européennes

Amélioration de la réglementation (mieux légiférer)

MM. Jean Bizet et Simon Sutour

Mise en oeuvre du plan d'investissement pour l'Europe

MM. Jean-Paul Emorine et Didier Marie

Possibilité de pêches pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques (pêche au bar)

M. Jean Bizet

Évolution des importations de sucre dans l'Union européenne en provenance des pays ACP et des pays les moins avancés

Mme Gisèle Jourda

Mandat de négociation TTIP

MM. Philippe Bonnecarrère et Daniel Raoul

Demandes de réformes de l'Union européenne souhaitées par le Royaume-Uni

Mme Fabienne Keller

Programme de travail de la Commission européenne pour 2016

MM. Jean Bizet et Simon Sutour

Application des règles européennes de concurrence par les autorités nationales

M. Philippe Bonnecarrère

Lutte contre le terrorisme

MM. Philippe Bonnecarrère et Simon Sutour

Limitation de l'utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques (cristal)

M. René Danesi

Réforme de la loi électorale de l'Union européenne

Mme Fabienne Keller et M. Jean-Yves Leconte

Réglementation viticole

MM. Gérard César et Claude Haut

Réforme de l'espace Schengen et crise des réfugiés

MM. Jean-Yves Leconte et André Reichardt

Sanctions contre la Russie

MM. Yves Pozzo di Borgo et Simon Sutour

Volet méditerranéen de la politique de voisinage

MM. Louis Nègre et Simon Sutour

Perspectives de la PSDC

Mme Gisèle Jourda et M. Yves Pozzo di Borgo

Détachement des travailleurs

M. Éric Bocquet

Négociations interchypriotes

M. Didier Marie

En outre, jusqu'au 31 décembre 2016, le Sénat a adopté 4 autres résolutions européennes devenues définitives, soit un total de 22 depuis le 1 er octobre 2015 :

Texte

Rapporteur(s) de la commission

des affaires européennes

Accord commercial relatif à la banane

Mme Gisèle Jourda

Fourniture de services de médias audiovisuels

M. André Gattolin et Mme Colette Mélot

Phase I de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire

Mme Fabienne Keller et M. François Marc

Premier bilan et perspectives du plan d'investissement pour l'Europe

MM. Jean-Paul Emorine et Didier Marie

Sur ces 22 textes :

- 17 sont issus d'une proposition de résolution de la commission des affaires européennes (paquet « mieux légiférer », mise en oeuvre du plan d'investissement pour l'Europe, demandes de réformes de l'Union européenne souhaitées par le Royaume-Uni, programme de travail de la Commission européenne pour 2016, règles concernant les pratiques anticoncurrentielles, lutte contre le terrorisme, cristal, réforme de la loi électorale de l'Union européenne, réforme de l'espace Schengen et crise des réfugiés, sanctions contre la Russie, volet méditerranéen de la politique de voisinage, perspectives de la PSDC, détachement des travailleurs, négociations interchypriotes, fourniture de services de médias audiovisuels, phase I de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire et premier bilan et perspectives du plan d'investissement pour l'Europe) et 5 trouvent leur origine dans l'initiative d'un ou plusieurs sénateurs (pêche au bar, importations de sucre, mandat de négociation TTIP, réglementation viticole et accord commercial relatif à la banane) ;

- 8 ont donné lieu à un rapport d'information de la commission des affaires européennes (mise en oeuvre du plan d'investissement pour l'Europe, importations de sucre, mandat de négociation TTIP, demandes de réformes de l'Union européenne souhaitées par le Royaume-Uni, programme de travail de la Commission européenne pour 2016, règles concernant les pratiques anticoncurrentielles, réglementation viticole et accord commercial relatif à la banane) et 11 à un rapport d'une commission législative (mise en oeuvre du plan d'investissement pour l'Europe, au nom de la commission des finances, importations de sucre, au nom de la commission des affaires économiques, mandat de négociation TTIP, au nom de la commission des affaires économiques, demandes de réformes de l'Union européenne souhaitées par le Royaume-Uni, au nom de la commission des affaires étrangères, cristal, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, sanctions contre la Russie, au nom de la commission des affaires étrangères, perspectives de la PSDC, au nom de la commission des affaires étrangères, accord commercial relatif à la banane, au nom de la commission des affaires économiques, fourniture de services de médias audiovisuels, au nom de la commission de la culture, phase I de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, au nom de la commission des finances, et premier bilan et perspectives du plan d'investissement pour l'Europe, au nom de la commission des finances) ;

- 15 ont également fait l'objet d'un avis politique que la commission des affaires européennes a adressé à la Commission européenne dans le cadre du dialogue politique (paquet « mieux légiférer », mise en oeuvre du plan d'investissement pour l'Europe, pêche au bar, demandes de réformes de l'Union européenne souhaitées par le Royaume-Uni, programme de travail de la Commission européenne pour 2016, règles concernant les pratiques anticoncurrentielles, cristal, réglementation viticole, réforme de l'espace Schengen et crise des réfugiés, volet méditerranéen de la politique de voisinage, détachement des travailleurs, négociations interchypriotes, fourniture de services de médias audiovisuels, phase I de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire et premier bilan et perspectives du plan d'investissement pour l'Europe) ;

- 4 ont donné lieu à un débat en séance publique (mandat de négociation TTIP, le 4 février 2016, lutte contre le terrorisme, le 9 avril 2016, sanctions contre la Russie, le 8 juin 2016, et accord commercial relatif à la banane, le 22 novembre 2016).

Ces chiffres illustrent l' origine variée du traitement des questions européennes au Sénat qui s'adresse tant au Gouvernement grâce aux résolutions qu'à la Commission avec les avis politiques, et qui sont débattues, non seulement au sein de la commission des affaires européennes, mais aussi dans les commissions législatives, voire en séance publique .

2. Les fiches de suivi du SGAE

De manière à formaliser le suivi des positions exprimées par le Sénat, le SGAE établit une « fiche de suivi de résolution » qu'il adresse à la commission des affaires européennes .

Ainsi le SGAE a-t-il transmis cinq fiches en 2013, treize fiches en 2014, deux fiches en 2015 et dix-huit fiches en 2016 .

Sur les dix-huit fiches transmises depuis le 1 er octobre 2015 6 ( * ) , on relèvera plus particulièrement les précisions apportées pour six résolutions européennes :

1/ la résolution n° 110 du 6 mars 2012 (transmission de la fiche de suivi le 18 août 2016) relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données :

État et/ou résultats de la négociation de l'Union européenne

(notamment sur les points soulevés par la résolution)

Les négociations se sont étalées sur quatre années entre la parution de la proposition de la Commission le 25 janvier 2012, et l'accord avec le Parlement européen aboutissant à la publication du texte, le 4 mai 2016, au Journal officiel de l'Union européenne .

1) Le Sénat « approuve l'objectif poursuivi par la Commission européenne, en ce qu'elle souhaite promouvoir une approche globale de la protection des données personnelles, qui repose sur une harmonisation des règles applicables sur le territoire de l'Union européenne et dans les relations entre les États membres et les pays tiers ; »

L'objectif poursuivi par la Commission a été soutenu par les autorités françaises. Une approche globale de la protection des données à caractère personnel sera favorisée par l'adoption d'un règlement, directement applicable. Elle le sera aussi par la mise en place d'un guichet unique pour les responsables de traitement (en préservant une certaine proximité avec les personnes concernées, notamment en conservant une procédure de traitement des plaintes par l'autorité de contrôle saisie dans les cas « locaux ») et surtout par une étroite coopération des autorités de protection des données de l'Union européenne avec un pouvoir contraignant du CEPD en cas de différend entre autorités (là encore à la demande de la France). Le CEPD pourra également développer une doctrine d'application du règlement qui sera un vecteur d'harmonisation. L'application extraterritoriale du règlement renforce également la cohérence des règles et permet d'éviter des distorsions de concurrence.

2) Le Sénat « appelle, s'agissant du droit à l'oubli, à ce que les obligations pesant sur les moteurs de recherche soient renforcées afin d'une part de prévoir l'effacement automatique des contenus indexés au bout d'un délai maximal, et, d'autre part, de permettre à l'intéressé d'obtenir la désindexation de ceux qui lui portent préjudice ; »

Le Sénat « juge nécessaire qu'une solution équilibrée soit proposée pour obtenir, sur demande de l'intéressé, l'effacement des données personnelles publiées par un tiers, dans le respect de la liberté d'expression ; »

De nombreuses avancées ont été réalisées par le règlement qui encadre désormais le droit à l'effacement (« droit à l'oubli ») en son article 17. Les modifications apportées tiennent compte de l'arrêt C-131/12 de la CJUE du 13 mai 2014, Google Spain SL et Google Inc. contre Agencia Española de Protección de Datos (AEPD) et Mario Costeja González, en préservant les intérêts légitimes des tiers grâce à des exceptions figurant dans l'article, notamment au profit de la liberté d'expression.

La situation des mineurs a également été prise en compte, avec, à la demande de la France, l'insertion d'une possibilité d'exercer le droit d'effacement au seul motif que les données concernent un mineur. En outre, si l'effacement au-delà d'un délai n'est pas prévu, le principe de nécessité s'applique au traitement de données à caractère personnel et l'effacement des données est prévu pour les données n'étant, par exemple, plus pertinentes.

Concernant l'effacement des données publiées par un tiers, le texte adopté ne prévoit pas l'effacement automatique des données pour lesquelles une demande de mise en oeuvre du droit à l'effacement aura déjà été accueillie. L'article 17, paragraphe 2 privilégie une approche plus pragmatique en prévoyant une obligation d'information de ces tiers par le responsable de traitement ayant dû faire droit à la demande d'effacement de données, lorsqu'il avait rendu celles-ci publiques.

3) Le Sénat « souligne la nécessité que l'adresse IP (Internet Protocol) soit traitée comme une donnée personnelle lorsqu'elle est utilisée pour identifier la personne concernée ; »

L'attente du Sénat est légitime et elle est satisfaite.

Le règlement mentionne, à propos de la définition des données à caractère personnel, au considérant 26 que «  [...] Pour déterminer si une personne physique est identifiable, il convient de prendre en considération l'ensemble des moyens raisonnablement susceptibles d'être utilisés par le responsable du traitement ou par toute autre personne pour identifier la personne physique directement ou indirectement, tels que le ciblage. [...] ».

L'article 4 paragraphe 1 indique également qu'aux fins du présent règlement on entend par « «données à caractère personnel», toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable (ci-après dénommée « personne concernée ») ; est réputée être une « personne physique identifiable » une personne physique qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un identifiant, tel qu'un nom, un numéro d'identification, des données de localisation, un identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale ; ».

Le règlement indique enfin, au considérant 30, que « les personnes physiques peuvent se voir associer, par les appareils, applications, outils et protocoles qu'elles utilisent, des identifiants en ligne tels que des adresses IP et des témoins de connexion (« cookies ») ou d'autres identifiants, par exemple des étiquettes d'identification par radiofréquence. Ces identifiants peuvent laisser des traces qui, notamment lorsqu'elles sont combinées aux identifiants uniques et à d'autres informations reçues par les serveurs, peuvent servir à créer des profils de personnes physiques et à identifier ces personnes. ».

Ainsi, aux termes du règlement, les adresses IP permettant l'identification d'une personne sont bien des données à caractère personnel pseudonymes.

D'une manière générale, les autorités françaises se sont opposées à l'application d'un régime particulier aux données pseudonymes (données qu'on ne peut plus attribuer à une personne sans avoir recours aux informations supplémentaires qui sont gardées séparément). Les données pseudonymes constituent une catégorie de données à caractère personnel. Dès lors que la personne peut être identifiée, il y a lieu d'appliquer les règles générales.

4) Le Sénat « estime inopportunes les dérogations aux obligations pesant sur les responsables de traitement en matière de transferts internationaux de données, s'agissant notamment des transferts ni fréquents ni massifs » ;

Le règlement prévoit à l'article 49 qu'en l'absence de décision d'adéquation, ou de garanties appropriées, un transfert de données à caractère personnel vers un pays tiers ou à une organisation internationale ne peut avoir lieu que dans certains cas limités (exécution d'un contrat, sauvegarde d'intérêt vitaux...), et que « si ce transfert ne revêt pas de caractère répétitif, ne touche qu'un nombre limité de personnes concernées, est nécessaire aux fins des intérêts légitimes impérieux poursuivis par le responsable du traitement sur lesquels ne prévalent pas les intérêts ou les droits et libertés de la personne concernée, et si le responsable du traitement a évalué toutes les circonstances entourant le transfert de données et a offert, sur la base de cette évaluation, des garanties appropriées en ce qui concerne la protection des données à caractère personnel ».

En outre, il est prévu que « le responsable du traitement informe l'autorité de contrôle du transfert » et que, « outre qu'il fournit les informations visées aux articles 13 et 14, le responsable du traitement informe la personne concernée du transfert et des intérêts légitimes impérieux qu'il poursuit. »

Ainsi, les dispositions prévoient d'importantes garanties et notamment un contrôle de l'autorité de protection.

Enfin, il est désormais permis aux États de limiter les transferts de données, en l'absence de décision d'adéquation, et pour des motifs importants d'intérêt public.

L'ensemble permet d'encadrer les transferts en cause en renforçant la protection des personnes.

5) Le Sénat « considère que l'obligation de désignation d'un délégué à la protection des données pourrait être étendue aux entreprises dont la principale activité est celle du traitement de données personnelles ; »

Si la France considère que la présence d'un délégué à la protection des données est un facteur important pour le respect du règlement, le critère proposé est apparu trop large au regard des charges des entreprises, notamment les plus petites.

Les autorités françaises ont ainsi soutenu l'obligation de présence d'un délégué à la protection des données en cas de risque pour les personnes.

Seront ainsi dans l'obligation de désigner un délégué à la protection des données, tel que prévu à l'article 37 du règlement, le responsable du traitement et le sous-traitant « lorsque :

- le traitement est effectué par une autorité publique ou un organisme public, à l'exception des juridictions agissant dans l'exercice de leur fonction juridictionnelle ;

- les activités de base du responsable du traitement ou du sous-traitant consistent en des opérations de traitement qui, du fait de leur nature, de leur portée et/ou de leurs finalités, exigent un suivi régulier et systématique à grande échelle des personnes concernées ;

- les activités de base du responsable du traitement ou du sous-traitant consistent en un traitement à grande échelle de catégories particulières de données [sensibles] [...] et de données à caractère personnel relatives à des condamnations pénales et à des infractions [...] ».

Le texte paraît équilibré.

6) Le Sénat « estime en outre, de manière générale, que, s'agissant d'un domaine dans lequel l'atteinte portée aux droits fondamentaux d'une personne peut être considérable et compte tenu de l'inégalité de moyens entre le responsable de traitement et l'intéressé qui lui a confié ses données personnelles, l'harmonisation proposée ne doit s'effectuer que dans le sens d'une meilleure protection des personnes ; qu'elle ne saurait, pour cette raison, priver les États membres de la possibilité d'adopter des dispositions nationales plus protectrices ; »

Dès le début des négociations, la France a exprimé sa très ferme volonté de ne pas descendre sous le niveau de protection assuré par la directive de 1995. Le texte obtenu répond à cet objectif, à quelques rares exceptions près. Ainsi, il n'a pas été possible d'empêcher l'utilisation ultérieure des données à caractère personnel prévue à l'article 6 paragraphe 4, contrairement aux demandes opérées par la Garde des Sceaux dès juin 2015 lors du Conseil des ministres de la Justice et des Affaires Intérieures à Luxembourg.

Bien que l'objectif ait été l'harmonisation du droit européen, des marges de manoeuvre ont été laissées aux États dans le texte final. Certaines permettent des dérogations (par exemple à l'article 23 qui permet de déroger aux droits pour divers motifs d'intérêt général), d'autres permettent, au contraire, un renforcement des droits (par exemple à l'article 9 paragraphe 4 en ce qui concerne les données génétiques, biométriques et de santé).

Il sera donc possible pour le législateur national de prendre dans certains cas des mesures plus protectrices des personnes concernées. C'est par exemple ce qui est proposé dans le projet de loi pour une République numérique s'agissant du délai pour traiter les demandes de droit à l'oubli des mineurs, les données biométriques ou encore les droits particuliers appliqués quant aux personnes décédées.

7) Le Sénat « conteste par ailleurs le nombre important d'actes délégués et d'actes d'exécution que la proposition de règlement attribue à la compétence de la Commission européenne, alors qu'un certain nombre pourraient relever soit de dispositions législatives européennes ou nationales, soit, compte tenu de leur complexité technique, d'une procédure qui associe plus fortement les autorités de contrôle nationales, regroupées au niveau européen ; »

À la demande de la plupart des États membres dont la France, le nombre d'actes délégués a été grandement réduit dans le cadre des négociations. Seuls trois actes délégués ou d'exécution persistent dans le texte final (article 12, article 43). Le CEPD ne manquera pas de donner son avis sur l'adoption de ces actes.

8) Le Sénat « juge l'encadrement des pouvoirs d'investigation des autorités de contrôle nationales trop restrictif, notamment l'exigence, pour engager une enquête, d'un « motif raisonnable » de supposer qu'un responsable de traitement exerce une activité contraire aux dispositions du règlement. En effet, les formalités préalables pesant sur les responsables de traitement étant supprimées, ces investigations constituent, dans le dispositif proposé, la principale source d'information de ces autorités sur la mise en oeuvre des traitements ; »

Le gouvernement français, qui partageait cette préoccupation exprimée par les Sénateurs, a soutenu cette position durant les négociations et a obtenu la suppression de la notion de « motif raisonnable » du texte final.

9) Le Sénat « s'oppose, enfin, au dispositif du « guichet unique » proposé par la Commission européenne, en ce qu'il attribue compétence pour instruire les requêtes des citoyens européens à l'autorité de contrôle du pays dans lequel le responsable de traitement en cause a son principal établissement ; considère en effet qu'il est paradoxal que le citoyen soit moins bien traité que l'entreprise responsable du traitement, en étant privé de la possibilité de voir l'ensemble de ses plaintes instruites par l'autorité de contrôle de son propre pays » ; « rappelle, à cet égard, que, lorsqu'il s'agit d'assurer la meilleure protection du citoyen et son droit à un recours effectif, il convient, comme en matière de consommation, de privilégier la solution permettant à l'intéressé de s'adresser à l'autorité la plus proche de lui et auprès de laquelle il a l'habitude d'accomplir ses démarches ; »

« Constate que le dispositif proposé présente, en dehors de cette question de principe, de multiples inconvénients pratiques :

- risque de disproportion entre les moyens alloués à l'autorité de contrôle en considération des contentieux relatifs à ses ressortissants et l'ampleur du contentieux international qu'elle pourrait être appelée à traiter ;

- asymétrie, pour le plaignant, entre les recours administratifs, exercés auprès de l'autorité étrangère, et les recours juridictionnels contre le responsable de traitement, portés devant le juge national ; »

« Relève que ni les mécanismes de cohérence ou de coordination entre les autorités, ni la possibilité offerte au plaignant d'adresser sa plainte à son autorité nationale, à charge pour celle-ci de la transmettre à l'autorité compétente, ne compensent les inconvénients du dispositif, ni le désavantage pour l'intéressé de ne pouvoir faire instruire sa demande par l'autorité de contrôle nationale ; »

« Demande par conséquent au Gouvernement de veiller, d'une part, à ce que la possibilité pour les États membres d'adopter des mesures plus protectrices des données personnelles soit préservée, et, d'autre part, à ce que le principe de la compétence de l'autorité de contrôle du pays où le responsable de traitement a son principal établissement soit abandonné au profit du maintien de la compétence de l'autorité de contrôle du pays de résidence de l'intéressé. »

Le mécanisme de guichet unique a été longuement examiné et fortement amendé, tout particulièrement à la demande de la France, qui a proposé un mécanisme alternatif dont la majeure partie a été reprise. Le texte obtenu constitue un compromis acceptable.

Ainsi, les résidents européens pourront saisir l'autorité de leur pays, qui transférera leur plainte à l'autorité « chef de file » si elle révèle un problème général qui affecte d'autres pays, ou qui traitera elle-même la plainte s'il ne s'agit que d'un problème « local « (ce qui devrait être très souvent le cas). Dans tous les cas, l'autorité du pays de la personne serait très étroitement impliquée et, en cas de désaccord entre les autorités concernées, la question pourra être renvoyée au CEPD. L'éloignement entre la personne et l'autorité de contrôle compétente, qui figurait dans le texte initial et qui, pour la France, posait une très grande difficulté, a donc été très fortement réduit.

Enfin, en ce qui concerne la possibilité pour les États membres d'adopter des mesures plus protectrices, comme cela a été indiqué au point 6, bien que l'objectif ait été avant tout l'harmonisation du droit européen, des marges de manoeuvre ont été laissées aux États dans le texte final, notamment afin de renforcer les droits des personnes.

2/ la résolution n° 108 du 12 mars 2013 (transmission le 18 août 2016) sur la protection des données personnelles :

État et/ou résultats de la négociation communautaire

sur les points soulevés par la résolution

1. Rappelle les principes qu'il a affirmés dans sa résolution du 6 mars 2012 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (texte E 7055), en particulier sur la nécessaire compétence de l'autorité de contrôle du pays de résidence du citoyen dont les données à caractère personnel font l'objet d'un traitement, sur le renforcement indispensable du rôle de ces autorités de contrôle, sur le nombre excessif d'actes délégués et d'actes d'exécution qui relèveraient de la compétence de la Commission européenne, sur la possibilité qui devrait être laissée aux États membres de garantir un haut niveau de protection des droits des personnes concernées, et sur les dérogations inopportunes aux obligations pesant sur les responsables de traitement en matière de transferts internationaux de données ;

Le chapitre VI de la directive 2016/680 est relatif aux autorités de contrôle indépendantes :

- une disposition a été ajoutée par rapport à la proposition initiale relative aux conditions générales applicables aux membres de l'autorité de contrôle (article 43). Elle vise à garantir notamment les conditions de nomination transparentes de ceux-ci ;

- les articles 45, 46 et 47 sont relatifs à la compétence, aux missions et aux pouvoirs des autorités de contrôle. L'article 47 sur les pouvoirs de l'autorité de contrôle répond à la volonté affichée par le Sénat de renforcer les pouvoirs de l'autorité de contrôle par rapport à la proposition initiale.

Sur les actes délégués et les actes d'exécution qui relèveraient de la compétence de la Commission européenne, la disposition sur l'exercice de la délégation a finalement été supprimée pour ce qui concerne la directive 2016/680. L'article 58 prévoit l'assistance de la Commission par le comité institué par l'article 93 du règlement 2016/679.

2. Considère comme un objectif essentiel d'assurer la sécurité des citoyens européens, à travers la coopération judiciaire et policière, tout en maintenant un niveau élevé de protection de leurs droits fondamentaux, en particulier de leurs droits sur leurs données personnelles ;

Estime que l'efficacité de la coopération dans ce domaine sera renforcée par l'existence d'un ensemble de règles garantissant la transparence des traitements de données, la pertinence et la fiabilité des informations recueillies ou les conditions de réutilisation de ces données pour des traitements ultérieurs ;

Conformément à l'objectif affiché, ont été adoptés le 27 avril 2016 par le Parlement européen et le Conseil, à la fois :

- le règlement 2016/679 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE ;

- et la directive 2016/680 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil.

Pour le champ pénal, conformément à la résolution européenne du Sénat, la directive comprend :

- des règles garantissant la transparence des traitements de données : article 4 sur les principes relatifs au traitement des données à caractère personnel, article 13 sur les informations à mettre à la disposition de la personne concernée ou à lui fournir, article 14 sur le droit d'accès, article 24 relatif au registre des activités de traitement et article 25 sur la journalisation ;

- des règles garantissant la pertinence et la fiabilité des informations recueillies : article 4 § 1 (b), (c), et (d) sur les principes relatifs au traitement des données à caractère personnel, article 7 relatif à la distinction entre les données à caractère personnel et vérification de la qualité des données à caractère personnel, article 16 sur le droit de rectification et d'effacement des données à caractère personnel et limitation du traitement ;

- des règles garantissant les conditions de réutilisation de ces données pour des traitements ultérieurs : article 4 § 2 prévoyant les conditions dans lesquelles le traitement pour une finalité autre que celle pour laquelle les données avaient été collectées peut s'opérer.

3. Souligne la nécessité de préserver les garanties prévues par le cadre juridique national qui permet un haut niveau de protection des données personnelles et qui repose sur le principe fondamental selon lequel les traitements de données nécessaires dans le cadre des activités répressives de l'État doivent être mis en oeuvre conformément aux principes généraux de protection des données, tout en bénéficiant des dérogations justifiées et adaptées à leurs besoins ;

La négociation parallèle du règlement et de la directive, textes proposés sous forme de « paquet », visait précisément à préserver la spécificité du champ pénal et les dérogations nécessaires à cette matière tout en garantissant un niveau élevé de protection des données personnelles. Les deux textes définissent de façon cohérente et équilibrée les principes généraux en la matière et la directive prévoit lorsque cela est nécessaire un certain nombre de dérogations ou de limitations strictement encadrées.

4. Demande dès lors qu'une disposition expresse précise que la directive ne fournit qu'un seuil minimal de garanties et qu'elle ne prive pas les États membres de la possibilité d'adopter des dispositions nationales plus protectrices.

En réponse à cette préoccupation exprimée par le Sénat, l'article 1 § 3 de la directive dispose que « la présente directive n4empêche pas les États membres de prévoir des garanties plus étendues que celles établies dans la présente directive pour la protection des droits et des libertés des personnes concernées à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes. »

5. Approuve le choix de rendre applicable le texte tant aux échanges de données entre États membres qu'aux traitements de données au niveau national ; estime que l'exclusion du champ d'application de la directive des traitements mis en oeuvre par les organismes européens (comme Europol, Eurojust ou Frontex, par exemple) posera un problème de mise en cohérence et de lisibilité des dispositifs ; juge nécessaire de clarifier le régime applicable à certains fichiers de police administrative afin de garantir une cohérence des règles applicables à ces fichiers ;

Conformément à la proposition initiale, le champ d'application de la directive tel que défini à l'article 2 couvre les échanges de données entre États membres et le traitement des données au niveau national. Il est donc plus large que le champ d'application de la décision-cadre 2008/977 qu'elle abroge. En revanche, sont exclus du champ d'application de la directive le traitement de données effectué dans le cadre d'une activité qui ne relève pas du champ d'application du droit de l'Union et le traitement par les institutions, organes et organismes de l'Union.

La Commission, consciente de la nécessaire mise en cohérence de l'ensemble des dispositifs, doit proposer avant fin 2016 une proposition de révision du règlement 2001/45 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données. Elle semble envisager dans ce cadre de proposer le remplacement de plein droit des chapitres dédiés à la protection des données personnelles dans les instruments instaurant les organismes européens tels qu'Europol et Eurojust par les dispositions idoines du texte révisé.

Sur la nécessaire clarification du régime applicable aux fichiers de police administrative, il apparaît que, dans une large mesure, le régime de ces fichiers entre dans le champ du règlement 2016/679. Pour autant, il est vrai que le fait que « la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces » entrent dans l'objet défini à l'article 1 er de la directive permet d'inclure certains fichiers de police administrative qui pourront ainsi bénéficier du régime spécifique à la matière pénale.

6. Conteste que la Commission européenne soit habilitée à adopter des actes délégués pour préciser les critères et exigences applicables à l'établissement d'une violation des données, sans même consulter les autorités de contrôle.

Comme indiqué ci-dessus, la disposition sur l'exercice de la délégation a finalement été supprimée pour ce qui concerne la directive 2016/680.

7. Considère que les données à caractère personnel ne devraient pouvoir être traitées que si, et pour autant que, les finalités du traitement ne peuvent pas être atteintes par le traitement d'informations ne contenant pas de données à caractère personnel ; qu'en outre, l'accès aux données devrait être strictement limité au personnel dûment autorisé des autorités compétentes qui en a besoin pour l'exécution de ses missions ; que les obligations des responsables de traitement devraient être davantage précisées au regard notamment des niveaux de sécurité qu'exigent ces traitements ; que des dispositions spécifiques devraient être prévues pour le traitement de données relatives aux enfants.

L'article 1 er de la directive définit son objet : « La présente directive établit des règles relatives à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces ». Ainsi, compte tenu de l'objet du texte, il n'est pas envisageable de prévoir un principe général en vertu duquel le traitement des données à caractère personnel ne sera autorisé que si un traitement d'information sans données personnelles n'est pas suffisant, puisque pour enquêter, poursuivre et condamner les auteurs d'infractions pénales, les autorités compétentes ne peuvent pas mener à bien leurs missions sans traiter de données personnelles.

Pour autant, l'article 4 de la directive liste les principes relatifs au traitement des données à caractère personnel, parmi lesquels il est prévu que les « données à caractère personnel sont :

- collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées d'une manière incompatible avec ces finalités ;

- adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ;

- traitées de façon à garantir une sécurité appropriée des données à caractère personnel, y compris contre le traitement non autorisé ou illicite et contre la perte, la destruction ou les dégâts d'origine accidentelle, à l'aide de mesures techniques ou organisationnelles appropriées. »

Il en ressort que le texte respecte les principes de nécessité et de proportionnalité qui étaient présents à l'esprit des experts tout au long des négociations.

S'agissant des règles d'accès aux données et du niveau de sécurité des traitements, il est expressément prévu à l'article 29 § 2 relatif à la sécurité du traitement qu'en ce qui concerne le traitement automatisé, « chaque État membre prévoit que le responsable du traitement ou le sous-traitant met en oeuvre [...] :

(a) des mesures destinées à empêcher toute personne non autorisée d'accéder aux installations utilisées pour le traitement [...] ;

(d) empêcher que les systèmes de traitement automatisé puissent être utilisés par des personnes non autorisées à l'aide d'installations de transmission de données (contrôle des utilisateurs) ;

(e) garantir que les personnes autorisées à utiliser un système de traitement automatisé ne puissent accéder qu'aux données à caractère personnel sur lesquelles porte leur autorisation (contrôle de l'accès aux données) ».

De surcroît, cette disposition fait peser sur le responsable du traitement ou le sous-traitant la mise en oeuvre de toutes les mesures destinées à garantir la sécurité du traitement.

En revanche, il n'existe aucune disposition spécifique pour les traitements relatifs aux enfants dans la directive 2016/680, contrairement au règlement 2016/679 (article 8 notamment).

8. Souligne que l'utilisation de données sensibles doit en principe être interdite ; que des dérogations à cette règle ne doivent être admises que dans la mesure où la finalité du traitement l'exige et sous réserve qu'un contrôle strict soit prévu ; considère, en conséquence, que le texte définit de manière trop large les exceptions au principe d'interdiction du traitement de ces données, en particulier pour le cas où le traitement est autorisé par une législation prévoyant des garanties appropriées ; juge nécessaire que le traitement des données biométriques soit soumis à un encadrement spécifique.

Il existe dans la directive une disposition spécifique relative au traitement des données sensibles que sont les données qui révèlent « l'origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, ou l'appartenance syndicale, et le traitement des données génétiques, des données biométriques aux fins d'identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l'orientation sexuelle d'une personne physique ». Il s'agit de l'article 10, intitulé « traitement portant sur des catégories particulières de données à caractère personnel ». Le traitement de ces données n'est pas formellement interdit pour les finalités de la directive ? mais il n'est autorisé qu'en cas de « nécessité absolue », « sous réserve de garanties appropriées pour les droits et libertés de la personne concernée » et uniquement sous certaines conditions alternatives.

Le traitement des données biométriques s'inscrit dans ce dispositif. Il n'est donc pas soumis à un encadrement spécifique. Pour autant, les dispositions de l'article 10 préservent l'équilibre entre les impératifs spécifiques à la matière pénale et la protection du droit à la protection de ses données personnelles des personnes physiques, dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité.

9. Estime que la disposition selon laquelle les données ne doivent être conservées que pendant une durée n'excédant pas celle nécessaire à la réalisation des finalités pour lesquelles elles sont collectées n'offre pas les garanties suffisantes ; que le texte devrait demander aux États membres de prévoir un délai de conservation des données et exiger qu'un examen périodique permette d'évaluer la nécessité de les conserver, sous le contrôle des autorités de protection.

L'article 5 de la directive relatif aux délais de conservation et d'examen dispose que « les États membres prévoient que des délais appropriés sont fixés pour l'effacement des données à caractère personnel ou pour la vérification régulière de la nécessité de conserver les données à caractère personnel. Des règles procédurales garantissent le respect de ces délais. »

La rédaction retenue permet donc de répondre partiellement à la préoccupation exprimée par les sénateurs puisque les États membres doivent fixer des délais de conservation ou à tout le moins des délais pour la vérification de la nécessité de conserver les données.

10. Considère que, s'il peut être nécessaire de prévoir, dans ce domaine, des limitations à certains des droits des personnes concernées, le texte devrait mieux affirmer qu'il s'agit d'exceptions à ces droits qui doivent être par ailleurs suffisamment garantis ; qu'un droit d'opposition devrait être prévu, au moins pour certaines catégories de personnes, et notamment les victimes d'infraction, qui doivent être mises en mesure de s'opposer au traitement de leurs données à l'issue de la procédure judiciaire ; qu'il conviendrait d'améliorer les conditions concrètes d'exercice de ces droits, et notamment la mise en oeuvre des droits d'accès et de rectification, trop restrictivement prévus.

Les limitations prévues sont strictement encadrées et graduées en fonction des finalités du traitement des données.

Par ailleurs, la personne concernée peut disposer du droit d'introduire une réclamation auprès d'une autorité de contrôle ou de former un recours juridictionnel.

Enfin, les conditions concrètes d'exercice des droits d'accès et de rectification seront énoncées dans le cadre de la transposition de la directive.

11. Juge insuffisant le dispositif relatif au transfert de données à des pays tiers ; relève, en particulier, que les responsables de traitement pourraient évaluer eux-mêmes, en dehors de tout cadre juridique établi et de tout contrôle d'une autorité de protection des données, si le transfert est entouré de garanties appropriées ; déplore que le texte prévoie des dérogations supplémentaires, qui seraient autorisées à des fins particulières mais sans conditions précises de mise en oeuvre ; estime que des transferts ultérieurs de données ne devraient être possibles que sous réserve de l'accord de l'État qui les a transmises initialement ; juge, en outre, peu réaliste l'obligation qui serait faite aux États membres de renégocier tous leurs accords internationaux dans un délai de cinq ans après l'entrée en vigueur de la directive.

Le chapitre V de la directive contient les dispositions relatives aux transferts de données à caractère personnel vers des pays tiers ou à des organisations internationales.

Les dispositions de ce chapitre mettent en oeuvre un dispositif de transferts des données strictement encadré reposant sur un processus à plusieurs niveaux : existence d'une décision d'adéquation de la Commission ou à défaut existence de garanties appropriées (dans un instrument juridiquement contraignant ou à la suite d'une évaluation au cas par cas) ou à défaut des dérogations sont possibles pour des situations particulières. En fonction du niveau, les conditions sont de plus en plus strictes.

Par ailleurs, une disposition a été ajoutée afin de permettre les transferts directs de données à des destinataires, publics ou privés, établis dans des pays tiers. La France a sollicité et obtenu l'insertion de ce dispositif, malgré l'opposition de certains États membres tels que l'Autriche et la République Tchèque, afin notamment de préserver les possibilités de relations directes avec des opérateurs de services situés aux États-Unis.

En outre, en application de l'article 35 § 1 (e), en cas de transfert ultérieur, l'autorité compétente qui a procédé au transfert initial doit autoriser le transfert en prenant en compte plusieurs facteurs énoncés dans le texte.

Enfin, s'agissant de l'obligation de renégociation des accords internationaux en vigueur dans les 5 ans, l'article 61 de la directive, éclairé par le considérant 95, a été sensiblement amendé par rapport à la proposition initiale de la Commission, conformément à la demande de la délégation française dans le cadre des négociations. Il dispose ainsi que « les accords internationaux impliquant le transfert de données à caractère personnel vers des pays tiers ou des organisations internationales qui ont été conclus par les États membres avant le 6 mai 2016 et qui respectent le droit de l'Union tel qu'il est applicable avant cette date restent en vigueur jusqu'à leur modification, leur remplacement ou leur révocation ».

12. Souligne que le rôle des autorités de contrôle devrait être sensiblement renforcé, tant dans la procédure de collecte des données que dans la supervision des systèmes de traitement de données.

Contrairement à la volonté exprimée par la résolution ci-dessous, la procédure de collecte des données n'a pas été expressément renforcée dans la directive par rapport à la proposition initiale. Pour autant, l'article 47 relatif aux pouvoirs de l'autorité de contrôle dispose que celle-ci doit disposer de « pouvoirs d'enquête effectifs ». Parmi ces pouvoirs, chaque État membre devra au moins prévoir que l'autorité de contrôle puisse obtenir « du responsable du traitement ou du sous-traitant l'accès à toutes les données à caractère personnel qui sont traitées et à toutes les informations nécessaires à l'exercice de ces missions ».

S'agissant de la supervision des systèmes de traitement de données, outre les missions et pouvoirs généraux de l'autorité de contrôle définis aux articles 46 et 47, l'article 28 prévoit une consultation préalable de l'autorité de contrôle par le responsable du traitement ou le sous-traitant pour certains types de traitement faisant partie de nouveaux fichiers à créer.

3/ la résolution n° 44 du 6 décembre 2013 (transmission le 24 février 2016) relative à la santé animale :

Prise en compte de la résolution lors des négociations

Position française sur les points soulevés dans la résolution

Selon les autorités françaises, ce nouveau règlement permettra à l'Union européenne de se doter d'un cadre juridique horizontal unique qui simplifiera l'acquis communautaire en santé animale en réunissant les prescriptions et principes communs de la législation existante. Ce cadre répond aussi à une stratégie mettant davantage l'accent sur l'incitation que sur la sanction, en responsabilisant et clarifiant les rôles de tous les acteurs de la santé animale, privés comme publicS. Les autorités françaises se sont notamment exprimées en faveur du principe selon lequel il vaut mieux prévenir que guérir et ont salué le concept « un monde, une seule santé » qui entérine la relation évidente entre le bien-être des animaux et la santé animale et la santé publique.

Sur la réduction du nombre d'actes d'application , les autorités françaises ont veillé à limiter le nombre d'actes d'application, notamment sur la catégorisation et la priorisation des maladies qui constituent la clé de voûte du dispositif. Au cours de l'examen au sein du Conseil, les pouvoirs qu'il était proposé de conférer à la Commission ont été étudiés avec une attention particulière. Si le Conseil n'a pas remis en cause ni modifié le principe d'un règlement-cadre, bon nombre d'articles ont été remaniés pour mieux circonscrire les pouvoirs conférés à la Commission. Des éléments essentiels ont été réintroduits dans l'acte de base dans un certain nombre de cas. Le Conseil a par ailleurs recensé un certain nombre d'actes délégués et d'actes d'exécution « essentiels » sans lesquels le règlement ne pourrait pas être correctement appliqué.

Sur la priorisation des maladies , la proposition de la Commission prévoyait que la liste des maladies auxquelles s'appliqueraient les dispositions du règlement en matière de prévention et de lutte contre certaines maladies (les « maladies répertoriées ») serait adoptée par un acte d'exécution. Le Conseil et le Parlement se sont accordés pour fixer la liste des maladies sous la forme d'une annexe du règlement, sauf pour les cinq maladies dont on considère qu'elles répondent aux critères d'inscription d'une manière si incontestable qu'elles étaient déjà mentionnées dans une disposition du règlement (fièvre aphteuse, peste porcine classique, peste porcine africaine, influenza aviaire hautement pathogène, peste équine). La liste figurant dans l'annexe contient les maladies pour lesquelles, conformément au règlement 652/2014, un co-financement par l'Union européenne est envisageable pour des programmes d'éradication, de lutte et de surveillance ou des mesures d'urgence, à l'exception des cinq maladies énumérées ci-dessus. Le Conseil a également renforcé les critères figurant dans l'acte de base pour réexaminer la liste des maladies répertoriées dans l'annexe et a accepté que la Commission y apporte les modifications nécessaires en fonction de ces critères (au moyen d'actes délégués) au plus tard 24 mois avant la date d'application du règlement.

Sur les conditions de financement des mesures sanitaires en cas de crise , le règlement financier a fait l'objet d'un accord entre le Conseil et le Parlement européen en décembre 2013. Adopté le 15 mai 2014, le règlement 652/2014 prévoit qu'un financement de l'Union peut être accordé pour faire face à des circonstances exceptionnelles telles que des situations d'urgence liées à la santé animale. Trois taux de subvention sont prévus : un taux standard à 50 %, un taux à 75 % dans certains cas et un taux à 100 % pour des mesures d'urgence destinées à éviter la mortalité humaine ou la perturbation du marché communautaire dans son ensemble. L'enveloppe financière maximale est de 1,9 milliard d'euros. Les autorités françaises regrettent néanmoins le cadre fermé de cette enveloppe financière, notamment en cas de crise majeure de santé animale. Les autorités françaises avaient proposé qu'en cas de crise sanitaire, ce plafond puisse être augmenté, en dernier ressort en utilisant l'instrument de flexibilité.

Sur la préservation du réseau d'épidémio-surveillance français , les autorités françaises s'opposent de manière systématique au principe du découplage de la prescription et de la vente des médicaments par les vétérinaires. En particulier, dans le cadre de la négociation sur la proposition de règlement relatif aux médicaments vétérinaire, les autorités françaises ont exprimé leur opposition aux amendements introduisant le découplage. La rapporteure de la commission ENVI, Mme Françoise Grossetête, s'est également opposée au découplage - la Commission a également écarté le sujet de sa proposition.

Sur les mouvements d'animaux intra-UE , la proposition de la Commission prévoyait un centre de rassemblement unique à l'occasion des mouvements d'animaux, qui risquait de pénaliser les exportateurs français sans apporter de garanties sanitaires supplémentaires. Les autorités françaises ont défendu et ont obtenu que le nombre maximum de trois centres de rassemblement pour une expédition entre deux États membres soit compté au choix entre les États membres d'origine, de transit et de destination. Par ailleurs, les conditions allégées, telles qu'elles se pratiquent en France en raison de la qualité de son réseau d'épidémio-surveillance, pourront être maintenues. Même si la notion de « réseau de surveillance » défendue par les autorités françaises n'a pas été retenue dans le texte final, un État membre pourra, sur la base du principe d'une analyse des risques, procéder à des allégements de son cadre de surveillance pour certaines maladies.

Sur la recherche , le texte renvoie à la nécessaire actualisation des mesures en fonction des innovations. Certains volets tiennent déjà compte de progrès en matière de recherche (banques vaccinales, banques d'antigènes). De manière générale, le caractère « ouvert » du texte permet de tenir compte des progrès de la recherche.

4/ la résolution n° 70 du 28 janvier 2014 (transmission le 24 février 2016) relative à l'institution de procédures européennes de règlement des petits litiges et d'injonction de payer :

Prise en compte de la résolution lors des négociations

Position française sur les points soulevés dans la résolution

Sur la nécessité de limiter à 4 000 euros le montant du seuil de mise en oeuvre de la procédure de règlement des petits litiges , les autorités françaises ont soutenu une augmentation de ce seuil à 4 000 euros, soulignant principalement que, par définition, un seuil de 10 000 euros, envisagé par la Commission, ne pouvait pas correspondre à de « petits litiges ». La position française a partiellement été suivie : ce seuil a été fixé à 5 000 euros, ce qui a pu être considéré comme étant acceptable pour les autorités françaises, les grandes disparités entre États membres quant à l'appréciation de la valeur d'un petit litige devaient être prises en compte.

Sur la demande de clarification de la rédaction d'une disposition relative à la communication par voie électronique de manière à assurer la conformité de ces moyens technologiques avec le droit des États et de donner la possibilité pour les parties de ne pas accepter ce mode de communication , les autorités françaises ont défendu la nécessité : de conserver une alternative entre voie postale et voie électronique pour tenir compte des besoins des justiciables n'ayant pas accès à la communication électronique, de prévoir que l'utilisation de la voie électronique ne sera possible qu'avec le consentement expresse du destinataire de l'acte et de rappeler la nécessaire conformité des moyens technologiques avec le droit processuel des États ainsi que la disponibilité des technologies en question. Ces positions ont été retenues pour les actes nécessaires de la procédure : envoi par le greffe de la demande et des pièces au défendeur, envoi par le greffe d'une éventuelle demande reconventionnelle du défendeur au demandeur et notification par le greffe de la décision rendue. L'utilisation de la voie postale reste donc toujours possible pour la notification de ces actes. Le destinataire de l'acte à notifier doit avoir expressément accepté une notification par voie électronique. Et ces moyens technologiques ne peuvent être mis en oeuvre que s'ils sont disponibles d'un point de vue technique et admissibles dans le droit de l'État où se situe le tribunal saisi.

Sur l'opportunité de maintenir la possibilité d'organiser une audience ou d'obtenir des preuves par expertise ou témoignage oral , le règlement initial rappelait qu'en principe, la procédure des petits litiges ne donne pas lieu à une audience, sauf si la juridiction l'estime nécessaire ou si elle fait droit à la demande d'une partie en ce sens. Il était précisé que cette audience pouvait se dérouler par visioconférence. La Commission a souhaité préciser que le juge ne pourra organiser une audience que s'il n'est pas possible de rendre la décision sur la base des preuves écrites présentées par les parties. Si seuls sont concernés des litiges transfrontaliers dans lesquels une partie réside dans un autre État que celui de la juridiction saisie et qu'il peut, par suite, apparaître logique qu'une audience ne soit pas systématiquement organisée, les autorités françaises ont néanmoins été particulièrement attentives à ce que le juge puisse décider de la tenue d'une audience. La précision introduite dans la proposition de la Commission est apparue acceptable aux autorités françaises dès lors qu'elle conserve le pouvoir du juge d'apprécier, au regard des éléments de preuve qui lui sont soumis, la nécessité de tenir une audience et de décider de son organisation.

Sur la nécessité de conserver un caractère facultatif à l'organisation des audiences par des moyens de communications à distance (visioconférence) , les autorités françaises ont admis que le recours, en cas d'audience, à la visioconférence, permet d'éviter à l'une des parties d'assumer des frais de déplacement coûteux ou des frais de représentation. Elles ont cependant estimé nécessaire que le juge puisse apprécier, au cas d'espèce, si cette visioconférence était adaptée. Elles ont également tenu à ce qu'il soit aussi fait référence aux règles de procédure applicables en la matière dans l'État où ne se situe pas cette juridiction, afin qu'une juridiction d'un autre État membre ne puisse imposer à la France une audience par visioconférence. La position française a été entendue. La juridiction saisie peut écarter l'utilisation de la visioconférence si cette technique n'apparaît pas appropriée au regard du déroulement équitable de la procédure. Il est par ailleurs expressément renvoyé aux dispositions pertinentes du règlement 1206/2001 relatif à l'obtention de preuves, ce qui permet à la juridiction d'un autre État que celui où se situe la juridiction saisie de refuser la visioconférence si celle-ci n'est pas conforme à son droit ou s'il existe des difficultés pratiques telles que l'absence d'équipements adaptés.

Sur la nécessité de préciser les modalités de prise en charge des frais dans le cadre de la procédure des petits litiges , le règlement modifié prohibe les frais de justice disproportionnés. Il prévoit que le montant des frais ne pourra excéder celui des frais perçus pour les procédures simplifiées nationales dans l'État membre qui a à connaître du litige. Le plafonnement proposé des frais de justice à 10 % du montant de la demande n'a pas été repris par le nouveau règlement. Le risque envisagé par le Sénat de mise à la charge de l'État des frais de justice tels que les frais de traduction ou d'expertise n'apparaît pas justifié dans la mesure où un considérant du règlement précise que les frais de justice en question ne comprennent pas les frais de traduction, d'avocat, d'expertise et de signification. Il s'agit des frais que le demandeur doit acquitter pour introduire sa procédure (frais de greffe, taxes éventuelles). Dans la mesure où il n'existe plus de tels frais en droit français, cette disposition n'a pas constitué pour les autorités françaises un « point dur ». Une attention particulière a néanmoins été portée à ce que la règle posée en la matière ne porte pas atteinte à l'autonomie procédurale des États membres. Aucun élément objectif ne permettant d'imposer des frais spécifiques à la procédure des petits litiges par rapport à des procédures nationales équivalentes, la nouvelle disposition ne suscitait pas d'observation particulière.

5/ la résolution n° 114 du 15 mai 2014 (transmission le 1 er mars 2016) sur le dumping social dans les transports aériens :

État et/ou résultats de la négociation communautaire

Sur le Ciel unique : le Parlement a adopté son texte, l'orientation générale acceptable pour la France date de décembre 2014. Mais le Royaume-Uni a interdit de commencer les trilogues après la discussion très tendue lors de ce Conseil transport sur l'aéroport de Gibraltar.

Sur les services portuaires : orientation générale satisfaisante pour la France mais obtenue après d'âpres négociations en octobre 2014. L'ancien Parlement européen avait reporté l'étude de ce texte après l'installation de la nouvelle législature. La commission TRAN a adopté le rapport en début d'année mais sans accorder le mandat de négociation au rapporteur. Le texte sera débattu et voté en plénière du Parlement européen les 7 et 8 mars. La Présidence néerlandaise a prévu un groupe maritime sur le sujet dès le 23 mars, car elle en fait une priorité.

Prise en compte de la résolution lors des négociations

Bien qu'aucun texte ne soit en cours de négociation sur le dumping social dans les transports européens, les autorités françaises font le constat de nombreuses difficultés dans ce domaine. C'est pourquoi elles souhaitent qu'un agenda social ambitieux, permettant une plus grande convergence entre les États membres, soit recherché au niveau européen dans le secteur des transports de façon générale. À cet égard, elles ont fait parvenir une NAF à la Commission au printemps 2015. Cette harmonisation sociale par le haut devrait poursuivre plusieurs objectifs :

- une homogénéité et une efficacité accrues du marché intérieur, avec une réglementation clarifiée, le cas échéant simplifiée, permettant une meilleure régulation de l'ordre public social et économique ;

- une amélioration de la protection sociale des travailleurs, en particulier de ceux qui sont mobiles, afin de préserver leurs droits à une vie normale et leur garantir des conditions de travail décentes. L'enjeu est également de renforcer l'attractivité des emplois du secteur des transports ;

- une réduction des pratiques économiques permettant de contourner la réglementation européenne sur les régimes de sécurité sociale ou sur le droit du travail, sous toutes ses formes, souvent complexes : entreprises « boîtes aux lettres » sans activité réelle, choix de la loi applicable au contrat de travail sans rapport avec le pays dans lequel s'exerce habituellement l'activité, fraudes au détachement en droit du travail, recours à des faux indépendants, fausse sous-traitance, etc. ;

- un accroissement de la sécurité dans les transports, que la fraude sociale met en péril en faisant éclater les communautés de travail et en affaiblissant la culture de la sécurité propre à chaque entreprise.

De manière générale, les différentes propositions de la résolution visant une meilleure coordination des contrôles afin de parvenir à une harmonisation européenne dans l'application de la réglementation sociale européenne recoupent les demandes des autorités françaises.

S'agissant du cabotage dans le secteur du transport routier, les autorités françaises ne souhaitent pas une ouverture accrue de celui-ci à la concurrence.

Aérien :

Lors des négociations Ciel unique 2+, la France a négocié fermement pour obtenir une orientation générale allant dans le sens des préconisations de la résolution.

Maritime : réforme portuaire

La France a été particulièrement sensible à l'exclusion des « missions des services nautiques » indiqués dans la résolution, à la préservation de l'autonomie des gestionnaires de ports. L'orientation générale, sur des négociations difficiles où la France était souvent seule, a permis au final d'atteindre la majorité des objectifs :

- exclusion, à la discrétion des États membres, des « petits ports » du champ d'application des dispositions en matière de transparence et d'obligation de comptes séparés ;

- forte réduction des exigences pour les gestionnaires des autres ports ;

- exclusion du pilotage de la concurrence (les pilotes français acceptaient d'être soumis à la transparence financière) ;

- exclusion du dragage du champ d'application de la directive sauf pour la traçabilité des aides d'État dans sa comptabilité.

Position française sur les points ayant fait l'objet de la résolution

Sur l'aérien :

La France est favorable à la base d'exploitation, à l'encadrement du statut des indépendants, et rejoint la résolution des parlementaires sur le Ciel unique 2+.

Sur le maritime :

La France est favorable au rattachement au droit social du pays du port dans lequel les gens de mer exercent régulièrement leur activité.

Elle prône une pleine application des conventions internationales maritimes dans le domaine social, y compris pour les marins pêcheurs.

Sur la réforme portuaire, la position française est conforme au projet de résolution.

6/ la résolution n° 154 du 11 juillet 2014 (transmission le 18 août 2016) relative à la protection des secrets d'affaires :

Résultats de la négociation communautaire

sur les points soulevés par la résolution

Pour mémoire, dans sa résolution du 11 juillet 2014, le Sénat fait part de préoccupations spécifiques en ce qui concerne la définition à donner à la notion de secret des affaires, la nécessité de préserver la possibilité pour les États membres d'instituer des régimes complémentaires de protection et l'opportunité de définir un régime cohérent au regard du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.

Enfin, la Haute Assemblée souligne la nécessité de trouver une solution équilibrée entre préservation des secrets d'affaires au cours des procédures juridictionnelles relatives à leur appropriation illicite et limitations des aménagements à apporter au droit commun de la procédure civile, dans le respect du principe du contradictoire.

Ces différents points ont fait l'objet d'une vigilance particulière de la part des autorités françaises et ont pu être repris dans le texte de compromis politique adopté par le Parlement européen et le Conseil.

1. Définition

Le Sénat fait valoir qu'il soutient « la reprise dans la proposition de directive des termes de l'article 39 de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, qui engage l'Union européenne, pour définir les secrets d'affaires ».

En ce sens, les autorités françaises ont fait part d'un avis favorable sur la définition proposée par la Commission européenne qui s'appuie sur la définition énoncée à l'article 39 § 2 des accords ADPIC (auxquels sont parties l'UE et ses États membres) et ont porté un amendement visant à préciser dans un considérant la notion de secret des affaires au regard de sa valeur commerciale, appréciée de façon qualitative.

Les autorités françaises ont ainsi proposé de préciser la notion de secret des affaires dans le cadre de l'adoption d'un amendement au considérant 14 du texte qui précise désormais que les savoir-faire ou informations protégées au titre de la directive « devraient avoir une valeur commerciale, effective ou potentielle. Ces savoir-faire ou informations devraient être considérés comme ayant une valeur commerciale, par exemple lorsque leur obtention, utilisation ou divulgation illicite est susceptible de porter atteinte aux intérêts de la personne qui en a le contrôle de façon licite en ce qu'elle nuit au potentiel scientifique et technique de cette personne, à ses intérêts économiques ou financiers, à ses positions stratégiques ou à sa capacité concurrentielle ».

2. Harmonisation minimale

La Haute Assemblée indique que « cette harmonisation doit être minimale et, qu'en conséquence, les États membres doivent avoir la possibilité d'appliquer les dispositions nationales en vigueur, éventuellement plus protectrices des secrets d'affaires que la proposition de directive, comme cela existe dans le cadre de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle ».

Dans le prolongement de cette idée, le Sénat estime aussi que « les États membres doivent conserver la faculté d'instituer un délit pénal spécifique de manière à compléter au niveau national la procédure civile harmonisée par la proposition de directive ».

À cet effet, le texte de l'accord politique entre le Parlement européen et le Conseil prévoit en son article 1 er paragraphe 1 que « les États membres peuvent, dans le respect des dispositions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, prévoir une protection des secrets d'affaires contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites plus étendue que celle qui est requise par la présente directive ». Seules les dispositions nécessaires à l'application uniforme par les États membres de la directive font l'objet d'une clause d'harmonisation maximale (champ d'application du texte, limitations et dérogations à la protection du secret des affaires, par exemple).

En cohérence avec la rédaction de l'article 1 er , le considérant 10 de la version adoptée de la directive précise qu' « il convient de mettre en place, au niveau de l'Union, des règles pour rapprocher les droits des États membres de façon à garantir qu'il y ait des possibilités de réparation au civil suffisantes et cohérentes dans le marché intérieur en cas d'obtention, d'utilisation ou de divulgation illicite d'un secret d'affaires. Ces règles devraient être sans préjudice de la possibilité pour les États membres de prévoir une protection plus étendue contre l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicites de secrets d'affaires, pour autant que les mesures de sauvegarde explicitement prévues par la présente directive pour protéger les intérêts d'autres parties soient respectées. »

3. Un dispositif de responsabilité cohérent au regard du droit commun de la responsabilité extracontractuelle

Dans sa résolution, le Sénat estimait que la « directive ne doit pas aboutir à l'institution d'un dispositif autonome de responsabilité au motif de protection des secrets d'affaires, mais doit au contraire laisser aux États membres la possibilité d'appliquer leur régime de responsabilité de droit commun ».

Cette préoccupation a été utilement relayée par les autorités françaises qui ont soutenu, tout au long de la négociation, le principe selon lequel le délai de prescription devrait pouvoir être librement fixé par les États membres dans un délai n'excédant pas six ans. Cette limite étant compatible avec le délai de prescription de droit commun, énoncé à l'article 2224 du code civil, en matière de responsabilité extracontractuelle.

Lors de l'examen de la proposition législative de la Commission, le Conseil et le Parlement européen avaient respectivement fixé le délai de prescription à 3 ans et 6 ans.

Pour parvenir à un équilibre d'ensemble, les institutions ont convenu lors des trilogues que « les États fixent les règles relatives aux délais de prescription applicables aux demandes sur le fond et aux actions ayant pour objet l'application des mesures, procédures et réparations prévues par la [...] directive. [...] La durée du délai de prescription n'excède pas six ans. »

Cette rédaction de compromis a été acceptée par les autorités françaises dans la mesure où elle assure une cohérence relative entre le délai de prescription applicable à la protection des secrets d'affaires et le délai de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil.

4. Équilibre avec les principes fondamentaux du droit commun de la procédure civile et la protection des secrets d'affaires

Le Sénat fait part de son souci de « préserver l'équilibre auquel les négociations au Conseil sont parvenues sur la rédaction de l'article 8 de la proposition de directive relatif à la protection du caractère confidentiel des secrets d'affaires au cours des procédures judiciaires ayant pour objet l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicites de secrets d'affaires, qui permet d'assurer une telle protection tout en respectant les principes fondamentaux de la procédure civile ».

En ce sens, il note que « les mesures contenues dans la proposition de directive pour préserver la confidentialité des secrets d'affaires telles que la restriction de l'accès aux pièces et à l'audience et de la publicité du jugement doivent être respectueuses des principes du contradictoire, des droits de la défense et du droit au recours ».

Dans le prolongement de cette préoccupation, les autorités françaises se sont attachées à préserver très fidèlement, dans le cadre des discussions interinstitutionnelles entre le Parlement européen et le Conseil, l'équilibre rédactionnel des dispositions de l'article 8 de l'orientation générale du Conseil du 26 mai 2014 (devenu article 9 de la directive adoptée).

Il résulte de cette vigilance des autorités françaises et du consensus obtenu au Conseil entre les États membres que les seuls amendements apportés à cet article ont été strictement rédactionnels.

Enfin, la Haute Assemblée faisait également valoir que « pour assurer le respect du principe de la publicité des débats, la proposition de directive ne saurait instaurer une obligation de confidentialité à laquelle l'ensemble des acteurs d'une procédure concernant la protection de secrets d'affaires, c'est-à-dire les parties et leurs représentants, les témoins, les experts et les personnels judiciaires ».

Cette disposition relative à l'obligation de confidentialité qui incombe à l'ensemble des acteurs d'une procédure judiciaire relative à une appropriation illicite d'un secret d'affaires fait partie intégrante de l'article 8 de l'orientation générale du Conseil (article 9 de la directive adoptée). Or, compte tenu de l'objectif politique de préserver l'équilibre général de cet article au cours des discussions interinstitutionnelles entre le Parlement européen et le Conseil en vue de l'obtention d'un accord politique en première lecture, ces dispositions n'ont pu être rouvertes.

Il est néanmoins rappelé que cette obligation de confidentialité, énoncée au premier alinéa de l'article 9, sous 1, est nuancée à l'alinéa suivant qui précise que cette obligation cesse :

- lorsqu'il est constaté qu'au terme de la procédure judiciaire que le secret d'affaires prétendument violé n'en était pas un au sens de la directive ;

- ou lorsque les informations constitutives du secret d'affaires sont devenues, au fil du temps, connues et que, par conséquent, le secret d'affaires en question n'en est plus un.

En conséquence, cette obligation de confidentialité n'est pas ni générale ni absolue et répond de manière proportionnée à la nécessité de préserver la confidentialité des secrets d'affaires au cours des procédures judiciaires relatives à leurs appropriations illicites.

Les autres fiches de suivi ont concerné les résolutions européennes suivantes :

- la résolution n° 78 du 15 mars 2015 (transmission le 24 février 2016) relative à la création d'un PNR européen : cf . le rapport d'information n° 441 (2015-2016) ;

- la résolution n° 84 du 24 mars 2015 (transmission le 1 er février 2016) sur le plan d'investissement pour l'Europe : cf. le rapport d'information n° 441 (2015-2016) ;

- la résolution n° 41 du 20 novembre 2015 (transmission le 1 er mars 2016) sur le paquet « mieux légiférer » : cf . infra ;

- la résolution n° 46 du 7 décembre 2015 (transmission le 12 décembre 2016) sur la mise en oeuvre du plan d'investissement pour l'Europe : cf. infra ;

- la résolution n° 124 du 9 avril 2016 (transmission le 12 décembre 2016) sur la lutte contre le terrorisme : cf. infra ;

- la résolution n° 126 du 12 avril 2016 (transmission le 30 janvier 2017) sur le cristal : cf . infra ;

- la résolution n° 127 du 16 avril 2016 (transmission le 12 décembre 2016) sur la réforme de la loi électorale de l'Union européenne : cf. infra ;

- la résolution n° 128 du 26 avril 2016 (transmission le 12 décembre 2016) sur la réglementation viticole : cf. infra ;

- la résolution n° 130 du 29 avril 2016 (transmission le 12 décembre 2016) sur la réforme de l'espace Schengen et la crise des réfugiés : cf. infra ;

- la résolution n° 159 du 17 juin 2016 (transmission le 12 décembre 2016) sur le volet méditerranéen de la politique de voisinage : cf. infra ;

- la résolution n° 169 du 1 er juillet 2016 (transmission le 12 décembre 2016) sur le détachement des travailleurs : cf. infra ;

- la résolution n° 173 du 8 juillet 2016 (transmission le 12 décembre 2016) sur les négociations interchypriotes : cf. infra .

L'année dernière, votre commission des affaires européennes avait regretté qu'en dépit de la grande qualité des informations apportées par ces fiches de suivi , l'exercice rencontrât deux principales limites :

- d'une part, une transmission de ces fiches par le SGAE trop aléatoire et trop tardive, préjudiciable au suivi des négociations européennes et à un échange prolongé avec le Gouvernement ;

- d'autre part, l'établissement de fiches de suivi uniquement sur des sujets faisant l'objet de projets d'actes de nature législative, ce qui conduit à négliger des questions pourtant essentielles sur lesquelles votre commission s'est prononcée.

C'est pourquoi votre commission ne peut que se féliciter - et remercier le SGAE - de la nette amélioration qu'a connue la procédure cette année . En effet, à l'initiative de votre rapporteur, elle a obtenu du SGAE un élargissement du champ des fiches de suivi des résolutions en y incluant les résolutions ne portant pas sur des actes européens en cours de négociation . C'est ainsi que le SGAE lui a transmis des fiches de suivi de résolutions portant sur des accords internationaux et sur le programme de travail de la Commission européenne, sur le volet méditerranéen de la politique de voisinage et sur les négociations interchypriotes, ou encore sur la réglementation viticole. En revanche, il ne lui a pas transmis de fiche sur les perspectives de la PSDC qui, selon lui, relèvent de la compétence du ministère des affaires étrangères. Cet argument paraît peu convaincant dans la mesure où le SGAE est précisément une administration à vocation interministérielle...

De même, le SGAE a mieux tenu son engagement d'un envoi plus régulier, plus seulement une fois l'accord politique intervenu .

Dans une lettre du 24 mai 2016, le Secrétaire général des affaires européennes a indiqué à votre rapporteur que « la position des autorités françaises sur des résolutions qui ne porteraient pas sur un texte en cours de négociation ne paraît pas [...] s'inscrire dans [le] cadre [des fiches de suivi] » . Il a également appelé l'attention du président de votre commission sur le fait qu' « une réponse plus précoce, en amont de [l'] accord politique, ne pourrait être que partielle et prudente étant donné les évolutions possibles du texte durant les négociations » .

Cette prévention ne semble pas utile, au contraire. C'est précisément parce que votre commission a le souhait de mieux connaître le cours des négociations qu'elle a besoin d'informations régulières du SGAE pour nouer un dialogue pertinent avec le Gouvernement.

Du reste, elle se félicite des « échanges réguliers d'informations sur les actes en cours de négociation à la lumière des préoccupations exprimées par [ses] résolutions », sur lesquels le Secrétaire général prend des engagements. L'audition par votre commission de M. Harlem Désir, secrétaire d'État chargé des affaires européennes, le 26 janvier dernier, spécialement consacrée au suivi des résolutions européennes du Sénat, sous la forme d'un débat interactif, a traduit cet engagement gouvernemental. Votre commission ne peut que souhaiter le renouvellement régulier de cet exercice fort instructif.

3. Les avis politiques

Durant la période qui s'était ouverte suite à la victoire du non aux référendums sur le traité instituant une Constitution pour l'Europe en France et aux Pays-Bas, en 2005, le président de la Commission européenne de l'époque, M. José Manuel Barroso, avait pris une initiative en faveur d'un dialogue direct avec les parlements nationaux centré sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Toutefois, depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1 er décembre 2009, qui met en place un mécanisme spécifique aux questions de subsidiarité, le dialogue direct avec la Commission s'est recentré vers les questions concernant le contenu des documents adressés aux parlements nationaux et a pris, pour cette raison, le nom de « dialogue politique » .

La commission des affaires européennes établit des avis politiques , en principe dans un délai de deux mois , en réaction aux documents qui lui sont adressés par la Commission. Celle-ci doit en principe répondre dans les trois mois .

Du 1 er octobre 2015 au 30 septembre 2016 , la commission des affaires européennes a adressé à la Commission européenne 18 avis politiques , contre 6 sur la même période 2014-2015, soit trois fois plus, sur les sujets suivants :

Texte

Rapporteur(s) de la commission

des affaires européennes

Amélioration de la règlementation (« mieux légiférer »)

MM. Jean Bizet et Simon Sutour

Établissements de crédit

M. Richard Yung

Mise en oeuvre du plan d'investissement pour l'Europe

MM. Jean-Paul Emorine et Didier Marie

Transparence et concurrence dans les transports aériens

MM. Jean Bizet, Éric Bocquet, Claude Kern et Simon Sutour

Règlementation relative à la pêche au bar

M. Jean Bizet

Relations de l'Union européenne avec la Mongolie

M. Jean Bizet

Programme de travail de la Commission européenne pour 2016

MM. Jean Bizet et Simon Sutour

Demandes de réformes de l'Union européenne souhaitées par le Royaume-Uni

Mme Fabienne Keller

Application des règles européennes de concurrence par les autorités nationales (consultation publique)

M. Philippe Bonnecarrère

Industrie du cristal

M. René Danesi

Règlementation viticole

MM. Gérard César et Claude Haut

Marchés d'instruments financiers

MM. Éric Bocquet et Jean-Paul Emorine

Réforme de l'espace Schengen et crise des réfugiés

MM. Jean-Yves Leconte et André Reichardt

Système financier parallèle

M. François Marc

Volet méditerranéen de la politique de voisinage

MM. Louis Nègre et Simon Sutour

Détachement des travailleurs

M. Éric Bocquet

Union européenne et négociations interchypriotes

M. Didier Marie

Achèvement de l'Union bancaire

M. Richard Yung

Jusqu'au 31 décembre 2016 , la commission a adopté 7 autres avis politiques, soit un total de 25 depuis le 1 er octobre 2015 (contre 15 entre le 1 er octobre 2014 et le 11 février 2016) :

Texte

Rapporteur(s) de la commission

des affaires européennes

Protection juridique des variétés végétales

M. Daniel Raoul

Fourniture de services de médias audiovisuels

M. André Gattolin et Mme Colette Mélot

Phase I de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire

Mme Fabienne Keller et M. François Marc

Premier bilan et perspectives du plan d'investissement pour l'Europe

MM. Jean-Paul Emorine et Didier Marie

Réforme d'Europol et coopération policière en Europe

Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Michel Delebarre

Instruments de défense commerciale de l'Union européenne

MM. Philippe Bonnecarrère et Daniel Raoul

Étiquetage et gaspillage des produits alimentaires

Mmes Pascale Gruny et Patricia Schillinger

Sur l'ensemble de ces 25 avis politiques, la Commission a apporté une réponse à chacun des avis adoptés au cours de la session 2015-2016, mais à aucun des avis adoptés postérieurement, soit 18 réponses (contre 9 entre le 1 er octobre 2014 et le 11 février 2016). Il est vrai qu'en respectant parfaitement le délai de trois mois, la Commission n'aurait pu apporter une réponse qu'à un seul autre avis politique, celui sur la protection juridique des variétés végétales.

Le respect du délai de trois mois dont dispose la Commission pour répondre s'est nettement amélioré au cours de la session 2015-2016, alors que le précédent rapport soulignait un délai « moyennement respecté » sur la session 2014-2015. Parmi les 18 réponses reçues, 13 ont été envoyées dans le délai de trois mois, dont 8 dans un délai inférieur, y compris parfois inférieur à deux mois (« mieux légiférer » et révision du détachement des travailleurs) ou égal à deux mois (relations de l'Union européenne avec la Mongolie et achèvement de l'Union bancaire). Sur les 5 réponses adressées après le délai de trois mois, seule 1 l'a été avec beaucoup de retard, sept mois (industrie du cristal). Alors que le précédent rapport avait relevé plusieurs réponses envoyées dans un délai de six mois, le retard le plus fréquemment constaté cette année est d'un mois (soit un délai total de quatre mois).

II. L'INFLUENCE POSITIVE DU SÉNAT AU COURS DES NÉGOCIATIONS SUR LES TEXTES EUROPÉENS

1. Rappel sur les propositions de résolution européenne

L'article 88-4 de la Constitution permet au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, de voter des résolutions sur les textes européens avant qu'ils ne soient adoptés par les institutions européennes et deviennent des directives, des règlements ou des décisions de l'Union.

À cet effet, le Gouvernement doit soumettre au Sénat tous les projets d'acte de l'Union européenne, dès leur transmission au Conseil. Mais le Sénat peut également, de sa propre initiative, et depuis la révision constitutionnelle de 2008, se saisir de « tout document émanant d'une institution de l'Union » , par exemple un rapport, un livre vert ou un document préparatoire.

La commission des affaires européennes est chargée d'examiner systématiquement les projets d'actes de l'Union soumis au Sénat par le Gouvernement, afin de déterminer ceux d'entre eux qui ont un enjeu important et soulèvent des difficultés. Elle peut prendre l'initiative d'une résolution européenne, qui est alors soumise à l'approbation de la commission compétente au fond, ou de la séance plénière du Sénat.

La réserve d'examen parlementaire

Afin de garantir la possibilité de prendre en compte les résolutions des assemblées , des circulaires du Premier ministre ont mis en place une « réserve d'examen parlementaire » .

Ce mécanisme assure au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, un délai de 8 semaines pour manifester sa volonté de se prononcer sur un projet d'acte législatif européen. Lorsqu'une telle volonté s'est clairement manifestée, le Gouvernement doit éviter de prendre une position définitive au Conseil et, si nécessaire, doit proposer un report du vote du Conseil pour que la résolution puisse être prise en compte.

Par une résolution européenne, le Sénat prend position sur un texte à l'intention du Gouvernement , en lui indiquant des objectifs à poursuivre pour la négociation au sein du Conseil.

Mais que fait le Gouvernement des résolutions européennes votées par le Sénat ?

Ce rapport démontre que les résolutions européennes du Sénat ont des conséquences directes sur les négociations qui conduisent à l'élaboration de la législation européenne et donc, du fait de la transposition des directives, sur la législation française.

Comme l'a indiqué le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, M. Harlem Désir, au cours de son audition par votre commission des affaires européennes consacrée au suivi des résolutions européennes du Sénat, le 26 janvier dernier, « de nombreuses idées et propositions formulées par la Haute Assemblée sont prises en compte dans les compromis adoptés par les institutions européennes ».

2. Les suites données aux résolutions européennes du Sénat

Les suites données aux résolutions européennes votées par le Sénat ne sont pas encore nécessairement toutes connues , dès lors que l'état d'avancement des négociations varie d'un dossier à l'autre.

Du reste, les résolutions du Sénat peuvent connaître des suites d'autant plus favorables qu'elles sont mises en avant, voire soutenues par le Gouvernement au cours des négociations au Conseil.

Enfin, les suites données s'apprécient différemment selon le texte de la résolution elle-même qui peut porter sur un sujet plus ou moins circonscrit et sur un projet d'acte de nature législative ou non. Ainsi, certaines résolutions poursuivent un dessein plus politique que technique, par exemple lorsqu'il s'agit de se positionner dans un débat public, et leur portée pratique est alors moins évidente. Il est dès lors logique que l'information sur leur suivi revête une dimension moins opérationnelle.

D'une façon quelque peu schématique, il est possible de classer les résolutions européennes du Sénat en trois catégories quant aux suites qu'elles ont reçues : une prise en compte complète, ou presque complète, une mise en oeuvre partielle et une absence de suites.

a) Le Sénat a été totalement ou très largement suivi dans environ deux tiers des cas

Sur les vingt-deux résolutions européennes analysées dans le présent rapport, quinze , soit 68 %, contre un peu plus de la moitié l'année dernière, ont été prises totalement ou très largement en compte au cours des négociations, voire dans le texte européen définitif.

Les positions défendues par le Sénat ont connu des suites largement positives sur sa résolution portant sur le paquet « mieux légiférer » . En effet, le compromis trouvé sur l'accord interinstitutionnel relatif à l'amélioration de la réglementation répond aux objections formulées par le Sénat.

L'accord interinstitutionnel, formellement adopté en mars 2016, constitue un excellent résultat compte tenu des difficultés relevées en début de négociation et des objectifs que la France s'était fixés. Il prévoit en effet :

- l'association du Conseil à l'élaboration du programme de travail annuel de la Commission de manière équivalente au traitement dont bénéficiait déjà le Parlement européen et un approfondissement de ce dialogue : la Commission mettra à disposition du Conseil et du Parlement européen une lettre d'intention détaillée sur les nouvelles priorités de l'année n+1 et les intentions de retraits d'actes législatifs ;

- le caractère systématique et obligatoire de la consultation des experts des États membres préalablement à l'adoption des actes délégués et le renouvellement de cette consultation en cas de modification matérielle de la proposition initiale. Les experts du Parlement européen participent aux réunions sans toutefois être consultés au même titre que ceux des États membres. L'accord a également prévu la mise en place, d'ici fin 2017, d'un registre des actes délégués ;

- l'amélioration de la qualité des études d'impact des actes législatifs, des actes d'exécution et des actes délégués et des modalités de leur contre-expertise scientifique et politique. Une attention particulière est réservée aux PME, consultées si possible directement. Les avis du comité d'examen de la réglementation seront publiés. Les objectifs de simplification sont énoncés en respectant les points de vigilance traditionnels des autorités françaises.

Par ailleurs, plusieurs intérêts français ont également été sauvegardés tels que : la qualité des études d'impact sans modification des équilibres institutionnels de la procédure législative ordinaire - la Commission souhaitait initialement imposer des études d'impact préalablement au dépôt d'amendements dits « substantiels » et mettre en place un panel interinstitutionnel permettant à chaque institution impliquée dans le processus législatif d'évaluer les études d'impact des deux autres : le texte obtenu se contente de fixer de nouveaux objectifs non contraignants et d'énumérer des bonnes pratiques ; l'invitation faite aux États membres à identifier les éléments qui n'ont aucun rapport avec l'acte législatif transposé dans un souci d'éviter la sur-transposition ; l'absence d'ouverture des groupes de travail du Conseil à des représentants du Parlement européen ; l'absence de concession aux partisans d'une exception à la consultation des experts des États membres lorsque les propositions d'actes délégués émanent des autorités de supervision européennes.

Seul le volet de la résolution relatif au renforcement du dialogue politique entre la Commission et les parlements nationaux, avec l'émergence d'un véritable droit d'initiative, ou « carton vert », n'a pas été relayé dans le compromis. On doit le regretter, mais les débats en ce sens se poursuivent au sein de la COSAC.

Le Sénat a également obtenu satisfaction sur la mise en oeuvre du plan d'investissement pour l'Europe (« plan Juncker »), qui vise à mobiliser 315 milliards d'euros en trois ans, et auquel il accorde une grande attention, ayant adopté trois résolutions sur ce dispositif particulièrement important pour dynamiser l'économie européenne.

Ce plan d'investissement a fait l'objet de trois évaluations récentes en 2016 : le 14 septembre, par la Commission, le 6 octobre, par la Banque européenne d'investissement (BEI), et le 14 novembre, par Ernst & Young, ainsi que d'un avis de la Cour des comptes européenne, le 11 novembre 2016. Ces évaluations sont globalement positives et visent des éléments d'amélioration qui ont été, de façon substantielle, traités dans les propositions de modification du règlement instituant le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) présentées par la Commission le 14 septembre 2016.

Au 15 novembre 2016, au titre du volet « Infrastructures et innovation », 385 opérations avaient été approuvées. Elles couvraient la quasi-totalité des pays de l'Union européenne. L'investissement total engendré devrait avoisiner 154 milliards d'euros, soit 49 % de l'objectif cible, dont 27 milliards approuvés par les instances du groupe BEI. Le secteur de l'énergie représentait 22 % du total des investissements financés par le FEIS, le secteur recherche, développement et innovation 20 %, les technologies numériques 11 %. Les PME représentaient 32 % des investissements. À la fin novembre 2016, la France était le deuxième bénéficiaire en termes de montants de financements approuvés dans le cadre du FEIS, soit 3,6 milliards d'euros pour des projets approuvés par le groupe BEI sur les deux volets du FEIS (« infrastructures et innovations » et « PME »), pouvant conduire à un montant total d'investissements de près de 18 milliards d'euros et à 46 projets.

Le comité d'investissement du FEIS est opérationnel depuis le début de l'année 2016. Le portail européen de projets d'investissements est en ligne depuis le 1 er juin 2016. À la fin novembre 2016, il comptait plus de 130 projets répartis sur 25 États membres, représentant des opportunités de plus de 50 milliards d'euros, à 70 % d'origine privée.

La résolution du Sénat appelait à un renforcement des relations entre la BEI et les banques nationales de développement (Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance en France) dans la mise en oeuvre du plan. Neuf États membres ont annoncé en 2015 leur contribution au « plan Juncker » par l'intermédiaire de leur banque nationale de développement pour un total de 42,6 milliards d'euros, dont la France pour un montant de 8 milliards. Selon la BEI, plus d'un tiers des opérations signées à fin juin 2016 dans le cadre du FEIS impliquaient des co-financements de la part de banques nationales de développement. Plus généralement, la mise en oeuvre du plan a été l'occasion d'un dialogue plus étroit et régulier entre le groupe BEI et les banques nationales de développement. De nouvelles initiatives ont été mises en oeuvre, en particulier le lancement d'une plateforme de capital-investissement, en coopération avec près de 30 institutions, dont Bpifrance. Une autre initiative concerne la titrisation, également avec Bpifrance. La collaboration entre la BEI et les banques nationales de développement se fait au niveau de projets cofinancés, comme à celui des activités de la plateforme européenne de conseil en investissement. Une plateforme de coopération est en cours de création en lien étroit avec les banques nationales de développement.

La résolution du Sénat appelait à la gratuité pour les collectivités territoriales des services de la plateforme européenne de conseil en investissement (EIAH). Elle a obtenu gain de cause sur ce point. Elle insistait sur son rôle auprès des collectivités territoriales et sur l'accompagnement des PME. Cette plateforme a été mise en ligne le 1 er septembre 2016. Pour déployer ses services au niveau national, la BEI et la Commission ont travaillé en étroite collaboration avec les banques nationales de développement, ainsi qu'avec d'autres partenaires internationaux tels que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et la Banque mondiale, pour améliorer la présence au plus près des territoires et fournir un soutien dans les zones actuellement non couvertes par la BEI. En parallèle, celle-ci développe également son réseau de bureaux de représentation locaux. Les collectivités territoriales peuvent faire appel à l'EIAH pour structurer leurs projets. Fin septembre 2016, l'EIAH avait reçu 257 demandes provenant des 28 États membres, dont 50 % du secteur privé et 40 % des secteurs des transports, énergie et télécoms. Il était prévu qu'à la fin 2016, elle emploie une cinquantaine de personnes et fonctionne avec un budget annuel de 26,6 millions d'euros. 26 projets au titre du FEIS avaient bénéficié de l'appui de l'EIAH.

La résolution européenne appelait également l'attention sur l'importance du 3 e pilier du plan d'investissement qui vise à faciliter et promouvoir l'investissement par des évolutions règlementaires adéquates dans les États membres. Ce volet est sans doute le moins documenté, même si les travaux se poursuivent au Conseil, selon quatre axes principaux : performances et barrières nationales à l'investissement, investissement en infrastructures, investissements intangibles et fragmentation des marchés financiers (plan d'action sur l'union des marchés de capitaux en particulier).

Surtout, la résolution du Sénat demandait à ce qu'une place importante soit accordée aux collectivités territoriales dans la mise en oeuvre du plan d'investissement. Les objectifs de cohésion sont intégrés dans les cibles annuelles de la BEI et l'ont été dans le nouveau règlement sur le FEIS. Une augmentation sensible, au cours du second semestre 2016, du nombre de projets approuvés dans les pays de la cohésion et/ou se situant dans des territoires en cohésion de pays plus avancés peut être notée. La Commission souhaite faciliter la combinaison des ressources des fonds structurels et d'investissement européens dans des projets couverts par le FEIS. Un soutien spécifique est déjà possible dans le cadre de l'EIAH et des projets ont déjà été approuvés illustrant la possibilité de combiner ce type de ressources, par exemple pour le projet Troisième révolution industrielle dans les Hauts-de-France. Le Comité des régions de l'Union européenne a été associé aux négociations du règlement ayant institué le FEIS. Il est prévu que les organes de gouvernance du FEIS se réunissent avec le Comité des régions en 2017. En France, le Commissariat général à l'investissement (CGI) est chargé de la cartographie et du recensement des projets, ainsi que d'une partie de leur suivi opérationnel, en lien avec les porteurs de projets et les équipes du bureau français de la BEI. Le CGI dispose d'un rôle de conseil et d'orientation, même s'il ne constitue pas un point de passage obligé pour les projets qui sont présentés. C'est pourquoi les collectivités territoriales sont incitées à solliciter des échanges préalables avec le CGI pour optimiser leur chance de réussite. D'ailleurs, des initiatives ont déjà été mises en oeuvre par les collectivités pour tirer pleinement profit des opportunités offertes dans le cadre du plan d'investissement pour l'Europe, en particulier en France. Au cours de ses visites en région, la BEI rencontre les autorités locales comme le secteur privé et partage les opportunités déjà réalisées dans d'autres collectivités.

Dans un tout autre domaine, celui des possibilités de pêche pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques, le Sénat a obtenu une large satisfaction. Le texte de la Commission visait à réduire de façon drastique les possibilités de pêche au bar . Certes, l'état du stock halieutique justifiait cette proposition car les mesures effectuées par le Conseil international pour l'exploration de la mer révélaient une situation critique et, en 2015, la Commission et le Conseil avaient adopté une série de mesures d'urgence tout à fait justifiées. L'économie générale du texte n'appelait donc pas d'observation. En revanche, le texte de la Commission revêtait un aspect sans doute excessif car il proposait un arrêt total des pêches au bar pendant six mois, une mesure draconienne qui ne tenait compte ni des responsabilités des pêcheries ni du risque qu'elle faisait supporter par une partie des pêcheurs. Le stock de bar a considérablement souffert de l'arrivée de la pêche au chalut, une pêche massive qui s'est accrue de 80 % en dix ans et qui est responsable aujourd'hui de 80 % des pêches professionnelles. Or, la mesure frappait indistinctement la pêche au chalut et les autres pêches, artisanales, notamment la pêche des ligneurs (pratiquée avec des hameçons accrochés à des lignes).

De manière à faire cette distinction, la résolution du Sénat visait à moduler la durée d'interdiction selon les modes de pêche (6 mois pour les chaluts, 3 mois pour les ligneurs) et à relever le pourcentage autorisé des prises accessoires. Lorsque cette question a été débattue au Conseil, en décembre 2015, la proposition de la Commission a été corrigée dans le sens souhaité par la résolution du Sénat, avant même que ce texte ne devienne définitif : la période d'interdiction de pêche a été modulée selon les types de pêche, soit 6 mois pour les chaluts et 2 mois pour les ligneurs, soit un mois de moins que la mesure préconisée par le Sénat. En revanche, le pourcentage des prises accessoires n'a pas été modifié, mais le poids total des captures a été légèrement relevé.

Le Sénat a également obtenu gain de cause sur la question des importations de sucre . À la suite des travaux de sa délégation à l'outre-mer, il a adopté une résolution européenne prenant appui sur une disposition de l'accord de libre-échange conclu en août 2015 entre la Commission européenne et le Vietnam, qui prévoit l'octroi au Vietnam d'un contingent de 20 000 tonnes de sucre, contingent incluant les sucres spéciaux qui constituent une filière vitale pour les régions ultrapériphériques (RUP) françaises.

La résolution incite la Commission à agir sur la nécessaire cohérence entre la politique commerciale européenne, d'une part, et les politiques agricole et de cohésion, d'autre part, notamment pour ce qui concerne les RUP. Leurs spécificités doivent être prises en compte et leurs avantages et leurs handicaps comparatifs valorisés. En particulier, les sucres spéciaux doivent être exclus des futurs accords commerciaux. Le texte demandait aussi l'inflexion de l'équilibre négocié avec le Vietnam pour, au minimum, aboutir à un contingent réduit de 280 tonnes de sucres spéciaux. Il soutenait aussi la prise en compte systématique par la Commission des intérêts spécifiques des RUP dans les négociations commerciales.

Les négociations finales conduites par la Commission, à la demande de la France, avec le Vietnam, ont permis que le texte finalisé de l'accord prévoie un contingent de 400 tonnes de sucres spéciaux dans le cadre du contingent initial de 20 000 tonnes de sucre.

La position exprimée par le Sénat dans sa résolution sur les conséquences du TTIP pour l'agriculture et l'aménagement du territoire a trouvé un écho extrêmement positif auprès du Gouvernement.

La résolution dénonce la situation de l'agriculture française vis-à-vis de ses concurrents nord-américains dans toute une série de domaines : élevage, filière laitière, indications géographiques françaises, règles sanitaires en matière alimentaire, de bien-être animal, de protection de l'environnement et d'occupation de l'espace. Notre agriculture subit en effet le contrecoup d'écarts de compétitivité qui la confrontent à une concurrence inégale. Enfin, la résolution rappelle les principes de transparence et de contrôle démocratique qui doivent présider aux négociations du TTIP. À l'initiative de la commission des affaires européennes, le texte initial de la proposition de résolution a été complété sur différents points : faire valoir les aspects positifs que la conclusion d'un accord équilibré pourrait apporter au secteur agricole français ; rappeler le nécessaire respect de normes sanitaires et phytosanitaires exigeantes ; mentionner explicitement l'importance de la reconnaissance et de la protection des indications géographiques comme intérêt offensif ; préserver les produits classés sensibles de tout traitement particulier de fin de négociation ; faire en sorte qu'au-delà des actions de transparence et d'information initiées par le Gouvernement, la Commission obtienne du partenaire américain une ouverture et une transparence comparables à celles dont celui-ci bénéficie de la part de l'Union européenne.

Au cours du débat en séance publique, durant lequel la proposition de résolution a été adoptée par le Sénat, le 4 février 2016, M. Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, a notamment déclaré : « Réciprocité, défense de nos préférences collectives, attention portée aux secteurs sensibles et à l'ensemble des secteurs de l'agriculture française, ambition et détermination dans la levée des obstacles au commerce avec les États-Unis - en particulier l'accès au marché : voilà quelques-uns des piliers de la position de la France en matière agricole. Ils correspondent totalement, je crois, à l'esprit de la proposition de résolution européenne qui est soumise aujourd'hui à votre appréciation et dont le Gouvernement partage tant l'esprit que la lettre ».

Depuis l'adoption de cette résolution, les négociations sur le TTIP, difficiles, ont été de facto suspendues. Pour autant la « jurisprudence » née de la finalisation, en octobre 2016, de l'accord de libre-échange UE-Canada (AECG) sur ces mêmes sujets doit être valorisée.

L'AECG a en effet finalement été signé le 27 octobre 2016, complété par une déclaration interprétative conjointe de l'Union européenne et du Canada et par de nombreuses déclarations émanant soit d'États membres, soit de la Commission et du Conseil.

Plus particulièrement, trois déclarations - deux de la Commission et une du Conseil - concernent le volet agricole de l'accord et répondent à certaines des interrogations soulevées par les auteurs de la proposition de résolution initiale. Les deux premières confirment qu' « aucune disposition de l'accord [...] n'affectera la législation de l'Union européenne relative à la viande traitée aux hormones » ou celle concernant « l'analyse des risques et l'autorisation, l'étiquetage et la traçabilité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux génétiquement modifiés » . Il en va de même pour ce qui est des « produits génétiquement modifiés destinés aux cultures » . La déclaration du Conseil, pour sa part, rappelle que l'Union européenne garde sa « capacité à utiliser tous les instruments de sauvegarde nécessaires pour protéger pleinement tout produit agricole sensible » . Par ailleurs, en cas de déséquilibre de marché « pour un produit agricole, quel que soit le secteur » , la Commission s'engage aussitôt à prendre les mesures pour rétablir l'équilibre du marché. Ces engagements solennels - qui reprennent pour l'essentiel des dispositions déjà contenues dans l'accord lui-même - devront constituer la référence de base à tout accord conclu, sur ce secteur agricole, dans le cadre des négociations transatlantiques.

Sur l' application des règles européennes de concurrence par les autorités nationales , le Sénat avait adopté une résolution intervenant très en amont de la procédure, puisque la consultation publique de la Commission n'était pas encore achevée. Cette démarche avait précisément pour objectif de connaître les intentions gouvernementales sur ce sujet important et, dans la mesure du possible, de les orienter. Compte tenu de cette spécificité, le Gouvernement n'a pas transmis de fiche de suivi sur ce dossier qui n'a pas encore donné lieu à une proposition législative de la Commission, mais a communiqué à votre commission la réponse qu'il a apportée, le 10 mars 2016, à cette consultation publique. Sur cette question, dont les conséquences sont cruciales pour la compétitivité de l'économie européenne et la réindustrialisation de notre continent, le Sénat et le Gouvernement se retrouvent sur plusieurs aspects.

Ils partagent notamment le constat selon lequel les autorités nationales de concurrence jouent un rôle clé dans l'application des règles de concurrence de l'Union européenne aux côtés de la Commission et que de fait, elles doivent disposer des moyens et des instruments qui permettent une réelle mise en oeuvre du droit de la concurrence. La France dispose certes d'une cadre institutionnel de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles nationales et communautaires efficace, mais ce n'est pas le cas partout en Europe : certaines autorités nationales de concurrence peuvent être confrontées à des difficultés liées à leurs pouvoirs d'enquête, à leur capacité à infliger des amendes dissuasives ou à des questions de ressources et de personnel nécessaires à leur autonomie et leur indépendance. Le fait que ces disparités demeurent peut nuire à l'efficacité du droit européen de la concurrence et est source d'inégalité de traitement entre les entreprises. Surtout, le Gouvernement, dans sa contribution à la consultation publique, insistait « sur le fait que, quelle que soit l'action entreprise, celle-ci doit être menée dans le respect de l'autonomie institutionnelle et procédurale et des traditions juridiques de chaque État membre et ne doit pas conduire à remettre en cause les méthodes de fonctionnement des systèmes qui ont fait la preuve de leur efficacité ». Il s'agit de la même position que celle du Sénat sur la préservation de l'autonomie procédurale des autorités nationales de concurrence. De cette contribution, qui présente la situation française et celle de l'Autorité de la concurrence en particulier, à travers trois aspects - les ressources et l'indépendance ; les outils disponibles pour mettre en oeuvre le droit de la concurrence ; le système national de sanctions -, il ressort que le Gouvernement partage les positions du Sénat sur ces différentes questions. Tout juste peut-on relever que, sur le réseau européen de la concurrence, le Sénat va plus loin car, s'il salue le rôle de ce dernier dans l'harmonisation de l'application du droit européen de la concurrence, il « rappelle que ce réseau n'a pas vocation à créer des normes juridiques nouvelles et insiste sur la nécessité de rendre son fonctionnement plus transparent », sujets que le Gouvernement n'aborde pas.

Toutefois, lors de son audition sur le suivi des résolutions européennes, M. Harlem Désir a été amené à apporter d'utiles précisions sur la question du marché pertinent : « Les entreprises des télécommunications ont fait remarquer que, aux États-Unis et en Chine, dont les marchés sont comparables au marché européen par la taille, il y a trois ou quatre opérateurs, quand, malgré les concentrations, il y en a vingt ou vingt-cinq en Europe, du fait du morcellement historique du marché. Or la compétition est internationale. Ce qui est vrai dans ce domaine l'est aussi dans de nombreux autres. La question se pose donc : comment la politique de concurrence peut-elle ne pas empêcher l'émergence de champions européens, et comment pouvons-nous, au contraire, encourager des rapprochements industriels sur le modèle d'Airbus dans des domaines décisifs pour l'avenir, comme l'énergie ? Il faudrait sans doute que l'Europe se dote d'une grande entreprise capable de fabriquer des batteries électriques. De même, dans le domaine des transports ferroviaires, nous savons que la question se pose d'un rapprochement entre Alstom et Siemens. Si l'on empêche les entreprises européennes de nouer les alliances industrielles nécessaires, certaines sont, en définitive, absorbées par des entreprises non européennes, ce qui peut conduire au départ de centres de décision ou d'innovation et à des pertes d'emplois. Cette préoccupation est partagée par certains États membres, notamment l'Allemagne. J'ai été frappé, au cours des derniers mois, de voir l'évolution de l'état d'esprit sur ce sujet. Il faut maintenant que les institutions, à commencer par la Commission européenne et sa direction générale de la concurrence, fassent évoluer leur doctrine. [...] Toujours est-il que les entreprises européennes opèrent sur un marché mondial. D'où la nécessité de la réflexion sur le marché pertinent et sur la doctrine qui peut permettre à nos entreprises de faire face à leurs concurrents sur le marché mondial ». [...] Aujourd'hui, la question concerne essentiellement la doctrine de la Commission européenne, ou, pour le dire autrement, la manière dont elle apprécie les risques en faisant application des principes de concurrence ». Cette analyse est très proche de celle de votre commission des affaires européennes.

La résolution du Sénat sur le cristal , mettant en avant l'absence de tout risque de pollution par le plomb même dans l'hypothèse hautement improbable où de grandes quantités de lustres en cristal seraient mises en décharge, demandait la prorogation de l'exemption figurant à l'annexe III de la directive 2011/65/UE limitant l'utilisation de certaines substances dans les équipements électriques ou électroniques. Sur ce sujet, la consultation publique s'est terminée le 22 décembre 2016 et la Commission n'a pas encore fait de proposition. Dans cette attente, l'exemption est prorogée. Toutefois, l'expert mandaté par la Commission aurait publié ses conclusions l'été dernier. Selon les informations communiquées à votre commission, ces conclusions iraient dans le sens de la reconduction de l'exemption, ce qui donnerait satisfaction au Sénat.

Sur la réforme de la loi électorale de l'Union européenne , la résolution européenne, qui portait sur une résolution du Parlement européen, comportait un certain nombre de critiques, largement relayées par le Gouvernement.

Le Sénat partageait l'ambition du Parlement européen de moderniser le scrutin européen pour le rendre plus visible. Il souhaitait que le scrutin fasse suite à de réels débats sur les orientations politiques qui doivent être données à l'Union européenne et favorise l'expression du pluralisme politique. Sa résolution relève cependant que les solutions proposées par le Parlement européen ne sont pas adaptées. Il en va ainsi du projet de circonscription commune tel que contenu dans la proposition. Il apparaît peu explicite, contraire aux traités et à certaines traditions nationales et difficile à mettre en oeuvre compte tenu des décalages entre partis nationaux et formations politiques européennes. Il risque ainsi d'établir une distinction injustifiée entre parlementaires européens élus en son sein et ceux issus des autres circonscriptions. Il risque de surcroît d'institutionnaliser la procédure de désignation des candidats à la présidence - les Spitzenkandidaten - de la Commission, ce qui apparaît contraire aux traités. En outre, la résolution européenne conteste que la mise en place des règles d'incompatibilité entre le mandat des élus d'assemblées ou de parlements régionaux dotés de pouvoirs législatifs et celui de député européen soit abandonnée, les élus d'assemblées ou de parlements des régions ultrapériphériques et des pays et territoires d'outre-mer dotés de pouvoirs législatifs devant continuer à être représentés au sein du Parlement européen. Le Sénat note par ailleurs que l'harmonisation du droit électoral souhaitée par le Parlement européen ne concerne pas le volet du financement.

Au-delà de ces réserves, la résolution européenne appuie la mise en oeuvre d'un système d'échange d'informations entre les États membres au sujet des électeurs dès lors qu'il est simple d'utilisation et garantit la protection des données personnelles. Elle fait valoir que si l'utilisation de ce fichier doit conduire à la perte d'un droit de vote, des voies de recours doivent être prévues. Enfin, le Sénat souhaite la mise en place d'une circonscription commune pour les citoyens de l'Union résidant dans les pays tiers afin d'assurer à ceux-ci, de manière systématique et égale, le droit à une représentation au Parlement européen.

Le Gouvernement considère, comme le Sénat, que la mise en oeuvre d'une circonscription unique et de listes transnationales semble complexe à réaliser et qu'elle viendrait institutionnaliser la procédure des Spitzenkandidaten , rompant ainsi avec l'équilibre des traités. Les autorités françaises ont donc émis un avis défavorable au Conseil sur cette mesure, qui, à ce stade, ne fait plus partie des mesures susceptibles d'être reprises. Le Gouvernement a également soutenu la position du Sénat dans le cadre des travaux au Conseil en ce qui concerne la création de nouvelles incompatibilités. Une telle disposition, qui vise les membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, ne fait plus partie des mesures susceptibles d'être reprises par le Conseil. Comme le Sénat, le Gouvernement s'oppose à l'intégration dans le droit européen d'éléments relevant de la pratique politique, à l'instar de la procédure de sélection des candidats ou du droit national, ainsi que la date d'établissement des listes. La date d'établissement des listes d'électeurs ne fait plus aujourd'hui partie des mesures susceptibles d'être reprises par le Conseil. Concernant le dépôt des candidatures, le projet de rédaction de la Présidence slovaque prévoit désormais qu'il doit se faire au plus tard 4 semaines avant le début de la période électorale et non plus 12 semaines, comme le proposait le Parlement européen. Les autorités françaises n'ont, dans ces conditions, plus d'objection à cette mesure. Comme le Sénat, les autorités françaises soutiennent la mise en place d'un système d'information sur les données relatives aux électeurs et aux candidats. En France, l'autorité compétente serait l'INSEE et celle compétente pour les données relatives aux candidats serait le ministère de l'Intérieur.

En revanche, pour le Gouvernement, la mise en oeuvre d'une circonscription commune, même réservée pour les citoyens de l'Union résidant dans les pays tiers, semble complexe à réaliser. Il appuie cependant le projet de rédaction de la Présidence slovaque visant à imposer à chaque État membre de permettre à ses ressortissants résidant dans un pays tiers de voter aux élections européennes.

Sur la réglementation viticole , le Sénat est intervenu très en amont.

Pour mémoire, l'architecture de la réglementation applicable en cette matière a d'abord pris la forme, en 2008, d'une organisation commune du marché du vin spécifique (« OCM vins ») qui a été intégrée l'année suivante, à droits constants, dans l'« OCM unique ». Pour autant, ces dispositions, toujours en vigueur, n'ont pas encore été réécrites en suivant les nouvelles procédures du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. L'éventualité du recours à des actes dérivés pour cette procédure est de nature à provoquer des inquiétudes quant à la préservation des normes de commercialisation, principalement l'étiquetage, les appellations d'origine protégée (AOP), ainsi que les indications géographiques protégées (IGP), autant de questions particulièrement sensibles pour les professionnels. Ces inquiétudes s'inscrivent d'ailleurs dans un contexte défavorable, lié à l'échec de la récente tentative de la Commission visant à déréguler le secteur viticole. À la suite d'une mobilisation de seize États membres, dont la France, et à laquelle le Sénat avait participé, la Commission européenne s'était trouvée politiquement dans l'obligation, en 2012, de renoncer à une réforme de grande ampleur du secteur, dont les modalités avaient été arrêtées en 2009. En résumé, le régime dit des « droits de plantation » qui devait s'appliquer a été finalement remplacé par celui - plus restrictif - des « autorisations de plantation ». Ce dernier, entré en vigueur le 1 er janvier 2016, a ramené le rythme de progression annuel des plantations nouvelles à 1 % de la surface nationale déjà plantée.

La résolution du Sénat a consisté à formuler cinq « lignes rouges », en demandant que : « Le processus engagé par la Commission européenne, sous couvert de simplification, ne disperse pas les dispositions applicables au secteur vitivinicole dans divers textes européens » ; « les dispositions relatives à l'étiquetage, les mentions traditionnelles et les indications géographiques continuent à être réunies dans un seul texte » ; « le maintien des outils de segmentation du marché permettant la distinction stricte entre des vins bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée et des vins sans indication géographique » ; « les outils de valorisation des indications géographiques, notamment par le biais des règles d'utilisation des mentions traditionnelles [...] nécessaires au rayonnement du secteur viticole » soient mis en valeur ; tandis que devrait être maintenue « l'interdiction, pour des vins sans indication géographique, d'indiquer une origine géographique plus petite que celle de l'État membre. »

Cette démarche avait été initiée à la suite de la révélation de l'existence d'un document de travail ( non paper ) faisant état de travaux préparatoires, mais non signé et n'engageant pas formellement la Commission. En définitive, le Sénat a souhaité agir, en quelque sorte de façon préventive, en veillant à ce que les actes délégués ou des actes d'exécution de la Commission ne remettent pas en cause la cohérence d'ensemble de la réglementation viticole.

En pratique, la résolution du Sénat a d'abord eu pour effet de provoquer un gel de toutes les discussions sur ce dossier, jusqu'à la fin de l'année 2016. Pour autant, les échanges ont repris très récemment, dans le courant du mois de décembre 2016. En effet, la Commission a lancé une consultation, toujours en cours, portant sur deux projets, un acte délégué et un règlement d'exécution, relatifs aux AOP, aux IGP, aux mentions traditionnelles à l'étiquetage et à la présentation de certains produits du secteur viticole.

La Commission devrait être en mesure de proposer de nouveaux projets de textes au cours du premier trimestre 2017. Mais, d'ores et déjà, dans leurs contacts avec les services de la Commission, les autorités françaises se sont prévalues de la position du Sénat. Ainsi, elles souhaitent que les projets de textes envisagés ne dispersent pas les dispositions applicables au secteur vitivinicole, tout particulièrement les dispositions relatives aux AOP, IGP et mentions traditionnelles, dans différents textes. De plus, elles demandent le statu quo en ce qui concerne les outils de segmentation du marché permettant de distinguer entre AOP/IGP, d'une part, et vins sans appellation, d'autre part, notamment le maintien de l'interdiction d'indiquer une origine géographique plus petite que celle de l'État membre pour les vins sans AOP ou IGP. Enfin, les autorités françaises estiment que les outils de valorisation des indications géographiques, tels qu'ils figurent dans le règlement (UE) n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles, sont essentiels au secteur vitivinicole.

La résolution européenne du Sénat sur la réforme de l'espace Schengen et la crise des réfugiés insistait sur l'équilibre à atteindre entre la responsabilité de chaque État membre pour la surveillance de sa partie de frontières extérieures et le maintien du système Dublin fondé sur la responsabilité de l'État de première entrée. Elle a aussi voulu faire admettre que la surveillance des frontières extérieures de l'espace Schengen était une compétence commune.

S'agissant du contrôle des frontières extérieures, la résolution demandait que les compétences de Frontex soient renforcées pour permettre à cette agence d'accéder au système d'information Schengen (SIS). Elle apportait son soutien à la proposition de règlement relative au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, ainsi qu'à la proposition de règlement modifiant le règlement n° 562/2006 en ce qui concerne le renforcement des vérifications dans les bases de données pertinentes aux frontières extérieures. Le Sénat souhaitait la mise en place d'un contrôle systématique et biométrique de toutes les entrées et sorties de l'espace Schengen, accompagné d'un enregistrement pour les ressortissants des pays tiers. Enfin, sur le droit d'asile, la résolution du Sénat appelait de ses voeux une réflexion sur l'harmonisation des jurisprudences des structures nationales chargées du traitement individuel des demandes d'asile et, partant, sur la définition d'une véritable politique européenne de l'asile. Elle émettait aussi l'avis qu'une solution pérenne pourrait résider dans la création, aux principaux points d'arrivée des migrants, de structures relevant de l'Union européenne pour l'hébergement, l'enregistrement, l'identification et l'orientation des migrants, en relevant que cette orientation pourrait s'articuler autour des principes posés par le règlement Dublin, mais aussi des programmes de relocalisation ou de réinstallation décidés par l'Union européenne.

Sur ces différents points, au coeur de l'actualité de l'Union européenne affectée par une crise migratoire sans précédent, un certain nombre d'avancées significatives ont été obtenues, qui répondent, pour partie, aux attentes exprimées par le Sénat dans sa résolution. Ces attentes ont été largement prises en compte au cours des négociations sur les différents textes et initiatives afférant à la réforme de l'espace Schengen et à la crise des réfugiés.

Sur la réforme de l'espace Schengen, les autorités françaises, considérant, comme le Sénat, que la maîtrise des frontières extérieures et des flux migratoires est indispensable à la préservation de la libre circulation, ont soutenu la mise en place d'un corps européen de garde-frontières passant par le renforcement du rôle et des opérations de Frontex et appelé à ce que les capacités de l'agence soient mises à l'épreuve dès que possible, à l'occasion d'un « test grandeur nature ». Elles ont soutenu la mise en oeuvre la plus rapide possible des différents systèmes d'information (SES, ETIAS). Pour la modification proposée du code frontières Schengen destinée à mettre en place des contrôles systématiques aux frontières extérieures, et afin de pouvoir appliquer au plus vite ces contrôles systématiques à tous les voyageurs, la Présidence s'est vu octroyer un mandat sur le champ des bases de données consultables et la durée de la période transitoire aux frontières aériennes sur une base maximale de 24 mois (6 + 18 mois au plus). La France a obtenu satisfaction sur la majorité des points sensibles, notamment pour ce qui concerne la consultation des bases de données nationales et européennes et les bases de données d'Interpol.

Au cours de son audition, M. Harlem Désir a apporté les précisions suivantes : « La déclaration UE-Turquie de mars dernier et la fermeture de la route des Balkans ont permis une réduction massive des flux migratoires en Méditerranée orientale, et donc des naufrages aux large des îles grecques. C'est pourquoi nous devons continuer dans cette voie, en restant vigilants, car d'une semaine à l'autre les variations des flux peuvent être considérables. [...] Nous avons obtenu une extension du mandat de l'opération EUNAVFOR MED Sophia, qui comprend désormais la lutte contre le trafic des armes au large de la Libye, car il est organisé par les mêmes passeurs, et la formation des garde-côtes libyens. Nous sommes en discussions avec nos partenaires libyens pour que cette formation soit aussi rapide que possible. Ainsi, les eaux territoriales libyennes seront mieux contrôlées. [Pour l'instant, les navires de l'opération Sophia] ne peuvent opérer que dans les eaux internationales. La formation des garde-côtes libyens doit remédier à cette lacune. Pour que nos navires puissent intervenir, il faudrait un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, ou bien un accord avec le Gouvernement libyen. Mais nous n'avons pas, pour l'instant, d'interlocuteur régalien suffisamment stable ou reconnu. Un processus politique soutenu par la France et les Nations unies, qui comporte un accord avec le général Haftar, devrait cependant aboutir à ce qu'un Gouvernement d'union nationale contrôle mieux le pays. Il nous faut aussi agir sur les causes profondes des migrations. Notre conviction est qu'une politique de développement et de partenariat avec les pays d'origine est nécessaire pour réduire durablement les migrations vers l'Europe. Un travail a ainsi été engagé pour la mise en oeuvre de cadres de partenariats avec cinq pays d'Afrique. La Haute Représentante a rendu compte lors du dernier Conseil européen des avancées, notamment avec le Mali et le Niger, qui sont des points de passage essentiels vers la Libye ».

Sur le droit d'asile, le Gouvernement, comme le Sénat, a salué les dispositions qui visent à mettre en oeuvre un régime d'asile européen commun efficace, à rendre les procédures plus rapides et efficaces ainsi qu'à réduire les mouvements secondaires. La France veille néanmoins à ce que soient prises en compte les spécificités nationales, notamment l'organisation administrative et judiciaire, aspect auquel le Sénat avait, lui aussi, accordé la plus grande importance. Les autorités françaises ont appuyé la facilitation de l'accès des services répressifs à la base de données EURODAC pour pouvoir effectuer les comparaisons d'empreintes. Elles ont aussi demandé une clarification des compétences respectives de la Commission et d'EASO, estimant que le rôle à confier à EASO en matière de contrôle et d'évaluation des systèmes nationaux d'asile ne devrait pas empiéter sur le rôle institutionnel de la Commission, ni affaiblir la relation de confiance que l'EASO a su construire jusqu'à présent avec les États membres, en assumant un rôle de soutien essentiellement. Sur le règlement de Dublin, les autorités françaises ont rappelé que la réforme du régime de l'asile ne se réduit pas à la question du partage et de la solidarité : les propositions visant à rendre les procédures plus rapides et efficaces ainsi qu'à réduire les mouvements secondaires sont aussi essentielles. S'il est clair qu'un mécanisme de solidarité plus efficace doit faire partie de cette réforme, celui qui est proposé par la Commission présente cependant des faiblesses rédhibitoires : par son automaticité, il est de nature à déresponsabiliser les États de première entrée ; sans aucune limite, il expose les autres États membres à supporter un effort sans capacité de maîtrise. Par ailleurs, les autorités françaises ont considéré que la réinstallation devait pouvoir continuer à se faire sur la base du volontariat, selon des objectifs et des modalités fixés au plan national, et qu'il est important de préserver le rôle central du HCR dans la procédure. Enfin, sur les règlements « procédure », « qualifications » et directive « accueil » qu'il convient de réviser compte tenu de la crise récente et de la nécessité de trouver des solutions pérennes, la France est réservée sur le choix d'une refonte dans le cadre de règlements, les États membres devant disposer de marges de manoeuvres suffisantes pour adapter les exigences de ces textes aux traditions nationales et aux particularités des organisations judiciaires et administratives internes. Plus spécifiquement sur la directive accueil, la France émet de fortes réserves sur la volonté de permettre l'accès des marchés du travail nationaux aux demandeurs d'asile dans le délai de six mois et sans opposabilité de la situation de l'emploi, une telle mesure ne pouvant que favoriser les mouvements secondaires. Elle continue de demander avec insistance l'adoption et la mise en oeuvre d'une procédure d'asile à la frontière obligatoire dans tous les États membres afin d'assurer l'efficacité des procédures, notamment par le fait d'écarter les demandes d'asile étrangères à un besoin réel de protection.

Enfin, il convient de signaler, pour le regretter, qu'aucune suite n'a été donnée à la proposition du Sénat de réfléchir à la mise en place de structures européennes aux principaux points d'arrivée des migrants.

La résolution européenne du Sénat apportait son soutien à la révision de la politique de voisinage de l'Union européenne telle qu'annoncée par le Conseil, le 14 décembre 2015, en particulier en ce qui concerne son volet méditerranéen . Le texte insistait sur une coopération plus pragmatique et stratégique, le Sénat partageant la volonté de l'Union européenne de promouvoir la stabilité à ses frontières. Il s'agit d'élaborer une approche plus flexible et différenciée à l'égard de chacun des partenaires méditerranéens de l'Union européenne. La résolution insistait sur la nécessité de préserver la répartition actuelle des crédits de la politique de voisinage : un tiers pour les pays du Partenariat oriental et deux tiers pour les pays de la rive Sud de la Méditerrané, compte tenu de l'importance des défis auxquels sont confrontées les deux rives de la Méditerranée (lutte contre la radicalisation, prévention du terrorisme et régulation des migrations). Au plan institutionnel, le Sénat juge que cette révision passe par une valorisation de l'Union pour la Méditerranée, tant en matière économique que dans le domaine politique ou éducatif, et une rationalisation du paysage institutionnel euro-méditerranéen, marqué par un trop grand nombre d'organes aux compétences similaires. Il estime également nécessaire de s'appuyer sur les organisations régionales de la rive Sud à l'image de l'Union du Maghreb arabe ou de l'accord d'Agadir. Il convient également de promouvoir des coopérations sous-régionales telles que le dialogue en Méditerranée occidentale, dit « dialogue 5+5 », qu'il convient désormais d'élargir à la Grèce et à l'Égypte.

S'agissant de cette dernière, la résolution européenne estimait que les relations entre l'Union européenne et l'Égypte devaient entrer dans une nouvelle phase permettant le développement de coopérations politiques, économiques et éducatives prenant mieux en compte les spécificités de ce pays, tout en permettant à l'Union européenne de faire respecter ses intérêts, mais aussi de promouvoir ses valeurs. Le texte jugeait indispensable, à cet effet, l'adoption de nouvelles priorités de partenariat par le Conseil et le déblocage des crédits gelés à destination de l'Égypte.

Le Gouvernement a rappelé la proximité de la position des autorités françaises et du Sénat sur cette la révision du volet méditerranéen de la politique de voisinage : réaffirmation de l'objectif de stabilisation du voisinage immédiat de l'Union européenne, préservation de l'unicité de la politique de voisinage mais plus grande différenciation, meilleure appropriation, reprise de certains secteurs de coopération prioritaires à l'instar de la sécurité, la croissance, l'emploi des jeunes et les questions énergétiques, visibilité et communication plus dynamique, référence à l'Union pour la Méditerranée et association des « voisins des voisins ». Lors de son audition, le secrétaire d'État chargé des affaires européennes a d'ailleurs rappelé que la politique européenne de voisinage « a été revue et adaptée à la nécessité de répondre aux causes profondes de l'instabilité, par la prise en compte des besoins de nos partenaires. Les piliers identifiés sont le développement économique et la création d'emplois, la coopération énergétique, la sécurité, les migrations ».

Sur les relations entre l'Union européenne et l'Égypte, le Gouvernement juge, comme le Sénat, qu'elles doivent entrer dans une nouvelle phase. L'Égypte reste un partenaire-clef, notamment pour la lutte contre le terrorisme et les migrations irrégulières. L'adoption de nouvelles priorités de partenariat doit être rapide afin de ne pas risquer un ralentissement durable de la relation entre l'Union européenne et l'Égypte. Une attention particulière doit cependant être portée à la situation des droits de l'Homme dans ce pays. Par ailleurs, le Gouvernement rappelle que l'Égypte est, après le Maroc, le deuxième bénéficiaire de l'Instrument européen de voisinage, au bénéfice, essentiellement, de programmes socio-économiques et environnementaux.

Sur cette question des relations entre l'Union européenne et l'Égypte, M. Harlem Désir a apporté les précisions suivantes au cours de son audition : « Nous avons soutenu la relance de la relation Union européenne-Égypte, qui se traduira, dans les prochaines semaines, par l'adoption de priorités de partenariat. Trois priorités, politique internationale, développement socio-économique, lutte contre le terrorisme dans le respect de l'État de droit, ont été conjointement identifiées par les institutions européennes et les autorités égyptiennes. Elles doivent permettre l'approfondissement de cette relation sur une base renouvelée. L'Égypte est un partenaire essentiel, notamment en matière de stabilité de la région et de lutte contre les migrations irrégulières. Nous voulons en même temps ouvrir un dialogue ouvert mais ferme sur les droits de l'homme. La relance de cette coopération est une bonne chose : après le printemps arabe, le dialogue entre l'Union européenne et l'Égypte a connu une période d'interruption. Cette situation n'était pas viable ! L'Égypte est le plus grand pays arabe, l'un des plus grands pays méditerranéens, le plus peuplé pour longtemps encore, un pôle de stabilité, même s'il connaît des problèmes internes très importants ».

Enfin, sur le possible déménagement envisagé du siège de l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée de La Valette à Marseille, le secrétaire d'État a indiqué que « la France est évidemment prête à prendre toutes les dispositions nécessaires pour qu'elle puisse, si elle le souhaite, s'établir à Marseille ».

Les actes terroristes qui avaient frappé la France avaient déjà incité celle-ci à recourir à la clause de défense mutuelle du traité de Lisbonne. La résolution européenne du Sénat relative aux perspectives de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) , en s'appuyant sur la stratégie européenne pour l'action extérieure alors en préparation, en relevait les principaux enjeux : prendre en compte le lien désormais étroit entre sécurité intérieure et extérieure ; donner aux opérations PSDC l'assise financière européenne dont elles ont besoin en réformant le mécanisme Athena ; donner corps à la nécessaire impulsion politique de défense et de sécurité européenne en instituant le Conseil européen de sécurité ; faciliter les investissements sur ressources européennes en matière de recherche et de défense et de technologies militaires ; valoriser les dispositions juridiques prévues par le traité de Lisbonne en faveur d'une défense européenne plus autonome et efficace, en particulier la coopération structurée permanente.

L'essentiel de ces propositions a été pris en compte par la Commission et le Conseil lors des différentes étapes qui ont marqué le second semestre 2016. La proposition franco-allemande de septembre notamment, enfin le Conseil européen de décembre 2016, ont décidé de donner à une politique de sécurité et de défense commune renforcée les moyens d'ambitions européennes mieux adaptées au nouveau contexte stratégique, en attendant leur concrétisation au cours de l'année 2017. Les orientations fixées par la résolution européenne ont donc été largement reprises.

Au cours de son audition, M. Harlem Désir a précisé que « le Conseil européen de décembre dernier et le plan européen de défense présenté par la Commission fin 2016 reprennent beaucoup des propositions avancées par le Sénat, qu'il s'agisse de la prise en compte des dépenses de défense dans le cadre du pacte de stabilité, de l'amélioration des opérations extérieures ou du soutien à l'industrie de défense. L'idée de coopération structurée permanente, qui permet, aux termes des traités, à un tiers des États membres de progresser de leur côté, a été évoquée par le Président de la République comme un recours potentiel en cas de blocage, si certains États membres ne voulaient pas avancer sur cet agenda de renforcement de l'Europe de la défense. Pour l'instant, il n'y a pas eu de blocage, et nous essayons d'avancer tous ensemble. Il faut maintenant que nous mettions en oeuvre les décisions prises en décembre, et des rapports seront prochainement rendus tant par le service européen d'action extérieure que par la Commission. Le semestre européen de défense a été repris sous la nouvelle appellation de revue permanente des besoins en termes de capacité et de coopération ; il doit permettre aux ministres de la défense de voir si chaque État membre remplit ses obligations en termes d'investissement - pour les États par ailleurs membres de l'OTAN, l'objectif a été fixé à 2 % du PIB consacré à la défense -, d'interopérabilité et de mise en place d'un centre de coordination et de planification, qui, sans doubler celui de l'OTAN, devra être propre aux membres de l'Union européenne ».

Sur les négociations interchypriotes en vue de la réunification de l'île, qui avaient connu un ralentissement sensible ces derniers temps au point d'être interrompues le 21 novembre 2016, le Sénat avait exprimé, dans sa résolution européenne, son soutien à ce processus de négociations et au rôle de la Commission pour contribuer au développement économique du Nord de l'île. Il souhaitait qu'elle forme les représentants de l'administration du Nord afin de faciliter l'intégration de cette région au sein de l'Union européenne, ce qui n'est toutefois pas encore effectif. Le texte insistait sur une application intégrale de l'acquis règlementaire européen au Nord de l'île, d'éventuelles dérogations ne pouvant être que temporaires et limitées. Le futur accord devra ainsi respecter les libertés reconnues par les traités européens, qu'il s'agisse de la liberté de circulation des personnes, de celle des biens, de la libre installation et de la libre prestation de services. Le Sénat estimait que des moyens devront être dégagés par les institutions financières internationales et l'Union européenne afin de créer un effet de levier destiné à accélérer le règlement de la question des transferts de propriétés des personnes déplacées. Sur le rôle de la Turquie dans les négociations interchypriotes, la résolution sénatoriale émettait des réserves sur le Traité de garantie de 1960, dont Ankara est partie, en considérant qu'une puissance occupante ne saurait continuer à être le garant de la sécurité d'une communauté présente sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne. La résolution appelait, par ailleurs, la Turquie à appliquer pleinement le protocole additionnel à l'accord d'Ankara établissant une association entre la Communauté économique européenne et la République de Turquie à la suite de l'élargissement de l'Union européenne et à reconnaître ainsi la République de Chypre. Enfin, le Sénat jugeait que l'accélération des négociations entre l'Union européenne et la Turquie sur la libéralisation des visas et l'adhésion ne devait pas avoir d'impact sur le résultat des négociations interchypriotes.

Sur ce sujet politiquement sensible, qui touche à l'intégrité territoriale de l'un des États membres, avec, en toile de fond, l'avenir des relations euro-turques, le Sénat a également été très largement suivi. En effet, le Gouvernement a indiqué à votre commission des affaires européennes appuyer les objectifs du Sénat : prise en compte de l'acquis communautaire, avec des dérogations limitées, justifiées et temporaires, préservation des négociations interchypriotes par rapport aux discussions entre l'Union européenne et la Turquie sur la libéralisation des visas et le processus d'adhésion et demande d'application intégrale par la Turquie du protocole additionnel d'Ankara. Il a également insisté sur la déclaration du premier Sommet des pays méditerranéens de l'Union européenne organisé à Athènes, le 9 septembre 2016, aux termes de laquelle les États méditerranéens demandent la dénonciation du Traité de garantie.

Sur ce point, M. Harlem Désir a précisé que « la discussion sur les garants concerne principalement la Grèce, la Turquie et le Royaume-Uni, mais nous y participons en tant que membre permanent du Conseil de sécurité. Les Chypriotes grecs, la Grèce et le Royaume-Uni considèrent que ce système des garants doit cesser après la réunification de l'île, l'intervention d'un pays extérieur posant à Chypre un problème de souveraineté. Les Turcs souhaitent toutefois conserver une base militaire à Chypre-Nord. C'est le noeud du blocage actuel des discussions, mais il est de la responsabilité de tous, y compris des garants, de contribuer au succès de la négociation ».

Sur l' accord commercial relatif à la banane , la résolution sénatoriale a été pleinement satisfaite. En effet, un accord politique a pu être trouvé en trilogue, en décembre dernier, sur le mécanisme de stabilisation, dans le cadre de la mise en oeuvre de l'accord commercial avec l'Équateur. Pourtant, cet heureux aboutissement n'avait rien d'évident : le trilogue annoncé s'avérait une négociation d'autant plus difficile que le compromis nécessaire ne semblait pas favorable, de prime abord, aux intérêts des producteurs des régions ultrapériphériques (RUP). La résolution européenne, qui s'appuyait aussi sur les travaux de la délégation à l'outre-mer, a été l'occasion pour la ministre compétente de prendre des engagements, au cours du débat en séance publique, le 22 novembre 2016. Les autorités françaises, mais aussi espagnoles et portugaises, ont réussi à convaincre du bien-fondé de leurs positions le Parlement européen et la Commission. Cette dynamique a isolé le Conseil qui a choisi de ne pas s'opposer aux demandes des producteurs européens pour ne pas compromettre la ratification de l'accord commercial, source de grande valeur ajoutée pour les exportateurs européens. La Commission, représentée par la commissaire Cécilia Malmström en personne, est revenue sur ses préventions initiales et a finalement pris en compte les axes retenus par la résolution européenne : en cas de détérioration sérieuse de la situation des producteurs européens, la Commission examinera la situation avec les États membres et les producteurs et décidera si des mesures appropriées doivent être considérées ; organisation de réunions régulières avec les États membres et les producteurs ; mécanisme d'alerte précoce de la Commission auprès des autres institutions dès lors que les exportations excèdent 80 % du seuil de déclenchement du mécanisme de stabilisation ; amélioration des outils statistiques et des publications des données ; rapport d'évaluation sur le mécanisme de stabilisation en 2019 avec la possibilité de prendre des mesures appropriées ; évaluation régulière du marché, même après l'expiration du mécanisme de stabilisation ; possibilité de prolongation du mécanisme de stabilisation au-delà de 2020 ; étude d'impact avec analyse de l'impact des accords déjà mis en oeuvre par l'Union européenne sur les producteurs des RUP. On rappellera que les deux principaux groupes politiques du Parlement européen ont menacé de ne pas ratifier l'accord si les demandes des producteurs européens n'étaient pas prises en compte, et ceci malgré une position initiale radicalement opposée de la Commission et du Conseil.

La résolution européenne portant, dans la continuité de ses précédents travaux sur ce sujet, sur le premier bilan et les perspectives du plan d'investissement pour l'Europe a aussi été largement prise en compte. M. Harlem Désir, au cours de son audition, a ainsi indiqué que la France avait « obtenu le prolongement et le quasi-doublement du plan Juncker. Ce plan a financé des secteurs porteurs de croissance comme le numérique, la transition énergétique, les transports, la recherche et l'innovation. Nous allons porter l'objectif de 315 milliards à 500 milliards d'euros, sur une durée qui dépassera les trois ans initialement prévus ». Il a également précisé qu' « au 16 décembre 2016, 422 projets avaient été approuvés dans 27 États membres pour un financement par le FEIS de 30,6 milliards d'euros, générant un investissement total de 164 milliards d'euros. La France est le deuxième bénéficiaire du plan Juncker après l'Italie avec, fin décembre 2016, 50 projets approuvés depuis son lancement pour un montant de garantie mobilisé de 4,1 milliards d'euros, conduisant à un montant total d'investissement de 21,3 milliards d'euros. Vous connaissez beaucoup de ces projets. Nous sommes nombreux, par exemple, à avoir visité les installations des Maîtres laitiers du Cotentin - qui exportent jusqu'en Chine ! ».

b) Le Sénat a été partiellement suivi dans plus du quart des cas

Sur les vingt-deux résolutions européennes devenues définitives entre le 1 er octobre 2015 et le 31 décembre 2016, six, soit un peu plus du quart, n'ont été que partiellement prises en compte , soit parce que le Gouvernement n'a pas partagé les positions du Sénat, soit, le plus souvent, parce que des divisions au Conseil ont conduit à des compromis éloignés des résolutions sénatoriales.

La résolution européenne sur le programme de travail de la Commission pour 2016 salue en premier lieu la volonté de la Commission de poursuivre son effort de rationalisation de l'activité législative de l'Union européenne et de concentrer son action sur les dix priorités établies en début de mandat. Le Sénat approuve le programme de travail, mais estime qu'il convient de mettre en oeuvre un droit d'initiative des parlements nationaux - le « carton vert » - leur permettant de contribuer positivement à l'élaboration du programme de travail de la Commission européenne.

Cette résolution a été partiellement prise en compte au vu des propositions législatives présentées dans le courant de l'année.

Sur le détail du programme, la résolution insistait pour que soit rapidement apportée une réponse européenne opérationnelle au terrorisme : élargir les compétences du parquet européen à la criminalité grave transfrontière, renforcer les moyens financiers et humains de la section d'Europol consacrée à la recherche, partager avec les États membres des informations ayant trait au terrorisme djihadiste sur Internet et élaborer un cadre juridique européen facilitant la surveillance, les poursuites et les mises en cause en ce qui concerne les « combattants étrangers ».

Le Sénat jugeait par ailleurs que la question de la représentation extérieure de la zone euro au sein d'organisations internationales, abordée dans le programme de travail, constituait un nouveau partage de souveraineté et qu'elle devait être corrélée à l'avancée de la réflexion sur la capacité budgétaire dont pourrait être dotée l'Union économique et monétaire et au renforcement de sa légitimité démocratique. La mise en avant d'un pilier de droits sociaux commun à la zone euro devait, en outre, être doublée de propositions sur les défis communs en la matière : contrats de travail, allégement de la fiscalité du travail, apprentissage, formation professionnelle, aide au retour à l'emploi et alignement de l'âge de départ en retraite sur l'espérance de vie.

Le texte rappelait que la révision annoncée de la directive sur le détachement de travailleurs devait conduire à une amélioration du dispositif existant en mettant en avant le principe d'un salaire égal sur un même lieu de travail et en articulant mieux droit du travail et droit de la sécurité sociale. Le Sénat souhaitait également que la mise en place d'un cadre européen sur l'économie collaborative devait être compatible avec l'ambition affichée par ailleurs de juguler les distorsions de concurrence dans les domaines social et fiscal. Cet encadrement doit en outre passer par une régulation du fonctionnement des plateformes numériques, destinée à protéger le citoyen et ses données, mais aussi les PME. La résolution soulignait que l'Union européenne devait dépasser son rôle de simple consommatrice et devenir une véritable productrice de contenus numériques, en promouvant un « principe d'innovation ».

La résolution insistait également sur la nécessité de ne pas porter atteinte, dans le cadre de l'Union de l'énergie, à la compétence reconnue à chaque État membre de déterminer le mix énergétique sur son territoire et respecter scrupuleusement la répartition des compétences entre l'échelon de l'Union et l'échelon national. L'intervention de la Commission ne doit pas dissuader les États membres qui souhaitent coordonner leurs politiques énergétiques à mettre en place une coopération renforcée et promouvoir des projets industriels à l'image de Nord Stream 2.

Le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, au cours de son audition, a ouvert des perspectives pour l'avenir. Il a en effet rappelé que la Commission avait adopté son programme de travail pour 2017 et noté qu'« il s'inscrit dans la continuité de la feuille de route de Bratislava, qui nous sert de boussole. Sécurité, défense, investissement, jeunesse, sont des priorités que la France porte avec insistance ». Il a également expliqué que « nous avons mis en place, en la matière, une nouvelle procédure : une déclaration des trois institutions, Conseil, Parlement, Commission européenne, met en avant nos priorités partagées pour 2017. Ce texte permet de gagner en lisibilité et surtout remet le Conseil au même niveau que le Parlement européen, aux côtés de la Commission, dans la préparation du programme de travail ».

Sur la lutte contre le terrorisme , la résolution du Sénat faisait le point sur les avancées de l'action de l'Union européenne en la matière, en cherchant, en particulier, à répondre aux attentes exprimées par sa résolution de l'année précédente qui avait insisté sur le renforcement de l'espace Schengen, la création d'un PNR européen, l'institution d'un parquet européen susceptible d'être utilisé dans la lutte contre le terrorisme, le renforcement de la coopération policière européenne, notamment à travers Europol, et enfin la lutte contre la propagande terroriste sur Internet.

Dans sa résolution, le Sénat relevait plus particulièrement les points suivants :

- l'adoption définitive de la proposition de directive relative à l'utilisation des données des dossiers passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, c'est-à-dire la directive « PNR » ;

- l'adoption définitive du règlement définissant des normes minimales communes en matière de neutralisation des armes à feu, la mise en discussion de la proposition de directive modifiant la directive de 1991 relative au contrôle de l'acquisition et de la détention d'armes, le plan d'action annoncé par la Commission le 18 novembre 2015 afin d'améliorer la coopération opérationnelle au niveau de l'Union et avec des pays tiers en vue d'accroître l'efficacité de la lutte contre le marché noir des armes et des explosifs ;

- le plan d'action annoncé par la Commission, le 12 février 2016, visant notamment, en ce qui concerne la lutte contre les sources de financement du terrorisme, à contrôler les plateformes de change de monnaie virtuelle sur Internet, à mettre fin à l'anonymat pour les cartes prépayées et à mettre en place une coopération plus efficace entre les cellules de renseignement financier ; la mise en discussion de deux propositions législatives annoncées par le plan précité visant, d'une part, à harmoniser la définition des infractions en matière de blanchiment et, d'autre part, à mieux surveiller les mouvements d'espèces ;

- l'adoption définitive, au mois de mai 2016, pour une entrée en application au printemps 2017, du règlement renforçant le mandat d'Europol en facilitant, notamment, la création d'unités spécialisées permettant de réagir sans délai aux menaces émergentes dans le domaine du terrorisme tout en augmentant les garanties en matière de protection des données et du contrôle parlementaire ;

- la création, le 25 janvier 2016, d'un nouveau centre européen de contre-terrorisme permettant d'améliorer le partage de renseignements pour mieux traquer les financements terroristes, mais également mieux surveiller les activités de l'État islamique et d'autres groupes terroristes sur Internet et sur les réseaux sociaux ;

- enfin, s'agissant de la lutte contre la radicalisation, l'adoption, le 7 juin 2016, par le Conseil, d'une stratégie renouvelée de sécurité intérieure pour l'Union européenne sur la période 2015-2020.

Sur un sujet aussi sensible et vaste que la lutte contre le terrorisme, ce bilan est donc globalement positif.

M. Harlem Désir, au cours de son audition, a indiqué que « le Conseil européen de décembre a fixé sur ces dossiers des objectifs clairs. Un accord est attendu d'ici juin 2017 sur le système d'entrée et de sortie et, d'ici la fin de l'année 2017, sur le système ETIAS. Outre le contrôle des frontières, vous insistiez sur la nécessité pour l'Union européenne de renforcer la coopération policière et judiciaire et la coopération en matière de renseignement, notamment par le biais d'Europol et d'Eurojust. Sur ce plan également des progrès ont été faits. En décembre 2016, le Conseil et le Parlement sont parvenus à un accord sur la proposition de directive visant à renforcer le cadre juridique de l'Union pour la prévention des actes terroristes. Il s'agit notamment d'ériger en infraction certains actes comme l'entraînement au terrorisme ou l'organisation et la participation à des voyages à des fins de terrorisme. Le droit français traite ces cas, mais dans d'autres pays cela reste à organiser. C'est indispensable, afin que les personnes revenant des zones de combat soient traitées sur le plan judiciaire. [...] La stratégie renouvelée de sécurité intérieure pour l'Union pour la période 2015-2020, que vous souteniez dans votre résolution, permet de tirer un bilan régulier des actions menées en matière de lutte contre le terrorisme et de sécurité intérieure ». Cependant, comme l'a indiqué le secrétaire d'État lui-même, « beaucoup reste à faire. En juin prochain, la Commission devrait ainsi formuler des propositions pour renforcer nos systèmes d'information afin de lutter plus efficacement contre le terrorisme sur Internet ».

Sur la définition des combattants étrangers, M. Harlem Désir a expliqué qu' « il s'agit d'incriminer les voyages en lien avec des activités terroristes. Les personnes visées sont celles qui se rendent sur les lieux de conflit, sont enrôlées dans les rangs de l'État islamique ou d'autres groupes terroristes et reviennent ensuite en Europe pour agir à des fins criminelles. Nous discutons avec nos partenaires pour élaborer une définition commune. Les points de vue sont pour le moment un peu divergents ; nous souhaitons inclure les activités de recrutement, l'incitation publique et l'apologie du terrorisme, c'est-à-dire établir des critères larges, tout en veillant au respect de toutes les garanties de droit - nous sommes un État de droit, et tout doit se faire sous le contrôle des juges. Le terrorisme est intrinsèquement difficile à définir. Il existe un accord international et des plans d'action de lutte contre le terrorisme, mais jamais l'ONU, par exemple, n'a donné de définition du terrorisme. Qui entre dans cette catégorie ? En Europe, nous disposons, via les listes d'organisations terroristes, de définitions harmonisées. L'inscription d'une organisation sur une de ces listes entraîne un certain nombre de conséquences : nous n'entretenons aucune relation avec elle, nous participons à la combattre, nous saisissons ses avoirs, nous pourchassons ses membres identifiés. Mais définir le terrorisme, en droit, est extrêmement compliqué. Le Parlement français a eu à travailler sur ces sujets à plusieurs reprises ; il est a fortiori difficile de mener un tel travail à 28, mais nous sommes déterminés et confiants sur notre capacité à y parvenir ».

Par ailleurs, il faut regretter la lenteur du processus d'adoption, faute d'accord au Conseil, de la proposition de règlement portant création d'un Parquet européen. À ce stade de la discussion, on se dirige toujours vers un parquet européen collégial et décentralisé, ce qui satisfait la position du Sénat, mais dans le cadre d'une coopération renforcée d'une minorité d'États et avec un champ de compétences réduit au mieux aux atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne - la question des fraudes à la TVA continue de poser problème. Rappelons que le Sénat souhaite l'extension de ce champ à la criminalité organisée transfrontière et au terrorisme.

Sur les sanctions prises par l'Union européenne contre la Russie à la suite de l'annexion de la Crimée et de la situation dans certaines régions de l'Est de l'Ukraine, le Sénat a naturellement condamné cette annexion illégale, mais a aussi souhaité tracer des perspectives pour l'avenir des relations russo-européennes dans le cadre des accords de Minsk : les sanctions européennes pourraient être progressivement et partiellement allégées si des progrès significatifs et ciblés étaient constatés dans la mise en oeuvre des accords de Minsk conclus et suivis dans le format « Normandie ». Cette orientation doit aussi être celle de la Russie pour les sanctions qu'elle a elle-même prises.

Lors de son audition, le secrétaire d'État chargé des affaires européennes a noté que, « sur les accords de Minsk, la France n'a pas ménagé ses efforts, dans le cadre du format Normandie, pour que les négociations puissent aboutir. Deux sommets, quinze rencontres ministérielles, de nombreux entretiens bilatéraux et des discussions techniques entre diplomates ont eu lieu ». Il a aussi tenu à rappeler que « le fait générateur de cette négociation et des sanctions réside dans le soutien de la Russie aux séparatistes et dans l'annexion de la Crimée. Il revient avant tout aux deux partenaires de mettre en oeuvre les engagements qu'ils ont pris dans le cadre de l'accord de Minsk. Les sanctions constituent un levier pour inciter à la poursuite des négociations et au respect des engagements. La Russie doit faire pression sur les séparatistes et permettre l'amélioration des conditions de sécurité. De son côté, l'Ukraine doit progresser dans ses réformes politiques, en révisant sa constitution et en adoptant des lois de décentralisation ». M. Harlem Désir a toutefois relevé une « absence de progrès » qui a conduit à décider « lors du Conseil européen de décembre dernier, de reconduire les sanctions sectorielles pour six mois ». Il a précisé que « les points de vue des États membres divergent, mais tout le monde a accepté les préconisations de la France et de l'Allemagne. La durée des sanctions doit rester liée à la pleine mise en oeuvre des accords de Minsk, mais nous devons conserver la possibilité de moduler ces mesures restrictives pour encourager les parties à poursuivre leurs efforts en cas de progrès significatif. Les sanctions ne sont pas une fin en soi ; leur réversibilité est une condition de leur efficacité ».

Sur le détachement des travailleurs , la résolution européenne du Sénat n'a été que partiellement prise en compte, non pas par le Gouvernement, qui partage globalement la même position sur ce dossier, mais du fait des négociations extrêmement difficiles, et donc longues, au sein du Conseil sur un sujet éminemment politique et qui révèle des clivages forts entre les parties occidentale et orientale de l'Union européenne.

L'initiative proposée par la Commission traduit l'engagement qu'elle a pris, dans ses orientations politiques, de promouvoir le principe d'une rémunération identique pour un même travail effectué au même endroit. Elle a pour but de garantir des conditions salariales équitables aux travailleurs détachés et une concurrence loyale entre les entreprises détachant des travailleurs et les entreprises locales dans le pays d'accueil. La révision ciblée introduirait des changements dans trois grands domaines : détachement dépassant 24 mois, conditions de travail et d'emploi, y compris dans les situations de sous-traitance, et travail intérimaire.

Sur le fond, la résolution du Sénat exprimait une position favorable au principe d'une révision ciblée. Le Sénat jugeait indispensable que les rémunérations prévues par des conventions à portée restreinte s'appliquent aux travailleurs détachés. L'application des règles en matière de rémunération doit s'imposer à toute la chaîne de sous-traitance de manière obligatoire et non facultative, comme prévu par le projet de la Commission. Des précisions devraient être apportées, dès lors que cette chaîne regroupe des entreprises dont les conventions collectives ne sont pas identiques. La mention de conditions d'hébergement dignes devait également être intégrée dans le noyau dur des droits applicables aux salariés détachés. Le Sénat approuvait la décision de limiter la durée du détachement à vingt-quatre mois, mais estimait que cette durée doit être appréciée dans le cadre d'une période de référence de trente-six mois. Il s'opposait à l'absence de prise en compte des détachements inférieurs à six mois dans le calcul de cette durée.

Pour ce qui concerne les contrôles, la résolution insistait sur l'utilisation de la base de données VIES qui contient les numéros d'immatriculation à la TVA pour les transactions transfrontières pour vérifier l'existence réelle de la société dans le pays d'établissement. Elle avait également jugé que le chiffre d'affaires annuel d'une entreprise pris en compte dans un autre pays que celui où elle est établie ne devrait pas dépasser 25 % de son chiffre d'affaires annuel. Elle souhaitait également que le certificat A1 d'affiliation au régime de sécurité sociale du pays d'établissement soit fourni préalablement à toute opération de détachement sous peine de sanctions et qu'il puisse être inopposable en justice, dès lors qu'il existe des doutes sérieux quant à la réalité de l'affiliation du salarié détaché au régime de sécurité sociale du pays d'établissement. Le salarié détaché devrait, en outre, être affilié depuis au moins trois mois au régime de sécurité sociale dans l'État d'établissement de l'entreprise qui le détache et avoir exercé une activité au sein de cette entreprise et de cet État durant au moins trois mois. Par ailleurs, la résolution insistait pour que, aux fins de contrôle de la réalité de l'affiliation à un régime de sécurité sociale et du montant de la rémunération versée, soit mis en place un système de recouvrement des cotisations sociales visant les travailleurs détachés par les États membres d'accueil qui les reverseraient ensuite aux États où les entreprises sont établies. Enfin, elle regrettait que la révision proposée ne s'applique pas au secteur des transports, la question du droit applicable dans les opérations de cabotage n'étant pas réellement tranchée.

Le Gouvernement, quant à lui, est également favorable à la proposition de révision de la directive de 1996 et partage les objectifs poursuivis par cette révision. Sur le fond, il est très proche des positions exprimées par la résolution du Sénat et considère, lui aussi, que le texte proposé par la Commission ne répond que partiellement aux objectifs poursuivis. Au cours des négociations, il a ainsi proposé des amendements, « s'inspirant des préconisations de la résolution sénatoriale », notamment : ancienneté d'au moins trois mois avant tout détachement, afin de revenir à l'esprit initial du dispositif du détachement temporaire, activité principale dans le pays d'origine représentant au moins 25 % du chiffre d'affaires, limitation effective de la durée du détachement en définissant une période de référence de trente-six mois, suppression de la condition de durée de six mois pour la prise en compte des périodes de remplacement de travailleurs détachés effectuant la même tâche et prise en charge par l'employeur des indemnités compensant les frais de mission considérés comme obligatoires (hébergement, nourriture, transports). Par ailleurs, le Gouvernement souhaite également que le secteur des transports soit soumis sans ambiguïté aux dispositions de la directive de 1996.

La difficulté est venue des premiers débats au Conseil, qui ont souligné une opposition tranchée entre pays favorables à cette révision du texte, à l'instar de la France, et ceux - essentiellement à l'Est du continent - qui estiment que la proposition de la Commission est contraire à la libre prestation de services et qu'un nouveau texte ne peut être adopté tant que la directive d'exécution de mai 2014 visant à renforcer les contrôles n'a pas été transposée dans tous les États membres. Ce clivage initial s'est même accentué au fil des négociations. Les États membres qui s'opposent à la révision, qui disposent d'assez de voix pour constituer une minorité de blocage, multiplient les initiatives pour ralentir les discussions et sont relayés en ce sens par leurs parlements nationaux. Ainsi, onze parlements nationaux ont adopté quatorze résolutions au titre du protocole n° 2 relatif au respect du principe de subsidiarité concluant au non-respect de ce principe 7 ( * ) . La Commission a néanmoins considéré que cette démonstration n'était pas faite et a maintenu sa proposition de texte. Le Parlement européen a beaucoup travaillé ce dossier, et il est pour l'instant prévu que le rapport de la commission EMPL saisie au fond, dont l'une des deux rapporteures est notre compatriote Élisabeth Morin-Chartier, doit être adopté en avril prochain.

En dépit des marges de progression qui demeurent, M. Harlem Désir a assuré les membres de votre commission des affaires européennes « de l'absolue détermination du Gouvernement et de notre mobilisation dans la négociation ».

La résolution européenne portant sur les services de médias audiovisuels a certes reçu un accueil favorable du Gouvernement, mais la position qui s'est pour l'instant dégagée au Conseil n'est guère convergente avec celle du Sénat.

Au niveau européen, après un travail technique du groupe audiovisuel au cours du second semestre 2016, la proposition de directive a fait l'objet d'un rapport de progrès présenté lors de la réunion du Conseil Éducation, jeunesse, culture et sport du 22 novembre 2016. Cette réunion a été l'occasion de prendre acte des divergences entre les délégations. C'est la raison pour laquelle l'adoption d'une orientation générale n'a pas été possible. Toutefois, la Présidence maltaise l'envisage pour la réunion du prochain Conseil sur ce sujet, les 22 et 23 mai 2017.

Sur le fond, ce projet de directive a pour objectif d'adapter les règles des services de médias audiovisuels aux nouvelles pratiques, c'est-à-dire à la diffusion et à la consommation de vidéos par de nouveaux supports comme les plateformes de partage de vidéos en ligne, voire les réseaux sociaux. Il vise aussi à renforcer à la fois la protection des consommateurs, notamment les mineurs, et l'indépendance des régulateurs nationaux. Le fait qu'il touche à des aspects très divers de la régulation des médias et introduise des règles concernant les nouveaux acteurs de l'Internet explique l'absence de majorité claire entre les États membres sur l'ensemble du texte à ce stade. Dans ce domaine sensible, chaque État membre s'efforce de défendre son modèle culturel.

Néanmoins, les positions exprimées publiquement par le Gouvernement à ce stade rejoignent en grande partie celles du Sénat. C'est particulièrement le cas sur les obligations pour la production et la promotion des oeuvres européennes, l'interdiction de contenus faisant l'apologie du terrorisme ou encore la question de la compétence pour les services de médias audiovisuels non-européens transmis par satellite. Cependant, le Sénat fait preuve d'une plus grande ouverture vers nos partenaires européens en soutenant la proposition des rapporteurs du Parlement européen sur ce texte, qui vise à créer un socle commun de règles pour l'ensemble des services de médias audiovisuels. Également soucieux d'assurer des conditions de concurrence équitables quant aux revenus tirés de la publicité, le Sénat est favorable à un léger assouplissement des règles relatives aux communications commerciales à la télévision, contrairement au Gouvernement.

Le Sénat, avec sa résolution européenne sur la phase I de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire , a souhaité fixer des orientations sur un sujet fondamental pour l'avenir de l'Union européenne, celui de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire (UEM).

Il s'agit en effet de se doter d'institutions et de procédures suffisamment solides et crédibles pour éviter que ne se reproduise un scénario comme celui qui a failli emporter la monnaie unique et la zone euro, à la suite de la crise grecque. L'UEM doit pouvoir mieux résister aux chocs économiques et voir son architecture clarifiée, tout en apparaissant plus lisible pour les citoyens européens. En effet, les mesures prises et les institutions mises en place au plus fort de la crise ont parfois pris un tour excessivement bureaucratique. Par ailleurs, le semestre européen, cycle de coordination des politiques économiques et budgétaires, gagnerait sans doute à être simplifié.

Dans ce contexte, le rapport dit « des cinq présidents » (Commission européenne, Conseil européen, Parlement européen, Eurogroupe et Banque centrale européenne), en juin 2015, a prévu un scénario en deux phases pour l'avenir de l'UEM :

- phase 1, à court terme : « Nous devons relancer les efforts visant à ce que tous les membres s'alignent sur les meilleures performances et pratiques d'Europe, en nous appuyant sur le cadre de gouvernance actuel et en le renforçant encore. L'objectif ultime est de parvenir, dans toute la zone euro, à des structures économiques aussi résilientes les unes que les autres. Cela devrait redonner un coup de fouet à la croissance et l'emploi, avec la compétitivité et la cohésion sociale comme éléments centraux » ;

- phase 2 : « Ce processus de convergence serait formalisé et se fonderait sur un ensemble de critères établis conjointement qui revêtiront un caractère juridique. L'accomplissement de progrès significatifs vers le respect de ces critères devrait être surveillé régulièrement et serait l'une des conditions pour qu'un membre puisse bénéficier d'autres instruments, tels que le mécanisme d'absorption des chocs qui serait mis en place pour l'ensemble de la zone euro ».

Dans sa résolution européenne, qui porte sur la phase 1, le Sénat a formulé un certain nombre de recommandations sur la mise en place d'autorités nationales de la productivité, sur le comité budgétaire européen consultatif indépendant, sur la rénovation du semestre européen, sur la représentation extérieure de la zone euro, ainsi que sur l'achèvement de l'union bancaire et la mise en place d'un système européen d'assurance des dépôts.

Les intentions du Gouvernement sur ces dossiers mériteraient sans doute d'être précisées, mais il est certain que cette question éminemment politique relève des moyen et long termes. Les mesures requises ne seront prises que progressivement. C'est pourquoi il est sans doute trop tôt pour évaluer les suites données à la résolution sénatoriale, même si certaines avancées peuvent déjà être relevées telles que la décision de principe de créer des autorités nationales de la productivité - qui n'est toutefois pas encore effective en France - ou encore l'achèvement, fin décembre dernier, de la consultation publique sur le futur socle européen des droits sociaux.

D'ailleurs, les présidents des institutions européennes suivront la mise en oeuvre des recommandations figurant dans leur rapport. Pour préparer le passage de la phase 1 à la phase 2, il est prévu que la Commission présente, au printemps 2017, un livre blanc mesurant les progrès accomplis au cours de la phase 1 et décrivant les prochaines étapes nécessaires, y compris des mesures d'ordre législatif, pour compléter l'UEM au cours de la phase 2. Ce livre blanc s'appuiera sur les analyses formulées par un groupe consultatif d'experts, qui examinera plus en détail les préalables juridiques, économiques et politiques aux propositions à plus long terme contenues dans le rapport « des cinq présidents ». Il sera élaboré en concertation avec les présidents des autres institutions européennes.

c) Un seul cas très spécifique : l'arrangement pour le Royaume-Uni

Ce texte constitue un cas à part, compte tenu de la nature éminemment politique des enjeux pour l`avenir même de la construction européenne. La suite donnée à la résolution relative aux demandes de réformes de l'Union européenne souhaitées par le Royaume-Uni doit être appréciée au regard du résultat du référendum du 23 juin 2016 en faveur du Brexit.

En janvier 2016, un accord avait été préparé à Bruxelles en vue de répondre aux quatre demandes de réforme de l'Union présentées par le Royaume Uni, à savoir la non-discrimination entre les membres de la zone euro et les non membres, l'achèvement du marché unique et la recherche de la plus grande compétitivité, la défense de la souveraineté, la réaffirmation du principe de subsidiarité et le renforcement du côté des parlementaires nationaux et, enfin, les aménagements du principe de la libre circulation des personnes. Ces quatre propositions britanniques ont fait l'objet d'une réponse, le 18 février 2016, sous la forme d'un accord signé par les 28 États membres. Cet accord est devenu caduc avec le résultat du référendum du 23 juin 2016.

Retour sur les grandes lignes de l'accord du 18 février 2016

en réponse aux réformes de l'Union européenne souhaitées par le Royaume-Uni

Sur la gouvernance économique et la zone euro , l'accord répondait en grande partie aux inquiétudes britanniques puisqu'il réaffirmait la nécessité d'approfondir l'Union économique et monétaire et demandait aux pays non membres de la zone euro de ne pas entraver ce processus qui devait en contrepartie rester respectueux des droits et compétences des États membres non participants. L'Union se proposait de faciliter la coexistence entre les deux groupes et réaffirmait que tout discrimination entre personnes physiques ou morales fondée sur la monnaie officielle de l'État membre où elles sont établies ou sur la monnaie ayant cours légal dans cet État membre était interdite. Il était précisé que le droit de l'Union relatif à l'union bancaire s'appliquait uniquement aux établissements de crédit situés dans la zone. Toute dépense liée à la politique monétaire ne pourrait être imputée qu'à la zone euro. Enfin, si un membre du Conseil ne participant pas à l'union bancaire indiquait son opposition motivée à l'adoption d'un acte législatif relatif à l'union bancaire, le Conseil était tenu d'en discuter et l'État membre concerné de justifier son opposition en indiquant en quoi le projet ne respectait pas les principes de non-discrimination. Le Conseil devait alors faire tout ce qui est en son pouvoir pour aboutir dans un délai raisonnable à une solution satisfaisante. Il s'agissait d'une procédure d'alerte et non d'un veto, mais sur ce chapitre, les demandes du Royaume-Uni avaient été entendues.

Sur la recherche d'une plus grande compétitivité , en réponse aux demandes britanniques, l'Union rappelait que le marché intérieur était son objectif premier et que, pour créer de la croissance et des emplois, l'Union devait renforcer sa compétitivité en réduisant les charges administratives et les coûts de mise en conformité pesant sur les opérateurs économiques. L'accord reprenait ce qui était déjà contenu dans « mieux légiférer » et dans le programme REFIT. Il s'agissait ni plus ni moins de simplifier, d'alléger, voire d'abroger les textes législatifs quand ils gênaient le développement des PME et des micro-entreprises. En outre, l'Union s'engageait à pousser les feux en matière de négociations commerciales avec les États-Unis, le Japon, l'Amérique latine et l'Asie-Pacifique.

Quant à la souveraineté et à la défense des parlements nationaux et plus particulièrement quant à la question de l' « union sans cesse plus étroite » , le Royaume-Uni obtenait qu'il ne serait plus tenu désormais de prendre part à une intégration politique plus poussée dans l'Union.

De plus, l'accord reconnaissait, à ce propos, que la référence à une « union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe » ne constituait pas une base légale pour étendre la portée des dispositions des traités et du droit dérivé de l'Union et ne pouvait en aucun cas être utilisée à l'appui d'une interprétation extensive des compétences de l'Union ou des pouvoirs de ses institutions. Cette référence à une « union sans cesse plus étroite » ne pouvait plus empêcher les différents États membres « d'emprunter différentes voies d'intégration » ni contraindre l'ensemble des États membres à aspirer à un destin commun.

Sur le principe de subsidiarité , l'accord introduisait une nouvelle règle capitale : dans le cas où les avis motivés sur le non-respect du principe de subsidiarité par un projet d'acte législatif de l'Union représentaient plus de 55 % des voix attribuées aux parlements nationaux, la présidence du Conseil inscrirait la question à l'ordre du jour du Conseil afin que ces avis motivés et les conséquences à en tirer fassent l'objet d'une délibération approfondie. À la suite de cette délibération, les représentants des États membres mettraient fin à l'examen du projet d'acte en question ou ils le modifieraient pour prendre en compte les préoccupations exprimées dans les avis motivés. Sans aller jusqu'au droit de veto que souhaitaient les Britanniques, il s'agissait là d'une avancée majeure au profit des parlements nationaux et de l'amorce du rééquilibrage dans la répartition du pouvoir législatif entre les différents acteurs européens.

Enfin, sur les aménagements à apporter au principe de la libre circulation des travailleurs , l'accord reconnaissait qu'il était légitime de tenir compte d'une situation exceptionnelle et de prévoir, au niveau de l'Union comme au niveau national, des mesures qui permettraient de limiter le flux des travailleurs quand il était d'une telle importance qu'il avait des incidences négatives autant pour les États membres d'origine que pour les États membres de destination. C'est pourquoi l'accord reconnaissait que le droit à la libre circulation pouvait souffrir des limites pour des raisons sociales et économiques et aussi pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ainsi, si des raisons impérieuses d'intérêt général le justifiaient, la libre circulation des personnes pouvait être restreinte par des mesures proportionnées à l'objectif légitimement poursuivi. On créait le « frein d'urgence », un mécanisme d'alerte et de sauvegarde destiné à faire face à l'afflux - d'une ampleur exceptionnelle et pendant une période prolongée - de travailleurs en provenance d'autres États membres. Ce mécanisme aurait permis à un État membre, après examen et sur proposition de la Commission, de restreindre l'accès aux prestations liées à l'emploi de caractère non contributif. L'État membre concerné aurait pu limiter, pendant une durée totale pouvant aller jusqu'à quatre ans, l'accès des travailleurs communautaires à ces prestations non contributives. Cependant, cette limitation devait être graduelle et un accès progressif devait être aménagé afin que le travailleur touche l'intégralité de ces prestations au bout de ces quatre ans. Ce type d'autorisation aurait eu une durée limitée de sept ans. L'aspect intéressant de l'accord était qu'il précisait que la Commission estimait qu'il ressortait de la situation britannique que le Royaume-Uni pouvait déjà prétendre activer ce mécanisme. Les États membres recevaient la possibilité d'indexer ces allocations familiales sur les conditions qui prévalaient dans l'État membre où l'enfant réside, mais cela n'aurait été valable que pour les travailleurs qui seraient arrivés après l'entrée en vigueur de l'accord. Après 2020, la mesure aurait pu être généralisée.

Pourtant, la résolution du Sénat avait retenu des grandes orientations qui avaient été pour partie reprises dans l'accord, tout en insistant sur le respect de certains grands principes constituant des fondements du projet européen : garantie de l'intégrité de la zone euro et de son autonomie de décision, attachement au principe d'« une union toujours plus étroite entre les peuples », renforcement du rôle des parlements nationaux qui doivent avoir une part plus large dans l'élaboration du droit européen, réaffirmation des principes fondamentaux de libre circulation des personnes et d'égalité de traitement des salariés occupant un même emploi, volonté d'approfondir le marché unique.

III. UN DIALOGUE POLITIQUE AVEC LA COMMISSION EUROPÉENNE DE PLUS EN PLUS STRUCTURÉ, MAIS QUI RESTE PERFECTIBLE

La Commission européenne dispose en principe d'un délai de trois mois pour répondre aux observations formulées dans l'avis politique de la commission des affaires européennes. Ces réponses sont directement adressées au président de la commission, avec copie à M. le Président du Sénat. Elles sont généralement signées par M. Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission, chargé de l'amélioration de la législation, des relations inter-institutionnelles, de l'État de droit et de la Charte des droits fondamentaux, et cosignées dans la grande majorité des cas par le commissaire européen en charge du secteur sur lequel porte l'avis politique.

Parmi les 25 avis politiques adoptés par la commission entre le 1 er octobre 2015 et le 31 décembre 2016, 18 ont reçu une réponse de la Commission, soit un taux de réponse global de 72 % , contre 60 % pour la période couverte par le précédent rapport.

Alors que ce taux de réponse s'est sensiblement amélioré cette année , ce dont votre commission des affaires européennes ne peut que se féliciter, la qualité des réponses apportées par la Commission dans le cadre du dialogue politique reste , comme l'année dernière, inégale .

• Bien sûr, dans plusieurs cas, il apparaît de ces réponses que la Commission prend en considération, au moins partiellement, les observations de la commission des affaires européennes.

La réponse de la Commission à l'avis politique relatif au paquet « mieux légiférer » est précise et circonstanciée et adopte une démarche didactique évidente. Elle précise que « la Commission [...] a transmis l'avis du Sénat à ses représentants dans les négociations en cours afin d'éclairer les débats ». Elle donne des précisions sur la méthode qu'elle entend employer pour ce qui concerne le renforcement du dialogue politique et les études d'impact. La Commission s'associe aux remarques du Sénat relatives au droit de retrait, jugeant qu'elle respectait de facto la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle rappelle que le suivi des trilogues relève des États représentés au Conseil, qui doivent informer les parlements nationaux. Elle ne souhaite pas de changement concernant le contrôle des actes délégués et insiste sur la nécessité de mieux évaluer les textes au niveau national. Enfin, elle se montre moins réservée sur le « carton vert » que dans sa réponse relative à l'avis politique sur le programme de travail 2015 en indiquant qu' « elle est toujours prête à discuter de suggestions constructives si des parlements nationaux estiment que l'Union devrait répondre aux préoccupations des citoyens par une action dans un domaine politique spécifique ».

L'avis portant sur la mise en oeuvre du plan d'investissement pour l'Europe a reçu une réponse de très bonne qualité. La Commission prend soin de préciser que « l'avis du Sénat a été transmis aux services compétents. Il constitue une contribution utile que la Commission prendra en compte dans la mise en oeuvre du Plan d'investissement ainsi que dans les étapes ultérieures d'évaluation » . Elle indique également prendre « très au sérieux l'intérêt porté par le Sénat au sujet du rôle des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre du plan d'investissement » . Elle apporte des précisions sur des points importants soulevés dans l'avis politique : la mise en place du système de gouvernance -les membres du comité de pilotage du FEIS ont été nommés et le recrutement du directeur général, de son adjoint et la sélection des membres du comité d'investissement ont été menés à bien -, l'institution de la plateforme européenne de conseil en investissement, désormais opérationnelle, et l'entrée en fonction du portail européen de projets d'investissement intervenue au premier trimestre 2016.

La réponse développe assez précisément la situation concernant notre pays 8 ( * ) : « En ce qui concerne plus particulièrement la France, 8 projets, dont 3 ont déjà reçu la garantie du FEIS, ont été approuvés par le conseil d'administration de la BEI pour le seul volet « infrastructure et innovation » , ce qui mobilise un financement de la BEI de 1,17 milliard d'euros et devrait générer un investissement prévisionnel total de 4 milliards d'euros. Quant au volet PME mis en oeuvre par le FEI, le FEIS a soutenu trois intermédiaires financiers français à travers des garanties à hauteur de 51,4 millions d'euros au bénéfice des PME en France. Le FEI a également apporté une contribution de 204 millions d'euros à six fonds d'investissement et de capital risque qui investissent dans des PME et entreprises de taille intermédiaire ».

Enfin, la réponse comporte une annexe répondant aux observations du Sénat qui présentaient un caractère technique et visant des aspects spécifiques soulevés dans l'avis politique : le rôle des plateformes d'investissement, le fonctionnement de la plateforme européenne de conseil en investissement, à laquelle les collectivités territoriales pourront recourir gratuitement, et du portail européen de projets d'investissement, le volet réglementaire du plan d'investissement, etc. Ce dernier volet est sans doute celui qui obtient la réponse la moins satisfaisante en raison des actions qui en relèvent et qui portent sur le moyen, voire le long terme : charges administratives et complexité réglementaire, marché unique numérique, union de l'énergie, union des marchés de capitaux, réformes structurelles nationales dans le cadre du semestre européen, etc., soit autant de mesures, européennes et nationales, visant à lever les obstacles à l'investissement.

La réponse de la Commission est également très précise sur la pêche au bar . Il est vrai que, sur ce dossier, le Sénat avait obtenu satisfaction : « La Commission souhaite indiquer au Sénat que les préoccupations qu'il a exprimées dans son avis ont été prises en compte lors des discussions du Conseil des Ministres de la pêche de décembre 2015 établissant les possibilités de pêche pour 2016. En effet, la dépendance au bar des métiers de l'hameçon exploitant cette espèce a été prise en considération et le Conseil a décidé d'une période de fermeture de la pêche de deux mois contre six mois pour les autres métiers. D'autre part, la Commission s'est engagée par déclaration écrite lors du Conseil de décembre 2015 à « suivre les débarquements de bar capturés en tant que prise accessoire afin d'évaluer si la mesure concernant les prises accessoires est suffisante » » .

Sur la concurrence dans les transports aériens , la Commission a, dans ce cas aussi, joint à sa réponse une annexe très détaillée qui apporte des informations sur chacun des points soulevés dans l'avis de la commission des affaires européennes. Si la Commission ne rejoint pas la position sénatoriale sur chacun des sujets abordés, par exemple le souhait d'étendre la compétence de l'OMC au transport aérien, elle reconnaît la pertinence des observations formulées dans l'avis politiques. Ainsi met-elle en avant l'action conduite ou décidée afin d'atteindre le but poursuivi (abus et fraudes, entorses à la concurrence loyale à l'échelle du globe tout entier, subventions et pratiques tarifaires déloyales de la part de pays non membres de l'Union européenne, mais desservant celle-ci par la voie des airs, évasion fiscale, prise de participation au sein de compagnies aériennes basées dans un État membre par des opérateurs basés dans des États tiers). Elle estime que le droit de l'Union permet aux autorités publiques nationales ou locales d'éviter les inconvénients mis en exergue dans la résolution (subventions et pratiques tarifaires déloyales dont bénéficient les compagnies low cost , redevances aéroportuaires, sauf le régime de la TVA, compensation de services d'intérêt économique général). Elle souligne que le thème considéré relève à titre principal du droit de chaque État membre et seulement de façon marginale du droit de l'Union (distinction entre travailleurs salariés et travailleurs indépendants, malgré certains éléments jurisprudentiels, régime juridique des travailleurs mobiles).

De même, la réponse de la Commission à l'avis politique portant sur l' accord de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et la Mongolie apporte des éclaircissements intéressants. Elle se félicite que le Sénat partage son avis sur l'importance de la Mongolie comme partenaire de l'Union européenne. Elle indique que « la coopération au développement fait l'objet de discussions régulières au sein du Comité mixte UE-Mongolie auquel les États membres peuvent participer en tant qu'observateurs. Les chefs de délégation des États membres de l'UE auprès de la Mongolie mais résidant à Pékin se rendent tous les ans à Oulan-Bator, accompagnés du chef de la délégation de l'UE. Ces visites annuelles offrent une occasion supplémentaire d'aborder la question de la coopération au développement avec leurs homologues sur place et de renforcer la coopération ». Toutefois, elle renvoie à plus tard toute évolution significative qui pourrait profiter à la Mongolie : « Toute réforme substantielle de la manière dont les projets sont gérés devrait être envisagée lors des discussions relatives au nouveau cadre pour la coopération au développement ».

Il convient également de souligner la grande qualité de la réponse apportée par la Commission à l'avis relatif à son programme de travail pour 2016 . Si elle « salue en particulier l'approbation par le Sénat de son intention de se focaliser sur les dix priorités politiques établies en début de mandat ainsi que les grands chantiers qui répondent aux plus grands défis actuels de l'Europe », en insistant en particulier sur l'intérêt que le Sénat porte au programme REFIT, elle a examiné plus en détail, dans une annexe, chacune des observations de l'avis politique de la commission des affaires européennes et développe les axes suivants, en présentant des perspectives et, le cas échéant, un calendrier :

- crise migratoire et protection des frontières extérieures ;

- lutte contre le terrorisme : le plan d'action de la Commission présenté le 2 février 2016 reprend un certain nombre de points soulevés par le Sénat, en particulier sur la question des « combattants étrangers » ou sur les moyens d'Europol ;

- parquet européen : la Commission indique également partager le souhait du Sénat de progresser sur cette question ;

- zone euro : la Commission insiste sur les consultations en cours en vue de définir un cadre pour la phase II de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire durant laquelle sera notamment abordée la question de la légitimité démocratique ;

- initiatives dans le domaine social : le socle européen des droits sociaux est présenté comme le résultat d'une consultation qui a pris fin le 31 décembre 2016. La présentation que fait la Commission de ce socle apparaît moins ambitieuse que ce que le titre peut supposer et ne devrait pas déboucher sur les propositions détaillées dans l'avis politique. La Commission ne répond pas vraiment sur la révision de la directive sur le détachement des travailleurs ;

- union de l'énergie : la Commission entend préserver les compétences des États membres dans le domaine énergétique, mais insiste sur le fait que chaque accord d'investissement respecte scrupuleusement le droit européen applicable dans son intégralité, y compris les aspects d'environnement et de concurrence. Elle ne nomme pas pour autant Nord Stream 2. Elle souhaite cependant apporter son soutien à la mise en oeuvre de grands projets d'infrastructures énergétiques transeuropéens ;

- économie collaborative : la Commission souhaite, avant de se prononcer, analyser les résultats de la consultation publique qu'elle a lancée sur ce thème.

Enfin, la Commission rappelle sa position sur le droit d'initiative des parlements nationaux déjà exprimée dans sa réponse à l'avis politique sur l'accord interinstitutionnel « mieux légiférer » en décembre 2015. Elle juge ainsi être toujours « disposée à discuter de suggestions constructives si des parlements nationaux estiment que l'Union devrait répondre aux préoccupations des citoyens par une action dans un domaine politique spécifique ». Elle ne s'avance pas plus et se garde donc d'encourager une formalisation du « carton vert », même si elle rappelle qu'elle « a répondu, en novembre 2015, à la première initiative de ce type, signée ou soutenue par 19 chambres parlementaires, y compris le Sénat, en matière de gaspillage alimentaire ».

Sur l' Union européenne et les négociations interchypriotes , la Commission apporte des éléments d'information qui répondent à plusieurs points soulevés par la commission des affaires européennes dans son avis politique. Ainsi, elle juge également que l'application de l'acquis règlementaire européen doit être intégrale au Nord de l'île, des mesures spécifiques et transitoires pouvant être mises en oeuvre « dans des cas justifiés ». La Commission soutient à cet effet l'action du comité ad hoc bicommunautaire chargé de cette question. Elle rappelle par ailleurs que l'Union sera fortement impliquée dans la gestion des conséquences financières de la réunification, ainsi que l'a indiqué son président en juillet 2015, lors d'un déplacement à Chypre. Le cadre financier pluriannuel prévoit d'ailleurs une disposition pour réévaluer le montant de l'intervention européenne dans l'île en cas de succès des négociations. La réponse met enfin en avant l'engagement financier de l'Union européenne au Nord de l'île - 30 millions d'euros annuels, 416 millions d'euros depuis 2006 -, même s'il convient de regretter qu'elle n'indique pas si la Commission compte participer, comme le demande le Sénat, à la formation des représentants de l'administration du Nord de l'île.

• Certaines réponses de la Commission illustrent tout l'intérêt du dialogue noué entre Bruxelles et les parlements nationaux. En effet, elles permettent, grâce aux avis politiques, d'obtenir des informations sur des sujets sur lesquels elles faisaient défaut et de pallier ainsi un manque de transparence initial.

Tel est le cas des marchés d'instruments financiers . L'avis politique de la commission des affaires européennes sur ce texte (directive MiFID II) était critique. En effet, dans ses échanges avec les parlements nationaux, la Commission avait fait le choix de passer sous silence le retard pris sur l'élaboration des normes de niveau 2. En limitant leur information, elle privait ainsi les parlements nationaux des moyens pour apprécier l'opportunité et le bien-fondé de la demande de report d'un an de l'entrée en vigueur de la directive. De plus, en créant une dissymétrie d'information au détriment des parlements nationaux vis-à-vis du Parlement européen, la Commission échappe potentiellement à la formation d'une demande, par les parlements nationaux, du report de la date de transposition de la directive MiFID II dans leur propre législation. Seul le Parlement européen a été en mesure d'anticiper la situation en demandant un report du délai de transposition nationale.

La réponse de la Commission vise manifestement à combler en partie ce défaut d'information. Elle indique en effet que, « en octobre 2015, l'Autorité européenne des marchés financiers informait la Commission européenne qu'étant donné la complexité des défis techniques à relever, ni les autorités compétentes ni les intervenants de marché n'auraient mis en place les systèmes nécessaires à la bonne application du MiFID II », d'où la demande d'un délai d'un an qui serait « dû à l'ampleur sans précédent du défi technique qui incombe à l'AEMF et qui nécessite la mise en place de systèmes permettant de traiter les données de plus de 300 plateformes de négociation pour un total de plus de 15 millions d'instruments financiers ». Plus généralement toutefois, cette demande de report illustre aussi les difficultés qu'engendre la multiplication des actes délégués et des mesures de niveau 2 qui ont pris une ampleur considérable dans la réglementation financière, en dehors de tout contrôle démocratique. Sur ce point, la Commission se limite à indiquer qu'elle travaille « activement » à l'adoption dans les prochains mois des actes délégués et d'exécution.

La même analyse peut être faite de la réponse qu'a apportée la Commission à l'avis politique relatif au système financier parallèle . Certes, la commission des affaires européennes avait confirmé l'importance de doter, sans plus tarder, l'Union européenne d'une réglementation des fonds monétaires conforme aux recommandations du Conseil de stabilité financière et du Comité européen du risque systémique (CERS). Le récent accord issu des trilogues est bien moins ambitieux que les recommandations du CERS et que la proposition initiale de la Commission. Ainsi, il aura fallu plus de trois ans pour que l'Union européenne se dote d'un règlement qui était indispensable. On relèvera d'ailleurs l'influence déterminante des banques anglo-saxonnes, ainsi que l'insuffisance d'un regard démocratique extérieur dans ce processus. Le rythme d'adoption du texte aurait pu justifier une plus grande transparence dans les négociations. Pour autant, la réponse de la Commission cherche à combler ce défaut et permet d'obtenir des informations qui manquaient auparavant. Si elle dit partager « l'inquiétude du Sénat au sujet des risques que l'expansion du système bancaire parallèle fait peser sur la stabilité financière mondiale », la Commission souligne la proximité de son approche avec celle de la commission des affaires européennes sur plusieurs sujets abordés dans l'avis politique : la surveillance que le CERS pourrait exercer, en particulier sous l'angle macro-prudentiel, sur le système financier parallèle, la formulation par le même Comité de recommandations sur les mesures à prendre pour remédier aux faiblesses structurelles du secteur de la gestion d'actifs, même si la Commission note que « les gestionnaires d'actifs européens sont déjà soumis à une réglementation sectorielle très détaillée », ou encore l'amélioration de la liquidité des marchés d'obligations d'entreprises dans le cadre du projet d'union des marchés de capitaux.

• En revanche, sur certains sujets, souvent très politiques, la réponse de la Commission reste particulièrement prudente, voire excessivement sommaire.

Ainsi, la réponse de la Commission à l'avis politique portant sur la proposition de règlement relatif aux établissements de crédit de l'Union européenne n'est guère satisfaisante dans la mesure où elle ne répond pas vraiment aux observations présentées par la commission des affaires européennes. Elle se contente de « prendre note des préoccupations du Sénat » et rappelle que le texte de la Commission est « un projet important de l'Union ». La Commission indique que son projet « devrait compléter les réformes de la réglementation financière entreprises ces dernières années » en particulier en luttant contre les risques systémiques et en donnant aux autorités de surveillance la possibilité d'exiger la séparation des activités de négociation excessivement risquées de l'activité principale des établissements de crédit. Mais jamais elle ne répond précisément aux termes de l'avis politique. Elle renvoie d'ailleurs assez longuement à l'accord trouvé par le Conseil, le 19 juin 2015, sur une orientation générale, sans expliquer en quoi cet accord répond aux préoccupations de la commission des affaires européennes. Elle indique que les trilogues qui vont s'engager sur ce texte « aborderont certainement les points [évoqués] dans [l'] avis »...

La réponse à l'avis politique de la commission des affaires européennes relatif aux demandes de réformes de l'Union européenne présentées par le Royaume-Uni relève de la même analyse. Si chacun connaît aujourd'hui le résultat du référendum du 23 juin 2016, la réponse de la Commission a été rédigée le 6 avril, soit avant le Brexit. Elle se limite à rappeler, sans les préciser, les conclusions du Conseil européen des 18 et 19 février 2016 ayant approuvé « un nouvel arrangement pour le Royaume-Uni dans l'Union européenne » répondant « à toutes les préoccupations exprimées par le Premier ministre britannique ». Elle rappelle également que ces dispositions seraient entrées en vigueur si le Royaume-Uni était resté dans l'Union européenne et seraient devenues caduques s'il avait décidé d'en sortir. Cette réponse particulièrement brève traduisait sans doute une volonté de faire preuve à la fois de prudence et de discrétion dans le contexte délicat de la campagne référendaire britannique.

De même, la réponse de la Commission à l'avis politique formulé à l'occasion de la consultation publique sur les compétences des autorités nationales de concurrence est pour le moins succincte. Elle se félicite que le Sénat partage son point de vue sur l'importance des règles européennes en matière de concurrence et prend « bonne note » des conditions qui doivent être respectées dans un éventuel travail d'amélioration du fonctionnement des autorités nationales de concurrence. Elle indique toutefois son soutien à la proposition « qu'une mise en place d'un modèle unique d'autorité nationale n'est pas nécessaire, ni souhaitable ». Si elle affirme qu' « elle ne manquera pas de tenir compte de son avis dans un éventuel processus décisionnel européen », elle se garde bien d'aller plus loin et, en particulier, de se prononcer sur la question du marché pertinent. Il est vrai que l'avis politique de la commission des affaires européennes intervenait très en amont.

Sur l'avis politique portant sur l'exemption du plomb contenu dans le verre cristal , la Commission prend note de la position du Sénat, « dont elle tiendra compte lorsqu'elle se prononcera sur la voie à suivre concernant cette exemption ». Alors qu'une décision était attendue pour la fin 2016, la Commission s'abstient de toute perspective et rappelle seulement que « l'exemption existante reste valable jusqu'à ce qu'une nouvelle décision ait été prise », évoquant une consultation publique.

La Commission s'en est tenue à l'affirmation de grands principes dans sa réponse à l'avis politique portant sur la proposition de règlement relatif au système européen d'assurance des dépôts qui fait partie d'un ensemble plus large de mesures destinées à achever l'union bancaire . Elle n'entre toutefois jamais dans le détail des questions soulevées par l'avis politique, mais rappelle que « la protection des déposants constitue la base de leur confiance dans le secteur bancaire » et qu'un système européen de garantie des dépôts serait plus protecteur qu'un système national. Ayant « pris bonne note des points de vue exprimés dans l'avis du Sénat », elle « tient à rassurer le Sénat sur un nombre de sujets particuliers soulevés dans l'avis » tels que la protection des dépôts, le rôle de supervision de la Banque centrale européenne, l'absorption des pertes par les banques ou encore l'harmonisation des législations en matière d'insolvabilité, mais sans jamais expliquer en quoi les dispositions prévues ou négociées seraient précisément rassurantes.

La réponse de la Commission à l'avis politique relatif à la réglementation viticole n'est guère plus convaincante. Alors que la commission des affaires européennes avait mis en exergue un certain nombre de points importants tels que l'étiquetage, les mentions traditionnelles, les indications géographiques ou encore les appellations d'origine protégée, la Commission n'aborde aucun de ces sujets dans sa réponse. Elle évoque une « mise à jour de la législation secondaire et des modalités d'application de la législation de l'Union européenne sur le vin », mais en termes très généraux. Elle indique seulement que, après une large consultation du secteur, « cet exercice n'implique en tous cas ni une « dérégulation » ni une altération des dispositions spécifiques du vin ». Sa réponse se veut prudente et indique que, « pour l'instant aucun texte final n'a été présenté aux États membres ».

Sur la réforme de l'espace Schengen et la crise des réfugiés , la Commission « partage l'avis du Sénat sur les facteurs qui ont conduit à la situation actuelle et demande une approche globale et coordonnée au niveau de l'Union pour faire face à la crise des réfugiés ». Pour autant, sauf sur l'octroi à Frontex de l'accès au système d'information Schengen (SIS), qu'elle évoque sans s'engager, elle ne va pas beaucoup plus loin que rappeler ses principales initiatives en la matière, par exemple sur l'instauration d'un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes ou sur le droit d'asile, en particulier la refonte du règlement Dublin et la réforme du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO), sans du reste donner de détails. Cela est d'autant plus dommage que le sujet est particulièrement important.

À l'avis politique de la commission des affaires européennes portant sur le volet méditerranéen de la politique de voisinage de l'Union européenne révisée, la Commission a apporté une réponse peu détaillée. Elle rappelle sa volonté de maintenir la répartition des crédits telle que prévue par le règlement de 2014 sur l'Instrument européen de voisinage. Elle entend s'appuyer sur l'Union pour la Méditerranée pour renforcer la coopération avec les pays du Sud et souhaite associer d'autres organisations régionales et sous-régionales, sans préciser néanmoins lesquelles. Si l'Égypte est considérée comme un partenaire de l'Union européenne et bénéficie d'« une attention particulière », la Commission n'indique pas quelles suites elle entend donner à la demande de déblocage de crédits gelés.

Sur le détachement des travailleurs , la Commission défend surtout l'économie générale de sa proposition. Elle estime que les propositions du Sénat pourraient imposer à un prestataire de services transfrontaliers des obligations qui ne sont pas requises de tous les prestataires nationaux et seraient, dès lors, en contradiction avec l'objectif de la révision : concilier protection des travailleurs détachés et libre prestation de services transfrontalière. La Commission ne précise toutefois pas quelles sont les solutions avancées par la commission des affaires européennes qui pourraient aboutir à un tel résultat. Les mesures défendues dans l'avis politique sont effectivement conçues pour s'appliquer aux prestataires des autres États membres puisqu'il s'agit de garantir les droits des travailleurs détachés. Il convient de rappeler, comme le fait la Commission dans sa réponse, que celle-ci a reçu des avis motivés de quatorze chambres de onze États membres qui ont estimé que sa proposition portait atteinte au principe de subsidiarité. La Commission a pourtant décidé de la maintenir.

Au total , et au vu de ce bilan, votre commission des affaires européennes appelle la Commission européenne à accorder plus d'attention à la qualité des arguments développés dans ses réponses , en particulier en prenant en considération chacun des points soulevés dans les avis politiques, de manière à rendre plus effective encore son ambition légitime , que partage naturellement votre commission, d'un nouveau partenariat avec les parlements nationaux . Votre commission des affaires européennes s'attachera, l'année prochaine, à demander de nouvelles précisions à la Commission lorsqu'elle considérera que les réponses à ses avis politiques mériteraient d'être complétées, et ce afin de nouer un dialogue politique approfondi et véritablement réciproque.

IV. LE CONTRÔLE DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ : LA RÉSERVE PERSISTANTE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

Il est utile de rappeler le contexte nouveau dans lequel le respect du principe de subsidiarité doit être apprécié. En effet, la Commission européenne, présidée par Jean-Claude Juncker, a affiché une volonté claire de réduire le nombre de ses propositions législatives pour recentrer son activité autour de quelques grandes priorités politiques. Celle-ci s'accompagne de l'objectif de mieux respecter le principe de subsidiarité.

1. Rappel sur le contrôle de subsidiarité : les avis motivés

Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1 er décembre 2009, le Sénat dispose de nouvelles compétences en matière de contrôle de la subsidiarité , visées à l' article 88-6 de la Constitution .

Il doit vérifier que l'Union européenne, en adoptant un projet d'acte législatif, resterait bien dans son rôle, qu'elle interviendrait à bon escient et éviterait l'excès de réglementation. À cette fin, le Sénat est désormais directement destinataire des projets d'acte législatif européens.

Le Sénat peut adopter un avis motivé prenant la forme d'une résolution s'il estime qu'une proposition législative ne respecte pas le principe de subsidiarité, dans lequel il indique les raisons pour lesquelles la proposition ne lui paraît pas conforme. Le délai pour adopter un avis motivé est fixé par les traités à huit semaines à compter de la date à laquelle le Sénat a été saisi du texte.

Un groupe de veille sur la subsidiarité

Un groupe pilote a été constitué au sein de la commission des affaires européennes afin d'effectuer un examen systématique des projets d'actes législatifs au regard du principe de subsidiarité. Le Règlement du Sénat permet, en effet, à la commission des affaires européennes d'adopter un projet d'avis motivé de sa propre initiative.

Ce groupe pilote est présidé par le président de la commission des affaires européennes et comporte un représentant de chaque groupe politique.

Le Règlement du Sénat prévoit que tout sénateur peut déposer un projet d'avis motivé. Celui-ci doit d'abord être adopté par la commission des affaires européennes . Il est ensuite soumis à l'approbation de la commission compétente au fond. Si celle-ci ne statue pas dans les délais, le texte élaboré par la commission des affaires européennes est considéré comme adopté. L'avis motivé est aussitôt transmis aux institutions européennes, la Commission, le Conseil et le Parlement européen.

Conformément au protocole n° 2 des traités sur l'Union européenne et sur le fonctionnement de l'Union européenne, si un tiers des parlements nationaux émet un avis motivé sur une même proposition législative, celle-ci doit être réexaminée par l'institution européenne concernée, qui peut décider de la maintenir, de la modifier ou de la retirer. C'est ce que l'on appelle le « carton jaune » . Ce seuil est abaissé à un quart des parlements nationaux pour les projets d'acte législatif intervenant dans le domaine de la coopération judiciaire et policière en matière pénale .

Trois précédents en matière de « carton jaune »

Les parlements nationaux ont adressé trois « cartons jaunes » à la Commission européenne :

- le premier concernait le paquet « Monti II », un ensemble de textes relatifs au droit de grève. Des assemblées parlementaires de douze États membres 9 ( * ) , représentant 19 voix, ont estimé que ces textes étaient contraires au principe de subsidiarité. La Commission a retiré ce paquet le 26 septembre 2012 ;

- le deuxième « carton jaune » visait la proposition de règlement créant un parquet européen. Des assemblées de dix États membres 10 ( * ) , représentant 18 voix, se sont exprimées dans le même sens. En revanche, la Commission a informé du maintien de son texte, par lettre du 13 mars 2013 ;

- le troisième « carton jaune », plus récent, porte sur la proposition de directive visant à réviser la directive de 1996 relative au détachement des travailleurs. Des assemblées de onze États membres 11 ( * ) , représentant 22 voix, ont considéré que ce texte, en particulier la question de la fixation des salaires, était contraire au principe de subsidiarité. Le 20 juillet dernier, la Commission a cependant maintenu son texte, en rappelant que la directive qu'elle propose de réviser date de plus de vingt ans.

En outre, dans le cadre de la procédure législative ordinaire (codécision entre le Parlement européen et le Conseil), si la moitié des parlements nationaux émet un avis motivé sur une même proposition législative, la Commission européenne doit réexaminer sa proposition et décider soit de la maintenir, soit de la modifier, soit de la retirer. Si, malgré le nombre important d'avis négatifs, elle choisit de la maintenir, elle doit justifier cette décision en publiant elle-même un avis motivé indiquant les raisons pour lesquelles elle estime que cette proposition est conforme au principe de subsidiarité. De leur côté, le Parlement européen et le Conseil devront vérifier, avant d'achever la première lecture, la conformité du texte au principe de subsidiarité. Si le Parlement européen, à la majorité des suffrages exprimés, ou une majorité de 55 % des membres du Conseil estime qu'il n'est pas conforme, la proposition législative est rejetée et son examen n'est pas poursuivi. C'est ce que l'on appelle le « carton orange » .

Le contrôle de subsidiarité par le Sénat peut également s'effectuer a posteriori . C'est ce que l'on appelle le « carton rouge » . Le Sénat peut ainsi demander au Gouvernement qu'il saisisse la Cour de justice de l'Union européenne d' un acte législatif européen déjà adopté , dans les deux mois suivant cette adoption, afin de faire constater qu'il ne respecte pas le principe de subsidiarité.

La procédure de décision est la même que pour les avis motivés. Toutefois, la Cour de justice peut également être saisie, sans qu'une décision du Sénat soit nécessaire, dès lors qu'au moins soixante sénateurs en font la demande.

2. Les avis motivés adoptés par le Sénat

Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Sénat a adopté 21 avis motivés au titre du contrôle de subsidiarité, soit :

- 1 en 2011 , sur les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement ;

- 10 en 2012 , sur l'accès aux ressources génétiques, la gestion collective des droits d'auteur et licences multiterritoriales de droits portant sur des oeuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne, le contrôle technique périodique des véhicules à moteur, le paquet « Monti II » (qui a atteint le seuil du « carton jaune ») , l'information du public sur les médicaments soumis à prescription médicale, la reconnaissance des qualifications professionnelles, le règlement général sur la protection des données, l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports, le développement du réseau transeuropéen de transport et le suivi et l'évaluation des projets de plans budgétaires dans les États membres de la zone euro ;

- 4 en 2013 , sur la déclaration de TVA normalisée, les commissions d'interchange pour les opérations de paiement liées à une carte, la création du parquet européen (qui a atteint le seuil du « carton jaune ») et le 4 e paquet ferroviaire ;

- 2 en 2014 , sur des mesures structurelles améliorant la résilience des établissements de crédit de l'Union européenne et le règlement sur les nouveaux aliments ;

- 4 en 2016 12 ( * ) , sur les sujets suivants :

Texte européen

Propositions de résolution de la commission des affaires européennes

Résolution

Réponse de la Commission européenne

Paquet « déchets »

N° 323 de MM. Michel Delebarre et Claude Kern déposée le 21/01/2016

N° 78 adoptée le 02/02/2016

Transmise le 07/06/2016

Contrats de fourniture numérique et contrats de vente en ligne et de toute autre vente à distance de biens

N° 413 de Mme Colette Mélot et M. André Gattolin déposée le 18/02/2016

N° 103 adoptée le 07/03/2016 sur le rapport (n° 436) de Mme Jacky Deromedi au nom de la commission des lois

Transmise le 15/06/2016

Mécanisme d'échange d'informations en ce qui concerne les accords intergouvernementaux et les instruments non contraignants conclus entre des États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergie

N° 498 de MM. Jean Bizet et Michel Delebarre déposée le 24/03/2016

N° 125 adoptée le 11/04/2016 sur le rapport (n° 531) de M. Roland Courteau au nom de la commission des affaires économiques

Transmise le 24/06/2016

Organe des régulateurs européens des communications électroniques

N° 121 de M. André Gattolin et Mme Colette Mélot déposée le 10/11/2016

N° 38 adoptée le 12/12/2016

Non encore transmise

Sur chacun de ces avis motivés, la Commission européenne apporte une réponse, adressée à M. le Président du Sénat et signée, comme les réponses aux avis politiques, par M. Frans Timmermans et le commissaire compétent.

L'année dernière, votre commission des affaires européennes notait que, « à la différence de ses réponses sur les avis politiques, celles qui portent sur les avis motivés ne sont dans l'ensemble guère satisfaisantes. En effet, la Commission présente les grandes lignes du dispositif qu'elle propose, mais campe sur ses positions quant à l'appréciation portée sur le respect du principe de subsidiarité et ne répond pas vraiment aux objections du Sénat ».

Votre commission est malheureusement contrainte, cette année, de réitérer son constat précédent. En effet, force est de constater que le contenu des réponses de la Commission aux avis motivés ne s'est guère amélioré. Si elle a pris le soin de les argumenter plus longuement, ses réponses se révèlent souvent insuffisantes sur le fond .

Le Sénat avait considéré que le paquet « déchets » ne respectait pas le principe de subsidiarité sur plusieurs points : certaines dispositions substantielles (définition des indicateurs de performance globale en matière de prévention des déchets, liste des déchets recyclables et des emballages, seuil quantitatif de déchets non dangereux, désignation d'organismes de préparation en vue de réemploi ou réseau de consignes agréées) font l'objet d'actes délégués et d'actes d'exécution ; risques de compromettre des pratiques nationales plus au fait des réalités locales que l'établissement par la Commission de lignes directrices pour l'interprétation des termes « valorisation » et « élimination » des déchets ; incertitudes sur le contour du rapport d'alerte de la Commission en cas de manquement d'un État membre aux objectifs poursuivis par le texte européen, notamment sur le caractère éventuellement contraignant des recommandations contenues dans ce rapport.

La Commission, après avoir succinctement présenté son dispositif et rappelé ses objectifs, « prend acte des inquiétudes du Sénat quant aux pouvoirs délégués ou aux pouvoirs d'exécution que confèrent les propositions à la Commission ». De façon peu convaincante, elle note que les textes en vigueur prévoient déjà de tels pouvoirs d'exécution et indique que « la disposition relative aux lignes directrices pour l'interprétation des définitions des termes « valorisation » et « élimination » existe également dans la directive 2008/98/CE (article 38, paragraphe 1) et ne fait référence qu'à des orientations non contraignantes ». Toutefois, elle ne répond pas aux objections du Sénat, qui a par ailleurs dénoncé à plusieurs reprises les excès inhérents à ces pouvoirs d'exécution, relatives aux dispositions du texte dont il est précisément saisi et qui concerne l'avenir... Les dispositions relatives au mécanisme d'alerte précoce auraient été « fortement simplifiées par rapport à sa proposition de 2014 », sans que l'on sache en quoi consiste cette simplification ni que soit démontrée la façon dont cette simplification permet de mieux respecter le principe de subsidiarité. Enfin, le rapport de la Commission viserait à « aider les États membres à éviter les infractions ». La Commission précise toutefois que les recommandations contenues dans ce rapport « ne seront pas contraignantes pour les États membres ».

Sur les contrats de fourniture numérique et contrats de vente en ligne et de toute autre vente à distance de biens , la Commission n'a pas non plus apporté de réponses véritablement argumentées aux observations du Sénat.

La Commission avait fait le constat que, si le commerce électronique se développe en Europe depuis plusieurs années, il reste essentiellement cantonné à l'intérieur des frontières nationales, et cela pour deux principales raisons : pour les entreprises, il s'agit principalement de l'absence d'une sécurité juridique favorable due à la fragmentation des législations et du surcoût engendré par les différences entre les droits nationaux des contrats ; quant aux consommateurs, ils pointent l'incertitude concernant leurs droits et leurs garanties contractuels. Pour y remédier, la Commission a fait le choix d'une harmonisation complète et ciblée de droits impératifs des consommateurs de manière à créer un cadre juridique unique pour l'ensemble de l'Union et favoriser l'action des entreprises. Le ciblage de certains droits impératifs des consommateurs devrait renforcer leur protection globale à l'échelle européenne.

Cependant, en dépit d'avancées indéniables, cette harmonisation complète a été jugée par le Sénat comme portant atteinte au principe de subsidiarité. En effet, si la Commission a prôné un niveau élevé de protection des consommateurs, elle n'a, à aucun moment, annoncé vouloir caler ses propositions sur les législations nationales les plus protectrices. Or, le droit français est en la matière un des plus évolués. Le principe d'harmonisation complète empêche les États membres de fournir une protection plus grande que celle prévue par la norme européenne : non seulement, la France ne pourrait offrir à ses ressortissants un niveau de protection plus en lien avec ce qu'elle pratique déjà, mais de surcroît, le texte comporte en lui-même une possibilité de voir régresser le niveau de protection des consommateurs français, sous couvert d'harmonisation au niveau européen.

La Commission affirme que « le choix d'une harmonisation complète au niveau européen, associé à un niveau élevé de protection des consommateurs, est le seul capable de relever les deux objectifs de sécurité juridique et de confiance des consommateurs ». Elle considère que « les États membres ne sauraient suffisamment, de leur propre initiative, éliminer les obstacles existants entre les législations nationales relatives aux contrats ». Elle conclut que « procéder par voie d'harmonisation minimale risquerait fort de ne pas apporter les résultats escomptés ». C'est pourquoi, selon elle, « seule une harmonisation complète [...] permettrait la réalisation d'un marché unique numérique en Europe », même si cette approche radicale est tempérée par le fait que l'harmonisation est ciblée et ne vise que « les aspects du commerce électronique qui se sont avérés être les principaux obstacles pour les consommateurs et les entreprises ». La Commission réaffirme également que « le niveau de protection des consommateurs offert par [ses] propositions est également très élevé », « sensiblement similaire au niveau de protection dont bénéficient les consommateurs français, niveau déjà très élevé par rapport aux autres consommateurs européens ».

On le voit, la Commission reprend le plus souvent ses explications initiales, mais ne prend pas véritablement la peine de répondre aux observations précises qui lui sont adressées. D'ailleurs, face aux difficultés rencontrées dans les négociations au Conseil, plusieurs États membres ont soulevé la question du niveau d'harmonisation. N'en déplaise à la Commission, la question mise en avant par le Sénat reste bel et bien posée.

Un constat similaire peut être dressé sur la réponse de la Commission à l'avis motivé portant sur la création d'un mécanisme d'échange d'informations en ce qui concerne les accords intergouvernementaux et les instruments non contraignants conclus entre des États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergie , dans le cadre de la mise en place de l'Union de l'énergie.

Le Sénat faisait en particulier observer que les dispositions prévues étaient inutiles pour l'information de la Commission, que les accords intergouvernementaux n'étaient plus guère utilisés dans le domaine énergétique, étant pour l'essentiel remplacés par des accords commerciaux, et que le dispositif proposé comportait une atteinte à la compétence des États membres, la Commission devant être impliquée en amont dans la vérification d'un accord intergouvernemental, voire dans les négociations elles-mêmes.

Dans sa réponse, la Commission estime essentiel de garantir la conformité des accords énergétiques intergouvernementaux avec le droit de l'Union européenne. Elle indique, dès lors, que sa proposition vise « à ce que les États membres aient l'obligation de notifier leurs projets d'accords intergouvernementaux à la Commission avant qu'ils ne deviennent juridiquement contraignants pour les parties (contrôle ex ante ) ». Un tel contrôle serait « la seule option efficace permettant de garantir la conformité de ces accords avec le droit de l'Union ainsi que leur transparence ». Toutefois, ce contrôle ex ante « ne prend pas la forme d'une décision juridiquement contraignante », même si l'avis de la Commission aurait un effet suspensif d'une durée de douze semaines maximum. Il convient toutefois de noter que, sur ce point, la réponse de la Commission est contradictoire avec sa proposition de décision selon laquelle : « Les États membres devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour parvenir à une solution appropriée afin d'éliminer l'incompatibilité constatée . »

Toutefois, les négociations au Conseil ont fait récemment évoluer ce sujet vers une formulation consensuelle. En effet, le Conseil énergie du 5 décembre dernier s'est rallié au compromis élaboré par la Présidence slovaque. Si ce dispositif est définitivement entériné, les accords intergouvernementaux gaziers ou pétroliers paraphés devront être communiqués à la Commission avant leur signature. La Commission devra formuler ses éventuels doutes dans un délai de cinq semaines, puis formaliser un avis au plus tard douze semaines après la transcription du projet d'accord. Si le gouvernement concerné ne prend pas en compte l'avis de la Commission dans la version ratifiée de l'accord, il devrait (et non « devra » comme initialement prévu) expliquer ses motifs sans délai. Les accords intergouvernementaux en matière d'électricité éviteront cette évaluation ex ante , mais subiront une évaluation ex post , une clause de révision ayant été insérée pour qu'une évaluation ex ante puisse finir par être imposée. Les accords non contraignants échapperont à l'évaluation ex ante par la Commission, au bénéfice d'une notification « volontaire » ex post .

Si ces évolutions sont favorables, et répondent à plusieurs interrogations exprimées par le Sénat, il n'en demeure pas moins que la réponse de la Commission apparaît, rétrospectivement, d'autant plus insuffisante qu'elle se limitait à réaffirmer des positions de principe initiales, alors que l'avis du Sénat était bel et bien partagé par plusieurs États membres.

À cet égard, votre commission des affaires européennes ne peut donc être que favorable à la mise en oeuvre rapide de l'engagement pris par M. Frans Timmermans dans sa lettre du 11 juillet 2016, annexée au présent rapport : « La Commission a l'intention d'entreprendre, dans des cas spécifiques où cela s'avère approprié, un dialogue politique informel avec les parlements nationaux afin de discuter la substance de la proposition législative en question du point de vue de la subsidiarité, avant de prendre sa décision de maintenir, modifier ou retirer sa proposition » .

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 2 février 2017 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. Jean Bizet, président, le débat suivant s'est engagé :

M. Simon Sutour . - Félicitations pour cette synthèse sur le suivi de nos résolutions. Il est bien de faire des résolutions - certains livres parlent de révolution, d'autres de résolutions... - et de connaître leur devenir. On observe une montée en puissance de la considération des parlements nationaux. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008 et les nouveaux acquis du traité qui y sont désormais intégrés aux articles 88-1 et suivants, dont je me félicite, nous sommes passés du statut de petite délégation à celui de commission des affaires européennes, intouchable car prévue par la Constitution...

Nous avons pris notre part de responsabilité. Nous avons créé un groupe de suivi des textes, et travaillé avec le SGAE. Nous lui avons rendu visite et le SGAE nous a transmis un compte rendu de son action. Ces relations sont montées en puissance. La venue du ministre cette année est positive : s'il vient deux fois par an devant notre commission, et que le Gouvernement tient compte de nos propositions, cela incitera ses services à plus d'attention.

La Commission européenne est plus éloignée, les relations sont plus inégales, et nous devons souvent nous rappeler à son bon souvenir... Je ne suis plus favorable aux courriers qui trouvent rarement des réponses, mais davantage aux avis politiques et avis motivés. Je me félicite de cette bonne évolution. De plus en plus, nous réussissons à imposer le rôle des parlements nationaux au niveau de l'Union européenne. Participant à de nombreuses instances depuis longtemps, j'ai observé l'évolution du Parlement européen qui nous tançait de haut, et qui maintenant admet un partage des responsabilités entre chacun. Continuons dans ce sens positif.

M. Jean Bizet , président . - Nous observons une crispation généralisée, un vent de protectionnisme contraire à l'évolution de nos sociétés. Nous avons largement débattu, en séance plénière, des traités commerciaux internationaux. C'est par une association, le plus en amont possible, des parlements nationaux, afin de définir un cahier des charges le plus précis possible au commissaire chargé de négocier, qu'on pourra expliquer qu'il faut des accords commerciaux équilibrés. Le travail est né dans notre commission.

M. Richard Yung . - Nous avons pu être utiles au Gouvernement lors de négociations un peu difficiles, notamment face à des pays comme l'Allemagne, parfois limitée par la commission des finances du Bundestag...

M. Jean Bizet , président . - Nous arrivons à une situation plus saine et plus équilibrée. Le ministre du commerce extérieur a largement associé le Parlement aux réflexions pour éviter de se retrouver dans une situation caricaturale comme en Wallonie. Plus nous débattons en amont sur le cahier des charges, moins il y a de discussions en aval.

À l'issue de ce débat, la commission autorise, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.

ANNEXES

1. Tableau d'ensemble des résolutions européennes du Sénat entre le 1 er octobre 2015 et le 31 décembre 2016

2. Lettre de M. Frans Timmermans, Premier vice-président de la Commission européenne en date du 11 juillet 2016

3. Audition de M. Harlem Désir, secrétaire d'État aux affaires européennes, sur le suivi des résolutions européennes, le 26 janvier 2017

4. Présentation synthétique des réponses apportées par les parlements nationaux sur le suivi des positions européennes

- 93 -

ANNEXE 1 - Tableau d'ensemble des résolutions européennes du Sénat entre le 1er octobre 2015 et le 31 décembre 2016

Texte européen

Proposition de résolution européenne

Rapport commission des affaires européennes

Rapport commission législative

Résolution européenne

Fiche de suivi SGAE

État de la négociation du texte

Avis politique

Réponse de la Commission européenne

Amélioration de la réglementation (mieux légiférer)
COM (2015) 216 final

N°85 déposée le 15/10/2015 par MM. Jean Bizet et Simon Sutour

-

-

N°41 adoptée le 20/11/2015

Transmise le 01/03/2016

Adopté
le 13/04/2016

15/10/2015

10/12/2015

Mise en oeuvre du plan d'investissement pour l'Europe

COM (2015) 10

N°143 déposée le 05/11/2015 par MM. Jean-Paul Emorine et Didier Marie

Rapport n°144 de MM. Jean-Paul Emorine et Didier Marie déposé le 05/11/2015

Rapport n°206 de M. Albéric de Montgolfier fait au nom de la commission des finances et déposé le 01/12/2015

N°46 adoptée le 07/12/2015

Transmise le 12/12/2016

Adopté
le 25/06/2016

05/11/2015

03/02/2016

Possibilités de pêche pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques
COM (2015) 559 final

N°248 déposée le 10/12/2015 par M. Jean Bizet

-

-

N°67 adoptée le 15/01/2016

Transmise le 24/02/2016

Adopté le 22/01/2016

10/12/2015

16/02/2016

Évolution des importations de sucre dans l'Union européenne en provenance des pays ACP et des pays les moins avancés (rapport)
COM (2013) 323 final

N°282 déposée le 18/12/2015 par M. Michel Magras et Mme Gisèle Jourda

Rapport n°299 de Mme Gisèle Jourda déposé le 14/01/2016

Rapport n° 312 de M Michel Magras fait au nom de la commission des affaires économiques et déposé le 20/01/2016

N°68 adoptée le 26/01/2016

Non

-

-

-

- 94 -

Texte européen

Proposition de résolution européenne

Rapport commission des affaires européennes

Rapport commission législative

Résolution européenne

Fiche de suivi SGAE

État de la négociation du texte

Avis politique

Réponse de la Commission européenne

Mandat de négociation TTIP
ST 11103/1/13

N°115 déposée le 27/10/2015 par M. Michel Billout et plusieurs de ses collègues

Rapport n°201 de MM. Philippe Bonnecarrère et Daniel Raoul déposé le 26/11/2015

Rapport n°270 de Mme Sophie Primas fait au nom de la commission des affaires économiques et déposé le 16/12/2015

N°83 adoptée le 04/02/2016

(discussion en séance publique)

Non

-

-

-

Demandes de réformes de l'UE souhaitées par le Royaume-Uni
5072/16

N°346 déposée le 28/01/2016 par Mme Fabienne Keller

Rapport n°347 de Mme Fabienne Keller déposé le 28/01/2016

Rapport n°377 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam au nom de la commission des affaires étrangères et déposé le 09/02/2016

N°91 adoptée le 16/02/2016

Non

-

28/01/2016

06/04/2016

Programme de travail de la Commission européenne pour 2016
COM (2015) 610 final

N°321 déposée le 21/01/2016 par MM. Jean Bizet et Simon Sutour

Rapport n°322 de MM. Jean Bizet et Simon Sutour déposé le 21/01/2016

-

N°99 adoptée le 26/02/2016

Non

-

21/01/2016

29/04/2016

Règles concernant les pratiques anticoncurrentielles (consultation publique)
COM (2014) 453 final

N°403 déposée le 15/02/2016 par M. Philippe Bonnecarrère

Rapport n°396 de M. Philippe Bonnecarrère déposé le 11/02/2016

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N°112 adoptée le 20/03/2016

Transmission (le 12/12/2016) de la réponse de la France à la consultation publique

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11/02/2016

02/06/2016

Lutte contre le terrorisme
COM (2015) 625 final

N°443 déposée le 04/03/2016 par MM. Philippe Bonnecarrère et Simon Sutour

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N°124 adoptée le 09/04/2016
(discussion en séance publique)

Transmise le 12/12/2016

En cours d'adoption

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- 95 -

Texte européen

Proposition de résolution européenne

Rapport commission des affaires européennes

Rapport commission législative

Résolution européenne

Fiche de suivi SGAE

État de la négociation du texte

Avis politique

Réponse de la Commission européenne

Limitation de l'utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques (cristal)
Directive 2011/65/UE

N°486 déposée le 18/03/2016 par M. René Danesi

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Rapport n°533 de M. Jean-François Rapin au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et déposé le 06/04/2016

N°126 adoptée le 12/04/2016

Transmise le 30/01/2017

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17/03/2016

18/10/2016

Réforme de la loi électorale de l'UE
Résolution du Parlement européen

N°464 déposée le 10/03/2016 par Mme Fabienne Keller et M. Jean-Yves Leconte

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N°127 adoptée le 16/04/2016

Transmise le 12/12/2016

En cours d'adoption

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-

Réglementation viticole
Règlement n°607/2009

N°421 déposée le 24/02/2016 par M. Roland Courteau et plusieurs de ses collègues

Rapport n°485 de MM. Gérard César et Claude Haut déposé le 18/03/2016

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N°128 adoptée le 26/04/2016

Transmise le 12/12/2016

-

17/03/2016

24/06/2016

Réforme de l'espace Schengen et crise des réfugiés (corps européen de garde-frontières et de garde-côtes)

COM (2015) 671 final

N°500 déposée le 24/03/2016 par MM. Jean-Yves Leconte et André Reichardt

-

-

N°130 adoptée le 29/04/2016

Transmise le 12/12/2016

En cours

24/03/2016

05/08/2016

- 96 -

TAPEZ LE TITRE DU RAPPORT

Texte européen

Proposition de résolution européenne

Rapport commission des affaires européennes

Rapport commission législative

Résolution européenne

Fiche de suivi SGAE

État de la négociation du texte

Avis politique

Réponse de la Commission européenne

Sanctions contre la Russie

N°643 déposée le 26/05/2016 par MM. Yves Pozzo di Borgo et Simon Sutour

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Rapport n°659 de M. Robert del Picchia et Mme Josette Durrieu au nom de la commission des affaires étrangères et déposé le 01/06/2016

N°154 adoptée le 08/06/2016
(discussion en séance publique)

Non

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-

Volet méditerranéen de la politique de voisinage

JOIN (2015) 50 final

N°608 déposée le 12/05/2016 par MM. Louis Nègre et Simon Sutour

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-

N°159 adoptée le 17/06/2016

Transmise le 12/12/2016

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12/05/2016

12/08/2016

Perspectives de la PSDC

N°619 déposée le 23/05/2016 par Mme Gisèle Jourda et M. Yves Pozzo di Borgo

-

Rapport n°686 de MM. Jacques Gautier et Daniel Reiner au nom de la commission des affaires étrangères et déposé le 15/06/2016

N°160 adoptée le 21/06/2016

Non

-

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-

Modification de la directive sur le détachement des travailleurs

COM (2016) 128 final

N°644 déposée le 26/05/2016 par M. Éric Bocquet

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N°169 adoptée le 01/07/2016

Transmise le 12/12/2016

En cours d'adoption

26/05/2016

20/07/2016

Négociations interchypriotes

N°664 déposée le 02/06/2016 par M. Didier Marie

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N°173 adoptée le 08/07/2016

Transmise le 12/12/2016

-

02/06/2016

30/09/2016

- 97 -

Texte européen

Proposition de résolution européenne

Rapport commission des affaires européennes

Rapport commission législative

Résolution européenne

Fiche de suivi SGAE

État de la négociation du texte

Avis politique

Réponse de la Commission européenne

Accord commercial relatif à la banane

Résolution du Parlement européen

N°65 déposée le 20/10/2016 par MM. Michel Magras, Éric Doligé, Jacques Gillot et Mmes Gisèle Jourda et Catherine Procaccia

Rapport n°102 de Mme Gisèle Jourda déposé le 03/11/2016

Rapport n°127 de M. Michel Magras au nom de la commission des affaires économiques et déposé le 16/11/2016

N°26 adoptée le 22/11/2016 (discussion en séance publique

Non

-

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Fourniture de services de médias audiovisuels

COM (2016) 287 final

N°103 déposée le 03/11/2016 par M. André Gattolin et Mme Colette Mélot

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Rapport n°161 de M. Jean-Pierre Leleux au nom de la commission de la culture et déposé le 30/11/2016

N°35 adopté le 09/12/2016

Non

En cours d'adoption

03/11/2016

-

Phase I de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire

COM (2015) 701 final

N°123 déposée le 14/11/2016 par Mme Fabienne Keller et M. François Marc

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Rapport n°216 de M. Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances et déposé le 14/12/2016

N°43 adoptée le 20/12/2016

Non

En cours d'adoption

10/11/2016

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Premier bilan et perspectives du plan d'investissement pour l'Europe

COM (2016) 597 final

N°124 déposée le 14/11/2016 par MM. Jean-Paul Emorine et Didier Marie

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Rapport n°217 de M. Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances et déposé le 14/12/2016

N°42 adoptée le 20/12/2016

Non

En cours d'adoption

10/11/2016

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ANNEXE 2 - Lettre de M. Frans Timmermans, Premier vice-président de la Commission européenne

ANNEXE 3 - Audition de M. Harlem Désir, secrétaire d'État aux affaires européennes, sur le suivi des résolutions européennes

Jeudi 26 janvier 2017

Présidence de M. Jean Bizet, président

Institutions européennes

Suivi des résolutions européennes

Audition de M. Harlem Désir, secrétaire d'État aux affaires européennes

M. Jean Bizet , président . - Merci d'avoir répondu à notre invitation à cet échange sur le suivi des résolutions européennes que le Sénat a adoptées entre le 1 er octobre 2015 et le 31 décembre 2016. Si elles ne lient pas juridiquement le Gouvernement, ces résolutions expriment une position politique de notre assemblée. Aussi nos collègues souhaitent-ils savoir ce qu'il en est advenu dans la négociation européenne. Dans le cadre de sa fonction de contrôle, le Sénat doit donc avoir un dialogue régulier avec le Gouvernement. C'est en quelque sorte, en matière européenne, le pendant du suivi de l'application des lois. J'avais présenté l'an passé un rapport d'information qui dressait un bilan assez positif du sort de nos résolutions : dans plus de la moitié des cas, elles sont suivies entièrement et dans le tiers, partiellement. Je remercie le secrétariat général aux affaires européennes (SGAE), qui nous apporte son concours à travers l'envoi de fiches de suivi. Je souhaite que cette collaboration soit poursuivie et approfondie, notamment en intégrant l'ensemble de nos résolutions, quel qu'en soit l'objet. Nous veillons parallèlement à obtenir des éléments comparatifs sur les pratiques des autres États membres.

Nous allons dans un premier temps vous entendre sur l'état d'avancement de quatre dossiers sensibles ayant fait l'objet de résolutions du Sénat. La lutte contre le terrorisme, tout d'abord, pour laquelle notre assemblée avait demandé un véritable acte pour la sécurité intérieure. Ce sont nos collègues Philippe Bonnecarrère et Simon Sutour qui suivent plus particulièrement ce dossier. Où en sommes-nous ? La réforme de Schengen et la réponse à la crise des réfugiés, ensuite. Nul besoin de rappeler l'urgence de ce dossier, sur lequel Jean-Yves Leconte et André Reichardt ont beaucoup travaillé, et qui fait l'objet d'une commission d'enquête présidée par Jean-Claude Requier, dont je salue la présence. Puis, le plan d'investissement pour l'Europe, qui a été examiné de près par Jean-Paul Emorine et Didier Marie. Nous saluons ses premiers résultats, mais nous demandons en particulier une meilleure implication des collectivités territoriales. Lors d'un échange téléphonique récent, le vice-président de la Banque européenne d'investissement (BEI), M. Ambroise Fayolle, m'a annoncé le lancement d'un plan Juncker de deuxième génération, dont un volet pourrait être consacré au monde agricole. Enfin, sur le détachement des travailleurs, qu'Éric Bocquet a suivi de près, le Sénat demande un renforcement des règles européennes, afin de mettre un terme au dumping social.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État . - Merci de votre accueil. Cette audition participe du bon fonctionnement de notre démocratie en même temps que du renforcement de nos positions dans les négociations européennes. Elle met en exergue l'ampleur et la qualité du travail réalisé par votre commission. Elle montre également l'influence de vos travaux et leur convergence avec les positions défendues par le Gouvernement : de nombreuses idées et propositions formulées par la Haute Assemblée sont prises en compte dans les compromis adoptés par les institutions européennes. Les fiches de suivi du SGAE le montrent bien. Je voudrais également souligner la très grande convergence de vos travaux avec les priorités de l'agenda de relance de la construction européenne adopté à Bratislava en septembre 2016, qui sert de feuille de route à l'Union post- Brexit comme à la préparation du sommet qui marquera le soixantième anniversaire du Traité de Rome le 25 mars prochain.

La résolution n° 124, présentée par Simon Sutour et Philippe Bonnecarrère, insistait sur la nécessité de mieux contrôler les frontières extérieures de l'Union, de mettre en place un PNR européen et d'engager une réflexion sur la définition d'une politique commune des visas prenant en compte des indicateurs de risques liés à la menace terroriste. Nous partageons pleinement ces objectifs car la soutenabilité et la pérennité de l'espace Schengen impliquent que les frontières extérieures soient efficacement sécurisées et protégées.

Des avancées essentielles ont été obtenues. Le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, doté d'une réserve mobilisable de 1 500 agents fournis par les États membres, a été mis en place en octobre 2016. Reste à le déployer. Il va permettre de mieux assurer la mission de contrôle et de sécurisation que l'agence Frontex ne pouvait conduire pleinement faute de disposer du mandat ou des capacités nécessaires. L'adoption de la directive sur le PNR européen, en avril dernier, après de longues négociations, est une décision très importante car il s'agit d'un outil essentiel pour la prévention et la détection des infractions terroristes. Il faut à présent que les États membres la transposent.

Nous devons poursuivre notre action en faveur de la révision du code frontières Schengen, de l'interopérabilité de nos systèmes d'information et de la mise en place des contrôles à l'entrée et à la sortie dans le cadre du paquet « frontières intelligentes ». En particulier, un système européen d'information et d'autorisation des voyages (Etias), sur le modèle de l' Electronic System for Travel Authorization (ESTA) américain, a été présenté par la Commission européenne, notamment à la demande de la France. Il est encore peu connu, cependant.

Le Conseil européen de décembre a fixé sur ces dossiers des objectifs clairs. Un accord est attendu d'ici juin 2017 sur le système d'entrée et de sortie et, d'ici la fin de l'année 2017, sur le système Etias.

Outre le contrôle des frontières, vous insistiez sur la nécessité pour l'Union européenne de renforcer la coopération policière et judiciaire et la coopération en matière de renseignement, notamment par le biais d'Europol et d'Eurojust.

Sur ce plan également des progrès ont été faits. En décembre 2016, le Conseil et le Parlement sont parvenus à un accord sur la proposition de directive visant à renforcer le cadre juridique de l'Union pour la prévention des actes terroristes. Il s'agit notamment d'ériger en infraction certains actes comme l'entraînement au terrorisme ou l'organisation et la participation à des voyages à des fins de terrorisme. Le droit français traite ces cas, mais dans d'autres pays cela reste à organiser. C'est indispensable, afin que les personnes revenant des zones de combat soient traitées sur le plan judiciaire.

Il s'agit également de renforcer les règles concernant l'échange entre les États d'informations relatives à des infractions terroristes recueillies dans le cadre d'une procédure pénale, notamment par le biais d'Europol et Eurojust. Le Conseil des ministres de la justice et des affaires intérieures de décembre dernier a donné une véritable impulsion politique au projet de création d'un parquet européen. Des résistances perdurent chez certains États membres, qui craignent une remise en cause de leur souveraineté, mais nous devons poursuivre avec la majorité significative d'États membres qui souhaitent avancer.

La stratégie renouvelée de sécurité intérieure pour l'Union pour la période 2015-2020, que vous souteniez dans votre résolution, permet de tirer un bilan régulier des actions menées en matière de lutte contre le terrorisme et de sécurité intérieure.

Beaucoup reste à faire. En juin prochain, la Commission devrait ainsi formuler des propositions pour renforcer nos systèmes d'information afin de lutter plus efficacement contre le terrorisme sur Internet.

La résolution n° 130 du Sénat, présentée par Jean-Yves Leconte et André Reichardt, soulignait la nécessité de revoir la gouvernance de Schengen pour faire face à la crise migratoire, de renforcer le contrôle des frontières extérieures, de repenser le système d'asile au niveau européen, d'améliorer l'accueil et l'enregistrement des migrants et de lutter contre l'immigration illégale. Le Gouvernement a rappelé avec fermeté son attachement à la solidarité entre les pays de l'Union européenne : l'Italie et la Grèce ne peuvent pas être laissées seules face à l'arrivée des migrants.

Les Européens doivent oeuvrer collectivement pour renforcer leurs agences communes que sont Frontex et le Bureau européen d'appui à l'asile (EASO), dont il faut renforcer les moyens et le cadre d'action. À cet égard, la France est exemplaire, et le directeur exécutif m'en a remercié lors de la visite que j'ai effectuée au siège de l'EASO lundi à Malte avec mon homologue allemand. La France est aussi exemplaire dans les relocalisations : près de 40 % des relocalisations en provenance de Grèce ont été effectuées chez nous ! Avec l'Allemagne, nous assumons l'essentiel de cet effort.

La déclaration UE-Turquie de mars dernier et la fermeture de la route des Balkans ont permis une réduction massive des flux migratoires en Méditerranée orientale, et donc des naufrages aux large des îles grecques. C'est pourquoi nous devons continuer dans cette voie, en restant vigilants, car d'une semaine à l'autre les variations des flux peuvent être considérables.

Une politique migratoire efficace à l'échelle européenne passe aussi par le renforcement de la lutte contre les filières d'exploitation de l'immigration illégale en Méditerranée centrale. Il s'agit essentiellement des flux entre la Libye et l'Italie, qui ont atteint en 2016 un volume de 180 000 personnes. Cela s'explique par l'effondrement de l'État en Libye. Et des milliers de personnes perdent la vie dans ce trafic criminel et hautement lucratif pour ceux qui l'organisent.

Nous avons obtenu une extension du mandat de l'opération EUNAVFOR MED Sophia, qui comprend désormais la lutte contre le trafic des armes au large de la Libye, car il est organisé par les mêmes passeurs, et la formation des garde-côtes libyens. Nous sommes en discussions avec nos partenaires libyens pour que cette formation soit aussi rapide que possible. Ainsi, les eaux territoriales libyennes seront mieux contrôlées.

M. Yves Pozzo di Borgo . - Les navires de l'opération Sophia peuvent-ils y pénétrer ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État . - Pour l'instant, ils ne peuvent opérer que dans les eaux internationales. La formation des garde-côtes libyens doit remédier à cette lacune. Pour que nos navires puissent intervenir, il faudrait un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, ou bien un accord avec le Gouvernement libyen. Mais nous n'avons pas, pour l'instant, d'interlocuteur régalien suffisamment stable ou reconnu. Un processus politique soutenu par la France et les Nations unies, qui comporte un accord avec le général Haftar, devrait cependant aboutir à ce qu'un Gouvernement d'union nationale contrôle mieux le pays.

Il nous faut aussi agir sur les causes profondes des migrations. Notre conviction est qu'une politique de développement et de partenariat avec les pays d'origine est nécessaire pour réduire durablement les migrations vers l'Europe. Un travail a ainsi été engagé pour la mise en oeuvre de cadres de partenariats avec cinq pays d'Afrique. La Haute Représentante a rendu compte lors du dernier Conseil européen des avancées, notamment avec le Mali et le Niger, qui sont des points de passage essentiels vers la Libye.

L'Europe doit investir massivement dans le développement de l'Afrique. Il faut que le plan d'investissement extérieur y finance des projets innovants de développement, sur le modèle du plan Juncker et en lien avec les accords sur les migrations. Bien évidemment, et je sais qu'il s'agit d'une préoccupation du Sénat, la France sera vigilante sur les modalités de mise en oeuvre et d'évaluation des résultats de ce plan ainsi que sur sa bonne articulation avec les autres programmes extérieurs européens.

Dans la résolution n°46, portée par Jean-Paul Emorine et Didier Marie, vous avez salué les efforts déployés en 2015 pour la mise en oeuvre du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS). Vous avez également insisté sur le renforcement des relations entre la BEI et les banques nationales de développement, comme BPI France, ainsi que sur le rôle des plateformes d'investissement. Vous avez aussi rappelé la nécessité d'un environnement plus favorable aux investissements grâce à un allègement et à une harmonisation des réglementations européennes et nationales ainsi qu'à l'approfondissement de l'union des marchés de capitaux. Nous partageons ces objectifs.

La France a oeuvré pour que l'investissement soit remis au coeur de l'agenda européen. Ce n'était pas le cas avant 2012, car la priorité était alors d'assainir les comptes publics. Nous avons souhaité rééquilibrer l'agenda européen car nous considérions qu'il devait reposer sur trois piliers : assainissement des comptes, réformes structurelles et soutien à l'investissement. En effet, c'est en stimulant l'investissement que nous pourrons consolider la croissance et favoriser la création d'emplois. Et, en la matière, l'Europe n'a pas rattrapé le retard qu'elle a pris depuis la crise de 2008. Nous avons obtenu le prolongement et le quasi-doublement du plan Juncker. Ce plan a financé des secteurs porteurs de croissance comme le numérique, la transition énergétique, les transports, la recherche et l'innovation. Nous allons porter l'objectif de 315 milliards à 500 milliards d'euros, sur une durée qui dépassera les trois ans initialement prévus.

Au 16 décembre 2016, 422 projets avaient été approuvés dans 27 États membres pour un financement par le FEIS de 30,6 milliards d'euros, générant un investissement total de 164 milliards d'euros. La France est le deuxième bénéficiaire du plan Juncker après l'Italie avec, fin décembre 2016, 50 projets approuvés depuis son lancement pour un montant de garantie mobilisé de 4,1 milliards d'euros, conduisant à un montant total d'investissement de 21,3 milliards d'euros. Vous connaissez beaucoup de ces projets. Nous sommes nombreux, par exemple, à avoir visité les installations des Maîtres laitiers du Cotentin - qui exportent jusqu'en Chine ! Nous poursuivons nos efforts pour donner plus d'ampleur au plan Juncker et parvenir de ce fait à un environnement plus favorable à l'investissement, aussi bien au niveau national qu'européen, avec les projets de marché unique des capitaux, du numérique et de l'énergie.

Le détachement des travailleurs a fait l'objet de la résolution n° 169 présentée par Éric Bocquet. Vous y avez salué la volonté de la Commission de réviser la directive initiale de 1996 relative au détachement des travailleurs, tout en regrettant que les modifications soient insuffisantes pour assurer l'égalité de traitement des salariés pour un même travail au même endroit.

Comme vous, nous nous félicitons que la Commission européenne ait utilisé son droit d'initiative pour proposer une révision de cette directive. C'était une demande forte de notre part car ce texte datant de 1996 n'est plus adapté à l'Europe élargie que nous connaissons. Nous partageons les objectifs de cette révision, qui reprennent ceux défendus par le Sénat : la lutte contre les abus et fraudes à la législation actuelle, notamment par la lutte contre les entreprises boîtes aux lettres et la promotion du principe d'un salaire égal pour un travail égal sur un même lieu de travail.

Cependant, nous partageons votre conviction que cette révision n'est, pour le moment, pas assez ambitieuse. C'est pourquoi nous avons proposé une série d'amendements, qui reprennent les préconisations de la résolution sénatoriale, et proposent notamment une ancienneté de trois mois avant tout détachement, une activité minimale de 25 % dans le pays d'origine des entreprises, pour lutter contre les entreprises boîtes-aux-lettres, l'interdiction du double détachement, la limitation de la durée du détachement, la prise en charge par l'employeur des indemnités compensant les frais de mission et le renforcement de la coordination entre les inspections du travail et en matière de lutte contre les fraudes et les abus. Notre vigilance s'exerce particulièrement dans le domaine des transports, dans lequel les abus sont très nombreux. Il est par ailleurs essentiel que les règles de rémunération s'appliquent à l'ensemble de la chaîne de sous-traitance pour éviter les contournements actuellement trop nombreux.

Cette révision se heurte à une opposition d'un certain nombre d'États membres qui refusent de voir modifier les conditions du détachement. Les Parlements de onze États membres ont introduit une procédure de « carton jaune » au titre de la subsidiarité. Mais je veux vous assurer de l'absolue détermination du Gouvernement et de notre mobilisation dans la négociation. Il en va, de notre point de vue, de la conception même que nous nous faisons de la construction européenne. Nous récusons avec la plus grande fermeté toute forme de dumping social au sein de l'Union, à l'heure où la Commission européenne a engagé une large consultation sur le projet de socle européen du droit social.

Ces quatre dossiers majeurs permettent de mesurer la convergence entre vos résolutions, les positions que nous avons portées et défendues à l'échelle européenne et les avancées essentielles de la construction européenne. L'Europe est à un moment décisif de son histoire : face aux crises qui se multiplient, dans un contexte d'incertitudes à l'échelle internationale, elle doit prendre son destin en main et défendre elle-même ses valeurs, ses intérêts, ses citoyens. C'est cette dynamique de relance, initiée par la feuille de route élaborée à Bratislava, qui doit se traduire à Rome à la fin du mois de mars. Elle repose sur quelques États membres qui doivent être les moteurs d'une Europe forte arrimée à ses convictions, à sa volonté. La France et l'Allemagne ont un rôle singulier à jouer. La dynamique de nos deux pays, ouverte à nos partenaires, est cruciale. Et votre travail, mesdames et messieurs les sénateurs, contribue à doter la France d'une politique forte et volontariste sur les sujets européens, à même d'insuffler une dynamique capable de combattre les forces centrifuges qui minent la cohésion et l'unité du projet européen. Il contribue également au dialogue, indispensable, entre les Parlements.

M. Pascal Allizard . - Vous nous avez présenté des mesures renforçant l'étanchéité de nos frontières extérieures. Combien la France a-t-elle effectué en 2016 de reconductions à la frontière de migrants en situation irrégulière ? D'autres pays européens utilisent davantage les procédures de Frontex. En Libye, 400 ou 500 kilomètres de côtes ne sont pas sécurisées, d'où les flux migratoires que nous observons. On nous objecte depuis des mois qu'il faudrait un mandat des Nations unies. Je comprends bien, mais c'est insatisfaisant.

M. André Reichardt . - Vous dites que les flux en provenance de Turquie vers les côtes grecques varient de jour en jour. Quelle est l'amplitude de cette variation ? Vos propos ne correspondent pas à ce que nous dit l'ambassadeur turc, dans le cadre du travail qu'avec M. Leconte nous menons sur les relations entre l'Union européenne et la Turquie. Quant à l'Égypte, il s'agit d'un pays de 80 millions d'habitants...

M. Simon Sutour . - 90 millions !

M. André Reichardt . - Il connaît des difficultés, et sa population s'inquiète de son avenir sur place. S'il doit y avoir une vague migratoire, elle sera considérable. Quels sont les flux actuels au départ de ce pays ?

M. Yves Pozzo di Borgo . - L'amiral qui dirige l'opération Sophia nous a déclaré que le trafic des passeurs représente environ le tiers des ressources de la Libye. Les seigneurs de guerre en vivent tous - et la condition qui y est faite aux réfugiés est scandaleuse. Le droit international contraint nos possibilités d'action, puisqu'il empêche nos bateaux d'intervenir dans les eaux territoriales libyennes, mais ne devrions-nous pas faire preuve d'autorité ? Il n'y a pas de Gouvernement, la Russie commence à s'en mêler... Cette pagaille dure depuis le début de l'opération Sophia, et l'Union européenne est manifestement impuissante - ce que l'opinion publique perçoit parfaitement.

M. Jean Bizet , président . - Où en êtes-vous de la définition juridique du combattant étranger ? Un trilogue s'est récemment tenu sur la question, qui devient urgente avec le retour des personnes concernées sur le territoire de l'Union européenne. Lors de son audition devant le groupe de travail sur le Brexit , M. Jean-Claude Trichet s'était dit très inquiet de l'écart entre la France et l'Allemagne en termes d'investissement, qui atteint 13 %. À cet égard, les 21,3 milliards d'euros mobilisés par le FEIS sont perçus par certains comme un simple rattrapage - d'où l'intérêt d'un deuxième plan Juncker. Sera-t-il opérationnel bientôt ? Enfin, nous avons bien perçu lors d'un récent déplacement en Pologne la crispation de certains États d'Europe centrale sur la question des travailleurs détachés. S'est-elle calmée ? Il n'est pas question d'accepter le dumping social, notamment dans le transport routier.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État . - Je demanderai au ministre de l'Intérieur le nombre exact de reconduites à la frontières effectuées en 2016. Je sais simplement qu'il était supérieur à ceux des années passées, et que l'essentiel des reconduites relève de procédures nationales. Sophia est une remarquable opération de coordination des marines européennes. Son état-major est basé à Rome, et j'ai eu plusieurs fois l'occasion de visiter des bâtiments français qui y participent. Dans le cadre du droit international de la mer, ces navires interceptent les bateaux affrétés par les passeurs et sauvent leurs passagers. S'ils arrêtent les responsables, ils les défèrent à la justice. Mais ceux-ci se sont adaptés, et ne sont plus que très rarement sur les bateaux. Ils font désormais embarquer les migrants sur des pneumatiques, ce qui accroît le risque de la traversée car ces embarcations, surchargées, ne sont pas adaptés à de longues traversées. Dès les eaux internationales atteintes, ils déclenchent l'alerte, en général en demandant aux passagers d'appeler les secours depuis leurs téléphones portables. Les bateaux de l'opération Sophia interviennent alors, mais ils peuvent mettre plusieurs heures à arriver sur place, et c'est dans cet intervalle de temps qu'ont lieu la plupart des drames. L'activité de ces passeurs est l'une des plus criminelles qui soit. Les témoignages recueillis par les agents de Frontex et par les ONG attestent de traitements inhumains dans les camps où les migrants sont regroupés avant d'embarquer. D'où l'importance de notre action au Nigéria et dans les autres pays de transit.

M. Yves Pozzo di Borgo . - Ne pourrions-nous invoquer le droit d'ingérence, dont M. Kouchner s'était fait le promoteur ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État . - Son exercice suppose un mandat du Conseil de sécurité, donc un accord de ses membres permanents. Or, après l'intervention de 2011, la Russie, suivie par la Chine, se montre réticente. De fait, une action dans les eaux territoriales libyennes impliquerait sans doute une intervention terrestre. Nous cherchons pour l'heure à pousser les autorités libyennes à assumer leurs responsabilités. La tâche est compliquée par le fait que le Gouvernement d'union nationale de M. Sarraj ne contrôle pas la totalité du territoire. Certaines portions de la côte et certaines villes ont été occupées par l'État islamique, Syrte a été reprise aux terroristes, qui se sont sans doute repliés ailleurs... Nous devons donc aider la Libye à se doter d'un Gouvernement stable au pouvoir effectif. La formation des garde-côtes est une première étape.

L'accord du 18 mars 2016 entre l'Union européenne et la Turquie a fait passer le flux quotidien d'arrivées en Grèce de 1 500 ou 2 000 à 80 ou 100 personnes. Il est vrai que la route des Balkans a été fermée au même moment, et qu'un cadre juridique a été mis en place pour que les arrivants soient renvoyés en Turquie. Et la Turquie a manifestement renforcé le contrôle de ses côtes : pour que près de 2 000 personnes partent chaque jour de quelques points bien précis, il fallait que règne un certain laisser-faire...

Après le coup d'État du mois de juillet, nous avons constaté une recrudescence des passages, parfois 200 personnes par jour, ce qui reste inférieur aux chiffres antérieurs à l'accord UE-Turquie, mais n'est pas sans poser problème. Les îles grecques, qui sont déjà en difficulté pour traiter les arrivées d'avant mars - s'il s'agit de réfugiés syriens, ils doivent être relocalisés ailleurs en Europe -, se trouvent de nouveau confrontées à un problème d'engorgement.

Il faut donc mettre en oeuvre l'accord UE-Turquie, qui consiste notamment à aider la Turquie par un fonds de 3 milliards d'euros destiné à l'accueil des réfugiés sur son sol - ce fonds peut d'ailleurs être abondé de nouveau. La discussion sur les visas est plus compliquée, parce qu'elle relève de critères qui dépassent le simple cadre de l'accord. En la matière, aujourd'hui, les conditions ne sont pas remplies, mais le dialogue doit continuer.

S'agissant de l'Égypte, l'ampleur des départs de migrants vers les côtes européennes n'y est pas du tout comparable, ce qui témoigne d'un engagement réel à empêcher un tel mouvement de se développer. Quelques cas ont néanmoins été recensés, par exemple celui d'un bateau échoué à Chypre. Nous entretenons un dialogue avec l'Égypte ; je me suis moi-même rendu au Caire à la fin de l'année dernière, dans le cadre d'une réunion entre l'Union européenne et la Ligue arabe. Les autorités égyptiennes sont tout à fait conscientes qu'elles ne doivent pas laisser se créer un trafic comparable à celui que connaît la Libye, mais l'Égypte a un État et un gouvernement qui agissent avec détermination ! Les immigrants qui viennent du sud de l'Égypte, du Soudan ou d'Afrique de l'Est, passent d'ailleurs, aujourd'hui, par la Libye.

Un débat est en cours sur les pactes migratoires, qui concernent aujourd'hui le Mali, le Niger, le Nigéria, le Sénégal et l'Éthiopie. Faut-il conclure un tel pacte avec l'Égypte, pays de plus de 90 millions d'habitants ? Nous devons d'abord nous assurer que l'Europe pourra suivre !

Par ailleurs, il existe une politique de coopération bilatérale avec l'Égypte, dont l'objectif est de soutenir le développement de l'économie égyptienne. L'Égypte a connu une instabilité politique et des problèmes de sécurité qui ont notamment affecté le secteur du tourisme, traditionnellement très pourvoyeur d'emplois. Mais la situation s'améliore progressivement : les investissements industriels repartent à la hausse, des champs gaziers sont en cours d'exploration. Le rôle de l'Égypte est crucial pour la stabilité de la région, y compris celle de la Libye, par laquelle passent la majorité des migrations venues d'Afrique.

Monsieur le président Bizet, le débat sur la définition des combattants étrangers a lieu dans le cadre de la directive relative à la lutte contre le terrorisme. Il s'agit d'incriminer les voyages en lien avec des activités terroristes. Les personnes visées sont celles qui se rendent sur les lieux de conflit, sont enrôlées dans les rangs de l'État islamique ou d'autres groupes terroristes et reviennent ensuite en Europe pour agir à des fins criminelles.

Nous discutons avec nos partenaires pour élaborer une définition commune. Les points de vue sont pour le moment un peu divergents ; nous souhaitons inclure les activités de recrutement, l'incitation publique et l'apologie du terrorisme, c'est-à-dire établir des critères larges, tout en veillant au respect de toutes les garanties de droit - nous sommes un État de droit, et tout doit se faire sous le contrôle des juges. Le terrorisme est intrinsèquement difficile à définir. Il existe un accord international et des plans d'action de lutte contre le terrorisme, mais jamais l'ONU, par exemple, n'a donné de définition du terrorisme. Qui entre dans cette catégorie ?

En Europe, nous disposons, via les listes d'organisations terroristes, de définitions harmonisées. L'inscription d'une organisation sur une de ces listes entraîne un certain nombre de conséquences : nous n'entretenons aucune relation avec elle, nous participons à la combattre, nous saisissons ses avoirs, nous pourchassons ses membres identifiés. Mais définir le terrorisme, en droit, est extrêmement compliqué. Le Parlement français a eu à travailler sur ces sujets à plusieurs reprises ; il est a fortiori difficile de mener un tel travail à 28, mais nous sommes déterminés et confiants sur notre capacité à y parvenir.

Pour ce qui concerne le FEIS, le Fonds européen pour les investissements stratégiques, le débat sur « l'additionnalité » est inévitable. Les projets financés dans le cadre du plan Juncker n'auraient-ils pas pu l'être par ailleurs, via des prêts de la Banque européenne d'investissement ou d'autres institutions ? Sans le plan Juncker, sans cette garantie sur le budget de l'Union et sans les 5 milliards d'euros de garanties supplémentaires prélevés sur son propre capital, la BEI - elle le dit elle-même - aurait été incapable de financer l'ensemble de ces projets.

Au total, il est incontestable que ce plan a accru le volume et amélioré la qualité des projets d'investissement financés. En particulier, critère essentiel de choix, il s'agit de projets pour lesquels le risque est tel que d'autres banques que la BEI, ou la BEI elle-même hors plan Juncker, n'accorderaient pas le prêt, ou en tout cas pas dans les mêmes conditions.

Les choix de projets, en France, sont très pertinents. En Allemagne, les premiers projets soutenus ont été des projets autoroutiers. Ce choix était sans doute tout à fait justifié du point de vue du retard de financement des grandes infrastructures allemandes de transport, mais il n'a pas aidé à la compréhension du plan par l'opinion publique et les parlementaires.

En France, les domaines privilégiés ont plutôt été ceux qui relèvent de la transition énergétique, isolation thermique des logements, énergies renouvelables, éco-mobilité, ainsi que de l'industrie. Le plan Juncker, en France, représente davantage qu'un simple rattrapage de retards d'investissements : de l'innovation, de la projection vers l'avenir. Le deuxième plan Juncker est en cours d'examen par le Parlement européen ; ce dernier doit accepter que de nouvelles garanties soient prises sur le budget de l'Union, ce qui est très compliqué - personne ne veut toucher à certains budgets, comme celui du programme Horizon 2020.

Sur le détachement, vous l'avez constaté en Pologne, mais aussi avec la Hongrie et avec beaucoup de pays d'Europe centrale et orientale, la discussion reste difficile. Je me rends moi-même en Roumanie la semaine prochaine ; le Président de la République avait mis ce problème au coeur de ses entretiens lorsqu'il s'est lui-même déplacé dans plusieurs pays d'Europe centrale. Nos partenaires comprennent qu'il s'agit d'une priorité absolue dans plusieurs États membres, en France, en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas. Le principe, celui de la directive de 1996, est que le détachement doit se faire aux conditions du pays où le travail est accompli ; son détournement, c'est-à-dire l'application de la législation du pays d'origine via des boîtes aux lettres ou des sociétés d'intérim, est inacceptable.

Nos partenaires, donc, acceptent le principe. Mais ils sont tentés d'en excepter certains secteurs, notamment celui des transports. Or si le cabotage donne lieu à des conditions de rémunération et de contrôle différentes de celles qui s'appliquent aux transporteurs routiers français, des milliers d'emplois, en France, seront inévitablement mis à mal. Des règles doivent donc être édictées pour distinguer le transport international du cabotage. Il arrive souvent que les camions, à l'aller et au retour, ne s'arrêtent pas exactement aux mêmes endroits, ce qui obscurcit cette distinction. Nos propositions font actuellement l'objet de discussions, mais, sur ce dossier, nous ne cèderons pas. Les citoyens et les petits entrepreneurs ne peuvent accepter la concurrence déloyale.

M. Jean Bizet , président . - Nous allons maintenant passer au débat interactif sur d'autres résolutions du Sénat.

M. Simon Sutour . - Je voudrais d'abord me féliciter de cette matinée de travail sur le suivi de nos résolutions. C'est une première ; je remercie notre président d'en avoir pris l'initiative, et le secrétaire d'État d'y avoir répondu favorablement.

Je suis, avec le président Bizet, le coauteur d'une proposition de résolution européenne sur le programme de travail pour 2016 de la Commission européenne.

Nous avions, à cette occasion, mis en exergue un point sur lequel nous souhaitons recueillir l'avis du Gouvernement : les dispositions relatives à l'Union de l'énergie ne devront pas porter atteinte à la compétence reconnue à chaque État membre de déterminer le mix énergétique sur son territoire ; elles devront respecter scrupuleusement la répartition des compétences entre l'échelon de l'Union et l'échelon national. En effet, l'intervention de la Commission européenne ne doit pas dissuader les États membres qui souhaitent coordonner leurs politiques énergétiques de mettre en place une coopération renforcée et de promouvoir des projets industriels tels que Nord-Stream 2. Ce partage optimal des compétences fait-il l'objet d'un consensus au sein du Conseil ?

Deuxième question, qui n'a été abordée que partiellement : la politique européenne de voisinage. Je rappelle à notre collègue André Reichardt qu'avec Louis Nègre, nous sommes les coauteurs d'un rapport très développé sur l'Égypte, où nous nous sommes rendus au nom de la commission.

Avant d'évoquer l'Égypte, un mot de notre résolution européenne sur le volet méditerranéen de la politique européenne de voisinage révisée. Nous y apportions notre soutien à la révision de cette politique telle qu'annoncée par le Conseil le 14 décembre 2015, concernant en particulier son volet méditerranéen, mais s'agissant également du Partenariat oriental. Nous y saluions le caractère désormais plus pragmatique et stratégique de cette politique, l'Union européenne devant promouvoir la stabilité à ses frontières et élaborer une approche plus flexible et différenciée à l'égard de chacun de ses partenaires méditerranéens.

Nous avions spécifiquement mis en avant la nécessité de valoriser le rôle, dans ce processus, de l'Union pour la Méditerranée, quitte à élargir les missions de cette dernière. Ce projet trouve-t-il un écho au sein du Conseil ? Une réflexion a-t-elle par ailleurs été initiée sur la nécessaire rationalisation du paysage euro-méditerranéen, marqué par un trop grand nombre d'institutions et un manque de lisibilité ?

J'en viens aux relations entre l'Égypte et l'Union européenne. Nous avions souhaité qu'une relance de ces relations soit effectuée, tant nous avons besoin d'un partenaire fiable en matière de lutte contre le terrorisme et les migrations irrégulières. Le Gouvernement partageait, semble-t-il, cette volonté ; a-t-elle pu se traduire, au Conseil, par le déblocage des crédits gelés et l'adoption de nouvelles priorités de partenariat ? Depuis des années, les crédits de la politique de voisinage en Méditerranée sont gelés.

J'en profite, monsieur le Secrétaire d'État, pour vous demander de nous dire un mot de la réunion qui se tiendra samedi prochain à Lisbonne entre les pays méditerranéens de l'Union européenne. Une question sera abordée en coulisses par mon collègue Michel Vauzelle, qui participera à la délégation, à savoir le projet d'installation du siège de l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée, qui se trouve pour le moment à Malte, à Marseille. Comment le Gouvernement compte-t-il appuyer ce projet ?

M. Jean Bizet , président de la commission . - Cela devrait faire plaisir à Jean-Claude Gaudin !

M. Harlem Désir, secrétaire d'État . - Concernant la résolution sur le programme de travail de la Commission, présentée en février dernier par M. Sutour et par M. le président Bizet, ses conclusions ont été très largement suivies. Conformément à vos préconisations, la France a été fer de lance sur le renforcement de la protection des frontières, la lutte contre le terrorisme, la construction d'un pilier de droits sociaux - nous attendons, sur ce point, les propositions de la Commission - et la lutte contre le dumping social et fiscal.

La Commission a désormais adopté son programme de travail pour 2017 ; il s'inscrit dans la continuité de la feuille de route de Bratislava, qui nous sert de boussole. Sécurité, défense, investissement, jeunesse, sont des priorités que la France porte avec insistance.

En outre, nous avons mis en place, en la matière, une nouvelle procédure : une déclaration des trois institutions, Conseil, Parlement, Commission européenne, met en avant nos priorités partagées pour 2017. Ce texte permet de gagner en lisibilité et surtout remet le Conseil au même niveau que le Parlement européen, aux côtés de la Commission, dans la préparation du programme de travail. En tant que membres du Gouvernement, donc du Conseil, nous vous représentons dans ces débats, mesdames, messieurs les sénateurs. D'une certaine façon, vous y avez donc aussi gagné !

Concernant le voisinage, monsieur Sutour, vous aviez présenté, avec Louis Nègre, une résolution sur la politique européenne de voisinage. Elle a été revue et adaptée à la nécessité de répondre aux causes profondes de l'instabilité, par la prise en compte des besoins de nos partenaires. Les piliers identifiés sont le développement économique et la création d'emplois, la coopération énergétique, la sécurité, les migrations. Comme vous le souhaitiez, les principes de cette politique sont confortés : unicité, avec deux sous-dimensions, Est et Sud, différenciation, réactivité, flexibilité, prise en compte des dimensions transversales, à savoir la sécurité, les migrations et la lutte contre le terrorisme. J'insiste sur les mécanismes de flexibilité, dont nous avons encouragé la promotion, et sur l'importance de la dimension régionale.

Nous travaillons aussi en lien avec l'Union pour la Méditerranée, via le dialogue 5+5. Nous nous efforçons de mettre en cohérence aides économiques et objectifs politiques, sécurité, lutte contre le terrorisme, stabilité, développement, droits de l'homme.

Nous avons soutenu la relance de la relation Union européenne-Égypte, qui se traduira, dans les prochaines semaines, par l'adoption de priorités de partenariat. Trois priorités, politique internationale, développement socio-économique, lutte contre le terrorisme dans le respect de l'État de droit, ont été conjointement identifiées par les institutions européennes et les autorités égyptiennes. Elles doivent permettre l'approfondissement de cette relation sur une base renouvelée. L'Égypte est un partenaire essentiel, notamment en matière de stabilité de la région et de lutte contre les migrations irrégulières. Nous voulons en même temps ouvrir un dialogue ouvert mais ferme sur les droits de l'homme.

La relance de cette coopération est une bonne chose : après le printemps arabe, le dialogue entre l'Union européenne et l'Égypte a connu une période d'interruption. Cette situation n'était pas viable ! L'Égypte est le plus grand pays arabe, l'un des plus grands pays méditerranéens, le plus peuplé pour longtemps encore, un pôle de stabilité, même s'il connaît des problèmes internes très importants. Pour ce qui est de la relation bilatérale entre la France et l'Égypte, vous savez qu'elle est excellente dans tous les domaines, y compris celui de la sécurité et de la défense.

En ce qui concerne les sept pays méditerranéens de l'Union européenne, le MED 7, la réunion de Lisbonne, qui vient après celle d'Athènes, marque une relance de notre processus de coopération. Nous ne considérons pas que nos pays, parce qu'ils ont beaucoup en commun, auraient à imposer un agenda au reste de l'Union européenne, ni à défendre certains intérêts contre les autres États membres ; dans notre esprit, c'est une nécessité pour l'Union européenne dans son ensemble d'être mieux sensibilisée aux enjeux méditerranéens.

La Méditerranée, ligne de front exposée à de nombreux risques et à une forte instabilité, du fait notamment des guerres au Moyen-Orient et de la situation en Afrique, spécialement en Libye, est aussi une opportunité d'investissement pour l'Europe, comme l'Égypte, dont nous venons de parler, l'illustre bien.

Une sensibilité existe aussi en matière économique, parce que, dans la zone euro, ce sont les pays du sud de l'Europe, la Grèce, le Portugal et l'Espagne, qui ont été le plus durement touchés par la crise. Le travail que nous menons en commun est également une contribution au débat sur la convergence économique.

La France joue un rôle singulier dans ce processus très important, que nous voulons continuer à animer afin d'aider l'Union européenne à mieux prendre en compte sa dimension méditerranéenne.

Quant à l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée, c'est à ses membres qu'il appartient de décider où sera installé son siège. La France est évidemment prête à prendre toutes les dispositions nécessaires pour qu'elle puisse, si elle le souhaite, s'établir à Marseille.

M. Simon Sutour . - Le Bureau de l'APM, réuni à Rome, a fait le choix de Marseille à l'unanimité, et l'assemblée plénière le confirmera à l'unanimité à la fin de février. Un engagement matériel du Gouvernement français est néanmoins nécessaire. Avec Michel Vauzelle, j'ai sensibilisé le Président de la République à cette question.

M. Jean Bizet , président. - Avant que M. Bonnecarrère n'interroge M. le secrétaire d'État sur les pouvoirs et compétences des autorités nationales de concurrence, un sujet qui nous préoccupe de plus en plus, j'indique que, dans un échange épistolaire avec Phil Hogan au sujet des travaux de la task force sur la réforme de la PAC, j'ai souligné que la primauté de la politique agricole sur la politique de la concurrence était un principe essentiel.

M. Philippe Bonnecarrère . - Les grands sujets stratégiques ayant été abordés, je vous interrogerai, monsieur le Secrétaire d'État, sur l'harmonisation de l'application des règles européennes de concurrence par les autorités nationales, une question qui a inspiré à notre commission une résolution européenne, devenue résolution du Sénat.

Laissons de côté, quoiqu'elles passionnent les juristes, les mesures conservatoires et l'harmonisation statutaire des autorités nationales et de leurs procédures, pour en venir directement à la définition du marché pertinent. Le président de notre commission souligne assez souvent que l'Europe n'a pas une politique industrielle suffisamment forte, ayant historiquement privilégié le droit de la concurrence. De fait, à appliquer une définition trop stricte du marché pertinent, on risque de freiner la constitution de champions européens.

Monsieur le Secrétaire d'État, comment évoluent votre propre réflexion, ainsi que les discussions entre notre pays et la Commission européenne, sur cette question du marché pertinent ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - La politique européenne de concurrence est fondamentale pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur et y garantir aux entreprises une égalité de traitement, ainsi qu'un environnement sûr et stable. Les autorités nationales de concurrence jouent un rôle clé dans l'application des règles de la concurrence, aux côtés de la Commission européenne. Elles doivent donc disposer des moyens et instruments leur permettant de remplir ce rôle.

À cet égard, un problème d'harmonisation se pose, comme le Sénat l'a souligné dans la résolution européenne dont M. Bonnecarrère a parlé. Nous ne pensons pas que tout doive être traité par la seule direction générale de la concurrence de la Commission européenne : les autorités nationales doivent conserver un rôle, mais il faut qu'elles soient suffisamment bien équipées pour le faire.

De ce point de vue, la France dispose d'un cadre institutionnel de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles abouti et efficace, reposant sur l'Autorité de la concurrence et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Tous les États membres n'ont pas forcément un dispositif aussi efficace, ce qui peut nuire à l'effectivité du droit européen de la concurrence et entraîner des inégalités de traitement entre entreprises.

M. Jean Bizet , président. - Notre autorité est trop efficace...

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - C'est possible, mais en tout cas elle fonctionne !

Il faut approfondir la coopération et les échanges de bonnes pratiques entre autorités nationales de concurrence et avec la Commission européenne, notamment au sein du réseau européen de la concurrence.

Dans le cadre d'une réponse à la consultation publique « Habiliter les autorités nationales de concurrence à appliquer les règles européennes de concurrence plus efficacement », la France a demandé à la Commission européenne d'émettre des recommandations incitant fortement les États membres à légiférer pour doter leur autorité de concurrence de tous les moyens nécessaires à une mise en oeuvre efficace du droit européen. Peut-être cette harmonisation pourra-t-elle aussi contribuer à alléger certaines procédures dans les États membres où celles-ci seraient jugées excessives.

Reste la question du marché pertinent, soulevée de longue date par, notamment, les entreprises de nouveaux secteurs. Ainsi, les entreprises des télécommunications ont fait remarquer que, aux États-Unis et en Chine, dont les marchés sont comparables au marché européen par la taille, il y a trois ou quatre opérateurs, quand, malgré les concentrations, il y en a vingt ou vingt-cinq en Europe, du fait du morcellement historique du marché. Or la compétition est internationale.

Ce qui est vrai dans ce domaine l'est aussi dans de nombreux autres. La question se pose donc : comment la politique de concurrence peut-elle ne pas empêcher l'émergence de champions européens, et comment pouvons-nous, au contraire, encourager des rapprochements industriels sur le modèle d'Airbus dans des domaines décisifs pour l'avenir, comme l'énergie ? Il faudrait sans doute que l'Europe se dote d'une grande entreprise capable de fabriquer des batteries électriques. De même, dans le domaine des transports ferroviaires, nous savons que la question se pose d'un rapprochement entre Alstom et Siemens.

Si l'on empêche les entreprises européennes de nouer les alliances industrielles nécessaires, certaines sont, en définitive, absorbées par des entreprises non européennes, ce qui peut conduire au départ de centres de décision ou d'innovation et à des pertes d'emplois.

Cette préoccupation est partagée par certains États membres, notamment l'Allemagne. J'ai été frappé, au cours des derniers mois, de voir l'évolution de l'état d'esprit sur ce sujet. Il faut maintenant que les institutions, à commencer par la Commission européenne et sa direction générale de la concurrence, fassent évoluer leur doctrine.

Qu'il existe des règles contre les monopoles, les oligopoles et les abus de position dominante sur le marché européen, cela est très bien. Au reste, l'Union européenne a montré qu'elle était capable de prendre des décisions parfois très spectaculaires, y compris vis-à-vis d'entreprises américaines : c'est ainsi qu'elle a empêché la fusion de telle multinationale américaine avec telle autre pour prévenir une position dominante sur le marché européen.

Toujours est-il que les entreprises européennes opèrent sur un marché mondial. D'où la nécessité de la réflexion sur le marché pertinent et sur la doctrine qui peut permettre à nos entreprises de faire face à leurs concurrents sur le marché mondial.

M. Yves Pozzo di Borgo . - Monsieur le Secrétaire d'État, vous venez de parler de doctrine. Le droit européen de la concurrence est-il une doctrine, ou bien est-ce du droit ? Les deux, je présume ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Les principes régissant le droit de la concurrence figurent dans les traités, ainsi que dans divers directives et règlements. D'autre part, la direction générale de la concurrence s'est, au fil du temps, constitué une doctrine, c'est-à-dire une manière d'évaluer les situations. Cette doctrine peut évoluer sans qu'il soit nécessaire de modifier le droit.

Au demeurant, si certaines règles doivent être modifiées dans tel règlement ou telle directive - en général, on peut conserver le cadre fixé par les traités -, des propositions peuvent être soumises au Parlement européen et au Conseil des ministres.

Aujourd'hui, la question concerne essentiellement la doctrine de la Commission européenne, ou, pour le dire autrement, la manière dont elle apprécie les risques en faisant application des principes de concurrence.

M. Jean Bizet , président. - Nous en venons aux sanctions contre la Russie, un sujet sur lequel M. Pozzo di Borgo a beaucoup travaillé, de même que M. Sutour. Puis deux collègues vous interrogeront sur les questions de défense et sur le processus d'unification de Chypre.

M. Yves Pozzo di Borgo . - L'annexion de la Crimée et le conflit dans l'est de l'Ukraine ont altéré les relations de l'Union européenne avec la Russie. Le Sénat a bien entendu condamné cette annexion illégale, mais a aussi souhaité tracer des perspectives pour l'avenir des relations russo-européennes dans le cadre des accords de Minsk. Les sanctions européennes pourraient être progressivement et partiellement allégées si des progrès significatifs étaient constatés dans la mise en oeuvre des accords de Minsk, conclus selon le format Normandie, à condition que la Russie suive le même chemin pour les sanctions qu'elle a elle-même imposées.

Sur ce sujet particulièrement sensible, le Sénat a adopté le 8 juin 2016 une résolution européenne relative au régime de sanctions de l'Union européenne à l'encontre de la Fédération de Russie, que Simon Sutour et moi-même avions présentée.

Monsieur le Secrétaire d'État, où en est aujourd'hui l'application des accords de Minsk ? Quel peut être l'avenir de ces accords dans un contexte international qui a profondément évolué depuis leur conclusion en février 2015 ? Est-il vraiment réaliste d'imaginer une reconduction sans fin des sanctions ? Comment voyez-vous l'avenir des relations entre l'Union européenne et la Russie ?

Mme Gisèle Jourda . - Le 21 juin 2016, le Sénat a adopté une résolution européenne sur les perspectives de la politique de sécurité et de défense commune contenant un certain nombre de préconisations, dont plusieurs ont été reprises dans le cadre franco-allemand, dans le plan d'action pour la défense présenté par la Commission le 30 novembre 2016 ou encore dans les conclusions du Conseil européen du 15 décembre 2016.

La création d'un fonds européen de défense visant à mutualiser les investissements des États membres pour accroître les capacités européennes figure parmi les innovations importantes. Pour la première fois, de tels investissements nationaux seraient déduits des règles du pacte de stabilité. Mais ces engagements souscrits par les Vingt-Sept ne sont à ce stade que des voeux pieux. Il sera difficile d'avancer tous ensemble à la même vitesse.

Monsieur le Secrétaire d'État, le mécanisme de coopération structurée permanente constitue-t-il une option réaliste et crédible pour permettre à quelques États d'aller plus vite ? Cette procédure, mentionnée dans la proposition franco-allemande de septembre, ne figure plus dans les conclusions du Conseil de décembre.

Le processus d'examen annuel coordonné en matière de défense, évoqué dans les conclusions du Conseil, correspond-il au fameux semestre européen de défense que nous préconisions dans la résolution du Sénat ? Quels en seront le contenu et la portée ?

Enfin, eu égard à l'environnement géopolitique très mouvant, à l'élection de Donald Trump et au Brexit, où en sont les travaux en matière de politique de défense ? Il paraît en effet difficile d'avancer sans le Royaume-Uni, partenaire déterminant dans la conduite de la PSDC ces dernières années.

M. Didier Marie . - Le 8 juillet dernier, le Sénat a adopté une résolution européenne sur l'Union européenne et les négociations interchypriotes, et je souhaiterais vous poser trois questions à ce sujet, monsieur le Secrétaire d'État.

Premièrement, quelle est votre analyse des dernières négociations qui ont eu lieu à Genève ? En particulier, sur les deux sujets particulièrement prégnants que sont les propriétés et les compensations financières, l'Union européenne est-elle prête à abonder un fonds pour faciliter la négociation ?

Deuxièmement, sous l'impulsion de la Grèce, la levée du pacte de garantie prévu dans le traité de 1960 a été demandée lors du dernier sommet des pays méditerranéens. Quelle est la position de l'Union européenne et de la France sur cette question, et de quelle manière peut-on envisager la discussion avec la Turquie ?

Enfin, troisièmement, les moyens engagés par l'Union européenne pour préparer l'entrée du nord de l'île dans l'Union seront-ils pérennes ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État . - Sur les accords de Minsk, la France n'a pas ménagé ses efforts, dans le cadre du format Normandie, pour que les négociations puissent aboutir. Deux sommets, quinze rencontres ministérielles, de nombreux entretiens bilatéraux et des discussions techniques entre diplomates ont eu lieu.

N'oublions pas toutefois que le fait générateur de cette négociation et des sanctions réside dans le soutien de la Russie aux séparatistes et dans l'annexion de la Crimée.

Il revient avant tout aux deux partenaires de mettre en oeuvre les engagements qu'ils ont pris dans le cadre de l'accord de Minsk. Les sanctions constituent un levier pour inciter à la poursuite des négociations et au respect des engagements. La Russie doit faire pression sur les séparatistes et permettre l'amélioration des conditions de sécurité. De son côté, l'Ukraine doit progresser dans ses réformes politiques, en révisant sa constitution et en adoptant des lois de décentralisation.

En l'absence de progrès, nous avons décidé, lors du Conseil européen de décembre dernier, de reconduire les sanctions sectorielles pour six mois. Les points de vue des États membres divergent, mais tout le monde a accepté les préconisations de la France et de l'Allemagne. La durée des sanctions doit rester liée à la pleine mise en oeuvre des accords de Minsk, mais nous devons conserver la possibilité de moduler ces mesures restrictives pour encourager les parties à poursuivre leurs efforts en cas de progrès significatif. Les sanctions ne sont pas une fin en soi ; leur réversibilité est une condition de leur efficacité.

En ce qui concerne la résolution évoquée par Gisèle Jourda sur les perspectives de la politique de sécurité et de défense commune, le Conseil européen de décembre dernier et le plan européen de défense présenté par la Commission fin 2016 reprennent beaucoup des propositions avancées par le Sénat, qu'il s'agisse de la prise en compte des dépenses de défense dans le cadre du pacte de stabilité, de l'amélioration des opérations extérieures ou du soutien à l'industrie de défense.

L'idée de coopération structurée permanente, qui permet, aux termes des traités, à un tiers des États membres de progresser de leur côté, a été évoquée par le Président de la République comme un recours potentiel en cas de blocage, si certains États membres ne voulaient pas avancer sur cet agenda de renforcement de l'Europe de la défense. Pour l'instant, il n'y a pas eu de blocage, et nous essayons d'avancer tous ensemble. Il faut maintenant que nous mettions en oeuvre les décisions prises en décembre, et des rapports seront prochainement rendus tant par le service européen d'action extérieure que par la Commission.

Le semestre européen de défense a été repris sous la nouvelle appellation de revue permanente des besoins en termes de capacité et de coopération ; il doit permettre aux ministres de la défense de voir si chaque État membre remplit ses obligations en termes d'investissement - pour les États par ailleurs membres de l'OTAN, l'objectif a été fixé à 2 % du PIB consacré à la défense -, d'interopérabilité et de mise en place d'un centre de coordination et de planification, qui, sans doubler celui de l'OTAN, devra être propre aux membres de l'Union européenne.

Lorsque le Royaume-Uni aura quitté l'Union, il deviendra un État tiers, mais il restera membre de l'OTAN. La France a par ailleurs signé avec lui l'accord de Lancaster House, qui prévoit une coopération approfondie en matière d'équipement industriel, de nucléaire ou d'opérations extérieures. Il faudra toutefois négocier s'agissant du type de coopération que le Royaume-Uni et l'Union européenne veulent mettre en oeuvre en matière de PSDC. Lorsque l'Union européenne décidera de mener une opération civile ou militaire pour la stabilité ou la paix de telle ou telle région du monde, le Royaume-Uni souhaitera-t-il y participer seulement au cas par cas, ou conserver une relation particulière avec l'Europe ? Ce sujet reste devant nous.

Didier Marie a rappelé la résolution du Sénat sur Chypre. La France a continué à apporter son soutien au processus de réunification et aux négociations du Mont-Pèlerin, qui ont repris en janvier à Genève.

Sur la question des propriétés, l'Union européenne est prête à contribuer au financement, comme l'a affirmé Jean-Claude Juncker. La discussion sur les garants concerne principalement la Grèce, la Turquie et le Royaume-Uni, mais nous y participons en tant que membre permanent du Conseil de sécurité. Les Chypriotes grecs, la Grèce et le Royaume-Uni considèrent que ce système des garants doit cesser après la réunification de l'île, l'intervention d'un pays extérieur posant à Chypre un problème de souveraineté. Les Turcs souhaitent toutefois conserver une base militaire à Chypre-Nord. C'est le noeud du blocage actuel des discussions, mais il est de la responsabilité de tous, y compris des garants, de contribuer au succès de la négociation.

M. Jean Bizet , président . - Je crois que vous êtes attendu en séance publique, monsieur le Secrétaire d'État. Je vous remercie de votre présence parmi nous ce matin.

ANNEXE 4 - Présentation synthétique des réponses apportées par les parlements nationaux sur le suivi des positions européennes

Question : Quel est le fondement constitutionnel ou législatif sur lequel le parlement de votre pays contrôle la politique européenne de votre gouvernement ? Selon quelles modalités et procédures ?

BELGIQUE

Chambre fédérale des représentants

- Traité de Lisbonne

- Constitution : art. 101, 74, 77, 78, 100 et 168

- Règlement : art. 68

Sénat

- Traité de Lisbonne

- Constitution : art. 56

- Règlement : art. 66

À travers la commission fédérale consultative qui regroupe des membres des deux chambres et des députés belges au Parlement européen (contrôle du principe de subsidiarité et de proportionnalité - dialogue politique avec la Commission - adoption de résolutions)

AUTRICHE

Conseil Fédéral

Conseil National

- Constitution : art. 23

Les deux chambres ont la possibilité de limiter le champ d'action des ministres lors de la négociation et du vote d'un projet européen ; les ministres peuvent s'écarter des recommandations reçues mais ils doivent aussitôt s'en expliquer ; si le projet européen entraîne une modification de la législation nationale, les ministres compétents ne peuvent s'écarter de leur mandat que si le Parlement ne s'y est pas opposé en temps voulu.

SLOVÉNIE

L'Assemblée nationale fixe tous les 18 mois le cadre de l'action européenne du gouvernement. Si le gouvernement considère que, dans l'intérêt du pays, il doit s'écarter des lignes directrices votées par l'Assemblée, il peut le faire mais il doit aussitôt en informer l'Assemblée.

HONGRIE

- Loi fondamentale : art. 19

L'Assemblée nationale se prononce sur les projets européens et le gouvernement est tenu de respecter la position prise par l'Assemblée.

- Loi n° 36 de 2012

Cette loi organise le contrôle de l'Assemblée dans le domaine législatif européen, ainsi que la collaboration entre législatif et exécutif pendant l'élaboration des textes législatifs européens.

La commission des affaires européennes impose les positions du parlement sur les projets européens.

FINLANDE

- Constitution : art. 96 et art. 97

- Règlement : art. 30

Le gouvernement doit communiquer tous les projets législatifs au parlement qui prend position sur ces textes.

Le parlement se prononce sur les projets européens sous forme de déclarations et les communique au gouvernement.

LITUANIE

- Loi constitutionnelle de 2004 pour l'appartenance de la Lituanie à l'Union européenne

Le gouvernement fournit au parlement tous les documents et toutes les informations nécessaires à une bonne connaissance de l'agenda européen ; les commissions des affaires étrangères et des affaires européennes les examinent et se prononcent sur les positions que le gouvernement doit adopter. Après les Conseils européens, le gouvernement vient devant le parlement rendre compte des négociations et des positions qu'il a prises.

LETTONIE

- Constitution : art. 25, 27 et 59

- Règlement du parlement : art. 185

Création d'une commission des affaires européennes

Le parlement examine et se prononce sur les projets européens et sur la position prise par le gouvernement avant que celui-ci la transmette aux institutions européennes.

ESTONIE

La commission des affaires européennes est une commission permanente qui a un rôle de coordination et le pouvoir de décider sur toutes les questions européennes : elle donne mandat au gouvernement pour agir sur les projets européens avant leur passage en Conseil des ministres et en Conseil européen.

Les positions prises par la commission constituent un mandat impératif pour le gouvernement. Si le gouvernement y déroge, il doit en fournir les raisons à la commission.

ROUMANIE

Chambre des députés

- Constitution : art. 109, 112 et 148

Le gouvernement a obligation de transmettre au parlement les projets législatifs européens.

ESPAGNE

Congrès des députés

Sénat

- Constitution : art. 93, 94 et 97

Règlement de la chambre : art. 154 à 160 et 144 à 147

Lois n° 8 du 19 mai 1994 sur la commission mixte paritaire pour les affaires européennes.

La Commission mixte paritaire pour les affaires européennes est composée de membres des deux chambres. Cette commission conforme son action sur le protocole n° 2 du TUE sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

SLOVAQUIE

Conseil national

Loi constitutionnelle n° 397/2004.

Règlement du Conseil national

Le gouvernement a l'obligation d'informer le Conseil national et ce dernier a le pouvoir d'approuver on non les positions du gouvernement.

Le Conseil national a le droit (c'est une faculté) de commenter les positions du gouvernement sur les projets législatifs européens. Si le Conseil national approuve une position du gouvernement, cette position devient contraignante pour le gouvernement. Si ce dernier s'en écarte, il doit sans délai venir expliquer ses choix devant le Conseil national et demander au parlement de modifier sa position.

PORTUGAL

Assemblée

- Constitution : art. 161, 163, 197, 164 et 165

- Loi n° 43/2006 du 25 août 2006

Contrôle du principe de subsidiarité

Contrôle de la politique européenne du gouvernement  - système proche de celui de la France

RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

Assemblée

Sénat

- Constitution : art. 10b

- Règlement des chambres

Le gouvernement informe le parlement régulièrement sur les questions liées à ses obligations internationales.

Comme en France, le parlement tchèque vote des résolutions sur les projets européens et le gouvernement doit en tenir compte.

SUÈDE

- Constitution : chapitre 10 art. 9 - chapitre 7, art. 3

Obligation d'informer le parlement et de le consulter sur les projets européens

Existence d'une commission européenne

Le gouvernement n'est pas obligé de respecter les positions de la commission des affaires européennes, mais il doit agir en conformité avec les conseils et les avis qu'elle lui a donnés. Dans le cas contraire, le gouvernement doit avoir de bonnes raisons pour ne pas le faire et, dans le cas où il n'aurait pas suivi le mandat de la commission, sans pouvoir convaincre la chambre que c'était pour de bonnes raisons, il s'expose à la critique, voire à un vote de défiance.

GRÈCE

- Constitution : art. 70 qui enjoint la chambre de prévoir la manière dont le parlement est informé et les modalités de l'exercice de son pouvoir de contrôle

- Règlement du Conseil national

La commission des affaires européennes donne un avis consultatif selon les projets européens.

ALLEMAGNE

Bundestag

- Art. 23 de la Loi Fondamentale :

« Le Bundestag et les Länder par l'intermédiaire du Bundesrat concourent aux affaires de l'UE. Le gouvernement doit informer le Bundestag et le Bundesrat de manière aussi complète que possible... dans les négociations, le gouvernement fédéral prend en considération les positions du Bundestag ».

La loi relative à l'exercice de la responsabilité d'intégration du Parlement dans les affaires européennes du 29 septembre 2009 prend en compte la jurisprudence de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe de 2009 qui considérait que les droits du parlement de participation aux affaires européennes étaient insuffisants.

C'est pourquoi aujourd'hui le gouvernement fédéral ne peut pas approuver le passage d'un domaine de l'unanimité à la majorité qualifiée, ni approuver des propositions européennes considérées comme relevant des domaines essentiels à la souveraineté parlementaire (fiscal, social, pénal, civil, ...) sans que soit votée une loi préalable d'autorisation.

Sans aller jusqu'au mandat impératif pratiqué chez certains États membres, la loi prévoit cependant que, lorsque le Bundestag émet un avis, le gouvernement fédéral en fait la base de ses négociations.

Le gouvernement doit essayer de parvenir à un accord avec le Bundestag avant une décision finale au Conseil. À la demande d'un quart des parlementaires, le gouvernement doit se justifier publiquement s'il s'est éloigné de la position du Bundestag, lors des négociations.

Depuis la décision de 2011 de la Cour de Karlsruhe, l'avis du Bundestag lie le gouvernement fédéral sur toute question touchant à l'euro.

La Commission des affaires européennes du Bundestag a été instituée en 1994 et figure dans la Loi Fondamentale.

ALLEMAGNE

Bundesrat

- Art. 23 de la Loi Fondamentale

Le Bundesrat est associé à la surveillance de la politique européenne du gouvernement fédéral, qui le consulte dans les domaines concernant les Länder en vue de trouver un accord sur le projet européen concerné. En cas de désaccord, le Bundesrat confirme sa position par un vote à la majorité qualifiée des deux tiers. Cette position doit être respectée par le gouvernement fédéral dans la mesure du possible.

ROYAUME UNI

Communes

Lords

Le mécanisme de la réserve parlementaire implique que le gouvernement ne peut adopter une position définitive sur un projet européen sans examen préalable de celui-ci au Parlement, mais le gouvernement n'est pas lié par cet avis.

Les deux chambres fonctionnent différemment en matière de contrôle des affaires européennes.

La Chambre des Communes et la Chambre des Lords ont chacune une commission des affaires européennes ; mais celle des Lords est composée d'une commission principale et de six sous-commissions spécialisées et très actives.

La Chambre des Communes contrôle le gouvernement en analysant les documents et en maîtrisant la réserve d'examen parlementaire, tandis que la Chambre des Lords entretient un dialogue approfondi avec les institutions européennes.

PAYS BAS

Première chambre

Deuxième chambre

- Pas de disposition dans la Constitution, mais quelques dispositions dans les lois de ratification des traités

La réserve d'examen parlementaire prévoit que dans les deux mois suivant la publication d'un texte par la Commission européenne, le parlement peut demander au gouvernement de réserver cette proposition d'acte législatif.

Le contrôle fonctionne sur le modèle français et la commission des affaires européennes de la Deuxième chambre intervient seulement à titre de coordination puisque les commissions sectorielles sont directement chargées des affaires européennes.

Le gouvernement présente au Parlement son programme de travail annuel dans le domaine européen.

POLOGNE

Chambre des députés

Sénat

- Constitution : art. 95

- Loi du 8 octobre 2010

- Règlement de la chambre des députés : art. 32

Tous les six mois au minimum, le gouvernement fait un compte rendu de ses activités européennes devant les chambres.

Le gouvernement tient le parlement informé du suivi des négociations et de l'élaboration du corpus législatif européen. Avant toute prise de position aux Conseils européens sur des projets législatifs européens, le gouvernement fournit par écrit au parlement la teneur de la position qu'il a l'intention de prendre. Quand le parlement a pris une position sur un projet législatif européen, cette position doit servir de base pour le gouvernement. Si le gouvernement s'en éloigne, il doit immédiatement en informer le parlement.

Bilan chiffré des positions européennes prises par les Parlements

PAYS

PÉRIODE

PRISES DE POSITIONS

RÉSOLUTIONS ADOPTÉES

Belgique
Chambre des représentants

Juin 2014 à octobre 2016

14

Belgique
Sénat

2016

néant

Estonie

2016

non communiqué

Lettonie

Octobre 2014 à octobre 2016

258

Lituanie

Mars 2016 à septembre 2016

8

Finlande

Février 2016 à juillet 2016

80

Hongrie

2015-2016

3

Slovénie

Janvier 2016 à octobre 2016

28

Autriche

non communiqué

Grèce

non communiqué

Suède

2016

non communiqué

Portugal

Novembre 2015 à septembre 2016

53

République tchèque

2016

72 résolutions

Slovaquie

2015

5

Pologne

Novembre 2015 à octobre 2016

6

Espagne

2016

5

Roumanie

Janvier 2016 à septembre 2016

33

Royaume-Uni

Octobre 2014 à février 2016

17

Allemagne
Bundestag
Bundesrat


octobre 2014 à février 2016
2016


12

Question : Comment le gouvernement assure-t-il le suivi des positions prises par votre parlement sur la politique européenne ?

Belgique
Chambre des représentants

Belgique
Sénat

Estonie

Lettonie

Lituanie

Finlande

Hongrie

Slovénie

Autriche

Le gouvernement rend compte de la manière dont il a suivi ou pas les avis du parlement.

Grèce

Le gouvernement informe le parlement de la suite qu'il a donnée à ses avis.

Suède

Le gouvernement doit justifier sa position si elle s'écarte de celle du parlement.

Portugal

République tchèque

Le gouvernement prend en compte les résolutions et, la plupart du temps, s'y conforme.

Slovaquie

Le gouvernement doit se conformer aux positions que le parlement a prises ; dans le cas contraire, il vient devant le parlement exposer son point de vue et demander une modification de la position du parlement.

Espagne

Roumanie

Le gouvernement doit prendre en considération la position du parlement (quand il a pris cette position dans les temps impartis). Comme il est responsable devant le parlement, s'il s'écarte de cette position, il doit lui adresser une motivation écrite.

Pologne

Royaume Uni

Le parlement utilise tous les moyens à sa disposition pour contraindre le gouvernement à se justifier et à rendre compte de son action dans le domaine des affaires européennes

Allemagne

cf. supra


* 1 Rapport d'information (n° 441 ; 2015-2016) de M. Jean Bizet au nom de la commission des affaires européennes, intitulé « Comment le Sénat influe sur l'élaboration des textes européens » .

* 2 Le compte rendu de cette audition est annexé au présent rapport.

* 3 Cette lettre est annexée au présent rapport.

* 4 Une présentation synthétique de ces réponses est annexée au présent rapport.

* 5 L'ensemble de ces informations sont présentées de façon synthétique dans le tableau annexé au présent rapport.

* 6 Les développements relatifs aux points soulevés par les résolutions européennes du Sénat figurant dans les fiches de suivi du SGAE qui portent sur des résolutions antérieures au 1 er octobre 2014 sont reproduits ici sous forme d'encadrés.

* 7 Sur ce point, cf . le IV du présent rapport.

* 8 À la date de réception de la réponse de la Commission, soit le 3 février 2016.

* 9 Belgique, Danemark, Finlande, France (Sénat), Lettonie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Suède et République tchèque.

* 10 Chypre, France (Sénat), Hongrie, Irlande, Malte, Pays-Bas, Royaume-Uni, Slovénie, Suède et République tchèque.

* 11 Bulgarie, Croatie, Danemark, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et République tchèque.

* 12 La faible activité de la nouvelle Commission européenne nommée en 2014 explique l'absence d'avis motivés adoptés en 2015.

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