AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Plusieurs enquêtes d'opinion paraissent démontrer que les Français éprouvent des suspicions quant à la qualité sanitaire de leur alimentation. Il peut s'agir là d'une perception diffuse résultant de considérations un peu impressionnistes comme c'est parfois le cas dans les faits d'opinion quand celle-ci se porte sur les risques environnants.

Cette inquiétude n'en doit pas moins être prise en compte et les autorités chargées de la sécurité sanitaire des aliments doivent l'intégrer pleinement à leur action.

Convenons que cette injonction, pour justifiée qu'elle soit, n'est pas simple, le flottement des perceptions émotives occupant une position d'emblée privilégiée par rapport à la rigueur des faits, surtout lorsque ceux-ci sont complexes.

Or, vos rapporteurs spéciaux peuvent en témoigner, la sécurité sanitaire des aliments, et les systèmes de maîtrise mis en oeuvre dans ce domaine, offrent des exemples typiques de ces organisations complexes dont les performances reposent sur l'intelligence des conceptions, une sorte d'ingénierie en somme, mais aussi sur l'impeccabilité de l'exécution. Ajoutons à ces remarques introductives la nécessité de croiser les regards, l'attention aux détails ne devant pas évincer la considération de l'ensemble.

Le système alimentaire s'est considérablement complexifié dans le temps à mesure de la diversification de ses productions. Cette diversification a été elle-même plurielle. Elle s'est inscrite dans les biens et services alimentaires eux-mêmes, dans leurs modes de production, dans les provenances, dans les conditions de diffusion des produits... Les chaînes qui vont du champ à l'assiette se sont allongées, fragmentées, diversifiées. Les acteurs du système sont nombreux et à chacune des positions occupées correspondent des dispositions particulières.

Ce système a toujours été un objet de contrôle public s'exerçant avec plus ou moins de force selon ses territoires. Plus un produit était échangé, plus il avait de chance d'être contrôlé. Ceci place d'emblée le système alimentaire, en tant qu'il recèle un potentiel élevé de défaillances économiques et de sécurité, dans le champ des activités mixtes, combinant à côté de dimensions privées des enjeux collectifs.

Cependant, la nature des approches du contrôle a évolué pour rejoindre une conception plus réaliste, celle qui reconnaît qu'en la matière la police des conformités, pour ne pouvoir à elle seule tenir lieu de doctrine pratique de contrôle, doit être enrichie de l'évaluation des risques, non, bien sûr pour se dégager de toute responsabilité au nom du slogan ressassé de l'inexistence d'un « risque zéro » mais bien pour développer une « intelligence du risque » et prêter sa force à ses enseignements.

Cet horizon suggère les enjeux de l'action publique en ce domaine. C'est à juste titre que les conclusions du rapport de la mission du comité interministériel de modernisation de l'action publique (CIMAP) sur la politique de sécurité sanitaire des aliments ont pu les restituer en indiquant qu'il s'agissait de « fixer un cap général basé sur une évaluation des risques globale intégrant l'ensemble des dangers (microbiologiques et chimiques) et l'ensemble des étapes de la chaîne alimentaire « de l'étable à la table » ou « de la fourche à la fourchette », permettant une allocation des moyens humains et financiers proportionnés aux risques et renforçant la confiance des citoyens par une communication plus efficace parce que plus lisible . »

La maîtrise du risque sanitaire présente sans conteste les propriétés d'un bien public. Or, comme pour tout bien, la fourniture des biens publics suppose la mise en oeuvre d'une fonction de production adéquate.

C'est l'objet du présent rapport, sinon de le vérifier, vos rapporteurs spéciaux ne pouvant à l'évidence tenir le rôle d'une agence de notation ou de certification, du moins de jeter sur cette fonction quelques éclairages.

À l'image de la fonction de production alimentaire, et dans une certaine mesure du fait des évolutions qu'elle a rencontrées, le calibrage de la fonction de production qu'implique l'objectif de maîtrise du risque sanitaire s'est considérablement complexifié.

Confrontée aux innovations de process et de produits du système de production alimentaire lui-même, elle a également dû répondre à une élévation des attentes des différents publics qui, en partie, corrélées avec les progrès scientifiques, expriment une vigilance accrue sur des risques sanitaires perçus comme de plus en plus variés.

Ainsi, le système de maîtrise des risques sanitaires liés à l'alimentation doit satisfaire à des exigences diversifiées, celles d'une opérationnalité multidirectionnelle mais aussi celles d'une analyse en profondeur des composantes clefs d'une alimentation saine tout au long de la vie.

Confrontée à ce monde de la grande complexité, la tâche de contrôler les moyens de la politique de sécurité sanitaire des aliments se révèle pour le moins ardue.

Certes les données ne manquent pas, surtout pour ce qui est des moyens et de leur emploi. Mais, outre que la très grande diversité des intervenants et certaines modalités de publication des ressources qui leur sont allouées conduisent à réduire la lisibilité des composants de la politique de sécurité sanitaire des aliments, il faut ajouter les problèmes découlant de l'absence d'un référentiel tout à fait stabilisé, obstacle majeur pour toute évaluation.

Les difficultés commencent d'emblée, la définition de la politique de sécurité sanitaire des aliments oscillant entre une vision large, celle d'une politique allant « du champ à l'assiette » , et un ensemble d'actions plus circonscrites, essentiellement axées sur les contrôles financés par l'action 3 du programme 206, qui, dans la mission budgétaire «Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », regroupent l'essentiel des moyens consacrés à la sécurité et qualité sanitaire des aliments par le seul ministère chargé de l'agriculture.

Cette dualité de conception a pour pendant une dualité des périmètres envisageables pour un contrôle de cette politique.

Vos rapporteurs spéciaux constatant la prégnance d'une approche globalisante des problématiques de sécurité sanitaire des aliments, qui peut se recommander de justifications sanitaires fortes, ont pris le parti de situer leurs analyses dans ce contexte élargi, tout en s'attachant à concentrer le regard sur le coeur des actions de surveillance de la sécurité sanitaire des aliments proprement dites.

Ce faisant, ils n'ignorent pas que leur démarche épouse une conception de la politique de sécurité sanitaire des aliments, dont les prolongements budgétaires tiennent dans l'agrégation des ressources consacrées à des actions un peu « connexes » à cet objectif, visant plutôt les rendements agricoles et l'intégrité des matières premières que la sécurité des consommations alimentaires, situation propice à des arbitrages de moyens réduisant la lisibilité des différentes interventions financées par le programme 206.

C'est de toute façon beaucoup plus largement que la politique de sécurité sanitaire des aliments manque d'un support budgétaire unifié et clair, manque qui ne fait que refléter le patchwork administratif des services chargés de cette politique.

Par ailleurs, ils ont conscience qu'en s'inscrivant dans cette logique, ils peuvent sembler participer d'une confusion 1 ( * ) qu'ils appellent pourtant à dépasser, tant d'un point de vue organique, en recommandant la préfiguration d'un organe spécifiquement dédié à la sécurité sanitaire des aliments, que d'un point de vue fonctionnel, en appelant à ce que l'équilibre de la politique de sécurité sanitaire des aliments aille vers une vigilance renforcée sur le contenu des assiettes et étendent le spectre des considérations de santé publique envisagées.

Mais, au-delà de ces questions de périmètre, il faut souligner les problèmes d'appréciation de la qualité des actions en faveur de la sécurité sanitaire des aliments tenant à un déficit de référentiel tout à fait robuste, sans compter les difficultés d'appropriation du « déjà connu » , du fait de la très grande technicité des problématiques, dont témoigne l'émergence de préoccupations nouvelles, que le système de maîtrise des risques sanitaires ne fait que commencer à prendre en considération.

Peut-être est-ce d'ailleurs l'une des recommandations principales du présent rapport que de mieux prendre en compte « l'émergent », en plus des contrôles réguliers des dangers sanitaires bien identifiés, qui font l'objet d'une surveillance de routine et absorbent la quasi-totalité des moyens.

En bref, il faut d'emblée recommander d'augmenter la place de la recherche, et de la santé humaine, dans une politique publique qui est presque systémiquement guettée par le biais de « l'effet lampadaire ».

Cette recommandation s'impose d'autant plus que ces dernières années, les mailles du filet de sécurité sanitaire des aliments se sont globalement distendues.

La diminution de la vigilance sanitaire pourrait être sans inconvénients et signaler le succès des actions entreprises par les différents acteurs si le constat de la persistance, voire de l'accentuation, de multiples risques ne devait pas être dressé.

Or, les indices d'une dégradation de la situation sanitaire des aliments lato sensu ne manquent pas alors même que les situations de départ justifiaient bien souvent de sérieux efforts d'amélioration.

Si, globalement, la qualité du système de contrôle de la sécurité sanitaire mis en oeuvre en France fait l'objet d'appréciations positives de la part des organismes qui en réalisent l'audit, en particulier les institutions européennes, et si, indubitablement, la tradition agroalimentaire française très solide concourt à illustrer la situation de notre pays, ces indispensables atouts doivent être préservés et développés à partir d'une impeccabilité de tous les moments de sorte que les observations moins positives des auditeurs perdent leur raison d'être et, surtout, que des progrès décisifs soient réalisés pour améliorer, en profondeur, les performances sanitaires de l'alimentation.

Dans ces conditions, il convient d'inverser la tendance au relâchement des vigilances.

Le resserrement de la contrainte financière a incontestablement joué, tant du point de vue des moyens directement mis en oeuvre par les administrations chargées de la sécurité sanitaire des aliments que de celui d'autres composantes du système, le réseau des vétérinaires au premier chef, mais aussi la tendance à une externalisation des missions qui n'a pas toujours été maîtrisée.

Il s'est traduit par un relâchement des contrôles et, avec lui, des données disponibles pour asseoir correctement la maîtrise sanitaire par l'analyse de risques, dégradation hautement préoccupante compte tenu du paradigme sur lequel repose le système.

Compte tenu de la contrainte financière, la voie, non exclusive, d'une optimisation des moyens et du cadre général de la détermination et de la conduite de la politique de sécurité sanitaire des aliments, de toute façon souhaitable, s'impose comme une piste de recherche privilégiée.

Cette recherche d'efficience ressort comme une nécessité incontournable du fait de certaines situations non soutenables (ainsi de celle des laboratoires publics) ou manifestement sous-optimales (ainsi de la répartition des effectifs de contrôle sur le territoire et de la distribution de leurs missions, des suites réservées aux contrôles ou encore du fractionnement des moyens opérationnels du système et de certaines confusions qui peuvent s'ensuivre).

Au-delà, c'est vers des pistes plus qualitatives , et qu'il convient de discuter en profondeur, qu'il faut se tourner. Elles sont amplement documentées dans le flux régulier, des rapports d'audit, qui mériteraient un suivi plus systématique dans la mesure où ils permettent d'attirer l'attention sur une dimension majeure de la politique de sécurité sanitaire des aliments comme art, non seulement de conception, mais également d'exécution.

Vos rapporteurs spéciaux ont ainsi pris bonne note des questions posées par une programmation répétitive de certains instrument de surveillance des risques sanitaires (les plans de surveillance et de contrôle), mais aussi des débats sur le financement des actions de supervision publique dont la résolution dépend d'un consensus sur le sens des actions conduites par les autorités publiques de contrôle.

Par ailleurs, dans un contexte internationalisé, la cohérence entre les exigences sanitaires élevées qui prévalent en France, et s'accompagnent de réels efforts de maîtrise, avec la concurrence de produits qui ne satisfont pas toujours aux mêmes critères, même dans l'espace européen, appelle une vigilance particulièrement attentive.

D'autres obligations légales que celle de livrer des aliments tout à fait sûrs font l'objet de contrôles, avec, souvent, des problématiques analogues de maximisation des moyens employés à partir d'une démarche de rénovation des contrôles mis en oeuvre. Ainsi en va-t-il dans le domaine fiscal où l'objectif d'optimisation passe par le raffinement des méthodes d'analyse de risques mais aussi par la voie classique d'une responsabilisation accrue des contribuables, confrontés à des sanctions plus fortes mais auxquels on propose aussi des formules plus participatives, comme celles offertes par la réunion de conditions de conformité permettant une modulation des contrôles en fonction des engagements pris. Le domaine alimentaire est coutumier de ces procédures à travers les agréments que supposent certaines activités mais aussi la notation des établissements.

Qu'il faille aller plus loin demeure à envisager, comme la contribution d'une élimination à la source des pratiques agroalimentaires les plus à risques à la prévention des menaces sanitaires doit continuer à être approfondie.

À l'évidence, ces problématiques dépassent de beaucoup le cadre d'un simple rapport de contrôle budgétaire. Mais, il appartient à l'exercice d'éviter de sombrer dans le solipsisme budgétaire et de s'ouvrir au réel quelque complexe qu'il soit.

La qualité des infrastructures agroalimentaires françaises, de sa base de production à ses autorités de régulation, dont témoigne, entre autres, l'excellence de ses organismes de recherche, hélas trop dispersés, et d'évaluation 2 ( * ) permet de l'aborder avec confiance.

I. UNE SITUATION TENDUE, DES ENJEUX TRÈS LOURDS

Les dangers sanitaires pesant sur l'alimentation sont très divers et le niveau de risque demeure élevé dans un contexte où leur déclenchement présente de lourds enjeux, de santé publique mais aussi d'ordre financier et économique.

A. UNE SITUATION SANITAIRE QUI DEMEURE TRÈS PERFECTIBLE

1. La santé humaine continue d'être exposée à des pathologies d'origine alimentaire parfois très graves

La situation des risques sanitaires liés à la consommation d'aliments , qui est trop mal déterminée en l'état insuffisant des connaissances acquises dans le cadre d'un système d'analyse et de veille sanitaire trop incomplet (voir infra ), ne peut, dans ces conditions, être précisément qualifiée, non plus que les tendances qu'elle suit ne sauraient être complètement identifiables.

Cependant, nombre d'éléments doivent être pris en compte qui ne témoignent pas de l'existence d'un risque zéro dans ce domaine, objectif sans doute ambitieux, sinon irréaliste, mais qu'il est difficile de ne pas retenir faute d'un quelconque objectif alternatif acceptable s'agissant d'une pratique, l'alimentation, qui présente de nombreux dangers invalidants et, même, létaux mais, au contraire, de la persistance de risques sanitaires traditionnels massifs, de la confirmation de risques émergents et de l'émergence de nouveaux risques .

Dans la synthèse des travaux du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) sur le plan d'action des ministères chargés de la politique de sécurité sanitaire des aliments, il était indiqué que « ... au niveau national, la situation sanitaire récente montre l'augmentation de phénomènes nouveaux, le rapport 3 ( * ) cite notamment les cas de campylobacteriose ou d'hépatite E mais beaucoup d'autres phénomènes émergents pourraient être rapportés comme certaines biotoxines, etc. ».

De fait, le rapport cité, rappelant l'existence d'une diversité de dangers, après avoir concédé le repli d'un certain nombre de pathologies liées à ceux-ci, avait pu attirer l'attention sur l'importance de certaines intoxications et sur l'émergence de nouveaux risques.

Les termes exacts du rapport méritent d'être cités dans la mesure où ils recouvrent les différentes catégories de satisfaction mais aussi de préoccupations dont le recensement fait aujourd'hui consensus 4 ( * ) .

« Sont susceptibles de contaminer les denrées alimentaires et d'engendrer diverses pathologies des bactéries (salmonella, campylobacter, e. coli...), des parasites (giardia, cryptosporidium, amibes...) ou des virus (rotavirus chez les jeunes enfants, norovirus chez l'adulte, astrovirus et adénovirus). D'après les études publiées sur la décennie 2000-2010, la tendance observée est à une diminution sensible des diverses pathologies.

Cependant, des épisodes récents de contamination, comme l'affaire des graines germées ou des betteraves, liés non plus seulement à des denrées animales mais aussi à des produits végétaux, appellent à la vigilance vis-à-vis des dangers microbiens .

D'autre part, les données disponibles sur les toutes dernières années montrent qu'il n'est pas exclu qu'après une période de stabilité des contaminations, certaines soient reparties à la hausse .

En outre, la prévalence de certaines pathologies, comme celles causées par campylobacter (plus de 824 000 personnes infectées par an dans les estimations récentes de l'InVS) ou l'hépatite E, a longtemps été sous-estimée et demeure mal recensée.

À côté de ces risques microbiologiques sur lesquels la vigilance demeure nécessaire, le système de sécurité sanitaire des aliments doit faire face à l'émergence de dangers de types nouveaux, notamment de source chimique.

Si les effets sur la santé humaine de certaines substances, comme le plomb ou les sulfites, sont connus de longue date, ceux de nombreuses autres sont à la fois incertains et moins cernés, nécessitant à la fois des évaluations plus difficiles et une adaptation de la surveillance et des contrôles.

Il peut s'agir de substances utilisées lors de la production et de la transformation des denrées, mais également de substances présentes dans l'environnement de façon permanente ou à la suite d'une pollution des milieux, ou encore de la migration d'éléments présents dans les matériaux au contact de denrées.

L'utilisation dans des conditions insuffisamment maîtrisées d'antibiotiques en élevage ou de produits phytosanitaires demeure une source de risque pour la santé des consommateurs ».

Dans le cadre des travaux conduits afin de prendre la mesure de la prévalence de certaines pathologies alimentaires, des résultats provisoires ont pu être communiqués à vos rapporteurs spéciaux.

Type de pathologie

Nombre de cas par an

Hospitalisation

Décès

Bactériennes

900 000

12 680

179

Virales

504 887

4 201

23

Parasitaires

44 669

1 118

37

Source : audition des rapporteurs spéciaux

Le nombre de cas annuels identifiés par l'étude ressort comme particulièrement élevé sans pour autant devoir être systématiquement rattaché à une insuffisante vigilance des professionnels (privés et services publics de surveillance), un certain nombre des incidents pouvant trouver leur origine chez le consommateur. Dans ce contexte, le nombre des décès apparaît heureusement très minoritaire. Il est néanmoins significatif avec, chaque année, entre 230 et 250 décès causés par les seules affections suivies dans l'étude, qui, de toute évidence, ne recouvrent pas la totalité des facteurs de morbidité et de mortalité liés à l'alimentation. Le nombre élevé des hospitalisations est, quant à lui, un indicateur de la gravité des affections recensées.

Des précisions peuvent être fournies sur certaines pathologies graves.

Pour l'hépatite E, on recense 59 500 cas liés à l'alimentation sur un total de 68 189 cas. Pour l'hépatite A, 2 621 cas proviendraient de l'alimentation sur 16 382 cas. Les infections liées à E. Coli représenteraient un total de 18 450 cas justifiant 455 hospitalisations et avec une issue létale pour deux personnes.

Outre la persistance, voire l'amplification d'un certain nombre de pathologies liées à l'alimentation, il faut souligner la grande diversité des dangers et risques qu'un système visant à assurer la sécurité sanitaire des aliments doit être en mesure d'écarter et de contrôler.

Certains sont indépendants de l'action humaine tandis que d'autres sont directement liés à des pratiques agricoles et de fabrication des aliments.

La diversité des sources de risque fait coexister une grande diversité de dangers allant des contaminants bactériens aux sources chimiques.

Toutes sont loin d'être recensées. Une même insuffisance, qui est également un défi pour la recherche, est liée à la prise en considération du temps.

L'horizon temporel des risques ressort comme très variable, certains risques étant instantanés quand d'autres ne se révèlent que dans le temps, par effets d'accumulation, avec, qui plus est, l'hypothèse d'une propriété pathogène de certaines combinaisons venant complexifier la détermination des risques alimentaires sensibles au facteur temps.

2. La situation sanitaire des animaux présente des indices de dégradation voire de crises

La santé animale est un élément particulièrement suivi dans le cadre de la politique de sécurité sanitaire des aliments.

La situation des cheptels est contrastée mais, dans l'ensemble, des préoccupations émergent des observations de terrain.

Le ministère de l'agriculture observe ainsi dans une des réponses au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux pour le projet de loi de finances pour 2017 que « si la situation sanitaire de notre pays en matière de santé animale était favorable en 2014, elle a fortement évolué en 2015 avec la ré-émergence du sérotype 8 de la fièvre catarrhale ovine et la détection, dans les élevages de palmipèdes du sud-ouest, du virus de l'influenza aviaire. En outre, la présence de la peste porcine africaine et de la dermatose nodulaire contagieuse des bovins dans l'est de l'Union européenne doit inciter à la plus grande vigilance ».

Le phénomène d'émergence ou de réémergence d'agents pathogènes est d'autant plus préoccupant que 70 % d'entre eux seraient transmissibles à l'homme.

Pour les principales pathologies, le nombre de nouveaux cas tend à augmenter ces dernières années .

Ainsi, par rapport à 2014, si les cas de tuberculose bovine semblent à peu près stabilisés en 2015 5 ( * ) , une recrudescence importante des cas de fièvre catarrhale ovine (FCO) doit être observée avec 141 cas contre 58.

Le tableau ci-dessous, fourni dans le cadre de l'examen par vos rapporteurs spéciaux du projet de loi de finances pour 2017, dresse une liste des cas nouveaux observés en 2015.

Prévalence des principales maladies animales

(nombre de cas nouveaux)

Nom département

ESB classique

ESB atypique

Trem-blante classique

Trem-blante atypique

Tubercu-lose bovine

Brucel-lose bovine

Brucel-lose des petits ruminants

FCO

01

Ain

0

0

0

0

0

02

Aisne

0

0

0

0

0

03

Allier

0

0

0

0

1

37

04

Alpes-de-Haute-Provence

0

0

0

0

0

05

Hautes-Alpes

0

0

0

0

0

06

Alpes-Maritimes

0

0

0

0

0

07

Ardèche

0

0

0

0

0

08

Ardennes

0

0

0

0

1

0

09

Ariège

0

0

0

0

3

0

10

Aube

0

0

0

0

0

11

Aude

0

0

0

0

0

12

Aveyron

0

0

0

0

2

13

Bouches-du-Rhône

0

0

0

0

0

14

Calvados

0

0

0

0

1

0

15

Cantal

0

0

0

0

6

16

Charente

0

0

0

0

5

0

17

Charente-Maritime

0

0

0

0

3

0

18

Cher

0

0

0

0

4

19

Corrèze

0

0

0

1

2

2A

Corse-du-Sud

0

0

0

0

2

0

2B

Haute-Corse

0

0

0

0

11

0

21

Côte-d'Or

0

0

0

0

13

0

22

Cotes-d'Armor

0

0

0

0

0

23

Creuse

0

0

0

0

9

24

Dordogne

0

0

0

2

27

0

25

Doubs

0

0

0

0

0

26

Drôme

0

0

0

0

0

27

Eure

0

0

0

0

2

0

28

Eure-et-Loir

0

0

0

0

0

29

Finistère

0

0

0

0

0

30

Gard

0

0

0

0

0

31

Haute-Garonne

0

0

0

0

0

32

Gers

0

0

0

0

1

0

33

Gironde

0

0

0

0

0

34

Hérault

0

0

0

0

0

35

Ille-et-Vilaine

0

0

0

0

0

36

Indre

0

0

0

0

1

37

Indre-et-Loire

0

0

1

1

0

38

Isère

0

0

0

0

0

39

Jura

0

0

0

0

0

40

Landes

0

0

0

0

4

0

41

Loir-et-Cher

0

0

0

1

0

42

Loire

0

0

0

0

2

11

Nom département

ESB classique

ESB atypique

Trem-blante classique

Trem-blante atypique

Tubercu-lose bovine

Brucel-lose bovine

Brucel-lose des petits ruminants

FCO

43

Haute-Loire

0

0

0

0

3

44

Loire-Atlantique

0

0

0

0

0

45

Loiret

0

0

0

0

1

46

Lot

0

0

0

0

0

47

Lot-et-Garonne

0

0

0

1

1

0

48

Lozère

0

0

0

0

1

49

Maine-et-Loire

0

0

0

0

0

50

Manche

0

0

1

0

1

0

51

Marne

0

0

0

0

0

52

Haute-Marne

0

0

0

1

0

53

Mayenne

0

0

0

0

0

54

Meurthe-et-Moselle

0

0

0

0

0

55

Meuse

0

0

0

0

0

56

Morbihan

0

0

0

0

0

57

Moselle

0

0

0

0

0

58

Nièvre

0

0

0

0

7

59

Nord

0

0

0

0

0

60

Oise

0

0

0

0

0

61

Orne

0

0

0

0

2

0

62

Pas-de-Calais

0

0

0

0

0

63

Puy-de-Dôme

0

0

0

1

50

64

Pyrénées-Atlantiques

0

0

0

1

19

0

65

Hautes-Pyrénées

0

0

0

0

0

66

Pyrénées-Orientales

0

0

0

0

0

67

Bas-Rhin

0

0

0

0

0

68

Haut-Rhin

0

0

0

0

0

69

Rhône

0

0

0

0

0

70

Haute-Saône

0

0

0

0

0

71

Saône-et-Loire

0

0

0

0

50

72

Sarthe

0

0

0

0

0

73

Savoie

0

0

0

1

0

74

Haute-Savoie

0

0

0

0

1

0

75

Paris

0

0

0

0

0

76

Seine-Maritime

0

0

0

0

0

77

Seine-et-Marne

0

0

0

0

0

78

Yvelines

0

0

0

0

0

79

Deux-Sèvres

0

0

1

0

1

0

80

Somme

0

0

0

0

0

81

Tarn

0

0

0

0

0

82

Tarn-et-Garonne

0

0

0

0

0

83

Var

0

0

0

0

0

84

Vaucluse

0

0

0

0

0

85

Vendée

0

0

0

0

0

86

Vienne

0

0

0

0

0

87

Haute-Vienne

0

0

0

0

1

0

Nom département

ESB classique

ESB atypique

Trem-blante classique

Trem-blante atypique

Tubercu-lose bovine

Brucel-lose bovine

Brucel-lose des petits ruminants

FCO

88

Vosges

0

0

0

0

0

89

Yonne

0

0

0

0

0

90

Territoire-de-Belfort

0

0

0

0

0

91

Essonne

0

0

0

0

0

92

Hauts-de-Seine

0

0

0

0

0

93

Seine-Saint-Denis

0

0

0

0

0

94

Val-de-Marne

0

0

0

0

0

95

Val-d'Oise

0

0

0

0

0

971

La Guadeloupe

0

0

0

0

0

972

La Martinique

0

0

0

0

0

973

La Guyane

0

0

0

0

0

974

La Réunion

0

0

0

0

0

TOTAL

0

0

3

10

102

141

Les données ainsi récapitulées par la direction générale de l'alimentation (DGAL) ne sont pas exhaustives, les cas d'influenza aviaire, qui ont cruellement marqué la situation sanitaire des animaux ces dernières années, n'étant tout simplement pas recensés, tandis que des écarts non expliqués existent avec les données par ailleurs évoquées dans le cadre du même examen et exposées dans l'encadré ci-après largement extrait d'une réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

En dehors des indications qu'elles comportent sur la prévalence des principales pathologies, certaines appréciations qualitatives sur les conditions dans lesquelles les pathologies apparues sont traitées par le système de sécurité sanitaire des aliments méritent d'être soulignées.

Les éléments de la réponse transmise à vos rapporteurs spéciaux qui appellent cette particulière attention sont signalés en gras dans le texte de l'encadré.

1. Encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST)

Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB)

La surveillance de l'ESB se fonde sur trois dispositifs :

- surveillance clinique par les éleveurs et les vétérinaires pour détecter l'apparition de cas cliniques en élevage ;

- les tests sont systématiques à l'abattoir sur les animaux à risque (accidentés ou présentant des signes cliniques à l'inspection ante-mortem) de plus de 48 mois et, depuis le 1 er janvier 2015, sur les animaux nés avant le 1 er janvier 2002 (date d'interdiction des farines animales dans l'alimentation des ruminants). Les tests étaient auparavant systématiques sur les animaux sains de plus de 72 mois à l'abattoir ;

- des tests systématiques à l'équarrissage sur les animaux de plus de 48 mois.

Ces mesures visent à surveiller l'évolution de la maladie tandis que la protection du consommateur est assurée par le retrait en abattoir des matériels à risque spécifié (MRS).

Un nombre de 269 000 bovins a fait l'objet d'un dépistage de l'ESB en Allemagne en 2015 (dont 62 000 à l'abattoir et 207 000 à l'équarrissage). Aucun cas n'a été détecté en 2015.

La situation sanitaire française vis-à-vis de l'ESB était telle qu'en mai 2015, l'organisation mondiale de la santé animale (OIE) reconnaissait officiellement le statut de l'Allemagne comme un pays à « risque négligeable », ce qui correspond au statut le plus favorable.

Toutefois en mars 2016, un d'ESB classique a été confirmé, à la suite d'un dépistage à l'équarrissage sur une vache Salers née en avril 2011 dans un élevage des Ardennes, entraînant le rétablissement du statut précédent, Allemagne à « risque maîtrisé ».

Tremblante

Les EST des petits ruminants comprennent de nombreuses souches, que l'on peut actuellement regrouper en trois catégories : la tremblante classique, la tremblante atypique et l'ESB.

La tremblante classique est une maladie contagieuse entre animaux. Il existe chez les ovins un facteur génétique de susceptibilité ou de résistance à la maladie important. L'amélioration de la résistance génétique du cheptel ovin français, encadrée par le plan national d'amélioration génétique à la résistance de la tremblante (PNAG-tr) est la mesure majeure de diminution de la prévalence de la tremblante classique. La susceptibilité génétique chez les caprins est moins marquée et les perspectives de sélection d'animaux résistants en sont à leurs débuts.

La tremblante atypique est une maladie animale sporadique et spontanée qu'il convient de surveiller.

L'ESB des petits ruminants est, quant à elle, longtemps restée un fait expérimental, jusqu'à ce qu'un cas soit confirmé rétrospectivement en 2005 sur une chèvre née en Allemagne en 2000 et abattue en 2002. La prévalence de l'ESB chez les petits ruminants reste malgré tout extrêmement faible et peut être considérée comme nulle chez les ovins.

La tremblante est une maladie réglementée des ovins et des caprins connue de longue date en Allemagne (depuis plus de 200 ans) et considérée à ce jour par l'OIE et la Commission européenne comme non transmissible à l'homme 6 ( * ) .

Depuis avril 2002, l'Allemagne met en oeuvre, conformément à la réglementation européenne (Règlement 999/2001), une campagne de dépistage de la tremblante par utilisation de tests rapides à l'abattoir et à l'équarrissage. En 2015, le programme visait à tester 10 000 ovins et 10 000 caprins à l'abattoir, et 30 000 ovins et tous les caprins (soit 48 000) à l'équarrissage.

Les résultats de cette surveillance sont très favorables, avec une diminution significative et régulière du nombre de foyers de tremblante classique.

En 2015, trois foyers de tremblante classique et dix foyers de tremblante atypique ont été identifiés.

Aucun cas suspect d'ESB n'a été mis en évidence en 2015 chez les petits ruminants.

La diminution de prévalence de la tremblante classique pourrait s'expliquer par un effet des mesures de contrôle de la maladie mises en place dans les cheptels atteints, ainsi que par la sélection d'animaux génétiquement résistants grâce au plan national d'amélioration génétique de résistance à la tremblante classique (PNAGRTc).

2. Fièvre aphteuse

Aucun cas de foyer de fièvre aphteuse n'a été signalé en 2015 en Union européenne.

3. Pestes aviaires : maladie de Newcastle et influenza aviaire

Maladie de Newcastle

L'Allemagne est indemne depuis 2001. Néanmoins, la circulation de la souche pigeon du virus Newcastle reste préoccupante au sein des sites de détention de pigeons dits captifs (pigeons d'ornement, pigeons voyageurs, appelants) ainsi que dans la faune sauvage. Elle justifie le respect de la vaccination obligatoire des pigeons et le maintien d'un bon niveau de surveillance afin d'éviter toute contamination à des élevages commerciaux. Le risque de perte de statut est permanent.

Influenza aviaire

La définition de l'influenza aviaire inclut les formes hautement pathogènes (IAHP) et faiblement pathogènes (IAFP) des sous types H5 et H7 du virus 7 ( * ) .

Le dispositif de surveillance de l'influenza aviaire en France concerne à la fois les oiseaux domestiques et les oiseaux sauvages, par une surveillance événementielle et une enquête annuelle en élevage conformément à la réglementation communautaire.

- Surveillance événementielle

La France a perdu le statut indemne d'influenza aviaire en raison d'un premier foyer d'IAHP déclaré le 24 novembre 2015 en Dordogne à la suite à une suspicion clinique dans une basse-cour. Au 29 août 2016, 81 foyers d'IAHP ont été déclarés dans 10 départements du Sud-Ouest selon le détail ci-dessous. Trois souches virales d'IAHP ont été identifiées : H5N1, H5N2 et H5N9.

Département

Nombre de foyers

Aveyron (12)

2

Dordogne (24)

17

Haute-Garonne (31)

1

Gers (32)

10

Landes (40)

31

Lot (46)

2

Pyrénées-Atlantiques (64)

13

Hautes-Pyrénées (65)

3

Tarn (81)

1

Haute-Vienne (87)

1

À la suite de la mise en évidence de ces foyers, une stratégie d'éradication du virus a été suivie. Les mesures ont consisté à limiter la circulation des animaux infectés et à dépeupler les élevages des animaux à risque que sont les palmipèdes, oies et canards. Ces espèces qui peuvent être infectées sans présenter les symptômes, présentent un potentiel important de diffusion de la maladie aux autres élevages. L'infection chez les gallinacées, poules et dindes, est plus facilement détectée par les symptômes comme la forte mortalité.

Une zone réglementée représentant 17 départements et comprenant l'essentiel du bassin de production des palmipèdes gras a été définie. Pour interrompre la circulation du virus, un dépeuplement progressif et coordonné de ces élevages a été mené, suivi d'un assainissement de la zone et d'opérations de nettoyage-désinfection des élevages.

Tous les élevages de reproducteurs de la zone, palmipèdes et gallinacés, ont fait l'objet d'un dépistage de laboratoire systématique, virologique et sérologique, et d'un suivi régulier en cas de résultats sérologiques positifs. Les élevages présentant des garanties sanitaires favorables en termes de biosécurité ont ensuite été repeuplés avec des canetons en provenance d'élevage sains.

La surveillance événementielle chez les oiseaux sauvages a concerné des oiseaux trouvés morts et analysés pour recherche du virus.

Les 121 oiseaux analysés en 2015 et les 28 oiseaux analysés au 1 er semestre 2016 ont présenté des résultats négatifs.

- Surveillance programmée

L'influenza aviaire est également soumise à un programme de surveillance harmonisé au niveau de l'Union européenne depuis 2002 conformément à la décision 2010/367/CE du 25 juin 2010.

Ce programme est fondé sur une surveillance sérologique des sous-types d'IAFP H5 et H7 afin de détecter les infections sub-cliniques surtout parmi certaines populations de volailles exposées à un risque d'infection en raison de leur système d'élevage ou de la sensibilité de l'espèce concernée.

Chaque année, un échantillonnage d'élevages (721 élevages en 2015) est analysé et montre une séro-prévalence H5/H7 de l'ordre de 2 à 4 %. Les élevages séropositifs sont toujours des élevages de palmipèdes. En 2015, cette surveillance a permis de détecter deux foyers IAHP en fin d'année.

En 2016, un programme de surveillance d'oiseaux sauvages capturés a été conduit afin de s'assurer de l'absence de circulation virale dans la faune sauvage aux alentours des foyers. Les résultats ont été négatifs sur les 600 oiseaux capturés, 23 corneilles abattues ainsi que des oiseaux provenant de centres de soin.

4. Fièvre catarrhale du mouton

La fièvre catarrhale ovine (FCO) est une maladie virale (26 sérotypes), transmise par des moucherons ( Culicoïdes ), qui touche les ruminants mais n'affecte pas l'homme.

On a pu relever une apparition de foyers localisés de la FCO en Corse et en France continentale :

Épizootie de fièvre catarrhale en Corse

Entre 2005 et 2013, aucun cas clinique de FCO n'a été confirmé en Corse. Toutefois, contrairement à la France continentale devenue indemne en 2012, la Corse est restée une zone réglementée vis-à-vis des sérotypes 1, 2, 4, 8 et 16 de la FCO, en raison de résultats de surveillance sérologiques non négatifs.

En septembre 2013, des foyers cliniques de FCO de sérotype 1 ont été détectés dans le département de Corse du Sud, proche de la Sardaigne où la maladie circulait à nouveau. La maladie s'est rapidement propagée. À la fin de l'année 2013, 145 foyers de FCO de sérotype 1 avaient été confirmés dans les deux départements corses. De janvier à mai 2014, 31 nouveaux foyers ont été identifiés, aucun depuis.

Conformément à un avis de l'Anses et après validation par les comités nationaux de pilotage FCO successifs, constitués de représentants de l'administration, des professionnels et de scientifiques, une campagne de vaccination obligatoire de tous les ruminants domestiques des espèces bovine, ovine et caprine a été organisée pour limiter la circulation du virus en Corse et diminuer le risque qu'il soit introduit en France continentale.

Épizootie de fièvre catarrhale en cours en France continentale

En 2014, les sérotypes 1 et 4 de FCO ont circulé en Europe et se sont répandus dans plusieurs zones, touchant l'Espagne et l'Italie, et s'étendant en Europe de l'Est (Roumanie, Hongrie, Bulgarie, Croatie, Grèce).

Après avoir recouvré son statut indemne de FCO, plusieurs alertes relatives à des introductions non conformes de ruminants en provenance de zones contaminées espagnoles (FCO sérotype 4) ont été identifiées , en France continentale, par les services déconcentrés depuis fin 2014, notamment :

- décembre 2014 : introduction d'un lot d'ovins destinés à l'abattage dans les Bouches-du-Rhône (les animaux n'ayant pas été abattus rapidement ont été contrôlés sérologiquement positifs à la recherche de FCO sérotype 4) ;

- avril 2015 : introduction de taureaux de combat accompagnés de documents n'attestant pas la vaccination.

Ces alertes ont nécessité l'abattage rapide des animaux importés, la séquestration de l'ensemble des cheptels de ruminants dans un périmètre de 20 km et la mise en place d'une surveillance clinique et sérologique renforcée : après un mois, en l'absence de foyers identifiés et de résultats positifs de la surveillance, les mesures ont été levées mais chaque épisode a coûté environ 400 000 euros.

Pour la première fois, une banque d'antigène constituée de 3 millions de doses contre le sérotype 1 et 3 millions de doses contre le sérotype 4 a été constituée afin d'être en capacité d'intervenir rapidement si la maladie était détectée sur le territoire national.

Les protocoles d'échange de ruminants avec l'Espagne ont été consolidés et les services départementaux ont mis en place un contrôle exhaustif des lots de ruminants introduits à partir de zones à risque.

Le 11 septembre 2015, un cas de FCO à sérotype 8 a été détecté dans un élevage d'ovins et de bovins dans l'Allier. Dans le but d'éviter tout risque éventuel de propagation de la maladie, un certain nombre de mesures ont été prises : surveillance renforcée, instauration d'une zone de surveillance et de protection, restriction des mouvements d'animaux, etc.

Depuis septembre 2015, la surveillance clinique et une campagne de surveillance programmée, ainsi que des investigations autour du foyer initial ont permis de mettre en évidence 292 foyers.

L'organisation d'une campagne de vaccination a été lancée dès septembre 2015. Celle-ci n'a pu réellement commencer courant novembre compte tenu des difficultés à rassembler les doses de vaccin. Jusque fin février 2016, 4,64 millions de doses ovines de vaccins Merial, 2 millions de doses ovines de vaccins CZV et 159 600 doses ovines de vaccins Calier ont été livrées aux six centrales de stockage et de distribution.

Le nombre de vaccins étant limité par rapport au nombre d'animaux vaccinables, des priorités ont été établies . Il n'était pas possible compte tenu du nombre limité de doses d'engager une vaccination à visée d'éradication ou de contrôle de la maladie, la perspective d'une vaccination obligatoire ayant également été clairement dénoncée par les éleveurs. La priorité a été donnée au maintien des flux d'animaux : échanges de broutards (UE) et cheptels de sélection génétique bovine et ovine. La prise en charge de la vaccination par l'État s'est arrêtée le 29 février 2016. Cependant, depuis mars 2016, les vaccins sont toujours fournis par l'État et les mesures de priorisation de la vaccination se sont allégées. La vaccination volontaire est encouragée.

Les commandes de vaccins contre le sérotype 8 de la FCO pour l'année 2015 et les huit premiers mois de l'année 2016 représentent un total d'environ 16,4 millions d'euros sans prendre en compte le stockage, la distribution.

Désormais , en France continentale, les stocks de vaccins BTV 8 (479 000 doses de Merial, 82 300 doses de Calier (2 millions en attente de livraison) et 5,3 millions de doses de CZV (10 millions en attente de livraison) sont suffisants pour ne plus rationner l'usage du vaccin et laisser les éleveurs procéder librement aux vaccinations qui les concernent, par eux-mêmes ou par leur vétérinaire sanitaire en cas de certification.

Peu d'éleveurs ont vacciné pour protéger leur cheptel à la fin du printemps et pendant l'été 2016 ; les vaccinations devraient reprendre massivement à l'automne, au retour des animaux sortis en estives , pour les échanges de broutards et, dans certains cas notamment chez les ovins, pour la protection des troupeaux durant l'hiver 2016. Des doses devraient être encore disponibles au printemps 2017 mais il n'est pas prévu de procéder à de nouvelles commandes de l'État, les éleveurs étant en capacité de s'approvisionner par eux-mêmes.

Étant donné que les sérotypes 1 et 4 continuent de circuler en Sardaigne, 500 000 doses de vaccins, issus de la banque d'antigènes, ont été livrées en Corse pour assurer une nouvelle campagne de vaccination obligatoire . Les vaccinations sont réalisées par les vétérinaires sanitaires et l'ensemble des coûts (vaccin + acte vaccinal) sont pris en charge par l'État (modifications des arrêtés ministériels du 22 juillet 2011 et du 10 décembre 2008), jusqu'en 2017.

Une demande sera prochainement portée à la commission européenne de reconnaissance de statut indemne BTV 2, 4, 8, 16 pour la Corse.

Par ailleurs, la France a engagé une réflexion au niveau européen sur l'allègement de la réglementation vis-à-vis de la FCO type 8 et a demandé une évaluation scientifique du risque au niveau de l'EFSA.

5. Situation de la tuberculose bovine

La tuberculose est une des maladies infectieuses les plus difficiles à combattre en raison des difficultés à la diagnostiquer, de sa longue période d'incubation, de sa résistance et des règles internationales de qualification.

Les efforts collectifs de lutte contre la tuberculose bovine ont commencé dans les années 1930 et ont permis de passer d'une situation où près de 25 % des élevages étaient atteints à une prévalence de 0,05 %.

Cela a conduit à la reconnaissance du statut officiellement indemne de tuberculose bovine par la Commission européenne depuis 2001. Ce statut est une condition du commerce international des bovins et de leurs produits qui implique une conformité avec les règles de qualification européenne de la maladie.

Cependant, la maladie est encore présente en France. Une phase de résurgence a même été observée entre 2005 et 2008 et depuis 2009, la situation est stabilisée avec 100 à 110 nouveaux élevages infectés détectés chaque année.

Des zones infectées ont été mises en évidence dans les élevages de Camargue, de Côte d'Or, des départements du sud-Ouest (Dordogne, Charente, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Lot et Garonne), qui concentrent les deux tiers des foyers, mais également de façon plus clairsemée dans un grand nombre de départements d'élevage.

Dans plus de dix départements, des animaux sauvages infectés ont été détectés : blaireaux, sangliers et, dans une moindre mesure, cerfs. Quelques signes d'amélioration de la situation ont été observés ces dernières années en Côte d'Or (passage d'une vingtaine de cas à une dizaine) et en Camargue (passage d'une dizaine de cas à trois) mais l'éradication ne sera pas atteinte avant de nombreuses années.

Afin de minimiser les impacts économiques pour les éleveurs et rendre l'action d'assainissement plus supportable sur la durée, des stratégies expérimentales ont été mises en oeuvre dans les départements les plus touchés.

Toutefois ces dispositifs expérimentaux ont été jugés non conformes par la Commission européenne à l'occasion d'un audit de l'office alimentaire vétérinaire qui s'est déroulé en septembre 2011. La Commission européenne a exigé un retour à la stricte application de la directive 64/432 sous peine du retrait du statut officiellement indemne.

Cela a conduit la DGAL à réviser son plan national d'action de lutte en mai 2012 et à le présenter à la Commission européenne. Le plan présenté a été accepté et les efforts de la France pour corriger la situation ont été reconnus.

Le statut officiellement indemne est préservé mais les conditions de son maintien ne sont que partiellement respectées en raison de la situation sanitaire et du nombre élevé de suspicions.

Face aux difficultés croissantes pour gérer la maladie et à la démobilisation progressive des parties prenantes , des groupes de travail ont été réunis pendant l'année 2015 pour préparer le nouveau plan d'action .

La finalisation du nouveau plan d'action a dû être retardée à cause des crises sanitaires ayant mobilisé les services de santé animale fin 2015 et au premier semestre 2016 (FCO et influenza aviaire). Elle est prévue d'ici la fin de l'année 2016.

Les éleveurs portent de grands espoirs dans l'allègement des conditions de qualification des cheptels qui permettraient de bloquer le moins possible les élevages suspects, ce qui suppose une évolution des règles internationales. Début 2013, un programme expérimental a été autorisé par la Commission européenne, pour évaluer des méthodes alternatives de dépistage. Ce programme a été testé dans le courant du premier semestre 2013 avant d'être lancé à grande échelle pour les campagnes de prophylaxie 2013-2014 et 2014-2015, les résultats ont été rendus mi 2016. Ils serviront d'arguments pour justifier une demande d'évolution de la réglementation européenne sur un pas de temps de cinq ans.

En 2014, l'assainissement des troupeaux infectés par abattage partiel a été réintroduit comme une possibilité pour l'ensemble des troupeaux, sous certaines conditions sanitaires et zootechniques, ce qui a permis d'améliorer l'acceptabilité des mesures et de réduire les frais d'indemnisation. Des travaux sont également en cours pour faire évoluer les conditions d'indemnisation des éleveurs.

De nombreux travaux transversaux seront nécessaires dans les domaines de la recherche, dans le but de disposer de nouveaux outils de dépistage ou de maîtrise de la maladie, comme la vaccination des blaireaux, ainsi que des études de coût / bénéfice pour mieux éclairer l'orientation des choix techniques, mais également de la sensibilisation et de la formation voire de l'accompagnement à la biosécurité, du développement d'outils de gestion informatisée des données.

6. Nouveaux risques émergents

La surveillance de la grippe porcine (virus influenza porcin) est maintenue depuis 2011. Ce dispositif financé par l'État est en partie animé par les organisations professionnelles qui contribuent à la connaissance des souches d'influenza porcine circulant chez le porc afin de détecter d'éventuelles émergences. Aucun lien n'a été établi avec l'influenza aviaire.

La surveillance des formes congénitales du virus Schmallenberg (« SBV congénital ») est mise en oeuvre, depuis janvier 2012, dans le cadre de la « Plateforme nationale d'épidémiosurveillance en santé animale » (Plateforme ESA) à la suite de l'alerte européenne relative à l'émergence de ce virus au cours de l'été et l'automne 2011. Le virus continue à circuler à bas bruit, et, au 3 mars 2016, huit cas cliniques de SBV congénital ont été déclarés. Dans ce contexte, avec le risque de survenue de flambée épizootique, le dispositif de surveillance est maintenu et s'appuie sur un réseau de vétérinaires sentinelles , à raison d'un vétérinaire volontaire pour chacune des régions de France métropolitaine.

Parmi les nouvelles menaces sanitaires , il convient de mentionner la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), maladie vectorielle des bovins, qui circule de façon de plus en plus active au sud-est de l'Europe et a atteint le pourtour de la côte adriatique durant l'été 2015. Cette maladie non transmissible à l'homme est susceptible de provoquer de lourdes pertes en élevages, et elle s'avère difficile à dépister et à éradiquer. Les États membres de l'Union européenne se mobilisent pour une gestion coordonnée de cette émergence, notamment via l'anticipation d'une politique vaccinale.

En dehors même de l'émergence ou de la réémergence de risques, qui invitent à la continuité des efforts de maîtrise sanitaire, quelques observations s'imposent.

En premier lieu, le filet de veille sanitaire paraît mériter d'être resserré.

La situation de l'influenza aviaire qui connaîtrait aujourd'hui une troisième expression virale semble illustrer une grave défaillance de ce point de vue.

Il y a lieu de conduire un retour d'expérience rigoureux de cet épisode dans la mesure où semblent avoir joué, outre un état des infrastructures de production globalement peu satisfaisant au regard de la surveillance des risques, une série de défaillances en lien avec des manquements aux devoirs de déclaration chez certains de nos partenaires européens alors qu'il existe en ce domaine des obligations et des mécanismes très clairs , sans compter, au plan national, un retard de mobilisation du réseau vétérinaire et de veille sanitaire (voir ci-dessous).

En second lieu, la réactivité de l'appareil sanitaire paraît avoir été prise en défaut en plusieurs occasions du fait de limites de capacités notamment. Les retards pris dans la constitution de capacités vaccinales ne laissent d'interroger.

Il est vrai qu'enfin un manque de systématicité des réponses paraît prévaloir. Toujours dans le domaine vaccinal, la diversité des pratiques ressort. Si une obligation vaccinale a pu être imposée aux éleveurs corses pour lutter contre la fièvre catarrhale ovine (FCO), cette mesure contraignante et coûteuse n'a pas été appliquée en France continentale où la vaccination est restée volontaire. Compte tenu de ce qui apparaît comme une réticence répandue chez certains éleveurs, ce régime non coercitif laisse ouverte la perspective de trous vaccinaux aux incidences potentiellement très négatives, y compris pour les agriculteurs qui, par leur comportement, auraient contribué à la préservation de la santé collective des cheptels.

Par ailleurs, les décisions prises dans ce domaine ne laissent d'interroger. Ainsi, il convient de rappeler que le dernier décret d'avances de l'année 2016 a pu être financé par des annulations de crédit réalisées à partir du programme de vaccination contre la FCO. C'est ce dont témoigne la réponse au questionnaire du rapporteur général de la commission des finances du Sénat qu'il faut citer :

« Concernant la fièvre catarrhale ovine, les retards pris dans la vaccination des cheptels ainsi que la décision d'arrêt de prise en charges des frais des actes de vaccination ont conduit à une réduction importante des dépenses initialement prévues ».

Ces considérations conduisent à formuler deux recommandations, l'une, de principe, l'autre, plus ponctuelle mais qui doit permettre de conforter la robustesse d'ensemble du système de maîtrise des risques sanitaires.

Recommandation : consacrer et ordonner le système de maîtrise des risques sanitaires de l'alimentation autour des principes d'exhaustivité, de réactivité et de profondeur.

Recommandation : conduire un retour d'expérience rigoureux portant sur les circonstances diverses qui ont pu entraîner le déclenchement et l'aggravation de la crise d'influenza aviaire.

3. La situation du végétal inspire des inquiétudes

Le végétal en tant qu'organisme vivant ou simplement comme vecteur de transmission est susceptible d'être porteur de maladies graves pour les consommateurs. L'état de la santé végétal témoigne, comme indice approchant, des nécessaires vigilances à exercer dans ce domaine.

Les différentes acceptions recouvertes par la notion « d'organisme nuisible » ont été remplacées en 2011 par la notion, commune aux domaines animal et végétal, de catégories de dangers sanitaires (article L. 201-1 du code rural et de la pêche maritime - CRPM).

Le CRPM en distingue trois niveaux :

- les dangers de première catégorie, dont les manifestations ont des conséquences graves et qui requièrent, dans l'intérêt général, un encadrement réglementaire ;

- les dangers de deuxième catégorie, pour lesquels il peut être opportun, dans un intérêt collectif, de définir des mesures réglementaires ou de reconnaître officiellement l'action menée par certaines filières de production ;

- les dangers de troisième catégorie, dont la maîtrise relève de l'intérêt et donc de l'initiative privée.

L'arrêté de catégorisation des dangers sanitaires en santé végétale pour la métropole a été publié le 26 décembre 2014.

Dans ce cadre, on peut relever des évolutions réglementaires. Ainsi, la chrysomèle du maïs a été déréglementée aux niveaux européen et national, et relève de la catégorie 3, sous la responsabilité des seuls professionnels ; une surveillance de ce ravageur est donc réalisée par les professionnels dans le cadre de la surveillance biologique du territoire.

De même, le cynips du châtaignier ne fait plus l'objet que de mesures facultatives de la part de chaque État membre avec le choix de créer des zones protégées ; en Allemagne, l'enjeu est de favoriser une organisation collective sur le terrain pour surveiller et utiliser au mieux l'agent de lutte biologique Torymus sinensis.

Au-delà des mesures curatives qu'il faut prendre d'urgence en cas d'introduction d'organismes nuisibles dans l'Union européenne, la volonté des autorités françaises de bâtir une véritable stratégie sanitaire préventive à l'importation , a été prise en compte dans le futur règlement européen sur la santé des végétaux, en cours d'élaboration au Parlement européen et au Conseil de l'Union européenne, dont l'adoption est prévue en 2017.

S'agissant des dangers sanitaires de première catégorie, leur prévalence ressort comme forte pour certains végétaux.

Filière vigne : flavescence dorée

Cette maladie, due à un phytoplasme, est propagée dans le vignoble par un insecte, la cicadelle de la flavescence dorée (Scaphoideus titanus). Elle peut être également introduite dans les vignobles exempts par l'introduction de plants infectés.

Si ce mode de propagation est très rare (le passeport phytosanitaire est basé sur la surveillance des vignes-mères, des pépinières et des traitements obligatoires contre le vecteur), une détection tardive de la maladie au vignoble peut avoir des conséquences graves (arrachage total de parcelles). Maladie réglementée soumise à un arrêté de lutte national (arrêté du 19 décembre 2013). Sa découverte entraîne la mise en place de périmètres de lutte à l'intérieur desquels un plan de surveillance de la maladie et de son vecteur est mis en place. Il débouche sur l'arrachage obligatoire des ceps contaminés et une lutte insecticide contre le vecteur.

En 2015, le périmètre de lutte obligatoire atteint 532 000 hectares, soit 69 % du vignoble (64 % en 2014). On constate une progression de la maladie essentiellement en Provence-Alpes-Côte d'Azur (+ 5 600 ha), dans le Gard (+ 11 900 ha) et en Gironde (+ 5 500 ha). Les périmètres de lutte s'étendent sur la quasi-totalité des vignobles de Charente et d'Aquitaine, de Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon. Le vignoble provençal incluant le Vaucluse, les Bouches du Rhône et le Sud de la Drôme est fortement touché, ainsi que le vignoble savoyard (Savoie et Haute-Savoie). En Bourgogne la découverte d'un foyer important en 2011 a entraîné l'arrachage total de 12 hectares en 2012 et 2013. Si le périmètre de lutte couvre l'ensemble des appellations de Saône-et-Loire et de Côte d'Or, un engagement fort de la profession et une surveillance exhaustive ont permis de réduire fortement la maladie (prévalence proche de zéro) ainsi que les zones traitées contre le vecteur (80 % de traitements en moins entre 2012 et 2015).

Filière arboriculture fruitière : sharka

Les prospections obligatoires réalisées dans le cadre de l'arrêté national de lutte contre cet organisme réglementé ont couvert 23 000 ha de vergers, surfaces stables depuis 2012.

Suite à ces inspections, près de 50 000 arbres fruitiers ont dû être arrachés (187 ha).

Les prospections obligatoires réalisées dans les pépinières mettent en évidence que les contaminations liées au flux de matériels de reproduction des végétaux entre pays augmentent.

Filière cultures légumières - pommes de terre

Meloidogyne chitwoodi et Meloidogyne fallax sont des organismes nuisibles et réglementés de lutte obligatoire. Il s'agit de nématodes à galles 8 ( * ) polyphages, notamment détectés sur les cultures légumières, industrielles (betteraves, pommes terre) et maïs.

Sept foyers répartis dans différentes régions ont été détectés en Allemagne, depuis 1995, dans des parcelles conduites en plein champ (environ 510 ha) ou sous abris (environ 20 ha). À ce jour, cinq foyers sont toujours en cours de gestion et aucune nouvelle détection n'a été enregistrée en 2015.

Globodera pallida et Globodera rostochiensis sont des organismes nuisibles et réglementés de lutte obligatoire. Il s'agit de nématodes à kystes inféodés aux solanacées et notamment à la pomme de terre. La surveillance concerne 100 % des surfaces destinées à la production de plants de pommes de terre et a minima 0,5 % des surfaces de pommes de terre de consommation. Plus couramment observés que les deux espèces précédentes, des détections ont été enregistrées en 2015 sur environ 73 ha, soit un total de 640 ha depuis 2010. Ces nouveaux foyers sont en cours de gestion dans le cadre de l'arrêté du 28 juin 2010 relatif à la lutte contre ces 2 nématodes.

La bactérie responsable de la pourriture brune des pommes de terre (Ralstonia solanacearum), réglementée dans la plupart des pays importateurs de pommes de terre, présente la particularité d'être surveillée sur différents supports : pommes de terre, tomates mais aussi sur morelle douce-amère ou grande ortie (adventices sensibles) ainsi que dans les eaux de rivières.

En 2015, la surveillance n'a pas mis en évidence de contamination sur tubercules de pommes de terre ; en revanche, des détections ont été enregistrées dans les eaux et sur adventices sensibles.

Espèces ligneuses, ornementales et zones non agricoles

La gestion du chancre coloré du platane causé par un champignon vasculaire phytopathogène Ceratocystis platani et celle du charançon rouge des palmiers Rhynchophorus ferrugineus peuvent représenter une charge considérable pour les collectivités concernées.

Ces deux bio-agresseurs à enjeu majeur en zone non agricole sont également réglementés et font l'objet de luttes obligatoires pilotées par les services centraux et régionaux de la DGAL. Leurs attaques se révèlent en effet d'une nuisance considérable puisqu'elles portent gravement atteinte au patrimoine arboré sur des espèces végétales majeures structurant les paysages.

Les platanes et palmiers étant souvent en situation de plantations d'alignement monospécifiques avec de nombreux sujets plantés par site, ces organismes nuisibles se propagent de proche en proche pour infester un nombre de sujets toujours plus important d'année en année.

Les plantations du « Canal du midi » semblent, de façon irrémédiable, condamnées par le chancre coloré, à l'image du réseau des Sorgues (84) où les platanes de bordure ont déjà en grande partie disparu.

Néanmoins, l'application de l'arrêté national de lutte du 22 décembre 2015 qui renforce les mesures pour la détection précoce et les mesures prophylactiques pour éviter la propagation, devrait contribuer à freiner l'extension de la maladie. Une expérimentation initiée en 2015 sur de nouveaux moyens de lutte sur des platanes peu contaminés, pourrait donner dans quelques années de nouvelles perspectives.

La présence de charançon rouge des palmiers se traduit par des centaines de foyers en PACA, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon et Corse. L'année 2016 a vu l'apparition d'un foyer en Normandie, zone antérieurement indemne. Celui-ci est en cours d'éradication.

La lutte contre le charançon rouge reste difficile en raison des résultats aléatoires obtenus par la mise en oeuvre des moyens chimiques et biologiques, et de la nécessité d'une approche collective de la lutte dans un contexte marqué par l'existence d'un très grand nombre de propriétaires.

Depuis 2015, d'importants moyens sont mis en oeuvre en Allemagne dans le cadre de la lutte contre le capricorne asiatique Anoplophora glabripennis, organisme de quarantaine très polyphage et danger sanitaire de première catégorie. Une surveillance renforcée a été mise en oeuvre sur tout le territoire, ainsi que des actions de lutte dans les régions Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine et Centre-Val de Loire.

Phytophthora ramorum a été reconnu responsable au cours des années 90 de mortalités massives de chênes américains en Californie. Même si ce pathogène était retrouvé sur des essences arbustives (rhododendron) en Allemagne, essentiellement en pépinière, il ne semblait pas présenter de risque majeur pour les forêts tempérées européennes. Cependant, depuis 2009, ce pathogène a provoqué des mortalités importantes sur mélèze du Japon, essence plantée massivement au Allemagne. Depuis, des centaines de milliers d'arbres y ont été abattus sans parvenir à enrayer la maladie. Si, en Allemagne, le mélèze du Japon a été moins utilisé, et dans des conditions climatiques moins favorables à Phytophthora ramorum, il n'en reste pas moins que les capacités de « saut d'hôte » et de dispersion de cet organisme en font un des principaux organismes à surveiller.

La présence de la bactérie Xylella fastidiosa a été détectée le 22 juillet 2015 sur des plants de Polygale à feuille de myrte (Polygala myrtifolia) dans une zone commerciale de la commune de Propriano, d'autres détections ont été faites sur cette même espèce végétale, puis sur d'autres. Ainsi, depuis juillet 2015, le nombre de foyers découverts en Corse et, dans un deuxième temps, en PACA a fortement progressé.

Cette bactérie transmise et dispersée par des insectes peut s'attaquer à de très nombreuses espèces végétales et conduire à des dépérissements massifs de certaines espèces d'intérêt économique. Cette bactérie s'installe dans le xylème des végétaux et empêche le mouvement de la sève brute, les premiers symptômes correspondent ainsi à des dessèchements. Il existe plusieurs sous-espèces et souches qui n'attaquent pas forcément les mêmes végétaux. La sous-espèce détectée en Allemagne n'est pas celle qui s'attaque aux oliviers ni à la vigne, toutefois la propagation de la bactériose reste sous haute surveillance.

Dans les départements français d'outre-mer

Les cultures tropicales, ou plus exactement les cultures en conditions tropicales des départements d'outre-mer regroupent à la fois des cultures tropicales très spécifiques comme la canne à sucre, la banane ou l'ananas mais aussi des cultures plus proches de filières métropolitaines (maraîchage, cultures florales, arboriculture), mais avec des espèces ou variétés cultivées dans des contextes très différents, qui justifient de les traiter avec les cultures tropicales.

En matière de production de bananes (essentiellement pour l'exportation des Antilles vers la métropole), les exigences de qualité de fruits sont importantes et demandent donc une bonne maîtrise des attaques parasitaires.

Le risque principal concerne les cercosporioses (cercosporiose jaune présente de longue date, et cercosporiose noire installée récemment sur les départements antillais) qui occasionnent des nécroses très importantes des feuilles entraînant une baisse de production ainsi qu'une dégradation de la qualité des fruits les rendant impropres à la commercialisation. Après la Guyane, la cercosporiose noire est établie en Martinique et en Guadeloupe.

Les agrumes sont également sous surveillance au regard de certaines maladies comme le Citrus greening (Candidatus liberibacter asiaticus) qui a tendance à s'étendre dans les départements de l'arc antillais, mais aussi à la Réunion.

Source : réponse au questionnaire budgétaire (projet de loi de finances pour 2017) des rapporteurs spéciaux

4. Les taux de non-conformité décelés par les contrôles confirment l'existence de risques élevés

Le paysage de la sécurité sanitaire de l'alimentation ressort brouillé des « messages » plus ou moins implicites énoncés par les services de contrôle.

Du côté de la direction générale de l'alimentation (DGAL), les bilans publiés sur les plans de surveillance (PS) et de contrôle (PC) se concluent par des propos globalement rassurants, dont témoigne par exemple le rapport 2015 qui indique :

« Comme les années précédentes, les niveaux de contamination des denrées et des aliments pour animaux restent faibles ».

La tonalité de cette communication n'apparaît pas toujours justifiée avec évidence compte tenu des constats exposés ci-dessus et d'autres indicateurs produits par la DGAL.

En revanche, les résultats des contrôles de conditionnalité publiés par certaines directions départementales comportent des observations nettement plus critiques de la part des autorités qui invitent à certaines inquiétudes.

Au demeurant, les réponses au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux ne manquent pas d'extérioriser des constats plus inquiétants. Ainsi, de la gestion d'alertes présentées comme « de plus en plus fréquentes et complexes (aliments contaminés, produits manufacturés dangereux, épizooties, etc.) ».

a) Les non-conformités inventoriées par les plans de surveillance et de contrôle indiquent l'existence de risques importants

Le tableau ci-dessous résume les indications tirées des plans de surveillance et de contrôle (voir infra pour une présentation plus complète de ces plans) mis en oeuvre par la DGAL dans ses activités d'appréciation et de gestion des risques sanitaires.

En général, les valeurs numériques 9 ( * ) des taux de non-conformité ressortent comme faibles.

Les non-conformités sont appréciées en fonction de seuils maximaux (limites maximales de résidus, teneurs maximales autorisées...) de nature réglementaire.

Ces seuils qui résultent généralement d'études de toxicité, dont on sait qu'elles peuvent faire l'objet de très vives discussions, sont supérieurs aux limites de détection (seuil en dessous duquel un laboratoire ne peut déterminer si la substance recherchée est présente en quantité inférieure ou égale à la valeur ou tout à fait absente) et de quantification (seuil en dessous duquel le laboratoire ne peut pas quantifier la substance).

Il pourrait être utile que l'information fournie comporte systématiquement les différentes valeurs mises en évidence par les examens dans la mesure où ceux-ci peuvent comprendre des valeurs inférieures aux limites réglementaires, dont la diffusion présenterait, malgré tout un certain intérêt.

Mais, l'essentiel est bien de mettre en évidence la signification des résultats recensés.

Au-delà de l'impression d'une quasi-inexistence des risques attachée au niveau très faibles des taux de non-conformité, il convient de garder à l'esprit que ces taux doivent être appliqués à des assiettes de consommation souvent très larges.

Il n'est pas équivalent d'être confronté à un risque de 0,5 % d'absorber des résidus chimiques en mangeant un oeuf lorsqu'on ne mange qu'un oeuf dans son existence et d'affronter ce même risque lorsqu'on mange dix oeufs par semaine.

En bref, même avec de très faibles valeurs de prévalence des contaminants, il existe une certitude, qui se renforce à mesure que la valeur augmente, d'être en présence de contaminants excédant les seuils réglementaires.

Les résultats mentionnés doivent donc être interprétés comme dessinant un paysage où les matières premières agricoles et certains intrants présentent de très nombreuses insuffisances au regard des modes d'appréciation du risque sanitaire. 10 ( * )

Intitulé du plan

Taux de
non-conformité
(IC 95 )

Résidus chimiques dans les animaux de boucherie

0,3 % (0,2-0,3)

Résidus chimiques dans les volailles

0,0 % (0,0-0,1)

Résidus chimiques dans les lapins

1,0 % (0,3-2,9)

Résidus chimiques dans le gibier

0,0 % (0,0-2,8)

Résidus chimiques dans le lait

0,0 % (0,0-0,2)

Résidus chimiques dans les oeufs

0,5 % (0,2-1,2)

Résidus chimiques dans les poissons d'élevage
(aquaculture)

0,0 % (0,0-0,8)

Résidus chimiques dans le miel

0,0 % (0,0-1,9)

Aliments pour animaux

0,2 % (0,1-0,7)

Histamine dans les produits de la pêche

0,7 % (0,2-2,4)

Phycotoxines dans les coquillages

0,3 % (0,1-1,0)

Escherichia coli dans les huitres creuses

0,6 % (0,2-1,7)

Polluants organiques persistants dans les produits
de la pêche à la distribution

0,4 % (0,1-1,6)

Éléments traces métalliques dans les produits de
la pêche à la distribution

4,9 % (3,1-7,6)

Escherichia coli STEC dans les viandes hachées de boeuf

0,3 % (0,1-1,9)

Intitulé du plan

Taux de
non-conformité
(IC 95 )

Salmonella spp dans les viandes fraîches de porc

0,3 % (0,1-1,9)

Résidus de produits phytopharmaceutiques dans
les productions primaires végétales (1)

7,6 % (5,9-9,7)

Résidus de produits phytopharmaceutiques dans
les productions primaires végétales (2)

3,8 % (2,6-5,5)

Produits d'origine animale présentés en poste
d'inspection frontalier

0,5 % (0,2-1,2)

Aliments pour animaux d'origine non animale,

présentés en point d'entrée désigné

5,8 % (2,3-14,0)

(1) Plan de contrôle

(2) Plan de surveillance

Source : DGAL

b) Des analyses de conformité émanant d'autres sources engagent à des constats encore plus défavorables

Ainsi, le bilan 2015 des contrôles de conditionnalité publié par le préfet du Nord fait apparaître des taux de non-conformité nettement plus élevés que ceux ressortant des plans de surveillance et des plans de contrôle (PSPC).

Ainsi, en ce qui concerne l'identification des bovins (qui est une procédure à enjeux multiples, dont celui d'assurer une traçabilité indispensable à la maîtrise sanitaire de l'offre animale), le rapport indique que, sur 136 éleveurs contrôlés, si 70 % sont conformes 30 % ne le sont pas, les principales anomalies relevées consistant dans le dépassement du délai de notification des mouvements pour 20 % des contrôlés, mais aussi l'absence de passeports pour 8 % d'entre eux.

Quant au paquet hygiène (traitements, médicaments, maladies...), sur 35 exploitations contrôlées, 90 % sont conformes et 10 % non conformes (en 2014, 80 % de contrôles conformes pour 40 exploitations contrôlées) avec pour principales anomalies le défaut de test de dépistage pour l'obtention ou le maintien d'une qualification sanitaire pour la brucellose et la tuberculose. D'autres informations relatives à l'exposition des exploitants aux produits phytopharmaceutiques ne manquent pas de susciter quelques inquiétudes. Ainsi des constats suivants concluant à un taux de non conformités de 15 % des exploitations contrôlées en matière d'utilisation des produits et d'attestation valide du contrôle technique du pulvérisateur.

Il faudrait encore mentionner les résultats des inspections portant sur les établissements qu'on développe plus loin dans le présent rapport.


* 1 Confusion qui confine à des situations d'injonctions contradictoires lorsque des préoccupations prophylactiques concernant les matières premières peuvent conduire à des pratiques présentant des dangers pour les consommateurs.

* 2 Vos rapporteurs spéciaux veulent particulièrement saluer les travaux du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux dont la contribution très riche et stimulante fait honneur aux services administratifs d'inspection et d'études, en l'occurrence à ceux placés auprès du ministère en charge de l'agriculture. Ils souhaitent également témoigner de l'implication forte des acteurs de terrain, qui, au quotidien, exercent dans des conditions très difficiles leurs vigilances.

* 3 Il s'agit du rapport établi par Marion Guillou et Christian Babusiaux sur la politique de sécurité sanitaire des aliments publié le 30 juin 2014.

* 4 Les parties en gras sont signalées par vos rapporteurs spéciaux.

* 5 Mais, au cours de leurs entretiens préparatoires au présent rapport, une nouvelle dégradation préoccupante sur ce front a pu être évoquée.

* 6 Les scientifiques de l'Anses recommandent néanmoins la prudence, au titre du principe de précaution, et préconisent de limiter l'exposition du consommateur au prion de la tremblante classique.

* 7 Depuis, une troisième souche virale dénommée H5N8 a été inventoriée.

* 8 Les nématodes à galles sont des endoparasites affectant de nombreuses plantes et particulièrement virulents du fait de leur polyphagie. Il est difficile de s'en débarrasser depuis la disparition du bromure de méthyle qui n'a pas d'alternative équivalente.

* 9 Les valeurs entre parenthèses correspondent à des bornes déterminées en fonction des calculs de probabilité en fonction d'estimation de la représentativité des échantillons. La valeur centrale est retenue comme contenant une information moyenne sur la situation nationale des non-conformités, et, par conséquent, du risque présenté par le contaminant correspondant.

* 10 Modes d'appréciation qui ne sont pas nécessairement réductibles à la réalité du risque pour l'homme, un décalage en plus ou en moins étant fatal au regard d'une série de considérations.

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