B. LES CONTRÔLES MIS EN oeUVRE PAR LA DGCCRF

En réponse à la question écrite n° 05416 d'Évelyne Didier du 21 mars 2013, le ministère de l'économie et des finances avait pu indiquer « les effectifs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont été, ces dernières années, affectés par des réductions d'emplois sensibles et par des transferts liés, essentiellement, aux réorganisations administratives. Cette situation explique le recul de l'activité de la DGCCRF en 2012, mesurée par le nombre d'établissements contrôlés ou le nombre d'actions de contrôle. Toutefois, cette baisse est plus marquée que celle imputable à la seule diminution de ses effectifs » .

De fait, l'action de contrôle de la DGCCRF a suivi une tendance analogue à celle mentionnée pour la DGAL.

Dans ce cadre, même si la programmation des contrôles par la DGCCRF paraît reposer davantage que pour ceux de la DGAL sur un ciblage des risques, le taux de réalisation des contrôles demeure très variable au point que la construction des priorités de contrôle à partir d'une analyse de risques nourrie par une connaissance fine des situations semble davantage un idéal qu'une réalité.

1. Une série de dispositifs

Dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments, la DGCRF déploie deux grands dispositifs :

- les contrôles de la première mise sur le marché (CPMM) qui sont des contrôles approfondis en entreprise, en amont de la chaîne de distribution (au niveau des fabricants ou des importateurs) ;

- les enquêtes déployées dans le cadre du programme national d'enquête (PNE) consistant le plus souvent, en dehors des enquêtes mises en oeuvre par le SNE en la réalisation de prélèvements pour analyse (plans de contrôle et de surveillance).

Il existe une certaine porosité entre les deux catégories de contrôle, les prélèvements prévus dans le cadre des plans de contrôle et de surveillance pouvant être réalisés à l'occasion d'un contrôle CPMM.

S'ajoutent à ces deux dispositifs :

- un programme d'enquête régional , décidé annuellement par les services régionaux en fonction de leur connaissance du tissu économique local ;

- des contrôles d'initiative locale , sur plainte des consommateurs ou après signalement de risques notamment par les opérateurs ;

- des contrôles demandés ponctuellement par l'administration centrale, en particulier en cas de notification sur le réseau d'alerte rapide (RASFF) impactant des produits fabriqués ou distribués en France.

a) Les contrôles de première mise sur le marché

Le contrôle de la première mise sur le marché (CPMM) constitue ainsi un volet essentiel de la politique de contrôle de la DGCCRF.

Au travers du CPMM, qui est une modalité organisée de planification des contrôles et d'intervention, il s'agit de détecter et analyser les risques, notamment les risques émergents , et d'optimiser leur prise en compte dans le cadre de la surveillance de marché.

Le CPMM dépasse l'objectif sanitaire. Il porte sur l'ensemble des réglementations applicables aux produits dont le contrôle incombe à la DGCCRF : qualité, sécurité, concurrence, loyauté et protection du consommateur.

Visant l'amont des filières, le CPMM s'exerce avant la diffusion des produits dans le circuit de distribution.

La programmation prend en compte l'analyse de risque aux fins d'assurer un ciblage cohérent des contrôles. Elle est effectuée pour chaque établissement (producteur, transformateur, importateur, introducteur), dans le but de déterminer la périodicité des contrôles.

Le niveau de risque est revu à la hausse ou à la baisse à l'issue des contrôles réalisés selon la méthodologie CPMM.

La procédure combine une appréciation générale sur le niveau de risque des produits concernés et une évaluation individuelle du niveau de risque de chaque établissement.

- 1 ère étape : cotation secteur/produit . L'administration centrale a établi deux grilles des types d'établissements suivant le niveau de risque global du secteur d'activité (pour l'agroalimentaire) ou de leur type de produits (pour le non alimentaire). Lorsque l'entreprise intervient dans plusieurs secteurs ou met sur le marché des produits de niveau de risque différent, le niveau de risque le plus élevé est retenu, dès lors que l'activité concernée remplit le critère d'importance économique.

- 2 e étape : cotation entreprise . Les services de contrôle procèdent à une analyse des risques pour chaque établissement soumis au CPMM grâce à la grille d'évaluation correspondante, afin de déterminer si le niveau de risque théorique lié au secteur/produit doit être affecté d'un bonus ou d'un malus de points en fonction des facteurs propres à l'entreprise (spécificités des produits de l'entreprise, autocontrôles, « historique » de l'entreprise vis-à-vis des services, etc.).

- 3 e étape : synthèse . Le risque affecté à une entreprise ou à un établissement procède de la combinaison des deux éléments susmentionnés dans une grille de synthèse des cotations nationale et locale des facteurs de risques.

Chaque établissement soumis au CPMM est classé dans une des trois catégories : risque faible, risque moyen ou risque élevé, classement qui conditionne une périodicité obligatoire des CPMM.

Niveau de risque de l'établissement

Périodicité du CPMM

Risque élevé

Tous les ans

Risque moyen

Tous les 2 à 3 ans

Risque faible

Tous les 3 à 5 ans

Une possibilité de modulation du risque d'un établissement est néanmoins ouverte pour une proportion qualifiée de limitée par la DGCCRF.

Compte tenu du volume des contrôles effectués, cette modulation semble pourtant largement utilisée si bien que la grille de fréquence des contrôles mentionnée ci-dessus est moins la norme que l'exception.

Recommandation : respecter les fréquences de contrôle fixées par la DGCCRF.

b) Les enquêtes

Parallèlement au CPMM, la DGCCRF déploie un dispositif d'enquêtes nationales, complétées par une programmation régionale. L'analyse de risque mise en oeuvre dans la programmation de ces enquêtes de la DGCCRF intervient à deux niveaux :

- dans le choix des enquêtes constituant le programme national d'enquêtes (PNE) : le processus d'élaboration du PNE débute par une phase de réflexion sur les enjeux et problématiques à traiter pour l'année N + 1. Cette réflexion s'appuie sur des éléments tels que l'exploitation du baromètre des plaintes, le résultat des enquêtes précédentes, les contacts avec les professionnels et leurs représentants, les perspectives législatives et réglementaires, les nouvelles connaissances scientifiques et en particulier les avis des instances d'évaluation des risques telles que l'Anses ou l'Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA), les travaux des organismes tels que le Conseil national de la consommation (CNC) etc.

Une consultation des partenaires institutionnels (DGDDI, DGAL, CNC,...) sur une première note d'orientation est organisée à ce stade. Elle est décrite comme permettant d'intégrer « le cas échéant » des thématiques jugées importantes à traiter.

- dans les modalités d'organisation de l'enquête , au travers notamment du ciblage : chaque enquête donne lieu à la rédaction d'une fiche de prescription normalisée qui comporte des rubriques documentées sur la motivation de l'enquête, les pratiques présumées à rechercher, l'économie du secteur. Les instructions sont également précises sur le ciblage et le choix des opérateurs à contrôler, le niveau de couverture à atteindre et les modalités méthodologiques de vérification à entreprendre.

S'agissant de la sécurité sanitaire des aliments, les contrôles seraient orientés sur les produits et stades de la chaîne alimentaire à risque , notamment à travers l'exploitation des avis de l'Anses ou de l'EFSA, des enseignements tirés des études de l'alimentation totale (EAT) et des études individuelles des consommations alimentaires (études INCA) , qui permettent de cibler les aliments principaux contributeurs à l'exposition du consommateur à tel ou tel contaminant.

Vos rapporteurs spéciaux prennent acte de la présentation des critères de ses contrôles par la DGCCRF tout en relevant que ceux-ci semblent procéder d'une logique plus prosaïque de gestion d'objectifs quantitatifs déclinés par catégorie d'établissements en fonction des disponibilités des effectifs sur le terrain.

La relative nouveauté des études transversales mentionnées comme structurant l'action de contrôle de la DGCCRF dans le cadre d'une considération primordiale pour les enseignements de l'analyse de risque invite à quelque perplexité, renforcée par le constat que lesdites études ne reçoivent que peu de prolongements pratiques, en termes réglementaires.

Recommandation : mettre réellement en oeuvre les principes de programmation des enquêtes de la DGCCRF fondés sur l'analyse de risques.

2. Un bilan à améliorer

Les taux de couverture des établissements par les contrôles de la DGCCRF sont globalement faibles.

Recommandation : placer à un haut niveau la vigilance de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur les problématiques de sécurité sanitaire des aliments.

Le tableau ci-dessous, où le taux de couverture correspond au rapport entre le nombre d'établissements visités pour chacune des cinq catégories d'établissements identifiés et le nombre des établissements de chaque catégorie, invite à s'interroger sur l'adéquation entre les contrôles et les risques.

Les résultats ci-dessous ont été calculés en fonction des types de contrôles réalisés selon qu'il s'agit de contrôles portant sur l'hygiène des établissements ou des contrôles sur les produits alimentaires.

Taux de couverture des différents établissements (contrôles de la DGCCRF)

(1) Contrôles en matière d'hygiène sur des produits alimentaires

(2) Tout type de contrôles sur des produits alimentaires

(3) Tout type de contrôles sur tout type de produits et services

C'est en matière d'hygiène que le taux de couverture global des établissements de remise directe est le plus élevé (autour de 3 % ).

Ce taux de couverture varie selon le type d'établissements puisqu'il s'échelonne de 0,43 % pour les autres établissements de remise directe à 11,73 % pour les grandes et moyennes surfaces (GMS) et commerces d'alimentation générale. Le contrôle des marchés et de la restauration commerciale (celle-ci regroupant le plus grand nombre d'établissements ; voir infra ) est proche du niveau moyen tandis que les « autres établissements de remise directe » extériorisent un point bas des contrôles.

Les autres contrôles menés dans le domaine alimentaire, qui portent sur les produits, conduisent à élever le taux de couverture global de 1,05 point .

Ce sont les autres établissements de remise directe et les marchés non sédentaires qui voient leur taux de couverture augmenter le plus fortement ; pour la restauration commerciale et les métiers de bouche ces contrôles complémentaires engendrent une moindre augmentation de leur taux de couverture.

Quelques détails ont été transmis à vos rapporteurs spéciaux sur les contrôles exercés dans la restauration commerciale et les GMS.

Taux de couverture des établissements (restauration commerciale et GMS seuls)

* Le chiffre indiqué en italique correspond au pourcentage que représente le type d'établissement dans la catégorie

On rappelle que le nombre des établissements concernés est considérable : plus de 300 000 pour la restauration commerciale et plus de 65 000 pour les GMS.

Les taux de couverture sont très hétérogènes.

Les hypermarchés ressortent comme fortement contrôlés. Un hypermarché sur deux est contrôlé en « hygiène » chaque année.

Le taux de contrôle baisse toutefois à raison de la surface des magasins. Pour les supermarchés, les contrôles d'hygiène concernent une unité sur trois chaque année, ce taux baissant à un contrôle annuel sur dix pour les supérettes si bien que celles-ci sont, au mieux, contrôlées tous les dix ans. Étant donné la faible durabilité de certains de ces commerces, un assez grand nombre d'entre eux échappent dans le cours de leur existence à tout contrôle.

Les taux de couverture estimés des établissements de remise directe, contrôlés dans le domaine de l'hygiène, sont présentés dans le tableau suivant.

Taux de couverture des établissements (en % du nombre des établissements)

DGCCRF

DGAL

1 - Restauration commerciale

3,5

3,6

2 - Remise directe : métiers de bouche

6,5

6,3

3 - GMS et commerces d'alimentation générale

11,7

6,6

4 - Marchés et non sédentaires

3,2

2,0

5 - Autres établissements de remise directe

0,4

0,2

Taux de couverture total

3,0

2,5

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Le rapport de Marion Guillou et Christian Babusiaux avait pu relever que le nombre des contrôles avait suivi une forte baisse.

« Au stade de la remise directe, le nombre d'établissements visités est tombé d'un niveau moyen de 45 000 établissements/an visités dans la période 2004/2008 à 31 588 en 2013....les contrôles dits de première mise sur le marché....sont tombés d'une moyenne de 2 800 établissements visités par an à 1 350.....Sur 5 ans, l'activité de contrôle a diminué de 18,6 % ».

Si les indications fournies à vos rapporteurs spéciaux invitent à relever légèrement les estimations d'activités de contrôle de la direction dans le champ de la sécurité sanitaire des aliments, le constat d'ensemble reste pertinent.

Les suites réservées aux contrôles auraient également connu un certain redressement. Toutefois, les données transmises à vos rapporteurs spéciaux conduisent à formuler certaines réserves d'interprétation sur les concepts qui les ordonnent. Ils revêtent une signification limitée en raison de l'absence d'indications sur les conséquences effectives des avertissements prononcés à l'occasion des contrôles.

Il est curieux que les constats de non-conformité se situent à un niveau où ils apparaissent tout à fait décorrélés des mesures mises en oeuvre.

Une information régulière sur les performances des contrôles de la DGCCRF dans le domaine sanitaire de l'alimentation fournie dans le cadre des performances du programme budgétaire correspondant au financement de la direction permettrait sans doute d'améliorer la transparence et la robustesse des informations transmises aux parlementaires et au public sur ce point.

Bilan 2015 sur des contrôles de sécurité sanitaire des aliments

Nombre d'établissements visités

40 274

Nombre de visites

53 233

Nombre d'actions

137 464

Nombre d'avertissements

20 918

Nombre de constats de non-conformité

101

Nombre d'arrêtés code consommation livre II

222

Nombre d'injonctions code consommation livre II

6 023

Nombre d'injonctions code consommation L. 141-1

180

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Recommandation : améliorer l'information sur le niveau du plan de charge de la DGCCRF dans le domaine de la sécurité sanitaire de l'alimentation et sur les prolongements réservés à ses interventions. Le cas échéant, mettre en oeuvre une politique plus systématique de suites.

Enfin, il convient d'ajouter que les services de contrôle sont confrontés à des évolutions relevant du développement de l'économie numérique qu'ils peinent à suivre.

Ainsi en va-t-il s'agissant de l'essor des formules de restauration entre particuliers favorisé par les utilisations d'internet, qui, apparemment, ne donnent lieu à aucun contrôle de leur part.

Recommandation : combler les trous du contrôle résultant notamment des nouvelles formes de commercialisation des aliments par voie numérique.

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