VI. LE CADRE DES ACTIONS (CONTRÔLES ET RECHERCHE) SANITAIRES DES AUTORITÉS PUBLIQUES PRÉSENTE DES INSUFFISANCES

Le dispositif public 34 ( * ) d'évaluation et de maîtrise de la sécurité sanitaire de l'alimentation repose principalement sur différentes catégories de contrôles et dépend, pour son efficacité, des suites qui leur sont données.

Il mobilise également une série de réseaux devant permettre un recueil d'informations. Une présentation globale de ces réseaux est fournie en annexe.

Dans cette partie, on se concentrera sur le coeur du dispositif à savoir les contrôles sur les produits et sur les établissements .

D'un point de vue juridique, les services d'inspection paraissent disposer des outils nécessaires.

Par exemple, les agents relevant du ministère de l'agriculture chargé des contrôles en matière de sécurité sanitaire des aliments disposent, pour l'exercice de leurs fonctions, à la fois de prérogatives en matière de police judiciaire et de police administrative.

En matière judiciaire, les inspecteurs de la santé publique vétérinaire, les ingénieurs ayant la qualité d'agent du ministère chargé de l'agriculture, les techniciens supérieurs du ministère chargé de l'agriculture, les vétérinaires et préposés sanitaires contractuels de l'État et les agents du ministère chargé de l'agriculture compétents en matière sanitaire ou phytosanitaire figurant sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de l'agriculture peuvent rechercher et constater les infractions aux dispositions législatives et réglementaires, nationales et européennes, pertinentes, sur l'étendue du territoire national s'ils sont affectés à un service à compétence national, et sur l'étendue de leur région d'affectation s'ils sont affectés à un service déconcentré (régional ou départemental) (article L. 205-1 et -2 du code rural et de la pêche maritime - CRPM).

Leurs procès-verbaux font foi jusqu'à preuve contraire, même en matière délictuelle (article L. 205-3 du CRPM).

Ils disposent pour cela des pouvoirs d'enquête prévus aux articles L. 205-4 à -9 du CRPM :

- droit d'accès à tous les lieux professionnels où des animaux ou végétaux destinés à l'alimentation humaine ou animale sont produits détenus, transportés, abattus et où leurs produits sont manipulés, transformés, entreposés, transportés, détruits ou offerts à la vente, les lieux étant également à usage d'habitation bénéficiant d'une protection particulière (règles applicables aux perquisitions en flagrant délit) ;

- droit de relever l'identité des personnes impliquées ;

- droit de se faire communiquer tout document utile, en quelques mains qu'il se trouve, d'en prendre copie ou de le saisir et de réaliser des prélèvements.

Hors le cas où les contraventions constatées sont éligibles à la procédure de l'amende forfaitaire, les poursuites peuvent faire l'objet d'une transaction pénale, sous le contrôle du procureur de la République (article L. 205-10 du CRPM).

Les mêmes agents sont également habilités à mettre en oeuvre les pouvoirs d'enquête prévus au titre I er du livre II du code de la consommation (titre I er du livre V à compter du 1 er juillet 2016), qui offre globalement les mêmes possibilités, avec quelques nuances et des formes procédurales parfois différentes.

En matière administrative, les mêmes agents disposent pour réaliser leurs contrôles de pouvoirs comparables aux pouvoirs d'enquête disponibles en matière judiciaire (article L. 231-2-1 du CRPM pour les animaux et les produits d'origine animale, articles L. 250-5 et -6 du CRPM pour la production primaire végétale).

En outre, les animaux vivants et les viandes qui en sont issues font l'objet, en abattoir, d'un examen systématique sous la responsabilité d'un vétérinaire officiel, afin de garantir qu'ils ne présentent pas de traces de maladies ou autres anomalies les rendant impropre à la consommation. Les viandes ayant passé cette inspection avec succès sont revêtues d'une marque de salubrité (ongulés domestiques) ou d'identification (volailles et lagomorphes) (règlement (CE) n° 854/2004 du 29 avril 2004).

En cas de constatation d'un manquement à la norme applicable, l'autorité administrative dispose de nombreux pouvoirs de police pour faire cesser l'atteinte potentielle à la santé et à la salubrité publique :

- consignation, saisie, retrait, rappel, destruction d'un lot non-conforme (articles L. 231-2-2 et L. 232-1 du CRPM pour les produits d'origine animale, articles L. 234-3 et -4 du CRPM en élevage, article L. 235-1 du CRPM en matière d'alimentation animale d'origine animale, article L. 257-6 du CRPM pour la production primaire végétale) ;

- mise en demeure ou ordre d'exécuter des actions correctives en cas de non-conformité dans les structures ou le fonctionnement d'un établissement (article L. 233-1 du CRPM pour les denrées d'origine animale, article L. 235-2 du CRPM pour l'alimentation animale d'origine animale et L. 257-8 en production végétale) ;

- arrêt d'activité, suspension ou retrait de l'agrément sanitaire d'un établissement (articles L. 233-1 et -2 du CRPM pour les denrées d'origine animale et article L. 235-1 du CRPM pour l'alimentation animale d'origine animale), ou des agréments et certificats en matière de distribution et d'utilisation de produits phytopharmaceutiques (article L. 254-9 du CRPM).

Les contrôles ont des fonctions diversifiées , de détection de risques avérés dans le but d'en éviter la diffusion, en particulier pour protéger les consommateurs, mais aussi de contribution à l'évaluation des risques , à partir de constats sur la prévalence réelle des dangers dans un processus d'adaptation du système de surveillance et de maîtrise de la sécurité sanitaire qui doit être réactif aux informations qu'il engendre.

Source : DGAL ; bilan des plans de surveillance et des plans de contrôles

L'évaluation du système de contrôle revient à apprécier ses performances de ces différents points de vue, qu'on peut finalement résumer sous deux têtes de chapitre : la pertinence du système (c'est-à-dire sa capacité à produire de l'information exhaustive et utile) et sa réactivité (c'est-à-dire sa capacité à utiliser efficacement l'information réunie).

En lien avec la réduction de ses moyens budgétaires, la mise en oeuvre pratique de la politique de sécurité sanitaire des aliments a connu une réduction de son format, évolution de nature à renforcer les interrogations suscitées par la robustesse des actions entreprises.

Dans ce contexte, d'autres problèmes plus qualitatifs doivent être abordés, dont la résolution pourrait contribuer à compenser les effets de la baisse du volume d'activité sur la qualité du système de maîtrise des risques sanitaires de l'alimentation.

A. LES CONTRÔLES MIS EN oeUVRE PAR LA DGAL

La DGAL met en oeuvre deux grands types de contrôles pour assurer la sécurité sanitaire des aliments tout au long de la chaîne alimentaire.

On doit distinguer le contrôle des établissements du contrôle des produits :

- le contrôle des établissements producteurs et le contrôle des établissements distributeurs , vise à s'assurer que leur fonctionnement est conforme à la réglementation (bonnes pratiques d'hygiène, autocontrôle des produits, etc.).

Les contrôles effectués par les services de la DGAL à ce titre conduisent à distinguer plusieurs objets :

• la sécurité sanitaire des aliments d'origine animale, hors production primaire ;

• la production primaire animale ;

• la production primaire végétale.

- le contrôle des produits (français et importés ), via la mise en place de campagnes de prélèvements de denrées, en particulier dans le cadre des plans de surveillance et des plans de contrôles (PS ; PC).

L'exposé quantitatif des contrôles réalisés en 2015 fait apparaître que près de 160 000 inspections ont été réalisées par les services de la DGAL au titre de la sécurité sanitaire des aliments, dont 146 000 avaient été programmées. Les inspections réalisées hors programmation, à la suite par exemple d'une alerte sanitaire, d'une toxi-infection alimentaire collective (TIAC), ou encore dans le cas d'un contrôle effectué notamment à la demande du préfet ou du parquet (programmation locale) représentent un volume de l'ordre de 14 000.

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les données exposées par le ministère illustrent la variabilité des contours possibles utilisables pour rendre compte de de la politique de sécurité sanitaire des aliments.

La nomenclature utilisée différencie, outre la mise en oeuvre des plans de plans de surveillance et de contrôle, les contrôles sur la production primaire (SPA), ceux de sécurité sanitaire des aliments (SSA), qui ne couvrent que les productions animales et ceux portant sur les végétaux (PV).

Dans ce panorama, le poids des plans de surveillance et de contrôle et celui des abattoirs de bovins se détache comme un trait saillant de même que la faiblesse des inspections portant sur les végétaux.

Cette situation structurelle conduit à s'interroger sur la flexibilité d'un système de surveillance qui paraît assujetti à une forme de répétitivité. Celle-ci n'est pas condamnable par principe dans la mesure où des obligations européennes doivent être respectées et où une certaine routine peut être la suite inévitable d'un principe de surveillance au quotidien. Néanmoins, les moyens du contrôle ne sont pas infinis et certains segments de l'offre alimentaire paraissent ne pas bénéficier d'une attention aussi systématique. Dans ces conditions, il peut être recommandé de rechercher les moyens d'une plus grande sélectivité des contrôles.

Recommandation : rechercher des marges d'évolution des contrôles, notamment en recherchant dans le cadre européen les voies d'une optimisation des moyens consacrés aux des plans de surveillance et de contrôle pour permettre une meilleure adéquation avec l'analyse nationale des risques et les priorités nationales qu'elle doit pouvoir, à bon droit, intégrer, mais aussi par le développement de voies innovantes de contrôle prenant en compte les engagements et les données relatives aux établissements.

Avant que de préciser certains éléments sur les contrôles les plus fournis en moyens, il convient de mentionner que s'agissant du stade de la production primaire, le taux de réalisation des contrôles dans les domaines dits de « compétences rares », que sont l'alimentation animale (SPA1), la pharmacie vétérinaire (SPA2) ou l'élimination et la valorisation des déchets et sous-produits animaux (SPA7), fait apparaître une réalisation de la programmation de seulement 75 % alors même que le niveau des contrôles programmés apparaît a priori assez faible.

Ce résultat est expliqué par le ministère par « la raréfaction de ces compétences techniques spécifiques, aujourd'hui souvent mutualisées ».

Recommandation : mettre à niveau les moyens d'exercer les « compétences rares » du système de maîtrise des risques sanitaires.

1. Les plans de surveillance et les plans de contrôle...

Ces deux types d'action se différencient par leurs objectifs et leurs méthodes, et, de ce fait, par leur contribution à l'analyse et à la gestion des risques.

- Les plans de surveillance (PS) sont théoriquement non ciblés . Ils visent à détecter la prévalence d'un danger sanitaire et à apprécier d'éventuels risques d'exposition des populations à ces dangers. L'échantillonnage des prélèvements doit être à la fois représentatif et aléatoire afin d'éliminer tout biais de sélection ;

- À l'inverse, les plans de contrôle (PC) sont ciblés . Il s'agit de contrôler la persistance de risques identifiés dans le cadre d'actions de contrôle qui peuvent revêtir deux formes : celles de contrôles orientés sur des produits ou animaux présentant un risque particulier de non-conformité ou de contrôles renforcés lorsque le soupçon de non-conformité est particulièrement étayé sur des observations résultant de contrôles antérieurs.

Selon la DGAL, l'ensemble des PS et PC répond à plusieurs objectifs, qu'il convient d'avoir présents à l'esprit pour évaluer l'efficacité des actions de contrôle :

- « le suivi des niveaux de contamination dans les productions nationales et importées et l'identification de tendances voire d'émergences , grâce à la reconduite annuelle ou pluriannuelle de certains plans ;

- la vérification de la qualité sanitaire des denrées produites et mises sur le marché, qu'elles soient d'origine nationale ou importées, pour les contaminants bénéficiant de seuils maximaux réglementaires ;

- le maintien d'une pression de contrôle chez les opérateurs , en augmentant la présence des services de contrôle sur le terrain ;

- la vérification des bonnes pratiques agricoles (respect des temps d'attentes et des autorisations de mise sur le marché) et détection de pratiques frauduleuses (utilisation de substances interdites telles que les promoteurs de croissance ou de pesticides interdits), concernant l'utilisation des intrants, tels que les médicaments vétérinaires et les produits phytosanitaires ;

- la valorisation des productions agricoles et agro-alimentaires nationales auprès des partenaires commerciaux, en fournissant la preuve du haut niveau de qualité sanitaire des produits, gage de l'efficacité du dispositif général de sécurité sanitaire mis en place en France ;

- enfin le maintien d'un réseau de laboratoires compétents et fonctionnels, indispensable en cas de crise ».

La diversité des objectifs mentionnés traduit le visage au moins double de ces actions de contrôle qui visent à réunir des informations permettant de suivre le risque sanitaire (perspective d'analyse de risque) en même temps qu'il s'agit de conduire des actions correctrices (perspective de gestion opérationnelle des risques) lorsqu'une non-conformité est détectée.

La liste des plans programmés en 2015 donne une première indication des différents dangers pris en compte par ces dispositifs.

Liste des plans programmes en 2015

Surveillance de la contamination chimique et physique de la production primaire et des denrées animales

Plans de contrôle des résidus chimiques (promoteurs de croissance, substances interdites, médicaments vétérinaires, pesticides, PCB, dioxines, ETM) dans les animaux de boucherie, volailles, lapins, gibiers, poissons d'élevage, lait, oeufs, miel ;

Plan de surveillance de la contamination des denrées animales issues d'animaux terrestres par certains retardateurs de flamme bromés (RFB) ;

Plan de surveillance des pesticides dans le beurre (plan coordonné européen) ;

Plan de surveillance de la contamination des denrées alimentaires animales par les radionucléides ;

Plan expérimental sur la contamination au Bisphénol A des denrées alimentaires d'origine animale non conditionnées en conserve.

Surveillance de la contamination biologique de la production primaire et des denrées animales

Plan de surveillance de la contamination des coquillages par les phycotoxines au stade de la distribution ;

Plan de surveillance de la contamination des produits de la pêche par l'histamine au stade de la distribution ;

Plan de surveillance de la contamination des huîtres creuses par Escherichia coli et Norovirus au stade de la distribution ;

Plan de surveillance de la contamination des viandes hachées de boeuf réfrigérées par Escherichia coli productrices de shigatoxines (STEC) au stade de la distribution ;

Plan de surveillance de la contamination des viandes fraîches de porc par Salmonella spp . au stade de la distribution.

Surveillance des aliments pour animaux

Plan de surveillance des substances ou des produits indésirables dans les matières premières et les aliments composés destinés à l'alimentation animale.

Surveillance de la production primaire végétale

Plan de contrôle des résidus de produits phytopharmaceutiques dans les productions primaires végétales ;

Plan de surveillance de la mise sur le marché et de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans le domaine des productions végétales.

Surveillance des produits importés en postes frontaliers

Plan de surveillance de la mise sur le marché et de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans le domaine des productions végétales ;

Plan de surveillance de la contamination des aliments pour animaux d'origine non animale présentés en point d'entrée désigné.

Surveillance de l'antibiorésistance

Plan de surveillance de la résistance aux antibiotiques de certaines bactéries sentinelles et zoonotiques chez les bovins et porcins ;

Plan de surveillance de la contamination des carcasses de porc d'engraissement et des carcasses de bovin de moins d'un an par Salmonella spp. au stade de l'abattoir et de la résistance aux antibiotiques des souches isolées ;

Plan de surveillance de la contamination des viandes fraîches de boeuf par Escherichia coli productrices de ß-lactamases à spectre étendu, de ß-lactamases AmpC ou de carbapénémases ;

Plan de surveillance de la contamination des viandes fraîches de porc par Escherichia coli productrices de Plan de surveillance de la contamination des viandes fraîches de porc par Escherichia coli productrices de ß-lactamases à spectre étendu, de ß-lactamases AmpC ou de carbapénémases.

Source : DGAL. Surveillance sanitaire des denrées animales et végétales en France : bilan 2015

Au total, vingt-neuf plans ont été programmés se répartissant à peu près pour moitié entre plans de contrôle et plans de surveillance. Les indicateurs de suivi opérationnel des plans mettent l'accent sur les prélèvements opérés.

Ces données permettent de dégager plusieurs tendances qui posent problème au regard d'impératifs d'équilibre.

2. ... présentent une série d'insuffisances...
a) Les taux de réalisation demeurent perfectibles

Les taux de réalisation des plans, dont la signification mérite quelques nuances (voir infra ) ressortent comme globalement satisfaisants, tout en réservant des marges de progression.

Ils restent en-deçà des objectifs fixés qui, eux-mêmes, ont connu une nette réduction ces dernières années.

Taux de réalisation des plans de surveillance et de contrôle

Intitulé du plan

Taux de
réalisation
(%)

Résidus chimiques dans les animaux de boucherie

97,6%

Résidus chimiques dans les volailles

99,4%

Résidus chimiques dans les lapins

97,4%

Résidus chimiques dans le gibier

95,7%

Résidus chimiques dans le lait

97,5%

Résidus chimiques dans les oeufs

89,7%

Résidus chimiques dans les poissons d'élevage
(aquaculture)

87,6%

Résidus chimiques dans le miel

98,5%

Aliments pour animaux

95,8%

Histamine dans les produits de la pêche

99,0%

Phycotoxines dans les coquillages

97,9%

Escherichia coli dans les huitres creuses

99,7%

Polluants organiques persistants dans les produits
de la pêche à la distribution

95,9%

Éléments traces métalliques dans les produits de
la pêche à la distribution

98,1%

Escherichia coli STEC dans les viandes hachées de boeuf

96,4%

Salmonella spp dans les viandes fraîches de porc

97,7%

Résidus de produits phytopharmaceutiques dans
les productions primaires végétales (1)

91,1%

Résidus de produits phytopharmaceutiques dans
les productions primaires végétales (2)

90,5%

Produits d'origine animale présentés en poste
d'inspection frontalier

99,1%

Aliments pour animaux d'origine non animale, présentés en point d'entrée désigné

98,6%

(1) plan de contrôle

(2) plan de surveillance

Certaines recherches, en particulier, celles liées au végétal manquent manifestement de vigueur.

Recommandation : accroître le taux de réalisation des plans de surveillance et de contrôle programmés.

b) Une série de déséquilibres
(1) Des priorités contestables

La priorité est accordée à la recherche de contaminants dépendant de l'action (volontaire ou involontaire) des exploitants. Le groupe des médicaments vétérinaires, des situations d'antibiorésistance et des substances interdites concentre plus de 75 % des prélèvements sur les produits nationaux. Comparativement, les contaminants tenant à l'état des milieux ressortent comme peu recherchés . Les pesticides, qui sont pourtant une préoccupation montante, occupent une place encore mineure dans ce type de surveillance (5,2 % des prélèvements au total).

Les prélèvements sur les animaux l'emportent de façon écrasante. Selon les données de bilan, seuls 2,3 % des prélèvements effectués concernent sans ambiguïtés les végétaux à travers la recherche de produits phytopharmaceutiques.

La prégnance des productions animales dans les contrôles d'établissement, conformes aux responsabilités particulières de la DGAL, renforce ce constat d'un déséquilibre dans les priorités de surveillance.

Source : DGAL. Surveillance sanitaire des denrées animales et végétales en France : bilan 2015

Les contrôles sont majoritairement effectués au stade de la production primaire.

Stade de la chaîne alimentaire

Nombre de prélèvements

% / total des prélèvements

Production primaire

45 371

78,5 %

Transformation

8 135

13,5 %

Distribution

4 831

8,0 %

Près de 80 % des prélèvements sont effectués à ce stade.

Encore faut-il observer que les prélèvements recensés au titre des unités de transformation dans lesquelles les contrôles ont été abandonnés en 2015 ne recouvrent que la recherche des phénomènes d'antibiorésistance.

Ceux-ci apparaissent recherchés prioritairement à ce stade puisque selon les données publiées près de 90 % des prélèvements opérés dans cette perspective le sont dans les unités de transformation.

La répartition des contrôles entre les filières fait apparaître une nette hiérarchie.

Les prélèvements portent pour près de 42 % sur les bovins, les porcins suivant avec 22,7 % des prélèvements, soit, pour les deux catégories, 64,7 % des prélèvements.

Les autres filières font l'objet d'une surveillance nettement moins active, la relativement faible attention portée à la production primaire végétale se confirmant tandis que des produits fortement consommés comme les oeufs ou le lait ressortent comme peu surveillés.

Enfin, l'absence de plans de contrôle significatifs sur la faune sauvage représente un point mort du système auquel il faut remédier compte tenu de la vectorisation d'un certain nombre de dangers sanitaires que ces animaux représentent.

Observation : les plans de surveillance et de contrôle, présentés comme des outils majeurs de la maîtrise des risques sanitaires, suivent une structuration marquée par des déséquilibres.

(2) La programmation des plans n'épouse que de façon assez lointaine les profils de consommation...

Même si la structure de la consommation n'est pas la seule variable à prendre en considération dans la structuration des contrôles, ceux-ci, appréciés par filière apparaissent en discordance très nette avec les habitudes alimentaires des français.

En s'en tenant à la consommation de viandes, la consommation est désormais dominée par la viande de porc (32,8 % du total) et les volailles (26,3 %) qui totalisaient 59,1 % de la consommation en 2014 pour 36,2 % des prélèvements effectués dans le cadre des plans de contrôle et de surveillance.

(3) ...et les non conformités

Il existe théoriquement une interaction entre l'analyse de risques et les contrôles sanitaires , ceux-ci devant idéalement reposer sur celle-là tout en y contribuant.

Or, le profil des plans de contrôle et de surveillance n'épouse celui des non conformités tel qu'il ressort des résultats des contrôles que d'assez loin, alors même que, pour le contrôle des établissements, leur programmation intègre pleinement un objectif de suite des non conformités (voir ci-dessous).

c) Des interrogations à surmonter

La programmation des plans de surveillance et de contrôle est prise entre deux logiques, que la contrainte de moyens qui conduit à les rationner peuvent rendre contradictoires.

La première est de cibler les contrôles sur les situations jugées les plus à risques, la seconde est de permettre à ces outils de fonder une analyse des risques pertinente, tout en saisissant aléatoirement des situations non satisfaisantes.

Les contrôles ciblés, réalisés dans le cadre des plans de contrôle, ont, bien entendu, leur raison d'être, qu'ils répondent à des constatations suggérant l'existence de situations ponctuelles justifiant une surveillance particulière ou qu'il s'agisse de tenir compte d'enjeux liés aux activités visées.

Néanmoins, il est important de préserver une forme de « gratuité » des contrôles, ce que les plans de surveillance sont censés apporter, pour disposer d'une vision d'ensemble de la situation sanitaire des produits alimentaires et pouvoir échapper aux biais de sélection que pourrait comporter un système de contrôle ne reposant que sur l'analyse de risques passés toujours susceptible d'inclure, au demeurant, des choix subjectifs.

Le rapport de Marion Guillou et de Christian Babusiaux, déjà mentionné, avait pu considérer que le nombre des prélèvements effectués dans le cadre des plans de surveillance était trop faible pour qu'on puisse considérer que les risques sanitaires étaient couverts de façon réellement aléatoire, condition pour que les contrôles réalisés soient dotés de la robustesse indispensable à un système de maîtrise des risques satisfaisant.

La diminution des volumes de contrôle et l'état réel des échantillons sur lesquels ils portent conduisent à renforcer le poids de ces appréciations. Il est, en effet, particulièrement important de respecter la significativité statistique et opérationnelle des opérations de surveillance pour disposer d'une vue fiable de la situation sanitaire.

Vos rapporteurs spéciaux, sensibles à ces constats, sont conduits à souhaiter que la significativité des échantillons dont dépend étroitement l'édifice de la maîtrise des risques sanitaires fasse l'objet d'une estimation.

À défaut, et l'efficacité pratique des contrôles et la robustesse de l'analyse des risques conduite à partir de ces outils ressortiraient sérieusement affectées.

Observation : le rôle majeur joué par l'analyse de risques dans la détermination de la politique sanitaire des aliments peut être affecté par le défaut de représentativité des données sur lesquelles elle repose dans un contexte où, en plus de certains biais de sélection, l'ampleur des observations paraît parfois insuffisante.

Recommandation : auditer la robustesse et la significativité des échantillons prélevés dans le cadre de la mise en oeuvre des plans de surveillance et de contrôle au regard des critères d'une analyse de risques fiable et en tirer toutes les conséquences sur la programmation des contrôles.

Le rapport avait, en outre, pu s'inquiéter que les contrôles réalisés dans le cadre des plans de surveillance et de contrôle puissent généralement souffrir d'une surdétermination par les contraintes de la réglementation européenne et ne laissent qu'une trop faible place à l'analyse de risques reposant sur des considérations plus nationales.

De fait, nombre des actions réalisées dans ce cadre résultent de prescriptions européennes, qui préemptent les moyens disponibles, contrainte que la réduction des moyens budgétaires accordés à la DGAL (dont la compatibilité avec les exigences européennes devrait être mieux assurée) vient resserrer.

Ils estimaient que la reconduction de ces actions, année après année, ne se justifiait pas nécessairement, qu'il faudrait prévoir des réorientations plus fréquentes pour tenir compte mieux qu'aujourd'hui de la réalité concrète des risques et d'un objectif de couverture plus systématique des situations sanitaires.

Cette recommandation mérite considération dans le cadre d'une analyse historique des résultats des contrôles et moyennant une sollicitation de l'expertise européenne sur la contribution que l'Union européenne pourrait apporter en matière d'analyse de risques.

Recommandation : rechercher des marges d'évolution des contrôles en recherchant dans le cadre européen les voies d'une optimisation des moyens consacrés aux des plans de surveillance et de contrôle pour permettre une meilleure adéquation avec l'analyse nationale des risques et les priorités nationales qu'elle doit pouvoir, à bon droit, intégrer.

3. Le contrôle des établissements, une forte réduction, des taux de couverture en baisse n'assurant pas une fréquence suffisante des contrôles

Le nombre d'établissements enregistrés dans la base SIGAL de la DGAL et dans la base SORA de la DGCCRF est considérable (environ 530 000 au titre des établissements de vente directe et 22 400 établissements agréés).

Les contrôles sur les établissements ont suivi une tendance fortement baissière ces dernières années alors même que les taux de couverture assurés par les services étaient déjà faibles.

Évolution du nombre d'inspections effectuées par la DGAL hors inspections documentaires

2011

2012

2013

Établissements de transformation (abattoirs, laiteries, etc.) et d'entreposage

26 590

25 946

25 459

Restauration collective

23 636

23 243

19 117

Restauration commerciale

16 800

16 122

15 101

Commerces

15 484

14 679

12 586

TOTAL

82 510

79 990

72 263

Source : DGAL

Dans l'insertion consacrée aux contrôles réalisés par la DGAL dans le champ de la sécurité sanitaire des aliments, la Cour des comptes avait souligné la tendance à la réduction du nombre des interventions correspondant au contrôle des établissements.

Elle avait relevé que le nombre de contrôles des établissements (agréés ou non), avait diminué de 17 % entre 2009 et 2012 tandis que, parmi les établissements agréés, 7 % n'avaient pas fait l'objet d'un contrôle entre 2009 et 2012.

Elle avait également relevé que, si le taux de contrôle était important dans les abattoirs (situation ne lien avec les obligations européennes de permanence du contrôle en abattoir dont la mise en oeuvre demeure perfectible), il était en revanche nettement plus faible pour les établissements de remise directe pour lesquels il ne dépasserait pas 7 %.

En complément, la Cour des comptes avait jugé que la fréquence minimale d'inspection définie au niveau national, qui ne couvre que certains établissements jugés plus risqués, n'était pas toujours respectée 35 ( * ) :

« ...laissée à l'appréciation des directions départementales (DDPP ou DDCSPP) pour les autres établissements,...elle est alors fixée en fonction des effectifs d'inspecteurs disponibles et des orientations données par le préfet de département. Enfin, en raison de contraintes d'effectifs, la direction générale de l'alimentation (DGAL) demande aux services de réaliser un nombre d'inspections parfois très inférieur au chiffre « théorique » d'inspection tel qu'il résulterait de l'application stricte de la méthode pourtant définie par la DGAL, y compris pour les établissements les plus à risque ».

Les données relatives à la fréquence effective des contrôles se sont encore détériorées depuis, en particulier pour la restauration collective et les commerces 36 ( * ) , de sorte que les objectifs, parfois fixés en ce domaine, ne sont pas atteints. Le tableau ci-dessus indique une réduction du nombre des inspections de l'ordre de 10 000 entre 2011 et 2013.

Par ailleurs, les contraintes sur les moyens semblent conduire à des choix de priorité qui aboutissent à des situations de non-contrôle.

On a évoqué les déficits relevés sur ce point s'agissant des abattoirs de volailles.

Dans ces conditions, certains établissements ne sont contrôlés que de loin en loin, voire ne sont jamais contrôlés.

Certains pays, la Suisse par exemple, fixent une fréquence minimale aux contrôles exercés sur les établissements.

Recommandation : fixer une fréquence plancher aux contrôles, tout en la raccourcissant pour les établissements présentant des risques plus élevés.

Par ailleurs, les conditions de sélection des établissements contrôlés invitent à quelques interrogations.

Les établissements font l'objet d'une cotation censée orienter les contrôles.

La qualité des données sur la base desquelles cette cotation est mise en oeuvre est un point crucial. Du fait des fréquences de recueil desdites données, il n'est pas certain que leur robustesse soit telle que la cotation soit toujours adéquate. Cette difficulté avait fait l'objet d'une recommandation formulée dans le rapport de Marion Guillou et Christian Babusiaux consistant à mieux intégrer l'étude de prototypage de l'Anses réalisée en 2013.

En outre, même si les prolongements donnés aux contrôles sont encore insatisfaisants, force est de relever que les contrôles se trouvent pris dans une forme d'inertie du fait de leur préemption par l'objectif d'assurer des contrôles de vérification dans les établissements ayant fait l'objet d'une mesure administrative lors d'un précédent contrôle, objectif qu'il faut encourager mais qui n'en exerce pas moins par une forme de rigidification des contrôles, les mêmes établissements polarisant davantage les forces déployées en ce sens.

4. Des suites encore insuffisantes

Les prolongements réservés aux contrôles sont évidemment un élément important de l'efficacité du dispositif.

Différents dans leur nature, ils semblent devoir être améliorées pour assurer un meilleur suivi des non-conformités et des sanctions plus rigoureuses et plus justes.

On n'envisage ici que les suites, plus ou moins coercitives, réservées aux contrôles ponctuels. Elles n'épuisent pas le sujet des prolongements que devrait comprendre la politique de sécurité sanitaire des aliments afin d'assurer, au-delà de ses interventions « événementielles », les conditions plus structurelles d'une infrastructure de production, de transformation et de distribution présentant, dans toutes ses composantes, les propriétés d'une qualité sanitaire « zéro défaut ». Tout en étant évoquée dans le présent rapport, cette dimension de la préoccupation sanitaire, qui n'est pas complètement absente de l'action publique mise en oeuvre, et représente certainement pour les agriculteurs une ambition et un défi de tous les jours, devrait être davantage structurée, autour de mesures et d'orientations publiques facilitantes. La complexité des problématiques à envisager interdit de faire davantage que les évoquer à partir de quelques thématiques abordées plus loin dans le présent rapport (voir, en particulier, les développements sur le plan Ecophyto et sur l'enrichissement de la politique de sécurité sanitaire en recherche scientifique, agronomique et logistique).

En dehors, des opérations de suivi des non conformités, qui supposant la réitération des contrôles, forment l'essentiel des indications fournies à l'autorité budgétaire pour apprécier les performances des services, les suites réservées aux contrôles sont de deux types : une notation exprimant l'évaluation globale portée sur l'établissement et des suites qui peuvent être soit administratives (du rappel de la réglementation au retrait d'agrément), soit judiciaires (en cas d'infractions).

Source : DGAL ; instruction technique sur les suites des contrôles

Aperçu sur les suites prévues par le code rural et de la pêche maritime

Les suites administratives

L'avertissemen t

L'avertissement constitue une mise en garde à but pédagogique. Il ne fait pas grief et ne fixe aucun délai. Il n'implique aucune obligation de procéder à une nouvelle inspection de l'établissement considéré.

Il s'agit d'un courrier d'information, qui doit se limiter à la description des constats effectués et au rappel de la réglementation applicable. Si rien ne fait obstacle à ce que le courrier précise les modalités à mettre en oeuvre pour se mettre en conformité, il ne doit donner aucune directive à l'inspecté.

Les décisions administratives

Les décisions administratives tendent à faire cesser une situation et permettent de veiller à leur mise en oeuvre.

Qu'il s'agisse de mettre en demeure de se mettre en conformité ou d'ordonner des mesures correctives, ces décisions administratives modifient la situation administrative de l'administré (elles « font grief »), et doivent de ce fait être motivées et précédées d'une procédure contradictoire, sauf en cas d'urgence.

Il en va de même des décisions prises dans les cas où les mesures prescrites n'ont pas été mises en oeuvre.

Dans le code rural et de la pêche maritime, ces dispositions sont formalisées, selon les cas, sous la forme d'une mise en demeure de se mettre en conformité, d'une injonction de procéder à des mesures correctives, ou, si ces mesures ne sont pas mises en oeuvre, d'une suspension ou retrait d'agrément ou d'autorisation.

Les suites judiciaires

Une action de police judiciaire est une action accomplie en vue de rassembler les preuves de la commission d'une infraction, d'en rechercher les auteurs et de les présenter à l'autorité judiciaire. Elle démarre donc quand un agent chargé de missions de police judiciaire recherche une infraction ou la constate fortuitement, et s'achève, pour ce qui concerne cet agent, par la transmission du procès-verbal et des pièces attenantes, saisies à cet effet, au procureur de la République. La procédure judiciaire se déroule sous l'autorité du procureur de la République.

Les relations avec les parquets, c'est-à-dire le procureur chargé des questions vétérinaires et phytosanitaires, territorialement compétents sont essentielles. Elles permettent notamment de participer à l'élaboration de la politique pénale concernant les infractions en matière sanitaire animale, végétale et alimentaire.

En préambule, il convient de souhaiter que l'information sur les mesures de gestion consécutives à la mise en oeuvre des plans de surveillance et de contrôle puisse être développée dans la mesure où, en dehors des situations de crises aigües, elle demeure confidentielle.

Recommandation : développer l'information sur les mesures de gestion mises en oeuvre dans le prolongement des plans de surveillance et de contrôle. Confier un audit sur ce point au CGAAER.

a) Améliorer le suivi des établissements non conformes

Quant aux contrôles des établissements, on a mentionné que, dans le cadre du programme 206, les objectifs de performance du programme suivent un indicateur de re-contrôle pour ceux ayant fait l'objet d'une mise en demeure.

Suivi des non-conformités constatées hors des inspections

(en %)

2014
Réalisation

2015
Réalisation

2016
Prévision PAP 2016

2016
Prévision actualisée

2017
Prévision

2017
Cible

Taux de re-contrôle suite à mise en demeure

80

85

90

90

95

95

Taux de suivi renforcé des établissements agréés ayant fait l'objet d'une inspection défavorable

88

89

95

95

95

100

Source : rapport annuel de performances 2015

Le taux de re-contrôle à la suite d'une mise en demeure suit une progression régulière (de 52 % en 2012 à 85 % en 2015).

Ce résultat, plutôt favorable, doit être encouragé.

Cependant, il faut veiller à ce que sa significativité soit pleinement robuste, la DGAL mentionnant que les difficultés informatiques rencontrées ainsi que les retards pris dans le cadre de la refonte du système d'information de l'alimentation (programme RESYTAL) pourraient affecter la qualité des saisies par les inspecteurs et les résultats affichés par l'indicateur.

Par ailleurs, il ne faudrait pas que l'objectif de redressement de cet indicateur exerce des effets pervers sur la programmation et la réalisation des contrôles. Il a été indiqué plus haut qu'il pouvait exercer un effet d'éviction en polarisant les contrôles sur des établissements déjà inspectés au détriment de l'exhaustivité des contrôles.

Ce dernier critère est d'ailleurs un préalable à la portée de l'indicateur. Il ne fait l'objet d'aucune mention au titre des performances du programme, ce qu'il faut regretter.

Recommandation : compléter les indicateurs de performance du programme 206 par l'élaboration d'un indice fin d'exhaustivité des contrôles.

En outre, le risque d'une gestion des mises en demeure aux fins d'une amélioration des performances ne peut être écarté en l'état des informations publiées dans les documents budgétaires. Celles-ci devraient a minima comporter une indication sur l'évolution des différentes suites données aux contrôles.

Quant au taux de suivi renforcé des établissements agréés ayant fait l'objet d'une inspection défavorable, il connaît également une amélioration. Il faut s'en réjouir tout en formulant les mêmes réserves.

Les informations transmises sur le suivi des contrôles devraient être mises à niveau. Vos rapporteurs spéciaux relèvent que la DGAL indique avoir introduit en 2016 deux indicateurs supplémentaires, étudiés en dialogue de gestion avec les services déconcentrés. Ceux-ci portent sur le taux de suites adaptées données aux inspections non conformes, d'une part, dans les établissements agréés, et, d'autre part, dans les établissements d'abattage.

Recommandation : publier des indicateurs robustes sur les suites pratiques des contrôles.

b) Pour des prolongements plus rigoureux des suites

La réitération des contrôles n'épuise évidemment pas le champ des suites réservées aux constats de défaut de conformité aux règles de sécurité sanitaire des aliments.

Les suites administratives ou pénales sont perfectibles.

(1) Globalement des indicateurs peu satisfaisants

Vos rapporteurs spéciaux relèvent que les taux de suite peuvent varier selon les points de vigilance des inspections et présenter des valeurs étonnamment faibles.

Ainsi, le « profil France » de 2015, de suivi des recommandations de l'OAV européen, mentionne un très faible niveau des suites consécutives à des inspections révélant des non conformités dans les établissements d'abattage, la cible de 100 % devant être mise en regard d'une réalisation limitée à 26 % des cas.

Le rapport de la Cour des comptes, cité par le rapport de Marion Guillou et Christian Babusiaux, mentionnait encore le bas niveau des suites administratives et pénales réservées aux constats de non-conformité :

« ... pour les végétaux, s'agissant des contrôles réalisés dans les exploitations agricoles en 2011, seuls 1,2 % ont donné lieu à un procès-verbal, 5,5 % à une mise en demeure et 11 % à d'autres suites (destructions, suspension d'agrément, etc.). S'agissant des contrôles réalisés chez les distributeurs de produits phytosanitaires, seuls 2,3 % ont donné lieu à un procès-verbal, 20,6 % à une mise en demeure et 18,3 % à d'autres suites. S'agissant des contrôles réalisés en 2012 dans les établissements de production/transformation de denrées d'origine animale, seules 41 % des inspections constatant une non-conformité moyenne ou majeure ont donné lieu à une suite, quelle qu'elle soit (y compris un avertissement) ».

Présentation résumée des indications sur les suites réservées aux contrôles de la DGAL

Le rapport de la Cour des comptes fournit quelques indications sur les suites réservées aux contrôles de la DGAL.

Pour les végétaux 1,2 % des contrôles ont donné lieu à procès-verbaux (PV) en 2011, 5,5 % à mise en demeure et 11 % à d'autres suites (destructions, suspension d'agréments...).

Pour les contrôles chez les distributeurs de produits phytosanitaires , 2,3 % de PV, 20,6 % de mise en demeure et 18,3 % d'autres suites.

Pour les établissements de production/transformation de denrées d'origine animale, seuls 41 % des contrôles ayant constaté une non-conformité moyenne ou majeure ont donné lieu à une suite (53 % pour les établissements de remise directe ; 27 % dans les abattoirs ; 30 % pour les autres établissements agréés). Seuls 16 % des non-conformités moyennes ou majeures ont donné lieu à une suite plus contraignante qu'un avertissement.

Source : Cour des comptes

La DGAL a pu indiquer à ce propos, s'agissant de la situation particulière des abattoirs, que « les différents audits réalisés en abattoir par l'Unité d'audit sanitaire (UAS), l'Office alimentaire et vétérinaire (OAV) et les référents nationaux abattoirs (RNA), ainsi que les retours d'expérience des échanges de pratique et les questions formulées lors des formations, ont permis de mettre en évidence, de façon récurrente, la persistance de difficultés importantes des services à apporter des suites systématiques et proportionnées aux non conformités constatées lors des inspections en abattoir » 37 ( * ) .

(2) Des évaluations des établissements suffisamment rigoureuses ?

Les établissements sont classés en quatre catégories de risque, le niveau de la classe de risque déterminant la fréquence d'inspection.

Lorsque les inspections dans les établissements donnent lieu à un rapport d'inspection validé, une note est attribuée à l'établissement (A = conforme, B = non-conformité mineure, C = non-conformité moyenne, D = non-conformité majeure).

Le niveau sanitaire des abattoirs est apprécié 38 ( * ) par une note allant de I à IV, la note I correspondant aux abattoirs respectant l'ensemble des dispositions réglementaires et la note IV aux abattoirs qui présentent de graves non-conformités « qui pourraient justifier la suspension de [leur] agrément ».

En 2012, 38 % des inspections validées ont donné lieu à une note C et 7 % à une note D. Le pourcentage de C atteint 28 % dans les abattoirs et les ateliers de découpe, les autres établissements agréés, les cuisines agréées. Il est de 38 % dans les autres établissements de restauration collective et atteint 46 % pour la remise directe.

Le pourcentage de D atteint 4 % dans les abattoirs et les ateliers de découpe. Le nombre d'abattoirs non conformes au regard des normes européennes a nettement diminué depuis 2007, même s'il reste encore 16 abattoirs d'ongulés domestiques non conformes (catégorie III) sur 270 et 31 abattoirs de volailles et lapins non conformes (catégorie III) sur 699. Le pourcentage d'établissements classés D atteint 5 % dans les autres établissements agréés (hors cuisines centrales), 2 % dans les cuisines centrales agréées, 5 % dans les autres établissements de restauration collective et 11 % dans la remise directe.

La Cour des comptes s'inquiétait d'une détermination des seuils de notation correspondant moins à la situation de risque présentée par les différents établissements qu'à des gestions opportunistes de la contrainte d'effectifs subie dans les différentes circonscriptions administratives.

En ce sens, elle avait relevé que « les seuils des classes de risque I et II (les moins risquées) sont fixés au niveau de chaque DD(CS)PP en fonction des effectifs disponibles ».

Dans ces conditions, la significativité des données réunies pouvait être mise en doute d'autant que des constats portant sur l'hétérogénéité des pratiques de notation faisaient valoir que les grilles d'analyse remises aux inspecteurs pouvaient n'être que partiellement renseignées, sans indication des motifs d'incomplétude des inspections. Des différences de notation peu compréhensibles étaient signalées par la Cour des comptes ainsi que des défaillances majeures.

Pour les premières, le rapport mentionnait une analyse réalisée dans les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) et Languedoc-Roussillon en 2012. Elle avait montré que, d'un département à l'autre, la proportion d'inspections ayant conduit à relever des non-conformités variait considérablement, la proportion d'inspections ayant constaté des non-conformités majeures, étant en moyenne de 12 % dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, avait atteint 33 % dans les Alpes-Maritimes contre seulement 3 % dans le Vaucluse. La proportion d'inspections ayant constaté des non-conformités moyennes ou majeures, qui avait atteint 53 % pour cette région, s'élevait à près de 80 % dans les Alpes-Maritimes et seulement 30 % dans les Bouches-du-Rhône.

Illustrant ces constats par l'exemple de l'établissement Spanghero, la Cour des comptes indiquait que le rapport d'inspection de septembre 2008, qui portait sur l'entrepôt frigorifique, qui avait fait état de non-conformités mineures des locaux, du matériel, du fonctionnement mais aussi de non-conformités majeures (absence de date limite de consommation de certains produits congelés par l'atelier et sur les listings de récapitulatifs de certains produits transformés par l'établissement) n'avait été suivi que d'un simple avertissement, l'entrepôt frigorifique n'ayant fait l'objet d'aucune nouvelle inspection au cours de la période étudiée.

De la même manière, vos rapporteurs spéciaux observent que les services d'inspection ont attribué un classement sanitaire de niveau II, de 2011 à 2015, aux abattoirs suivants Abattoir municipal d'Alès (Alès, Gard) et Abattoir intercommunal du pays viganais (Le Vigan, Gard).

La DGAL a fait amende honorable sur ce point en reconnaissant que « l'évaluation des établissements est ... inéquitable et non représentative de leur niveau de maîtrise. De plus, les suites données aux inspections ne sont pas encore assez fréquentes, peu contraignantes et décorrélées de cette évaluation, et le suivi des suites n'est pas systématique » .

(3) La nécessité d'actions correctrices, reconnue par la DGAL, doit connaître des prolongements effectifs

Un plan d'action sur les suites a été arrêté par la DGAL.

Une instruction technique du 21 juillet 2015 décrit le nouveau dispositif. Elle rappelle que l'évaluation globale vise à statuer sur le niveau de maîtrise sanitaire de l'établissement inspecté, basé sur l'occurrence et la gravité du risque qu'il présente compte tenu des non conformités constatées d'une part, et sur la confiance de l'inspecteur dans l'aptitude de l'opérateur à maintenir ou à améliorer ce niveau de maîtrise sanitaire d'autre part. La signification des quatre niveaux d'évaluation globale A, B, C et D a été clarifiée en ce sens.

Par ailleurs, une seconde instruction technique est consacrée aux suites judiciaires et administratives dans le secteur SSA. Elle énonce les lignes directrices concernant le lien entre l'évaluation globale et requiert qu'à chaque niveau de maîtrise des risques corresponde une suite administrative.

Ainsi, s'agissant des suites administratives, la cotation suivante devrait être appliquée.

Source : DGAL

Quant aux suites pénales , une doctrine d'emploi des différentes procédures est formulée, qui encadre les transactions pénales et rappelle les cas d'engagement des procédures auprès du Parquet.

Vos rapporteurs spéciaux relèvent que ces orientations poursuivent un objectif particulièrement souhaitable d'harmonisation des suites.

Recommandation : réunir les conditions d'une harmonisation des suites coercitives données aux contrôles.

Pour autant, ils observent qu'une certaine latitude est laissée aux services territoriaux pour prendre en compte « des situations locales particulières », réserve certes prudente, mais dont la portée ne doit pas dénaturer l'objectif d'harmonisation affichée, nécessaire au respect de l'égalité devant la loi et à la confiance des acteurs.

Par ailleurs, certaines interrogations sur la politique répressive doivent être formulées .

Sur le plan judicaire les agents du ministère disposent d'une gamme de possibilités incluant la transmission au Procureur de la république, la transaction pénale (avec l'accord du Procureur) ou le prononcé d'amende.

L'échelle des sanctions mériterait une analyse fine sur deux points au moins.

En premier lieu, la composante contraventionnelle semble pouvoir être développée afin de faciliter l'expression de la fonction de contrôle, qui peut être dissuadée par d'éventuels manques de proportionnalité entre les infractions commises et des procédures impliquant une certaine lourdeur, de la peine notamment.

En second lieu, le classement des infractions entre celles qui relèvent de la procédure de transaction et celles qui en sont exclues réserve quelques motifs d'étonnement.

Il est par exemple curieux que les deux infractions suivantes soient passibles de transactions : transport de denrées animales ou d'origine animale dans un véhicule mal aménagé ou entretenu pouvant constituer un risque de contamination, d'altération ou de souillure ; production, transformation, distribution de denrées animales ou d'origine animale dans des conditions créant un risque d'insalubrité.

Enfin, il faut, bien entendu, tenir compte de l'exercice par les Parquets de leur pouvoir d'appréciation sur l'opportunité des poursuites , dont seule une évaluation globale pourrait révéler le sens concret.

À cet égard, une préoccupation d'harmonisation de la politique pénale doit être mieux prise en compte.

Recommandation : veiller à l'application de l'instruction technique du directeur général de l'alimentation destinée à garantir l'application systématique de suites dans le cadre des contrôles mettant en évidence des non conformités.

Recommandation : définir une politique pénale harmonisée dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments.


* 34 Il faut également compter avec les autocontrôles des entreprises.

* 35 Depuis 2011, la politique de contrôle dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments est basée sur une analyse du risque et organisée autour de 3 axes d'action : « Axe de prévention », « Axe d'amélioration » et « Axe de répression ». Au sein de chaque axe, les actions (ou sous-axes) sont déclinées selon les activités des opérateurs dans le domaine considéré. Pour l'axe de prévention, les fréquences d'inspection sont fixées au niveau national en fonction de critères liés à la nature de l'activité, à la classe de risque, et/ou à l'évaluation de l'atelier, ainsi qu'aux obligations réglementaires. Pour les axes d'amélioration et de répression, le volume d'inspection à réaliser est fixé localement en fonction des demandes des autres parties prenantes (préfets, procureurs) et de l'analyse de risque locale.

* 36 Établissements pour lesquels la DGAL estime pourtant que les effectifs de contrôle restent trop élevés comparativement aux abattoirs.

* 37 Source : Instruction technique du 27 janvier 2016.

* 38 Des modifications récentes sont intervenues dans les modalités de notation des abattoirs, la dernière catégorie, IV, étant appelée à disparaître.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page