B. LE RÔLE PRÉPONDÉRANT DES PESTICIDES ET DES AGENTS PATHOGÈNES DANS LE DÉCLIN DES ABEILLES

Comme l'a souligné Luc Belzunces, deux causes prépondérantes semblent expliquer le phénomène de surmortalité des abeilles parmi cette multitude de facteurs : l'usage de pesticides et les agents pathogènes.

Dans son rapport de 2015 précité, l'Anses note également que « la présence de nombreux agents infectieux [...] au sein des colonies, souvent asymptomatiques au départ, et leur exposition aux pesticides de diverses origines et mécanismes d'action (insecticides, fongicides et acaricides en particulier) entraînent selon toute vraisemblance le passage d'un état de santé normal à l'expression de pathologies conduisant à l'effondrement de la colonie ».

En ce qui concerne les causes biologiques, 29 agents pathogènes de l'abeille potentiellement cause de mortalité ont été recensés , les principaux responsables de l'affaiblissement et de l'effondrement des colonies étant le varroa, la nosémose et la maladie de la paralysie chronique.

Le programme EPILOBEE a permis de mesurer le rôle des différentes pathologies et maladies parasitaires dans l'état de santé des abeilles en Europe. Il a mis en avant l'importance de la varroase (parasite varroa destructor ), observée dans la quasi-totalité des États membres, avec des taux de prévalence parfois importants, et de la nosémose, présente dans plus de la moitié des pays observés - le taux de colonies touchées par la nosémose dépassant 10 % dans trois États membres.

En revanche, cette étude a montré que la loque américaine et la loque européenne, deux maladies dues à des bactéries, avaient eu peu d'impact sur la mortalité des abeilles. Par ailleurs, seuls quelques cas cliniques de paralysie due au virus des paralysies chronique ont été observés.

S'agissant des produits phytopharmaceutiques, les abeilles sont exposées à une grande diversité de substances chimiques à l'extérieur et à l'intérieur des colonies. Ces substances peuvent avoir des effets toxiques létaux, c'est-à-dire conduire au décès des abeilles en cas d'exposition directe, ou sublétaux et induire des dysfonctionnements conduisant au dépérissement des colonies.

Plusieurs études scientifiques ont montré que ces substances sont, à des doses sublétales, impliquées dans certains troubles des abeilles, en ayant des effets délétères neuronaux, comportementaux, physiologiques, etc. À titre d'exemple, des chercheurs de l'Inra ont montré que l'exposition des mâles d'abeille à l'insecticide fipronil affectait leur fertilité et donc la reproduction des colonies 6 ( * ) .

Parmi ces produits, un type de pesticides a particulièrement focalisé l'attention ces dernières années : les substances néonicotinoïdes , classe d'insecticide qui agit en perturbant le système nerveux central des insectes. Une étude de l'Inra de 2012 7 ( * ) a notamment mis en évidence le rôle du thiaméthoxame dans le déclin des abeilles, non pas par toxicité directe mais en perturbant leur orientation et leur capacité à retrouver la ruche. Les travaux ont montré qu'une exposition à une dose sublétale à cette molécule entraînait une disparition des abeilles deux à trois fois supérieure à la normale.

En 2013, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a réalisé une évaluation des risques de trois pesticides néonicotinoïdes ( clothianidine, imidaclopride, thiaméthoxame ) pour les abeilles et a conclu que ces substances, utilisées en traitement des semences ou en granules, constituaient un risque pour les abeilles en provoquant notamment des effets nocifs sur les larves et le comportement des abeilles.

Saisie le 24 juin 2015 par le Gouvernement, l'Anses a rendu en janvier 2016 un avis sur les risques que présentent les néonicotinoïdes pour les abeilles et les autres pollinisateurs 8 ( * ) . L'Agence indique : « en l'absence de mesures de gestion adaptées, l'utilisation des néonicotinoïdes entraîne de sévères effets négatifs sur les espèces non-cibles qui fournissent des services écosystémiques incluant la pollinisation et la lutte intégrée. Ils entraînent notamment des effets sublétaux lorsque les espèces non-cibles sont exposées à des doses d'exposition faibles pendant de longues périodes ».

Cependant, l'Anses souligne que, malgré les efforts de recherche menés, « il existe toujours un manque de connaissances concernant l'impact des néonicotinoïdes sur les abeilles ». Il paraît donc essentiel de poursuivre les recherches sur la toxicité des pesticides pour les pollinisateurs et leurs interactions possibles.


* 6 Kairo Get et al., « Drone exposure to the systemic insecticide Fipronil indirectly impairs queen reproductive potential », 2016.

* 7 Michaël Henry et al., « A common pesticide decreases foraging success and survival in honey bees », Science Vol. 336, avril 2012.

* 8 Anses, Avis relatif « aux risques que présentent les insecticides à base de substances de la famille des néonicotinoïdes pour les abeilles et les autres pollinisateurs dans le cadre des usages autorisés de produits phytopharmaceutiques », janvier 2016.

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