B. LES INCIDENCES DE LA DETTE PUBLIQUE SUR LA CROISSANCE

Le fait que l'accroissement de la dette publique ne trouve pas son origine dans des dépenses contribuant à renforcer le potentiel économique de notre pays est d'autant plus problématique qu' un niveau d'endettement important est susceptible d'avoir des incidences négatives sur l'activité .

En premier lieu, une dette publique élevée prive les pouvoirs publics des marges de manoeuvre budgétaires nécessaires à la stabilisation, le cas échéant, de l'activité économique en cas de dégradation de la conjoncture ou encore le financement des investissements nécessaires au maintien voire à l'accroissement du potentiel de croissance.

En second lieu, un fort endettement public est susceptible de peser sur la croissance économique . Tout d'abord, celui-ci peut induire une diminution de la consommation des ménages, dans la mesure où ces derniers sont incités à épargner davantage dans la perspective des hausses d'impôts

futures, résultant de la nécessité d'assumer la charge de la dette 179 ( * ) . Ensuite, il serait à l'origine d'un effet d'éviction de l'investissement privé dans la mesure où une partie de l'épargne privée serait absorbée par l'acquisition de titres de dette publique - un tel effet peut également passer par l'exercice d'une pression à la hausse sur les taux d'intérêt induite, le cas échéant, par une perte de confiance des investisseurs dans les titres souverains, généralement considérée comme des actifs de référence. En outre, il peut être considéré qu'une dette publique élevée, surtout lorsqu'elle ne trouve pas son origine dans des dépenses « utiles » d'un point de vue économique, évince des ressources privées qui auraient pu être consacrées à la consommation et à l'investissement.

Est-ce à dire qu'il existerait un niveau au-delà duquel la dette publique produirait des effets significatifs sur l'activité économique ? Des travaux réalisés par les économistes américains Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, ayant eu une résonnance particulièrement importante, avaient laissé entendre que lorsque la part de la dette publique d'un pays excédait 90 % du PIB, ses performances économiques s'en trouvaient affectées 180 ( * ) . Pour autant, cette conclusion avait été contestée 181 ( * ) et une étude ultérieure réalisée par des économistes du Fonds monétaire international (FMI) 182 ( * ) a proposé des résultats notablement différents. Ainsi, cette dernière montre que l'existence d'effets de la dette publique sur la croissance économique au-delà d'un certain seuil n'est pas établie . Elle indique, néanmoins, que la trajectoire de la dette importe autant que son niveau : les pays présentant un niveau d'endettement élevé mais dont la dette est en diminution afficheraient des performances économiques similaires à ceux dont le niveau d'endettement est faible.

Par suite, les incidences du niveau d'endettement sur la croissance semblent être ambiguës - même si, chacune à leur manière, les deux études précitées font apparaître qu'une maîtrise de la dette publique est plus favorable à l'activité économique.

Quoi qu'il en soit, un niveau élevé de dette publique expose à un accroissement rapide de la charge de la dette en cas de remontée des taux d'intérêt - dont il est proposé de quantifier les effets potentiels.


* 179 Il s'agit de l'« équivalence ricardienne », aussi appelée « effet Ricardo-Barro ». Dans un article de 1974, l'économiste américain Robert Barro estimait que toute augmentation de l'endettement public conduit les agents à épargner, et donc à consommer moins, afin de léguer à leurs héritiers un montant leur permettant de financer des augmentations d'impôts futurs. Par conséquent, toute dépense publique, à supposer même qu'elles doivent être remboursées dans le long terme, entraînerait une épargne équivalente des agents économiques, ce qui aboutirait à une réduction de la croissance économique. Sans pourtant que l'article de Robert Barro ne cite jamais l'économiste britannique David Ricardo, il est apparu qu'une analyse proche avait été formulée par ce dernier dès 1820, tendant à montrer qu'une augmentation des dépenses publiques du fait du déclenchement d'une guerre conduisait les agents économiques à anticiper une hausse à venir des impôts qui épargnaient à en conséquence (v. Robert Barro, « Are Government Bonds Net Wealth ? », Journal of Political Economy , vol. 82, n° 6, 1974, p. 1095-1117).

* 180 V. C. Reinhart et K. Rogoff, « Growth in a Time of Debt », NBER Working Paper 15639 , 2010.

* 181 V. par exemple, Y. S. Nersisyan et L. R. Wray, « Un excès de dette publique handicape-t-il réellement la croissance », Revue de l'OFCE , n° 116, 2011, p. 173-190.

* 182 A. Pescatori, D. Sandri et John Simon, « Debt and Growth: Is There a Magic Threshold? », IMF Working Paper WP/14/34 , 2014.

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