N° 604

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juillet 2017

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le programme des interventions territoriales de l' État ( PITE ) et l' exemple du Marais Poitevin ,

Par M. Bernard DELCROS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Claude Nougein, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Mes principales observations

Observations concernant le PITE dans son ensemble :

1. Créé par la loi de finances pour 2006, le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) répond à une demande des préfets de disposer d'une enveloppe de crédits fongibles pour gérer les politiques locales interministérielles. Composé d'actions territorialisées répondant à des enjeux divers et abondé par des contributions issues de différents ministères , le PITE s'écarte significativement des règles fixées par la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

2. Les demandes de financement au titre du PITE, adressées par les préfets, doivent répondre à plusieurs critères : avoir une forte dominante interministérielle , présenter un enjeu particulier, voire exceptionnel , comporter une dimension interrégionale , nécessiter une gouvernance adaptée et une certaine réactivité ou encore être lisiblement jalonnées dans le temps .

3. Après une phase expérimentale entre 2006 et 2008, au cours de laquelle le programme a financé huit actions, le PITE compte depuis 2009 quatre actions identiques , à savoir le plan exceptionnel d'investissements (PEI) en faveur de la Corse , qui mobilise plus de la moitié des crédits, une action relative à l'eau et à l'agriculture en Bretagne contribuant au financement du plan de lutte contre les algues vertes, le plan chlordécone dans les Antilles et, enfin, le plan gouvernemental pour le Marais poitevin .

4. Dans l'ensemble, les crédits dévolus au PITE tendent à diminuer , pour s'établir à environ 30 millions d'euros en 2017, hors fonds de concours au PEI en Corse. Toutes actions confondues, les autorisations d'engagement (AE) consommées sont passées de 72 à 39 millions d'euros entre 2009 et 2016 , et les crédits de paiement (CP) de 104 à 36 millions d'euros, soit une baisse de 46 % en AE et 65 % en CP .

5. Grâce à la fongibilité de ses crédits et au caractère territorialisé de ses actions, le PITE présente des avantages notables pour les gestionnaires , en leur offrant une plus grande souplesse et simplicité de gestion leur permettant, ainsi, d'être plus réactifs. Pour les acteurs locaux, le PITE garantit une plus grande lisibilité du soutien de l'État et une meilleure visibilité de son engagement sur un territoire, pour une période donnée.

Observations concernant le Marais poitevin :

1. Deuxième zone humide de France avec environ 100 000 hectares, partagés entre deux régions et trois départements, le Marais poitevin se caractérise par son patrimoine naturel d'exception aménagé par l'homme depuis plusieurs siècles mais aussi par sa gouvernance fragmentée et complexe . Un grand nombre d'acteurs publics et privés interviennent ainsi dans la gestion du marais, parmi lesquels 41 syndicats de marais et leurs fédérations, le parc naturel régional, les syndicats mixtes hydrauliques, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, la Ligue de protection des oiseaux, l'Établissement public du Marais poitevin créé en 2011 et les services déconcentrés de l'État et, enfin, les collectivités territoriales.

2. La condamnation de la France par la Cour de justice des Communautés européennes en 1999 pour manquement à la directive « Oiseaux » a justifié la mise en place d'un plan d'action gouvernemental pour le Marais poitevin, qui a mobilisé entre 2003 et 2013 environ 260 millions d'euros provenant de l'État, des collectivités territoriales, de l'Union européenne et de l'agence de l'eau Loire Bretagne.

3. Le PITE a contribué à hauteur d'environ 38 millions d'euros à la mise en oeuvre du plan gouvernemental , soit 14 %, portant ainsi la contribution financière totale de l'État à un quart du plan. Il a permis de financer un complément aux mesures agro-environnementales, des dispositifs spécifiques comme les prairies communales et les contrats de « maintien de l'eau dans les parties basses des prairies » ainsi que la restauration et l'entretien d'ouvrages hydrauliques. Grâce à ces mesures, la surface des prairies naturelles dans le Marais poitevin s'est stabilisée et le parc naturel régional a retrouvé son label en 2014.

4. Le PITE est un levier financier qui conforte le rôle de « médiateur » de l'État et de coordonnateur des actions à l'échelle de l'ensemble du marais, assumé par le préfet de région Nouvelle-Aquitaine et, au niveau local, par l'Établissement public pour le Marais poitevin.

5. Depuis la fin du plan gouvernemental en 2013, les crédits du PITE consacrés au Marais poitevin ont sensiblement diminué : de 4,5 millions d'euros par an en moyenne pendant la durée du plan, ils s'élèvent à 1,2 million d'euros en autorisations d'engagement et 1,6 million d'euros en crédits de paiement en 2017 . Cette baisse des crédits ne résulte pas d'une évaluation des besoins sur le terrain et n'a pas pu être convenablement anticipée.

Mes huit propositions

Propositions concernant le PITE dans son ensemble :

Proposition n° 1 : adapter le PITE en le réservant exclusivement à des actions qui répondent, à un moment donné, à des enjeux territoriaux particuliers nécessitant l'intervention de l'État, comme par exemple en cas de risque de contentieux européen, de menace pour la santé ou d'opération visant à réduire la fracture territoriale.

Proposition n° 2 : appliquer réellement le principe de limitation dans le temps des actions du PITE afin de faciliter l'inscription de nouvelles opérations au sein du programme.

Proposition n° 3 : réaliser systématiquement des évaluations, tous les trois à quatre ans, de la mise en oeuvre de chaque plan d'action financé par le PITE.

Proposition n° 4 : faire figurer dans les documents budgétaires (projet et rapport annuel de performances) les ministères et programmes contributeurs au PITE et les montants attribués par ces derniers à chaque action.

Propositions concernant le Marais poitevin :

Proposition n° 1 : maintenir l'action « Marais poitevin » du PITE pendant une durée de trois ans, en la dotant d'un montant moyen de 2,5 à 3 millions d'euros par an afin de donner de la visibilité aux acteurs locaux et de conserver un seuil critique d'intervention.

Proposition n° 2 : concentrer les crédits du PITE :

- sur les projets de remise à niveau des ouvrages hydrauliques et de retenues de substitution, sur la base d'une feuille de route listant les opérations prioritaires ;

- et sur les mesures agro-environnementales en faveur du maintien des prairies naturelles et de leur extension.

Proposition n° 3 : mettre à l'étude une réforme tendant à simplifier la gouvernance du Marais poitevin afin de rechercher une gestion plus lisible et plus efficiente des moyens financiers disponibles.

Proposition n° 4 : prévoir une clause de réexamen de l'action « Marais poitevin » du PITE d'ici la fin de l'année 2020 afin d'évaluer s'il convient de maintenir cette action ou de transférer ces crédits vers les programmes budgétaires d'origine et, éventuellement, de permettre le fléchage des actions du PITE vers d'autres territoires.

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