PREMIÈRE PARTIE - DES PROGRÈS DANS L'APPLICATION DU DROIT EUROPÉEN DE L'ENVIRONNEMENT À CONSOLIDER

I. UNE MEILLEURE MAÎTRISE DES RISQUES EN AMONT QUI N'EMPÊCHE PAS LES CONTENTIEUX

Le rapport de Fabienne Keller, en 2011, relevait une amélioration de notre situation en termes de procédures précontentieuses et contentieuses 3 ( * ) . Si ce constat peut être renouvelé, dès lors que le nombre de précontentieux tant sur le fondement de l'article 258 que 260 du TFUE 4 ( * ) s'est réduit et que les arrêts en manquement sont mieux exécutés, certains contentieux appellent toutefois une vigilance particulière.

A. UNE AMÉLIORATION DE LA SITUATION FRANÇAISE EN MATIÈRE DE CONTENTIEUX ENVIRONNEMENTAUX EUROPÉENS

1. L'environnement reste la principale source de litiges européens, tant au niveau européen qu'au niveau national

Dans son rapport annuel sur le contrôle de l'application du droit de l'Union européenne 5 ( * ) , la Commission européenne brosse un état des lieux du respect de la législation européenne, décliné par politique et par État membre. L'analyse statistique des annexes au rapport place l'environnement au premier rang des domaines d'infraction au droit européen , tant au niveau européen, qu'au niveau national.

a) L'environnement représente une part importante des contentieux européens

L'environnement constitue l'un des domaines d'action les plus porteurs de procédures d'infraction. Pour autant, la Commission européenne relève une amélioration de la mise en oeuvre de la législation européenne par les États membres en la matière : 10,5 % des plaintes reçues par la Commission européenne en 2015 concernent le secteur environnemental, contre 15 % en 2013 6 ( * ) .

En outre, 60 % des plaintes reçues par la Commission européenne dans le secteur environnemental en 2015 concernent trois domaines (cf. graphique infra ) .

Répartition par domaine des plaintes reçues par la Commission Européenne
dans le secteur environnemental en 2015

(en %)

Source : commission des finances, d'après les données du SGAE

Toutefois, l'environnement représente toujours une part importante des précontentieux européens : il s'agit du troisième secteur en termes de lettres de mise en demeure envoyées (17 % des lettres envoyées, derrière les services financiers avec 18 % et la mobilité et les transports, 20 %) et du deuxième secteur en termes d'avis motivés (16 % des avis motivés, derrière la mobilité et les transports, 20 %, et ex aequo avec les services financiers).

Surtout, à la fin de l'année 2015, sur les 1 368 procédures d'infraction toujours ouvertes, 276 concernaient le secteur environnemental, soit 20 % des infractions ouvertes - contre 26 % en 2013 . Si la part des contentieux environnementaux dans l'ensemble des procédures en cours a diminué, l'environnement se place toutefois au premier rang des domaines d'infraction . Viennent ensuite les cas liés à la mobilité et aux transports (18 %), aux services financiers (13 %), et au marché intérieur, à l'industrie, à l'entreprenariat et aux PME (9 %).

b) À l'instar de la tendance constatée au niveau européen, l'environnement constitue la principale source de contentieux européens en France

L'environnement constitue également la principale source de contentieux européens au niveau national : 18 % des nouvelles plaintes enregistrées par la Commission européenne contre la France relèvent du secteur environnemental. Cependant, la part importante de plaintes concernant le secteur environnemental contre la France ne se traduit pas par davantage de procédures précontentieuses, contrairement à ce qui est constaté au niveau européen : ainsi, 15 % des nouvelles procédures d'infraction ouvertes en 2015 contre la France concernent ce secteur.

Part des plaintes, mises en demeure et avis motivés concernant le secteur environnemental, aux niveaux européen et national en 2015

(en %)

Source : commission des finances, d'après les données du SGAE

Répartition par domaine des nouvelles procédures d'infraction ouvertes par la Commission européenne en 2016 contre la France
dans le secteur environnemental

(en %)

Source : commission des finances, d'après les données du SGAE

2. Une amélioration des performances françaises en termes de contentieux environnementaux européens
a) La France ne fait actuellement plus l'objet de procédure de « manquement sur manquement »

La procédure de recours en manquement prévue par l'article 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE)

Aux termes de l'article 258 du TFUE, « si la Commission estime qu'un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations ».

La première étape de cette phase précontentieuse prend la forme d'une lettre de mise en demeure , envoyée par la Commission européenne, et invitant l'État membre à présenter ses observations. Si la réponse ne parvient pas dans le délai, généralement fixé à deux mois, ou si la Commission européenne la juge insuffisante, elle émet un avis motivé contre l'État membre, par lequel elle expose les manquements et les actions correctrices à apporter - également dans un délai fixé en général à deux mois.

À l'issue de cette phase précontentieuse, si l'État membre ne s'est pas mis en conformité avec le droit européen, la Commission européenne peut saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE), qui rend un arrêt auquel les parties doivent se conformer. Le premier paragraphe de l'article 260 du TFUE dispose ainsi que « si la Cour de justice de l'Union européenne reconnaît qu'un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités, cet État est tenu de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour ».

La procédure de « manquement sur manquement » prévue par l'article 260 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE)

Le deuxième paragraphe de l'article 260 du TFUE complète cette procédure, en prévoyant le cas des États qui ne se conforment pas à un premier arrêt de la CJUE. En effet, en cas de condamnation en manquement, l'État concerné doit présenter les mesures permettant de se mettre en conformité avec le droit de l'Union européenne.

Ainsi, « si la Commission estime que l'État membre concerné n'a pas pris les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour, elle peut saisir la Cour, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations. Elle indique le montant de la somme forfaitaire ou de l'astreinte à payer par l'État membre concerné qu'elle estime adapté aux circonstances ». La phase précontentieuse est ainsi réduite par rapport à celle précédemment mentionnée au seul envoi d'une lettre de mise en demeure par la Commission, invitant l'État membre à présenter ses observations.

Enfin, « si la Cour reconnaît que l'État membre concerné ne s'est pas conformé à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte ». Cette phase contentieuse diffère donc de la première, dans la mesure où le traité prévoit la possibilité de sanctions financières à l'encontre des États membres qui ne se sont pas conformés à un précédent arrêt de la Cour.

Source : commission des finances

En 2011, onze procédures ouvertes sur le fondement de l'article 258 du TFUE était recensées, à des stades différents, en matière environnementale, dont trois étaient pendantes devant la CJUE.

À la date du 1 er mai 2017 , on dénombre huit procédures ouvertes à ce titre. On observe plus particulièrement (cf. infra ), outre l'absence de procédure pendante devant la CJUE, une stabilité du nombre de mises en demeure envoyées à la France en matière environnementale combinée à une augmentation de la part des avis motivés au sein des procédures ouvertes contre la France au titre de l'article 258 du TFUE dans le secteur environnemental.

Évolution du nombre de procédures ouvertes au titre de l'article 258 du TFUE entre 2011 et 2017 dans le domaine de l'environnement

Source : commission des finances, d'après les données transmises par le SGAE

Par ailleurs, en 2011, quatre procédures étaient ouvertes sur le fondement de l'article 260 du TFUE.

À la date du 1 er mai 2017 , si l'exécution de trois arrêts en manquement est en cours (cf. infra ) , aucune procédure n'est pendante devant la CJUE au titre de l'article 260 du TFUE . Au surplus, aucune de ces affaires n'a donné lieu à l'émission d'une mise en demeure au vu des progrès et des échanges réguliers et continus entretenus avec la Commission européenne.

b) Depuis 2012, plusieurs dossiers ont été classés

Si l'appréciation générale des performances françaises en termes de classement de contentieux environnementaux européens doit être tempérée par la diversité des domaines concernés et des stades de la procédure, il convient toutefois de souligner les progrès réalisés : non seulement la France ne fait actuellement plus l'objet d'aucune procédure dite de « manquement sur manquement », mais plusieurs dossiers ont pris fin depuis 2012 , à des stades différents de procédure.

Après une condamnation en manquement au titre de l'article 258 du TFUE, deux dossiers ont été classés depuis 2012 :

- le contentieux sur les eaux résiduaires urbaines . La CJUE a jugé, par une condamnation en manquement prononcée à l'encontre de la France le 7 novembre 2013 (affaire C-23/13), que la France avait manqué aux obligations lui incombant, en application de la directive 91/271/CEE relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, s'agissant de la collecte et/ou du traitement, à compter de l'échéance du 31 décembre 2000, des eaux urbaines résiduaires urbaines de cinq agglomérations 7 ( * ) dont l'équivalent habitant (EH) est supérieur à 15 000. Celles-ci ont progressivement été dotées d'équipements dont le fonctionnement conforme a été attesté par la production des données de surveillance demandées par la Commission européenne, qui a classé l'affaire le 22 juillet 2016 8 ( * ) ;

- le contentieux relatif à la protection des eaux contre la pollution aux nitrates à partir de sources agricoles et aux programmes d'actions nitrates : par un arrêt du 4 septembre 2014, la CJUE a jugé que la France avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 5 de la directive 91/676/CEE concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, relatif aux programmes d'actions à mettre en oeuvre dans les zones préalablement désignées comme vulnérables (affaire C-193/12). Les mesures d'exécution réglementaires (dont le plan d'actions national complété par des plans d'actions régionaux), portant sur les périodes d'épandage, les capacités et modalités de stockage des effluents d'élevage entre les épandages, les procédés de fertilisation équilibrée et les valeurs limites en fonction des animaux, ont permis le classement de ce dossier le 8 décembre 2016.

Au stade d'un avis motivé sur le fondement de l'article 258 du TFUE, le contentieux relatif à la transposition de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement a été classé par la Commission européenne le 15 février 2017. Celle-ci reprochait à la France, dans un avis motivé de mars 2015, une transposition incomplète de la directive. Les griefs portaient d'une part sur la complétude de la liste des plans devant être soumis à une telle évaluation et d'autre part, sur l'organisation de la fonction d'autorité nationale compétente en matière d'environnement, chargée de donner un avis sur l'évaluation conduite par le maitre d'ouvrage, au regard du critère d'autonomie fonctionnelle dégagé par la CJUE 9 ( * ) . La refonte des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes a permis de répondre aux observations de la Commission européenne 10 ( * ) .

Au stade de la mise en demeure sur le fondement de l'article 258 du TFUE, la Commission européenne a classé en avril 2017 le contentieux relatif au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Une lettre de mise en demeure avait été envoyée le 16 avril 2014 aux autorités nationales, leur reprochant de n'avoir pas respecté la réglementation européenne portant sur les évaluations environnementales au titre de la directive 2001/42/CE, en n'ayant pas évalué, lors de la procédure d'autorisation du projet, les impacts cumulés des futures infrastructures sur l'environnement. L'envoi, au début du mois de février 2017, d'un document de synthèse présentant l'évaluation environnementale globale du projet, réalisée lors de la révision du schéma de cohérence territoriale (SCoT) du pôle métropolitain de Nantes-Saint-Nazaire, a permis le classement du dossier.

Ces exemples démontrent qu' un dossier peut être classé à tout moment de la procédure, lorsque la Commission européenne estime qu'il est mis fin à l'infraction. Mais dans la mesure où elle peut décider de rouvrir un dossier, il importe de poursuivre les efforts engagés, afin de ne pas voir ressurgir des dossiers classés.

L'ensemble de ces éléments traduit une amélioration sur le front des procédures contentieuses affectant la France, découlant pour partie d'une stratégie de traitement à la source des précontentieux efficace.


* 3 « L'application du droit communautaire de l'environnement : de la prise de conscience à la mobilisation des acteurs », rapport d'information n° 20 (2011-2012) de Mme Fabienne Keller, fait au nom de la commission des finances.

* 4 Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne.

* 5 Rapport annuel de contrôle de l'application du droit de l'Union Européenne, 2015, COM (2016) 463 final du 15 juillet 2016.

* 6 Le secteur de l'environnement est le cinquième en termes de nombre de plaintes reçues en 2015, quand en 2013, il figurait en deuxième place.

* 7 Bastia-Nord, Ajaccio-Sanguinaires, Cayenne-Leblond, Basse-Terre en Guadeloupe et Saint-Denis de la Réunion.

* 8 Il reste cependant une dernière procédure en application de la directive sur les eaux résiduaires urbaines.

* 9 CJUE, Department of the Environment for Northern Ireland contre Seaport (NI) Ltd et autres, 20 octobre 2011 (C-474/10).

* 10 Il s'agit du décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 portant réforme de l'autorité, de l'ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016 et du décret d'application n° 2016-1110 du 11 août 2016 modifiant les des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes.

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